3.2 Une nouvelle définition du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition

Le présent rapport est le premier à proposer une définition du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition. Cette définition est ancrée dans une approche conceptuelle de la définition et des déterminants de la sécurité alimentaire et de la nutrition, de la nature interdépendante de la sécurité alimentaire et de la nutrition et des principaux facteurs à l’origine des reculs enregistrés dernièrement en matière d’élimination de la faim, de l’insécurité alimentaire et de toutes les formes de malnutrition.

Les différents flux de financement en faveur de la sécurité alimentaire et de la nutrition

Le financement est le processus qui consiste à fournir des fonds au secteur public ou au secteur privé aux fins d’activités économiques, d’achats ou d’investissements. Les fonds peuvent ou non être conditionnés à un retour sur investissement (intérêts, dividendes, etc.) ou à un remboursement (du principal d’une dette). Les ressources financières peuvent être apportées par l’une ou l’autre des quatre sources suivantes, ou par plusieurs d’entre elles: i) financements publics intérieurs ii) financements publics étrangers; iii) financements privés intérieurs; iv) financements privés étrangers. Chacune de ces sources peut fournir des fonds au moyen de divers instruments financiers, en vue de financer des interventions à court ou à long terme, à des conditions commerciales ou aidées (prêts à des taux inférieurs à ceux du marché ou dons, par exemple).

On trouvera au tableau 8 des exemples de différents flux de financement relevant exclusivement de chaque source. Il existe des flux de financement communs à plusieurs sources: les envois de fonds des migrants, par exemple, peuvent entrer dans la catégorie des financements privés intérieurs ou des financements privés étrangers. Les flux de financement commerciaux et non commerciaux peuvent en outre provenir des quatre sources de financement. Dans un souci de simplicité, les flux de financement communs à plusieurs catégories ne sont pas répertoriés dans le tableau 8, mais sont développés dans les paragraphes ci-dessous ainsi qu’au chapitre 5. Pour obtenir une brève définition de la terminologie financière, veuillez vous reporter à l’encadré 6, et pour avoir des définitions plus détaillées des principaux termes financiers utilisés dans le présent rapport, veuillez consulter le glossaire, à l’annexe 2.

TABLEAU 8TABLEAU DES DIFFÉRENTS FLUX DE FINANCEMENT PAR SOURCE

NOTES: Le tableau est simplifié de façon à présenter uniquement des exemples de différents flux de financement relevant exclusivement de chaque source. Il existe d’autres flux de financement, communs à plusieurs sources. On en trouvera des exemples dans les paragraphes ci-dessous, à la section 5.1 et dans Zoubek et al. (à paraître)14. On trouvera aussi une brève définition des termes financiers dans l’encadré 6 et dans le glossaire, à l’annexe 2.
SOURCE: Auteurs du présent document (FAO).

Les financements publics se composent de fonds provenant de sources publiques, les deux principales étant les impôts et les emprunts (intérieurs et étrangers) que les États utilisent pour financer leurs dépenses. Il existe d’autres sources de recettes, comme les cotisations sociales, les dons, les revenus fonciers ou les ventes de biens et de services et d’autres produits accessoires (ventes de ressources naturelles ou redevances, par exemple), mais leur importance est bien moindre dans la plupart des pays15, 16.

ENCADRÉ 6BRÈVES DÉFINITIONS DES TERMES FINANCIERS UTILISÉS DANS LE PRÉSENT DOCUMENT

Actif net. Part détenue dans un actif moins le montant de la totalité des dettes dues sur cet actif.

Aide publique au développement (APD). Aide publique qui est conçue pour améliorer le développement économique et le niveau de vie de pays en développement et qui comporte un élément de don minimum.

Apport de fonds. Au sens le plus strict, mise à disposition de fonds non conditionnée à un retour sur investissement ou à un remboursement. Au sens large, toute mise à disposition de fonds, analogue à un financement, qui peut ou non appeler un retour sur investissement ou un remboursement.

Autres apports du secteur public (AASP). Transactions du secteur public qui ne répondent pas aux critères de l’APD, soit qu’elles ne visent pas principalement le développement, soit qu’elles ne comportent pas un élément de don minimum.

Assurance. Contrat représenté par une police, dans le cadre duquel le détenteur de la police reçoit de la part d’une compagnie d’assurance une protection financière ou un remboursement pour se couvrir contre la survenance probable de pertes.

Crédits à l’exportation. Financements ou facilités de crédit accordés aux exportateurs pour leur permettre de vendre des biens et des services sur des marchés étrangers.

Dette. Dispositif permettant au débiteur d’emprunter une somme à la condition qu’il rembourse celle-ci ultérieurement, généralement avec intérêts.

Envois de fonds. Transferts privés, monétaires ou non monétaires (transferts sociaux ou transferts en nature) effectués à titre volontaire par des migrants et les membres d’une diaspora, individuellement ou collectivement, vers des personnes ou des communautés qui ne se trouvent pas forcément dans leur région d’origine. Les envois de fonds peuvent être internationaux ou être effectués à l’intérieur du pays.

Financement. Processus consistant à fournir des fonds au secteur public ou au secteur privé aux fins d’activités économiques, d’achats ou d’investissements. Les fonds peuvent ou non être conditionnés à un retour sur investissement (intérêts, dividendes, etc.) et/ou à un remboursement (du principal d’une dette).

Financements commerciaux. Financements liés aux activités à caractère commercial, dont l’objet est de dégager des bénéfices. Des organisations sans but lucratif et des organismes publics peuvent mener des activités commerciales.

Financement mixte. Utilisation stratégique de financements du développement ou de financements assortis de conditions de faveur pour mobiliser des moyens financiers supplémentaires, généralement des fonds privés commerciaux, en faveur du développement durable.

Financement privé. Processus consistant à obtenir ou à lever des fonds auprès du secteur privé pour financer des activités ou des investissements.

Financement privé étranger. Processus consistant à obtenir des fonds auprès d’investisseurs ou de prêteurs privés, étrangers ou internationaux.

