En 2018, on estimait à 7 500 milliards d’USD la valeur d’un sous-ensemble constitué de services écosystémiques forestiers, mais la richesse forestière par personne a diminué dans les pays à revenu faible ou intermédiaire
On estime que la valeur que représentent certains services écosystémiques forestiers, hors bois et carbone (à savoir les loisirs et la chasse, l’habitat, les produits forestiers autres que le bois d’œuvre et les services liés à l’eau), est passée de 5 000 milliards d’USD en 1995 à 7 500 milliards d’USD en 2018. Ce montant correspond à 21 pour cent de la valeur totale des actifs fonciers (terres cultivées, pâturages, bois d’œuvre forestier, services écosystémiques forestiers et aires protégées)47.
La richesse par personne en bois d’œuvre forestier a diminué entre 1995 et 2005 (voir la figure 4) dans toutes les régions, à l’exception de l’Amérique latine et des Caraïbes et de l’Asie du Sud (voir la figure 5); cet indicateur a toutefois augmenté entre 2005 et 2018. La richesse par habitant en services écosystémiques forestiers a crû d’environ 15 pour cent entre 1995 et 2018. Les hausses ont concerné toutes les régions, sauf l’Afrique subsaharienne48.
Figure 4Richesse en services écosystémiques forestiers, par habitant, 1995-2018
Figure 5Variation en pourcentage de la richesse en services écosystémiques forestiers et en bois d’œuvre, par habitant, par région, 1995-2018
Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, la richesse forestière par habitant (c’est-à-dire le bois d’œuvre plus les trois services écosystémiques forestiers indiqués, par habitant) a baissé de 8 pour cent entre 1995 et 2018 sous l’effet conjugué de la croissance démographique et de la diminution de la superficie forestière. Par ailleurs, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, la richesse par habitant en terres cultivées et en pâturages s’est accrue de 9 pour cent entre 1995 et 2018, ce qui s’explique par l’expansion des superficies et la hausse de la valeur par unité de surface. De nombreux pays à faible revenu, en particulier en Afrique subsaharienne, ont vu leur richesse en actifs fonciers par habitant diminuer de 1995 à 201849.
On estime que plus de la moitié du produit intérieur brut (PIB) mondial, qui s’élevait à 84 400 milliards d’USD en 2020, dépend à un degré modéré (pour 31 000 milliards d’USD par an) ou élevé (pour 13 000 milliards d’USD par an) des services écosystémiques, dont les services fournis par les forêts50. En outre, certains secteurs importants, tourisme et voyages, immobilier, et commerce de détail, dépendent dans une certaine mesure, sans que ce soit apparent, des services écosystémiques du fait de leurs chaînes d’approvisionnement51.
On s’efforce actuellement de produire des estimations plus fiables et plus comparables de la valeur économique de la nature
Le bois d’œuvre, le bois de chauffage et divers produits forestiers (résines, fruits, autres produits non ligneux) représentent des marchés d’importance locale, nationale ou internationale. Ils créent des revenus et des emplois et ont une valeur de production qui apparaissent dans les registres et dans les systèmes de comptabilité nationaux. Cependant, malgré les efforts faits récemment pour élargir la classification internationale des produits forestiers de manière à englober les produits non ligneux52, il demeure impossible de quantifier avec fiabilité la production forestière car les rapports sur les produits non ligneux sont insuffisants. Il est encore plus difficile de chiffrer les avantages que la société tire des services écosystémiques forestiers, étant donné l’absence générale de marchés pour ces services (et les marchés existants, comme ceux de l’eau et du carbone, n’en sont qu’à leurs prémices).
Le fait que les stocks d’actifs naturels, comme les forêts, n’apparaissent pas dans la comptabilité nationale des actifs/richesses peut causer de graves erreurs de prises de décisions de la part des pouvoirs publics; un recul des actifs naturels risque de nuire à d’autres actifs à plus long terme. Aucune économie nationale ne pourra vraisemblablement maintenir les niveaux actuels de richesse et de bien-être si le changement climatique et la destruction des actifs naturels se poursuivent au rythme actuel. Il est essentiel de mesurer l’ampleur et l’importance des actifs naturels pour pouvoir concevoir des politiques et des instruments visant à assurer un développement durable, et pour mettre en lumière les possibilités et les risques en matière d’investissement et de production de revenus.
