Chapitre 1 Objectif de développement durable 2.1: sous-alimentation et insécurité alimentaire
1.1 Prévalence de la sous-alimentation
L’indicateur de prévalence de la sous-alimentation (PoU) de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) se fonde sur les données nationales relatives à la disponibilité alimentaire, à la consommation alimentaire et aux besoins énergétiques, tout en tenant compte des caractéristiques démographiques telles que l’âge, le sexe et les niveaux d’activité physique. Conçu pour rendre compte d’un état de privation énergétique qui dure plus d’un an, il ne reflète pas les effets éphémères des crises temporaires ou d’un apport temporairement insuffisant en nutriments essentiels.
La FAO s’efforce toujours d’améliorer la fiabilité des estimations de la PoU en tenant compte des nouvelles informations, et la série entière est mise à jour pour chaque rapport. Pour cette raison, seules les estimations actuelles doivent être utilisées, y compris les valeurs des années passées1. 1 FAO, FIDA, OMS, PAM et UNICEF. 2019. L’État de l’insécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2019. Se prémunir contre les ralentissements et les fléchissements économiques. Rome, FAO.
En Afrique, la faim, telle que mesurée par la PoU, s’est considérablement aggravée depuis 2014 (Figure 1). En 2020, 21 pour cent de la population était sous-alimentée, soit une hausse de 4,3 points de pourcentage depuis 2014. Environ 70 pour cent de l’augmentation de la PoU entre 2014 et 2020 s’est produite au cours de la période allant de 2019 à 2020.
FIGURE 1
Prévalence de la sous-alimentation dans le monde et en Afrique, et nombre de personnes sous-alimentées en Afrique
SOURCE: FAO. NOTE: Les valeurs pour 2020 sont des projections. Les barres indiquent la fourchette des estimations pour 2020. https://doi.org/10.4060/cb7496en-fig01
Le continent n’est pas en passe d’atteindre les cibles de l’objectif de développement durable (ODD) 2 visant à éliminer la faim et à assurer l’accès de tous à une alimentation sûre, nutritive et suffisante tout au long de l’année, et à mettre fin à toutes les formes de malnutrition. Cela est dû en partie à la pauvreté et aux inégalités, ainsi qu’aux causes structurelles sous-jacentes qui amplifient les principaux facteurs d’insécurité alimentaire et de malnutrition, tels que les conflits, la variabilité et les extrêmes climatiques, les ralentissements et fléchissements économiques et le caractère inabordable d’une alimentation saine. Les quatre dernières éditions de la Vue d’ensemble régionale de la sécurité alimentaire et de la nutrition en Afrique ont couvert ces facteurs en détail2. En 2020, la pandémie de covid-19 et les mesures prises par de nombreux pays pour la contenir sont venues s’ajouter aux défis déjà existants, sapant encore davantage les efforts déployés pour réduire la faim et la malnutrition dans la région3. 2 À propos des conflits, voir: FAO. Vue d’ensemble régionale de la sécurité alimentaire et la nutrition 2017. Le lien entre les conflits et la sécurité alimentaire: renforcer la résilience pour la paix et la sécurité alimentaire. Accra (http://www.fao.org/3/I7967FR/i7967fr.pdf). À propos de la variabilité du climat et des extrêmes climatiques, voir: FAO et CEA. Vue d’ensemble régionale de la sécurité alimentaire et la nutrition 2018. Lutter contre la menace de la variabilité du climat et des extrêmes climatiques pour la sécurité alimentaire et la nutrition. Accra (http://www.fao.org/3/ca2710fr/CA2710FR.pdf). À propos des ralentissements et fléchissements économiques, voir: FAO, CEA et CUA. Vue d’ensemble régionale de la sécurité alimentaire et la nutrition 2019. Limiter les dommages causés par les ralentissements et les fléchissements économiques à la sécurité alimentaire en Afrique. Rome (http://www.fao.org/3/ca7343fr/ca7343fr.pdf). À propos du caractère inabordable d’une alimentation saine, voir: FAO, CEA et CUA. 2021. Vue d’ensemble régionale de la sécurité alimentaire et de la nutrition 2020. Transformer les systèmes alimentaires pour une alimentation saine et abordable. Accra, FAO (http://www.fao.org/3/cb4831fr/cb4831fr.pdf).3 Pour une analyse plus détaillée de l’impact de la covid-19 sur la faim et la malnutrition, voir: FAO, FIDA, OMS, PAM et UNICEF. 2021. L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021: Transformer les systèmes alimentaires pour que la sécurité alimentaire, une meilleure nutrition et une alimentation saine et abordable soient une réalité pour tous. Rome, FAO (http://www.fao.org/3/cb4774fr/cb4774fr.pdf). Voir aussi: FAO. 2021. Assessing the impact of the covid-19 pandemic on agriculture, food security and nutrition in Africa. Accra, FAO.
La prévalence de la sous-alimentation est la plus élevée en Afrique centrale (31,8 pour cent) et en Afrique de l’Est (28,1 pour cent), mais la détérioration ayant commencé en 2014 a été la plus rapide en Afrique de l’Ouest, où la PoU a augmenté de 7,1 points de pourcentage (Figure 2 et Tableau 1).
FIGURE 2
Prévalence de la sous-alimentation en Afrique, par sous-région
SOURCE: FAO. NOTE: Les valeurs pour 2020 sont des projections.
