Les petits exploitants, pourtant parties prenantes clés dans de nombreuses chaînes de valeur forestières, sont souvent perçus comme étant sources de coûts et de risques supplémentaires pour les projets d’investissement, notamment parce qu’ils ne peuvent pas présenter de garanties. Des coûts transactionnels élevés dus à la fragmentation de la chaîne de valeur, le caractère informel des échanges commerciaux, et des problèmes d’échelle viennent se surajouter et freiner les investissements dans les projets portés par des petits exploitants406, 407.
Les petits exploitants ont reçu moins de 1,7 pour cent des fonds en faveur de l’action climatique en 2019, et la situation ne semble pas s’être améliorée depuis
Les petites exploitations (exploitations de moins de 2 hectares) représentent 84 pour cent des exploitations dans le monde; elles occupent environ 12 pour cent de l’ensemble des terres agricoles mais produisent approximativement 35 pour cent de l’alimentation mondiale408. Elles reçoivent une part infime du financement pour l’action climatique (voir la figure 22) – moins de 1,7 pour cent de ce flux en 2019409. Sur la période 2018-2020, le montant annuel de l’aide versée par les donateurs aux peuples autochtones et aux communautés locales aux fins de la gestion des forêts se serait situé entre 250 et 280 millions d’USD410. Ce montant pourrait être considérablement augmenté dans le prolongement de l’engagement pris, lors de la COP 26, de consacrer 1,7 milliard d’USD, entre 2021 et 2025 (soit environ le double des fonds fournis par des sources bilatérales et des fondations au cours de la période précédente), à l’amélioration des droits fonciers des peuples autochtones et des communautés locales, et à l’appui de leur rôle de protecteurs des forêts et de la nature411.
Figure 22Part du financement pour l’action climatique allant à la petite agriculture
De nouvelles approches aident à mobiliser l’investissement en faveur des petits producteurs, notamment en réduisant le risque perçu par les investisseurs
Les stratégies visant à réduire les risques que comportent pour les investisseurs les projets portés par de petits producteurs – par exemple utiliser les arbres comme garantie des prêts (voir l’encadré 27) ou constituer un capital à partir des recettes issues des services écosystémiques (voir l’encadré 28) – peuvent encourager l’investissement dans des activités à petite échelle.
Encadré 27Garanties sous forme d’arbres en Asie – tirer parti des richesses des petits exploitants forestiers
En Thaïlande, la valeur à un instant t des arbres sur pied fait partie des arrangements dont peuvent bénéficier les petits exploitants pour garantir des emprunts; à cette fin, ils sont organisés en groupes locaux qui constituent des banques d’arbres412. En Indonésie, un programme public permet aux petits exploitants d’utiliser leurs arbres comme garanties de prêts afin d’éviter les rotations trop rapides et par conséquent les récoltes prématurées413. En République démocratique populaire lao, les petits exploitants disposant de certificats de plantation peuvent accéder à des microprêts auprès d’un établissement rural d’épargne et de crédit. Ces certificats sont acceptés par les scieries ou les intermédiaires comme garantie pour des avances de paiement qui sont faites deux ans avant la récolte des arbres plantés414. En Inde, les petits exploitants peuvent contracter des prêts auprès d’institutions financières pour établir des plantations, les entreprises d’exploitation forestière offrant des garanties de rachat et se portant en outre garantes des prêts415.
Encadré 28Trees for Global Benefit – un mécanisme visant à constituer des avoirs pour les exploitants, à partir des services écosystémiques qu’ils fournissent
Le but du programme Trees for Global Benefit, coordonné par Ecotrust en Ouganda, est de reproduire à plus grande échelle les effets positifs que peuvent avoir les petites et moyennes entreprises et les petits exploitants sur les écosystèmes forestiers. Il s’agit de regrouper les services écosystémiques fournis par les petits exploitants agricoles (rétablissement de la couverture forestière et gestion durable des forêts), de les vendre sur les marchés internationaux, de redistribuer les recettes aux exploitants, et de permettre à ceux-ci d’accéder à des prêts à but productif auprès d’institutions financières formelles. Ces prêts sont ensuite utilisés pour renforcer l’agriculture durable et les activités forestières, par exemple la production de miel, et développer les activités de reforestation. Plus de 10 000 agriculteurs participent au programme sur plus de 8 000 hectares. En 2019, les ventes de crédits carbone à des entités privées ont représenté 70 pour cent du total des flux financiers (2 millions d’USD) enregistrés par Trees for Global Benefit416.
Si on veut encourager les petits exploitants à investir pour améliorer leurs activités, il faut prendre en considération les risques liés à la production. Il faut notamment renforcer les capacités, améliorer l’accès aux intrants et veiller à relier les petits exploitants aux marchés. Des systèmes de protection sociale viables (aide sociale et sécurité sociale, par exemple, pouvant comporter une assurance, agricole ou autre, subventionnée) peuvent également permettre d’atténuer les risques. Pour rendre moins à risque l’investissement dans les petites exploitations et les petites et moyennes entreprises, une approche intégrée qui tienne compte des risques tant pour les investisseurs que pour les bénéficiaires est nécessaire. Le secteur agricole offre des exemples utiles – on citera notamment celui du cacao en Afrique de l’Ouest417.
Des mécanismes de partage des avantages se font jour dans le cadre de REDD+, mais leur mise en œuvre complète est limitée malgré les efforts faits par de nombreux pays en développement
Le partage des avantages est «le transfert intentionnel d’incitations pécuniaires et non pécuniaires (biens, services ou autres avantages) aux parties prenantes pour la génération de résultats environnementaux (tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre) financés par les revenus découlant de ces résultats»418. Bien qu’il n’en existe pas de définition universelle, la notion de partage des avantages, dans le cadre du mécanisme REDD+, se rapporte à l’ensemble des moyens institutionnels, des structures et des instruments visant à permettre la répartition des avantages des programmes REDD+ entre les parties prenantes. D’après Bertzky et al. (2021), la plupart des pays en sont encore à un stade précoce du développement de leurs mécanismes de partage des avantages (voir la figure 23)419, mais les bonnes pratiques et des facteurs de réussite clés ont été mis en évidence dans les mécanismes existants. Le retard pris dans l’adoption des mécanismes est dû en partie à un financement limité en provenance des paiements liés aux résultats.