Le Cadre de comptabilité écosystémique du Système de comptabilité économique et environnementale (SCEE-CE) offre un moyen de mieux suivre la valeur nationale de la nature et de produire des estimations plus fiables et qui permettent de faire des comparaisons. Le SCEE-CE est un complément nécessaire au Système de comptabilité nationale (voir la figure 6): ce dernier fait la synthèse des transactions économiques nationales et constate la relation entre les principaux agrégats macroéconomiques nationaux. Il permet ainsi de calculer le PIB, qui est la mesure économique nationale la plus connue, mais il est limité à la comptabilisation des produits et services associés à des transactions commerciales d’une certaine importance. Des possibilités plus concrètes de commercialisation, de rémunération et de paiement se feront probablement jour pour tous les services écosystémiques à mesure que les pays se serviront de plus en plus du SCEE-CE.
Figure 6Relation entre le système de comptabilité nationale et le Cadre de comptabilité écosystémique du Système de comptabilité économique et environnementale (SCEE-CE), dans l'évaluation des services écosystémiques forestiers
La FAO et la Foundation for Sustainable Development ont récemment mis à jour la Base de données sur l’évaluation des services écosystémiques (ESVD)51. L’objectif est de produire des estimations de la valeur de tous les services écosystémiques forestiers dans neuf types d’écosystèmes forestiers et dans les mangroves (qui sont définies dans le SCEE comme un écosystème de transition), conformément à la classification de l’Économie des écosystèmes et de la biodiversité et du SCEE, et d’améliorer la représentation et la couverture géographiques des services écosystémiques forestiers. La Base de données ESVD, qui rassemble des données tirées de publications existantes, présente une synthèse des informations disponibles sur les valeurs des services écosystémiques fournis par les biomes forestiers. Il est possible de comparer les valeurs entre les différents types de biomes, sachant toutefois que les données sont incomplètes et plus ou moins disponibles selon les biomes.
La Base de données ESVD présente les valeurs moyennes des services écosystémiques par type d’écosystème forestier et précise la magnitude des valeurs et la couverture des données disponibles. Les estimations obtenues pour les services écosystémiques varient considérablement selon les types de forêts considérés et peuvent être très élevées. Par exemple, les mangroves présentent des valeurs moyennes élevées pour la fourniture de vivres (car elles participent au fonctionnement des pêcheries qui se trouvent à proximité) et pour la modération des phénomènes extrêmes (car elles atténuent les inondations côtières). Les parcs et les forêts des villes ont des valeurs moyennes élevées en ce qui concerne la régulation de la qualité de l’air et les loisirs, avec une valeur totale qui s’élève à un peu plus de 400 000 dollars internationauxa par hectare et par an53. Les parcs nationaux et les zones protégées offrent des perspectives économiques importantes, comme le montre la croissance récente du tourisme axé sur la nature (voir l’encadré 2).
Encadré 2Importance économique du tourisme axé sur la nature
Avant la pandémie de covid-19, à l’échelle mondiale, les aires protégées enregistraient chaque année environ 8 milliards de visites de la part de touristes attirés par la nature, qui dépensaient au total environ 600 milliards d’USD par an. Par ailleurs, le «surplus du consommateur» (qui mesure la valeur économique des avantages environnementaux pour le visiteur) était estimé à 250 milliards d’USD par an55. En Finlande, des données sur la fréquentation des parcs nationaux sont relevées systématiquement depuis 20 ans, et les effets des revenus et de l’emploi sur les économies locales sont évalués depuis 2009. Ces données attestent d’avantages économiques considérables à l’échelle locale: au total, en 2019, l’ensemble des 40 parcs nationaux de la Finlande a représenté, d’après les estimations, 219 millions d'EUR de revenus et quelque 1 726 emplois (en équivalent temps plein). Les retombées économiques locales les plus importantes ont été observées dans les centres touristiques, là où les visiteurs séjournent plus longtemps et où l’offre de services touristiques est bonne. Selon Metsähallitus, la société publique finlandaise qui gère les parcs nationaux, les retombées locales sont dix fois supérieures à l’investissement public réalisé dans ces territoires.
Les valeurs présentées dans la Base de données ESVD montrent que diverses associations de services écosystémiques forestiers peuvent inspirer de nombreuses stratégies pour une planète plus résiliente et plus équitable. Par exemple, selon les informations disponibles, les forêts tropicales ont autant de valeur pour leurs services écosystémiques liés à l’approvisionnement que pour ceux liés à la régulation (respectivement 47,3 pour cent et 49,3 pour cent de la valeur totale des services écosystémiques de ces forêts). En comparaison, la valeur des forêts tempérées tient autant à leur rôle de régulation qu’à leur rôle culturel (42,6 pour cent et 44 pour cent, respectivement), et les forêts de haute montagne sont essentiellement reconnues pour leurs services de régulation, qui représentent 87 pour cent environ de la valeur qui leur est attribuée54.