Financement privé intérieur. Processus consistant à obtenir des fonds auprès d’investisseurs ou de prêteurs privés, intérieurs ou nationaux.

Financement public. Processus consistant à obtenir ou à lever des fonds auprès d’entités du secteur public (gouvernements des pays hôtes et gouvernements étrangers, organisations internationales).

Financement public étranger. Processus par lequel des gouvernements lèvent, allouent et dépensent leurs propres fonds pour soutenir diverses activités ou différents investissements dans d’autres pays.

Financement public intérieur. Processus par lequel les gouvernements lèvent et allouent des fonds pour financer des dépenses publiques, le plus souvent au moyen d’impôts et d’emprunts.

Investissement étranger direct (IED). Type d’investissement réalisé par une entité privée qui réside dans un pays, dans une entreprise située dans un autre pays.

Investissement intérieur privé. Montant que les entreprises du pays investissent à l’intérieur de celui-ci. Peut être formulé à l’aide de l’équation suivante: investissement non résidentiel + investissement résidentiel + variation du stock de capital.

Investissements internationaux de portefeuille. Un type d’investissement constitué de valeurs mobilières et autres actifs financiers détenus par des investisseurs dans un autre pays.

Investissement, placement. Engagement de ressources financières actuelles pour obtenir des gains plus élevés à l’avenir.

Marché de capitaux. Marché sur lequel s’échangent principalement des actions et des obligations. Les marchés de capitaux sont un sous-ensemble des marchés financiers.

Valeur mobilière. Instrument financier négociable et fongible qui correspond à un type de valeur financière, généralement une action, une obligation ou une option.

NOTE: Pour connaître les sources d’où sont tirées les définitions ci-dessus et obtenir la liste complète des termes financiers et des définitions utilisés dans le présent rapport, veuillez consulter le glossaire, à l’annexe 2.

Le financement public intérieur est le processus par lequel les gouvernements lèvent, allouent et engagent leurs propres fonds pour financer des dépenses publiques, le plus souvent au moyen d’impôts et d’emprunts.

Les ressources publiques peuvent aussi comprendre des financements publics étrangers, comme l’APD et les autres apports du secteur public (AASP). L’APD désigne les transactions financières qui sont réalisées par le secteur public avec des pays et territoires et qui comportent un élément de don minimum. Elle peut comprendre des financements humanitaires, des financements accordés par des banques multilatérales de développement et des financements mixtes, ces derniers utilisant des fonds publics pour attirer des fonds privés. Les autres apports du secteur public sont les transactions qui sont réalisées par le secteur public avec des pays et territoires, mais qui ne remplissent pas les conditions d’attribution de l’APD, soit qu’elles ne visent pas principalement le développement, soit qu’elles ne comportent pas un élément de don minimum17, 18.

Les financements privés, en revanche, se composent de dons privés et de financements accordés aux conditions du marché par des ressources du secteur privé. Ils peuvent être étrangers ou intérieurs. Les investissements du secteur privé dans la recherche-développement ou les investissements des agriculteurs et des transformateurs dans des cultures et des denrées alimentaires diversifiées et nutritives, comme la patate douce à chair orange ou les légumineuses en remplacement du blé ou du maïs, peuvent, par exemple, être considérés comme des investissements dans la nutrition.

Les financements privés intérieurs se composent de fonds généralement détenus par des investisseurs privés intérieurs ou locaux19. Ils comprennent les prêts et autres instruments financiers (y compris les financements sans recours) des banques, les instruments de placement et de gestion des risques utilisés sur les marchés de capitaux et les fonds versés, à titre d’aide et non dans un but lucratif, par les institutions philanthropiques privées. Les investissements et les financements du secteur commercial privé destinés aux systèmes agroalimentaires mondiaux et nationaux sont importants et en grande partie impulsés par des acteurs commerciaux. Les investissements effectués par les agriculteurs et les transformateurs dans les cultures, et dans les aliments de manière plus générale, sont toutefois considérés comme des investissements dans la sécurité alimentaire. Les investissements en capital réalisés par les agriculteurs représentent une grande partie des financements privés intérieurs20.

Les financements privés étrangers se composent des investissements étrangers directs et des investissements internationaux de portefeuille, qui sont les uns et les autres détenus par des investisseurs privés étrangers ou internationaux19. Ils peuvent comprendre des crédits privés à l’exportation, des titres d’organismes multilatéraux et des investissements bilatéraux de portefeuille. Les flux privés autres que les investissements étrangers directs se limitent aux crédits dont l’échéance est à plus d’un an18. Les investissements étrangers directs peuvent être des flux entrants ou sortants de capitaux échangés entre deux pays. Ce sont des prises de participation d’un investisseur, d’une entreprise ou d’un gouvernement dans une entreprise étrangère ou un projet mené à l’étranger. Les envois de fonds sont également inclus ici. Dans de nombreux pays en développement, les envois de fonds sont la plus importante source étrangère de financement, supérieure à l’APD et aux investissements étrangers directs.

Une définition de base et une définition élargie du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition

La nouvelle définition du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition présentée ici se décline en une définition de base et une définition élargie. La définition de base inclut les flux de financement à l’appui des efforts déployés pour agir sur les principaux déterminants de la sécurité alimentaire et de la nutrition. La définition élargie part de cette base et inclut les flux de financements qui contribuent à agir sur les principaux facteurs et les causes structurelles sous-jacentes de la hausse récente de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition. Ces définitions sont regroupées dans l’encadré 7, récapitulées sous forme schématique à la figure 15 et expliquées en détail dans les sections qui suivent.

FIGURE 15 REPRÉSENTATION SCHÉMATIQUE DE LA NOUVELLE DÉFINITION DU FINANCEMENT AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE LA NUTRITION – POUR L’ÉLIMINATION DE LA FAIM ET DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE (CIBLE 2.1 DES ODD) ET DE TOUTES LES FORMES DE MALNUTRITION (CIBLE 2.2 DES ODD)

NOTES: ODD = objectif de développement durable. On trouvera au tableau S3.3 du supplément au chapitre 3 des renseignements sur la mise en œuvre de la définition et une cartographie des ressources financières, sous forme de codes et de mots-clés.
SOURCE: Auteurs du présent document (FAO).

