On observe au plan international un net élan en faveur des trois solutions forestières. La Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030) a par exemple accru la visibilité de la régénération des forêts, et des initiatives telles que le Défi de Bonn et la Déclaration de New York sur les forêts ont fixé d’ambitieux objectifs. La Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale (2019-2028) a appelé l’attention sur le rôle essentiel que jouent les exploitations familiales dans la sécurité alimentaire, les moyens d’existence, la gestion durable des ressources naturelles, la protection de l’environnement et le développement durable. Certains pays ont élaboré des politiques qui encouragent une plus grande circularité de l’économie. La Déclaration des dirigeants réunis à Glasgow, sur les forêts et l’utilisation des terres, a mis en avant le rôle que jouent les forêts dans l’atténuation des effets du changement climatique. Le secteur privé a pris d’importants engagements en faveur de chaînes d’approvisionnement qui ne contribuent pas au déboisement. De plus en plus de ressources financières internationales, publiques et privées, sont disponibles, et des innovations en termes de politiques (incitations fiscales, par exemple) sont mises à l’essai pour aider les pays à progresser davantage dans le déploiement des solutions forestières. Les nouveaux engagements qui ont été pris récemment face au changement climatique, notamment en ce qui concerne le soutien aux peuples autochtones, offrent des possibilités supplémentaires de financer les solutions forestières.
Compte tenu de cet élan, c’est peut-être le moment idéal pour mettre en place des stratégies ambitieuses visant à faire passer les trois solutions à la vitesse supérieure. L’analyse menée dans le cadre de l’édition 2022 de La Situation des forêts du monde fait ressortir les quatre actions clés ci-après comme point de départ pour les autorités nationales et infranationales, ainsi que pour les mécanismes de financement et les processus internationaux:
- Canaliser les fonds de relance existants et nouveaux vers des politiques à long terme visant à créer des économies durables, y compris des emplois verts. Les solutions forestières sont un levier considérable qui peut permettre de créer des emplois verts et de développer des économies durables. Les décisions de financement peuvent dépendre du rapport coût-efficacité des solutions forestières comparées à d’autres options, rapport coût-efficacité qui peut dépendre en grande partie de la politique menée, laquelle doit être adaptée, et d’un renforcement des capacités au niveau local.
- Donner des moyens aux acteurs locaux et les inciter à prendre un rôle de chef de file dans les solutions forestières – aucun véritable changement ne pourra s’opérer sans la participation des petits exploitants, des communautés locales et des peuples autochtones, mais de grandes avancées peuvent être réalisées avec leur concours. Cette action exige, entre autres, d’éliminer les obstacles politiques et administratifs, de garantir la sécurité des droits fonciers, de faciliter la mise en place de groupes de producteurs locaux, et de donner suite à l’action clé 1.
- Entamer le dialogue sur les politiques d’utilisation durable des forêts, en vue de réaliser à la fois des objectifs économiques et des objectifs environnementaux, notamment en ce qui concerne la conservation de la biodiversité et l’atténuation des effets du changement climatique. Dans nombre de pays, les coupes d’arbres dans les forêts naturelles sont très mal perçues. Il est indéniable que de mauvaises pratiques en matière d’exploitation forestière peuvent contribuer à la dégradation des forêts naturelles et à leur recul; mais à l’inverse, de nombreuses forêts ont été exploitées sur de longues périodes sans déclin notable de la plupart des valeurs. En outre, des interventions de gestion risquent d’être de plus en plus nécessaires pour préserver la santé à long terme de nombreuses forêts naturelles face au changement climatique, à la fragmentation et à d’autres menaces, et pour générer des revenus à destination des propriétaires forestiers. À condition que des mesures de suivi et de contrôle suffisantes soient en place pour veiller à ce que les pratiques soient compatibles avec la durabilité, les forêts naturelles exploitées peuvent offrir un complément important, en termes de conservation, aux réseaux de zones forestières protégées.
- Tirer parti au maximum des synergies entre les trois solutions forestières et entre les politiques et programmes agricoles, forestiers, environnementaux et autres, en réduisant à leur minimum les compromis qui doivent être faits. Par exemple, conserver la biodiversité des forêts naturelles en mettant un terme à la déforestation permettra de préserver les ressources génétiques, tandis que la régénération des forêts, la restauration des paysages et l’agroforesterie peuvent contribuer à intégrer l’enjeu de la biodiversité dans le secteur agricole. La gestion durable des forêts naturelles et la création de nouvelles forêts et ressources arborées accroîtront l’offre de fibres de bois, au service d’économies plus circulaires. Il y a des liens de cause à effet certains entre expansion agricole et déforestation, et les solutions forestières ont d’importantes répercussions dans des domaines tels que le climat, la conservation de la biodiversité et la relance économique.
L’un des avantages du dialogue international est que les pays, organisations et communautés peuvent tirer des enseignements des expériences des uns et des autres afin d’élaborer plus rapidement des stratégies applicables, adaptées aux conditions locales. Les plateformes mondiales telles que celles fournies par les ODD, la Conférence des Parties à la CCNUCC (en particulier dans le prolongement de la Déclaration des dirigeants réunis à Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres), la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique et le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, ainsi que les plateformes du secteur privé et les plateformes et réseaux régionaux et mondiaux assurant la liaison entre les communautés locales, les municipalités, les groupes de producteurs forestiers et d’autres acteurs, joueront un rôle pour ce qui est de trouver des réponses adaptées aux crises actuelles et de saisir les possibilités offertes par les arbres et les forêts.
La Terre est incroyablement riche en biodiversité et en ressources naturelles, mais les tendances actuelles font courir un risque imminent de dilapidation de ces richesses, mettant partout en péril les populations et de nombreuses espèces. Plus immédiatement, il faut se relever des difficultés causées par la pandémie de covid-19 et s’efforcer d’éliminer la faim et la pauvreté pour tous. L’humanité a le pouvoir de changer l’environnement à une échelle planétaire, et le devoir de maintenir l’état de l’environnement dans des limites permettant à toutes les formes de vie de s’épanouir. Un moyen logique de commencer à réparer les dommages naturels déjà causés et de trouver des solutions véritablement durables aux problèmes et défis décrits dans le présent rapport est de se tourner vers des approches fondées sur la nature, notamment celles qui font appel aux arbres et aux forêts. Les arbres et les forêts ont ceci de beau que, si on les utilise de manière durable, ils peuvent simultanément remplir de nombreuses fonctions bénéfiques pour l’humanité et pour l’ensemble de la planète – conservation de la biodiversité, adaptation au changement climatique et atténuation de ses effets, accroissement de la résilience, création d’emplois verts, soutien à la sécurité alimentaire et à la nutrition, et approvisionnement continu en matières premières. Ce n’est en effet qu’en régénérant, en conservant et en gérant de manière durable les forêts que nous parviendrons à des systèmes agroalimentaires durables et à de meilleures conditions de vie pour tous.