En 2020, il y avait 281,6 millions d’Africains sous-alimentés, soit une augmentation de 89,1 millions depuis 2014 (Figure 3 et Tableau 2). Sur le nombre total de sous-alimentés, 125,1 millions de personnes vivent en Afrique de l’Est, suivie par l’Afrique de l’Ouest (75,2 millions), l’Afrique centrale (57,1 millions), l’Afrique du Nord (17,4 millions) et l’Afrique australe (6,8 millions). L’Afrique représente 55 pour cent de l’augmentation mondiale du nombre de personnes sous-alimentées sur la période 2014-2020. En outre, l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest représentent 83 pour cent de l’augmentation du nombre de personnes sous-alimentées à l’échelle du continent entre 2014 et 2020.
FIGURE 3
Nombre de personnes sous-alimentées en Afrique, par sous-région
SOURCE: FAO. NOTE: Les valeurs pour 2020 sont des projections.
Les tableaux 1 et 2 et la figure 3 montrent une grande variation de la PoU et du nombre de personnes sous-alimentées au niveau sous-régional, et cela est également vrai au niveau des pays (Figure 4). En outre, l’évolution de la PoU dans le temps varie également, la plupart des pays, mais pas tous, enregistrant une PoU plus élevée pour la moyenne de 2018-2020 par rapport à 2013-20154. 4 Les estimations nationales sont présentées sous forme de moyennes mobiles sur trois ans, afin de tenir compte de la faible fiabilité de certains des paramètres sous-jacents. Les agrégats régionaux et mondiaux, quant à eux, sont présentés sous forme d’estimations annuelles, car les erreurs d’estimation éventuelles ne devraient pas être corrélées entre les pays. FAO, FIDA, OMS, PAM et UNICEF. 2021. L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021: Transformer les systèmes alimentaires pour que la sécurité alimentaire, une meilleure nutrition et une alimentation saine et abordable soient une réalité pour tous. Rome, FAO. https://doi.org/10.4060/cb4474fr.
FIGURE 4
Prévalence de la sous-alimentation en Afrique, par pays
Comme nous l’avons déjà mentionné, la situation et les tendances de la PoU sont déterminées par un certain nombre de facteurs clés, qui se chevauchent souvent, notamment les conflits, la variabilité et les extrêmes climatiques, ainsi que les ralentissements et les fléchissements économiques. La situation est souvent exacerbée par des conditions sous-jacentes difficiles, telles que la pauvreté et l’inégalité, et, dans certains cas, des politiques inappropriées. Il est toutefois difficile d’attribuer précisément le niveau d’impact à tel ou tel facteur.
Dans de nombreux pays, dont le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Mali, le Niger, le Nigéria, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Somalie et le Tchad, les conflits ont été un facteur clé de l’insécurité alimentaire puisqu’ils détruisent les moyens d’existence et font déplacer des milliers de personnes. Dans certains pays, dont Madagascar et le Mozambique, les mauvaises conditions météorologiques ont été le principal facteur de l’insécurité alimentaire.
En Afrique de l’Est et en Afrique australe, de nombreux pays connaissent régulièrement des conditions de sécheresse. Par exemple, en 2015-2016, les conditions de sécheresse liées à El-Niño ont touché de nombreuses régions d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est, faisant que des millions de personnes avaient besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Le cyclone Idai, qui a frappé les pays d’Afrique australe en 2019, notamment le Malawi, le Mozambique et le Zimbabwe, a exacerbé la situation déjà précaire en matière de sécurité alimentaire.
En outre, les ralentissements et fléchissements économiques touchent régulièrement de nombreux pays africains, dont la plupart sont fortement dépendants des exportations de pétrole et d’autres produits de base pour générer des devises et des recettes fiscales. La chute de la demande et des prix des produits de base a eu un impact négatif sur de nombreux pays et a aggravé la sécurité alimentaire entre 2014 et 2016, les pays exportateurs de pétrole étant les plus touchés.
Plus récemment, les différentes mesures nationales et mondiales prises pour contenir la pandémie de covid-19 ont perturbé les activités économiques et les moyens d’existence dans les secteurs de services tels que le tourisme, les transferts de fonds, les exportations de produits de base, les marchés et les chaînes de valeur des produits de base. Le produit intérieur brut réel de l’Afrique a chuté de 2,1 pour cent en 2020, principalement en raison de la pandémie de covid-195. 5 Banque africaine de développement. Perspectives économiques en Afrique 2021: De la résolution de la dette à la croissance : une feuille de route pour l’Afrique. Abidjan, Banque africaine de développement.
Il n’est pas encore possible de quantifier l’impact total de la covid-19 sur la sécurité alimentaire. Le fléchissement économique associé aux mesures de confinement de la covid-19 a entraîné une baisse des revenus tandis que les prix des denrées alimentaires, mesurés par l’indice FAO des prix des produits alimentaires, sont en hausse depuis juin 20206. La baisse des revenus et la hausse des prix n’entraînent pas nécessairement une diminution de l’apport calorique global, mais elles peuvent obliger les ménages à se tourner vers des aliments moins coûteux et moins nutritifs, ce qui réduit la qualité de l’alimentation. En outre, les ménages peuvent réduire leurs dépenses de santé et d’éducation. La détérioration de la situation de la sécurité alimentaire se reflète dans les données de la PoU ainsi que dans la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave dans les chiffres de population présentés ci-après. 6 Voir FAO. 2021. Données sur les prix et analyses de la FAO. Dans: Prix FAO. Rome. Consulté le 15 octobre 2021. http://www.fao.org/prices/fr/.