ENCADRÉ 7DÉFINITION DU FINANCEMENT AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE LA NUTRITION

Le financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition désigne le processus qui consiste à fournir ou à obtenir des ressources financières en vue de faire en sorte que tous, à tout moment, aient un accès stable, physique, social et économique, à des aliments sûrs et nutritifs en quantité suffisante pour répondre à leurs besoins et préférences alimentaires — afin de mener une vie active et saine et d’adopter des pratiques de préparation et de manipulation des aliments, d’alimentation, de soins et de santé adaptées — et aient accès à des services de santé, d’approvisionnement en eau et d’assainissement, pour leur assurer de manière constante un état nutritionnel adéquat. Ces ressources financières peuvent être apportées par l’une ou l’autre des quatre sources suivantes, ou par plusieurs d’entre elles: i) financements publics intérieurs; ii) financements publics étrangers; iii) financements privés intérieurs; iv) financements privés étrangers. Chacune de ces sources offre un éventail d’instruments financiers en vue de financer des interventions à court ou à long terme, à des conditions commerciales ou aidées (prêts à des taux inférieurs à ceux du marché ou dons, par exemple).

Le financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition comprend donc les ressources financières qui contribuent à l’éradication de la faim, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition sous toutes ses formes le long d’un continuum rural-urbain21. Les ressources sont ciblées pour garantir l’accès à une alimentation nutritive et sûre, ainsi que la disponibilité, l’utilisation et la stabilité de cette alimentation, des pratiques favorisant une alimentation saine, et des services de santé, d’éducation et de protection sociale qui permettent d’assurer un état nutritionnel adéquat tout au long de la vie.

Le financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition couvre par ailleurs les dépenses et investissements visant à faire en sorte que tous les individus soient protégés contre l’instabilité à court et à long terme en matière de sécurité alimentaire et de nutrition, instabilité causée par divers facteurs climatiques, économiques, sociaux, commerciaux et politiques. Il englobe donc toutes les interventions s’inscrivant dans les six voies de transformation destinées à renforcer la résilience des systèmes agroalimentaires face aux principaux facteurs à l’origine de la faim, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition (conflits, variabilité et extrêmes climatiques, et ralentissements et fléchissements économiques) et à remédier aux causes structurelles sous-jacentes (accès insuffisant à des aliments nutritifs, faible accessibilité financière de ces aliments, environnements alimentaires néfastes pour la santé et persistance de fortes inégalités). Les investissements visent les objectifs suivants: i) intégrer l’action humanitaire, les politiques de développement et la consolidation de la paix dans les zones touchées par des conflits; ii) renforcer la résilience face aux changements climatiques dans l’ensemble du système agroalimentaire; iii) renforcer la résilience des plus vulnérables face à l’adversité économique; iv) intervenir le long de la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire en vue de réduire le coût des aliments nutritifs; v) modifier l’environnement alimentaire de manière à favoriser des habitudes alimentaires plus saines ayant une incidence positive sur la santé humaine; et vi) lutter contre les inégalités structurelles en veillant à ce que les interventions soient inclusives et favorables aux pauvres. Les investissements dans la sécurité alimentaire et la nutrition englobent ainsi un large éventail de secteurs. Ils peuvent comprendre les investissements consentis pour une augmentation résiliente et durable de la productivité agricole, ainsi que ceux réalisés dans les domaines suivants: pratiques en matière d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène; politiques tenant compte des conflits; protection sociale; agriculture climato-intelligente; routes et infrastructures rurales; approvisionnement institutionnel en aliments sains; et accès aux services de santé essentiels.

On trouvera au tableau S3.3 du supplément au chapitre 3 du présent rapport des renseignements sur la mise en œuvre de la définition ainsi qu’une cartographie des ressources financières réalisée à partir de mots-clés classés par secteurs, objets et interventions.

Une définition de base, envisagée sous l’angle des dimensions et des déterminants de la sécurité alimentaire et de la nutrition

D’après le présent rapport, la sécurité alimentaire se définit comme étant la «situation dans laquelle chacun a, à tout moment, un accès matériel, social et économique à une nourriture suffisante, sûre et nutritive de nature à satisfaire ses besoins et préférences alimentaires et peut ainsi mener une vie saine et active» (voir le glossaire, à l’annexe 2). Suivant cette définition, on peut distinguer quatre dimensions de la sécurité alimentaire: disponibilités alimentaires, accès économique et physique aux aliments, utilisation des aliments et stabilité dans le temps (figures 15 et 16). Il est à noter que le concept de sécurité alimentaire évolue actuellement de sorte à prendre en compte l’importance centrale de l’agencéité et de la durabilité. Ces deux dimensions sont toutefois prises en considération dans la définition élargie du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition.

FIGURE 16 LA DÉFINITION DE BASE DU FINANCEMENT AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE LA NUTRITION SUPPOSE QU’ON AGISSE SUR LES PRINCIPAUX DÉTERMINANTS DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE LA NUTRITION

SOURCES: D’après FAO, FIDA, OMS, PAM et UNICEF. 2018. L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2018. Renforcer la résilience face aux changements climatiques pour la sécurité alimentaire et la nutrition. Rome, FAO. https://www.fao.org/3/i9553fr/i9553fr.pdf; IPC (Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire). 2021. Manuel technique IPC version 3.1. Preuves et normes pour de meilleures décisions en sécurité alimentaire et nutritionnelle. Rome. www.fsinplatform.org/sites/default/files/resources/files/IPC_Technical_Manual_3_Final_French.pdf

La dimension relative aux disponibilités alimentaires a trait aux disponibilités effectives ou potentielles en aliments, ce qui recouvre notamment la production, les réserves alimentaires, les marchés et les transports, et les aliments prélevés dans la nature, tandis que la dimension relative à l’accès aux aliments renvoie à la question de savoir si les ménages et les personnes ont suffisamment accès, physiquement et financièrement, à ces aliments (voir le glossaire, à l’annexe 2). En d’autres termes, la sécurité alimentaire nécessite que des aliments sûrs et nutritifs soient disponibles pour toutes les populations, que ce soit par l’intermédiaire de la production ou des importations, et que chacun puisse accéder physiquement et économiquement à des quantités suffisantes de ces aliments22. La pauvreté et les rapports de force déséquilibrés au sein des chaînes d’approvisionnement alimentaire, qui ont tous deux une incidence sur l’accès et le pouvoir d’achat, sont donc des facteurs de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition (voir la définition élargie).

Le fait que des aliments sûrs et nutritifs soient disponibles en quantité adéquate et que les personnes y aient accès ne suffit pas si, en raison de leur état physiologique, les personnes en question ne parviennent pas à absorber ni à métaboliser les micronutriments contenus dans les aliments qu’elles consomment23. Par conséquent, la sécurité alimentaire d’un individu est aussi déterminée par l’utilisation des aliments, c’est-à-dire la capacité de l’intéressé à tirer profit des calories et des nutriments qui se trouvent dans les éléments qu’il consomme22.

L’un des autres aspects importants de l’utilisation des aliments est la question de savoir si les ménages optimisent la consommation des aliments sûrs et nutritifs pour satisfaire les besoins alimentaires de chaque individu en leur sein. L’état nutritionnel dépend cependant non seulement de la consommation d’aliments sûrs et nutritifs en quantité suffisante, mais aussi de l’état de santé. La consommation alimentaire et l’état de santé sont tous deux influencés par diverses pratiques, telles qu’une bonne manipulation et une bonne préparation des aliments, les pratiques en ce qui concerne les enfants, les filles et les femmes, la répartition de la nourriture au sein du ménage et l’utilisation des services. Ils dépendent aussi de l’accès à différents services de santé et de l’hygiène de l’environnement, notamment de l’accès à l’eau propre, à l’assainissement, à l’éducation et aux soins de santé (voir le glossaire, à l’annexe 2)21.

À cet égard, la sécurité alimentaire et la nutrition sont inextricablement liées. Aux figures 15 et 16, on trouvera une illustration de la façon dont ces liens bien établis s’articulent pour former le socle sur lequel repose la définition de base du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition. Ce socle comprend un éventail plus vaste de facteurs relatifs aux pratiques ainsi qu’aux services de santé et à l’hygiène de l’environnement. Il rend compte de manière plus exhaustive des déterminants de l’état nutritionnel d’une personne et place le rôle de la sécurité alimentaire aux côtés d’un grand nombre d’autres pratiques et services qui sont indispensables pour garantir non seulement une bonne utilisation des aliments, mais aussi la prise en compte de multiples aspects essentiels non liés à l’alimentation.

Pour garantir la sécurité alimentaire, il faut de la stabilité dans les trois dimensions de la sécurité alimentaire, à savoir les disponibilités, l’accès et l’utilisation (figures 15 et 16). Quand les conditions de ces trois dimensions sont suffisamment remplies, il convient de s’intéresser à la stabilité de l’ensemble du système, et de veiller à ce que les ménages soient toujours en situation de sécurité alimentaire. Les problèmes sur ce point peuvent renvoyer à une instabilité à court terme (qui peut conduire à une insécurité alimentaire aiguë) ou à une instabilité à moyen ou long terme (qui peut entraîner une insécurité alimentaire chronique). Les facteurs à l’origine de l’instabilité peuvent être d’ordre climatique, économique, social ou politique (voir le glossaire, à l’annexe 2). Les changements temporaires et saisonniers ainsi que les bouleversements et les crises tels que l’instabilité politique ou les phénomènes climatiques extrêmes sont tous des facteurs de l’insécurité alimentaire en raison des effets qu’ils ont sur les disponibilités alimentaires et l’accessibilité des aliments22. Au bout du compte, tout élément qui influe sur ces composantes aura une incidence sur la sécurité alimentaire.

L’élimination de la faim et de l’insécurité alimentaire, l’accent étant mis expressément sur une alimentation saine et nutritive, est une condition préalable à une bonne nutrition24. La sécurité alimentaire peut favoriser l’adoption d’une alimentation saine, qui se caractérise par une disponibilité suffisante et sans excès de tous les nutriments, un bon équilibre des apports énergétiques et des sources de calories, une grande diversité des aliments et la modération dans la consommation d’aliments et de composants alimentaires associés à des résultats néfastes pour la santé (voir l’encadré 3 de la section 2.1). Une alimentation saine ne peut toutefois pas à elle seule garantir une bonne nutrition, laquelle exige aussi des pratiques adéquates en matière d’alimentation, de soins, d’hygiène et de recours aux soins et l’accès aux services, notamment dans les domaines de la santé, de l’eau, de l’assainissement et de l’éducation.

Enfin, l’un des éléments prépondérants de la définition de base est la prise en compte du fait que l’insécurité alimentaire et la malnutrition sont des phénomènes que l’on retrouve non seulement dans les zones rurales, mais aussi le long d’un continuum rural-urbain. Comme on l’a vu à la section 2.1, l’insécurité alimentaire est généralement plus élevée en milieu rural, mais elle est aussi très forte dans les zones périurbaines et urbaines. En 2023, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave atteignait 31,9 pour cent dans les zones rurales, contre 29,9 pour cent dans les zones périurbaines et 25,5 pour cent dans les zones urbaines. Un examen plus détaillé du continuum rural-urbain montre que l’insécurité alimentaire peut être encore plus élevée dans les zones urbaines et périurbaines21. La définition de base du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition doit donc tenir compte des financements nécessaires pour traiter toutes les dimensions de la sécurité alimentaire ainsi que les principaux déterminants de la sécurité alimentaire et de la nutrition sous l’angle d’un continuum rural-urbain.

Définition élargie – zoom sur les principaux facteurs de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition

Face à l’augmentation récente de la faim et de l’insécurité alimentaire, et au ralentissement des progrès vers l’élimination de toutes les formes de malnutrition, il ne suffira pas d’accroître et d’améliorer les financements destinés aux principaux déterminants de la sécurité alimentaire et de la nutrition. De nouveaux financements sont nécessaires, en particulier pour renforcer la résilience face aux perturbations des systèmes agroalimentaires dues aux principaux facteurs (conflits, variabilité et extrêmes climatiques, et ralentissements et fléchissements économiques) et pour s’attaquer aux causes structurelles sous-jacentes (accès insuffisant à des aliments nutritifs, et inaccessibilité économique de ces aliments, environnements alimentaires néfastes pour la santé, et persistance de fortes inégalités), qui aggravent l’impact négatif des principaux facteurs sur la sécurité alimentaire et la nutrition (voir la figure 15).

On notera que les environnements alimentaires néfastes à la santé sont considérés, avec l’accès insuffisant à des aliments nutritifs et l’inaccessibilité économique de ces aliments, comme une cause structurelle sous-jacente importante qui fait obstacle à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Permettre à tous de jouir d’un régime alimentaire sain constitue un lien essentiel entre la sécurité alimentaire et la nutrition. Une alimentation saine est en effet nécessaire à une bonne nutrition, même si elle ne suffit pas, et on sait en outre que la qualité de l’alimentation peut se dégrader de différentes manières lorsque la gravité de l’insécurité alimentaire croît. L’accès à une alimentation saine peut être déterminé par de nombreux facteurs, mais la présente édition du rapport met l’accent sur le rôle joué par l’inaccessibilité économique d’une alimentation saine (section 2.2) et par les environnements alimentaires néfastes pour la santé. La notion d’environnement alimentaire renvoie aux conditions physiques, économiques, socioculturelles, politiques et législatives qui déterminent l’accès à l’alimentation, les disponibilités alimentaires, l’accessibilité économique et la sécurité sanitaire des aliments, ainsi que les préférences alimentaires. Transformer les environnements alimentaires de manière qu’ils puissent permettre d’accéder à une alimentation saine suppose d’assurer l’accès physique à une alimentation diversifiée, sûre et nutritive, afin de réduire les risques de malnutrition sous toutes ses formes, y compris la dénutrition, le surpoids et l’obésité, et les risques de maladies non transmissibles liées à l’alimentation. En mettant en œuvre une vaste stratégie dans différents secteurs, les gouvernements peuvent créer des environnements favorables à une bonne alimentation dans les hôpitaux, les écoles, les entreprises et les institutions publiques, et contribuer à lutter contre la charge élevée que représentent les coûts cachés d’une mauvaise alimentation, comme il a été souligné dans l’édition 2020 du rapport2529. L’accès à des aliments nutritifs n’est pas seulement une question de coût et d’accessibilité économique. De nombreux éléments de l’environnement alimentaire influent sur les habitudes alimentaires, tandis que la culture, la langue, les pratiques culinaires, les connaissances, les modes de consommation, les préférences alimentaires, les croyances et les valeurs ont tous trait à la façon dont les aliments sont obtenus, produits et consommés30.

La définition élargie prend aussi en compte deux dimensions de la sécurité alimentaire plus récemment mises en évidence: l’agencéité et la durabilité. Ces deux dimensions, qui ne sont pas encore formellement établies ni officiellement définies, sont comprises comme suit: l’agencéité «désigne la faculté qu’ont les personnes, individuellement ou collectivement, de choisir par elles-mêmes les aliments qu’elles consomment, les aliments qu’elles produisent et la manière dont ces aliments sont produits, transformés et distribués au sein des systèmes alimentaires, et de participer aux processus qui façonnent les politiques et la gouvernance des systèmes alimentaires»; la durabilité «renvoie à la capacité des systèmes agroalimentaires, sur le long terme, d’assurer la sécurité alimentaire et la nutrition sans compromettre les bases économique, sociale et environnementale nécessaires à la sécurité alimentaire et à la nutrition des générations futures» (voir le glossaire, à l’annexe 2).

Situation des pays touchés par les principaux indicateurs

Si l’on veut créer un cadre permettant d’accroître le financement et d’améliorer son ciblage, il est impératif de bien comprendre les principaux facteurs de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition, et dans quels pays ils sont à l’œuvre. Ces 10 dernières années, les conflits, les extrêmes climatiques et les fléchissements économiques ont gagné en fréquence et en intensité, portant atteinte à la sécurité alimentaire et à la nutrition partout dans le monde. De plus, les fortes inégalités de revenu exacerbent les effets de ces principaux facteurs (figure 17). C’est dans les pays à faible revenu et ceux à revenu intermédiaire que la situation est la plus préoccupante car les incidences négatives sur la sécurité alimentaire et la nutrition se font davantage sentir dans ces pays, et car ce sont eux qui ont à charge la plus grande partie de la population sous-alimentée dans le monde et le plus grand nombre d’enfants connaissant un retard de croissance. En outre, ces pays sont confrontés à de multiples formes de malnutrition, y compris le surpoids chez l’enfant et l’obésité chez l’adulte (voir le chapitre 2).

FIGURE 17 FRÉQUENCE ET INTENSITÉ CROISSANTES DES PRINCIPAUX FACTEURS ET INÉGALITÉS DE REVENU DANS LES PAYS À FAIBLE REVENU ET LES PAYS À REVENU INTERMÉDIAIRE, 2003-2022

NOTES: PIB = produit intérieur brut; PPA = parité de pouvoir d’achat. Tous les chiffres concernent des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire. La figure 17A indique le nombre total de conflits, internes ou inter-États, sur chacune des sous-périodes de cinq ans (barres turquoise), et le nombre moyen d’années, sur chaque sous-période et en pourcentage, durant lesquelles les pays ont été exposés à un conflit (ligne rouge). La figure 17B indique le nombre de pays qui ont connu au moins trois types différents d’extrêmes climatiques (vague de chaleur, inondations, sécheresse, tempête) sur chacune des sous-périodes de cinq ans (barres turquoise), et le nombre moyen d’années, sur chaque sous-période et en pourcentage, durant lesquelles les pays ont été exposés à au moins un extrême climatique (ligne rouge). La figure 17C met en évidence la variation de la croissance du PIB par habitant (axe de gauche) et le pourcentage de pays qui ont connu un fléchissement économique une année donnée sur la période 2003-2022 (axe de droite). La figure 17D indique le pourcentage moyen de la population vivant en-dessous du seuil de pauvreté de 2,15 USD par jour (barres turquoise), et le niveau moyen des inégalités de revenu (barres rouges), pour chaque sous-période de cinq ans. L’analyse porte sur 119 pays à revenu faible ou intermédiaire pour lesquels des informations sur la prévalence de la sous-alimentation sont disponibles. La méthode détaillée et la liste complète des sources de données sont indiquées dans le tableau S3.5 du supplément au chapitre 3.
SOURCE: Auteurs du présent document (FAO).

Il est essentiel d’analyser les pays touchés par les principaux facteurs pour pouvoir produire un cadre de financements novateurs, présenté à la section 5.1, qui permettra d’accroître l’appui à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Le présent rapport contient donc une mise à jour de l’analyse des pays touchés par les principaux facteurs. Les conclusions de l’analyse sont résumées ici; la méthode qui a été suivie, les sources de données et l’analyse complète sont fournies dans le supplément au chapitre 3.

Un facteur principal aura une incidence négative plus ou moins grande sur la sécurité alimentaire et la nutrition d’une population selon le degré d’exposition de celle-ci au facteur et selon sa vulnérabilité à l’impact. Dans l’analyse, les pays sont classés dans différentes catégories selon qu’ils sont «touchés» ou pas par un facteur principal. En résumé, deux critères sont utilisés pour déterminer si un pays doit être considéré comme étant touché par un facteur: i) le fait qu’un événement ayant trait au facteur se produise dans le pays, par exemple un conflit, un phénomène climatique extrême ou un fléchissement économique; et ii) le fait que le pays soit vulnérable face aux conséquences de l’événement, à savoir que le pays connaît des conditions qui font que la survenue d’un facteur risque davantage de se répercuter sur la sécurité alimentaire et la nutrition (la méthode qui a été suivie et les sources de données sont indiquées dans le tableau S3.5 du supplément au chapitre 3).

Si chacun de ces grands facteurs est unique, les interactions entre eux sont fréquentes et ont des effets multiples et conjugués qui se répercutent à travers les systèmes agroalimentaires au détriment de la sécurité alimentaire et de la nutrition30. Toutes les dimensions de la sécurité alimentaire risquent alors d’être menacées (disponibilités alimentaires, accès, utilisation et stabilité), de même que d’autres déterminants de la nutrition, en particulier les pratiques (préparation et manipulation des aliments, pratiques d’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants, comportement de recours aux soins, répartition des ressources au sein du ménage, et soins à l’intention des filles et des femmes, par exemple), les services de santé et l’hygiène de l’environnement (vaccination, eau et assainissement, accès aux services de santé, et disponibilité et accessibilité économique des services de santé). Par exemple, il est de plus en plus fait état également, dans la documentation sur ces questions, des incidences directes du climat, en particulier des chaleurs extrêmes, sur l’état nutritionnel. Ce phénomène est corroboré par le fait qu’on a constaté qu’il y a association entre la présence de ces facteurs et les indicateurs de la sécurité alimentaire et de la nutrition30.

Constat alarmant, la majorité des pays à revenu faible ou intermédiaire sont touchés par au moins un des principaux facteurs de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition, et lorsque plusieurs facteurs sont à l’œuvre, leurs effets conjugués entraînent les hausses les plus marquées de la faim et de l’insécurité alimentaire (figure 18). Les pays qui connaissent des crises alimentaires majeures prolongées sont gravement touchés par plusieurs facteurs et subissent les niveaux d’insécurité alimentaire les plus élevés (encadré 8, figure A1).

FIGURE 18 LA FAIM ATTEINT DES NIVEAUX PLUS ÉLEVÉS ET A LE PLUS PROGRESSÉ DANS LES PAYS TOUCHÉS PAR LES PRINCIPAUX FACTEURS, ET LA PROGRESSION DE LA FAIM EST PLUS FORTE DANS LES PAYS PAUVRES TOUCHÉS PAR PLUS D’UN FACTEUR PRINCIPAL

NOTES: La figure 18A met en évidence la prévalence de la sous-alimentation entre 2013 et 2023 dans les pays à revenu faible ou intermédiaire touchés par un ou plusieurs des trois principaux facteurs de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition (conflits, extrêmes climatiques et fléchissements économiques), ainsi que dans les pays à fortes inégalités de revenu. Ces catégories ne sont pas mutuellement exclusives, car un pays peut être touché par plusieurs facteurs principaux et/ou connaître de fortes inégalités de revenus. Les pays où ces facteurs sont absents sont les pays qui ne sont pas touchés par des conflits, des extrêmes climatiques ou des fléchissements économiques. Les estimations de la prévalence de la sous-alimentation ne sont pas pondérées. La figure 18B met en évidence les écarts (en points de pourcentage) entre 2019 et 2023 dans la prévalence de la sous-alimentation, pour les pays dont la sécurité alimentaire n’a pas été affectée par l’un des principaux facteurs (conflits, extrêmes climatiques ou fléchissements économiques), ceux où sévit un seul facteur principal, et ceux qui subissent les effets de plusieurs facteurs principaux, par groupes de pays classés selon le revenu. Le nombre indiqué en haut de chaque barre correspond au nombre de pays dans cette catégorie. L’analyse porte sur 119 pays à revenu faible ou intermédiaire pour lesquels des informations sur la prévalence de la sous-alimentation sont disponibles. La méthode et les sources des données sont indiquées au tableau S3.5 du supplément au chapitre 3.
SOURCE: Auteurs du présent document (FAO).

ENCADRÉ 8LES PAYS EN SITUATION DE CRISE ALIMENTAIRE MAJEURE PROLONGÉE SONT GRAVEMENT TOUCHÉS PAR PLUSIEURS FACTEURS PRINCIPAUX ET CONNAISSENT DES NIVEAUX D’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE CHRONIQUE PARMI LES PLUS ÉLEVÉS

L’édition 2024 du Rapport mondial sur les crises alimentaires (Global Report on Food Crises)31, un rapport annuel qui fournit une analyse et des données sur les situations d’insécurité alimentaire aiguë appelant une aide humanitaire d’urgence pour sauver des vies et préserver les moyens d’existence, recense 19 pays en situation de crise alimentaire majeure prolongée*, pour la plupart (14 sur 19) des pays à faible revenu et à déficit vivrier. Ces 19 pays sont en situation de crise alimentaire majeure depuis huit ans, et six pays (Afghanistan, Éthiopie, Nigéria, République arabe syrienne, République démocratique du Congo et Yémen) se classent régulièrement parmi les 10 premiers en termes de populations touchées, avec 108 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë (phase 3 ou plus du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire [IPC]) en 202331.

D’après l’analyse présentée dans le rapport**, on dispose de données sur la prévalence de la sous-alimentation (PoU)*** pour 18 des 19 pays en situation de crise alimentaire majeure prolongée et tous ont été touchés par au moins un facteur principal de l’insécurité alimentaire (conflit, extrême climatique ou fléchissement économique) entre 2013 et 2022. La seule exception est l’Eswatini, pays où l’on constate toutefois de fortes inégalités de revenu. Treize pays sont touchés par plusieurs facteurs, ce qui va de pair avec le niveau extrêmement élevé de prévalence de la PoU observé pour ces pays en 2023 (figure A1).

A1) LES PAYS EN SITUATION DE CRISE ALIMENTAIRE MAJEURE PROLONGÉE SONT GRAVEMENT TOUCHÉS PAR PLUSIEURS FACTEURS PRINCIPAUX ET CONNAISSENT DES NIVEAUX DE PRÉVALENCE DE LA SOUS-ALIMENTATION PARMI LES PLUS ÉLEVÉS, 2023

Au cours des 10 années écoulées, la PoU a été en constante augmentation dans les pays en situation de crise alimentaire majeure prolongée, et elle a systématiquement été plus élevée dans ceux touchés par des extrêmes climatiques ou par des fléchissements économiques (figure A2). Entre 2019 et 2023, l’augmentation de la PoU a été nettement plus marquée dans les pays touchés par un fléchissement économique (figure A2 ci-après, et figure S3.6 du supplément au chapitre 3), et elle était trois fois plus élevée dans les pays en situation de crise alimentaire majeure prolongée que dans les autres pays à revenu faible ou intermédiaire (2,9 pour cent contre 1,1 pour cent).

A2) LA PRÉVALENCE DE LA SOUS-ALIMENTATION AUGMENTE DE MANIÈRE CONSTANTE DEPUIS 2013 DANS LES PAYS EN SITUATION DE CRISE ALIMENTAIRE MAJEURE PROLONGÉE TOUCHÉS PAR DES FACTEURS PRINCIPAUX

NOTES: La figure A1 met en évidence la prévalence de la sous-alimentation (PoU) en 2023 pour les 119 pays à revenu faible ou intermédiaire, une distinction étant faite (barres rouges, orange ou jaunes) entre les pays touchés par une crise alimentaire majeure prolongée selon qu’ils sont touchés par un seul facteur de l’insécurité alimentaire chronique, par plusieurs facteurs ou par aucun des facteurs (conflits, extrêmes climatiques et fléchissements économiques). La figure A2 met en évidence l’évolution de la PoU pour les 18 pays classés comme étant en situation de crise alimentaire majeure prolongée en 2023 et touchés par des facteurs principaux (conflits, extrêmes climatiques et fléchissements économiques), et pour les pays où sont présentes de grandes inégalités de revenu. Ces catégories ne sont pas mutuellement exclusives, car un pays peut être touché par plusieurs facteurs et/ou connaître de fortes inégalités de revenu. Les estimations de la PoU ne sont pas pondérées. Les pays non touchés par des facteurs sont les pays qui ne sont pas touchés par des conflits, des extrêmes climatiques ou des fléchissements économiques. La méthode qui a été suivie est indiquée dans le tableau S3.5 du supplément au chapitre 3).
SOURCES: Auteurs du présent document (FAO). PoU d’après FAO. On trouvera la liste des pays en situation de crise alimentaire majeure dans: Réseau d’information sur la sécurité alimentaire et Réseau mondial contre les crises alimentaires. 2024. Global Report on Food Crises (Rapport mondial sur les crises alimentaires) 2024. Rome. https://www.fsinplatform.org/report/global-report-food-crises-2024

L’impact des principaux facteurs sur la faim chronique, telle que mesurée par la PoU, dans les pays en situation de crise alimentaire majeure prolongée, est manifeste. L’écart de PoU entre les pays touchés par un conflit, un fléchissement économique ou un phénomène climatique extrême et les pays non touchés s’est progressivement creusé (figure A2). La présence de plusieurs facteurs a un effet cumulatif qui se traduit par des niveaux plus importants d’insécurité alimentaire. Les pays touchés par plusieurs facteurs sont ceux qui ont vu croître le plus fortement la PoU entre 2019 et 2023, et les pays touchés par les trois facteurs principaux sont confrontés au niveau global d’insécurité alimentaire le plus élevé (figures S3.5 et S3.6 du supplément au chapitre 3).

On disposait de données sur la PoU pour 33 des 36 pays en situation de crise alimentaire prolongée****. Les conclusions énoncées ci-dessus sont également valables pour ces pays. Parmi les pays en situation de crise alimentaire prolongée, ce qui distingue ceux qui sont en situation de crise majeure c’est leur exposition à plusieurs facteurs: 72 pour cent des pays (13 sur 18) en situation de crise alimentaire prolongée majeure sont touchés par plusieurs facteurs, contre 27 pour cent seulement (4 sur 15) de ceux en situation de crise alimentaire prolongée. Concrètement, il en résulte un niveau de PoU généralement plus bas pour les pays en situation de crise alimentaire prolongée. Cependant, ce sont les pays en situation de crise alimentaire prolongée (à l’exclusion de ceux où cette crise est majeure) qui sont touchés par un conflit qui ont connu la plus forte augmentation de la PoU entre 2019 et 2023 (figures S3.7A et S3.7B du supplément au chapitre 3).

Cette analyse montre qu’il est urgent d’intégrer les aspects action humanitaire et développement dans les approches et dans le financement, dans les pays en situation de crise alimentaire prolongée, afin de répondre aux besoins immédiats liés à une insécurité alimentaire aiguë tout en apportant des solutions à l’insécurité alimentaire chronique, y compris un renforcement de la résilience des systèmes agroalimentaires face aux principaux facteurs et face aux causes structurelles sous-jacentes. Par exemple, on constate, d’après l’édition 2023 du Rapport sur les flux financiers et les crises alimentaires (Financing Flows and Food Crises Report) que les financements qui visent le secteur de l’alimentation sont surtout à caractère humanitaire, et que le financement du développement ne représente qu’une petite partie des flux de financement relatifs au secteur de l’alimentation reçus par les pays en situation de crise alimentaire prolongée32.

NOTES: * Un pays/territoire est considéré comme étant en situation de crise alimentaire prolongée lorsqu’il figure dans toutes les éditions du Rapport mondial sur les crises alimentaires. Un pays/territoire est considéré comme étant en situation de crise alimentaire majeure lorsque l’insécurité alimentaire aigüe qui le frappe, telle qu’elle est estimée, répond à au moins un des critères ci-après: au moins 20 pour cent de la population du pays est en situation de crise ou pire (phase 3 ou plus du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire/Cadre Harmonisé [IPC/CH]) ou équivalent; au moins 1 million de personnes sont en situation de crise ou pire (phase 3 ou plus de l’IPC/CH) ou équivalent; une zone quelconque est considérée comme étant en situation d’urgence (phase 4 ou plus de l’IPC/CH); une zone quelconque est classée au niveau 3 de la réponse d’urgence humanitaire à l’échelle du système par le Comité permanent interorganisations. Un pays/territoire est considéré comme étant en situation de crise alimentaire majeure prolongée lorsqu’il figure comme pays en situation de crise alimentaire majeure dans toutes les éditions du Rapport mondial sur les crises alimentaires31. ** L’analyse qui est faite dans l’encadré suit la méthode qui a été appliquée dans le rapport pour les pays touchés par des facteurs principaux et qui est décrite dans le tableau S3.5 du supplément au chapitre 3. Le Rapport mondial sur les crises alimentaires énonce des facteurs de l’insécurité alimentaire aiguë, et ces facteurs recouvrent en partie ceux considérés dans le présent rapport, mais la méthode appliquée à l’insécurité alimentaire chronique mesurée par la PoU est différente. *** Les 19 pays répertoriés dans l’édition 2024 du Rapport mondial sur les crises alimentaires31 comme étant en situation de crise alimentaire majeure prolongée sont les suivants: Afghanistan, Cameroun, Eswatini, Éthiopie, Haïti, Madagascar, Malawi, Mozambique, Niger, Nigéria, République arabe syrienne, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Tchad, Yémen et Zimbabwe. La série de données sur la PoU concernant le Soudan du Sud n’est pas assez longue pour l’analyse des pays touchés par les principaux facteurs et a donc été exclue. **** Les 36 pays/territoires répertoriés dans l’édition 2024 du Rapport mondial sur les crises alimentaires31 comme étant en situation de crise alimentaire prolongée sont les suivants: Afghanistan, Bangladesh, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Eswatini, Éthiopie, Guatemala, Guinée, Haïti, Honduras, Irak, Kenya, Lesotho, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Nicaragua, Niger, Nigéria, Ouganda, République arabe syrienne, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Tchad, Yémen, Zambie et Zimbabwe. Les séries de données sur la PoU concernant le Burundi, le Lesotho et le Soudan du Sud soit ne sont pas disponibles, soit ne sont pas assez longues pour l’analyse des pays touchés par les principaux facteurs et ont donc été exclues.

La définition élargie du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition couvre les interventions qui contribuent à l’une au moins des six voies de transformation proposées dans l’édition 2021 du rapport30 pour contrer les principaux facteurs des niveaux actuels d’insécurité alimentaire et de malnutrition. Chacune des six voies de transformation conduit à la mise en œuvre de politiques, d’investissements et de lois qui visent à renforcer la résilience face aux principaux facteurs (figure 19 et encadré 9). Ainsi, la définition élargie reprend la définition de base mais, au-delà de l’éradication de la faim, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition sous toutes ses formes, vise aussi les principaux facteurs.

FIGURE 19 LA DÉFINITION ÉLARGIE DU FINANCEMENT AU SERVICE DE LA SÉCURITE ALIMENTAIRE ET DE LA NUTRITION S’ÉTEND AUX POLITIQUES ET ACTIONS À MENER FACE AUX PRINCIPAUX FACTEURS, SUR LES SIX VOIES DE TRANSFORMATION

SOURCE: D’après FAO, FIDA, OMS, PAM et UNICEF. 2021. L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021. Transformer les systèmes alimentaires pour que la sécurité alimentaire, une meilleure nutrition et une alimentation saine et abordable soient une réalité pour tous. Rome, FAO. https://doi.org/10.4060/cb4474fr

ENCADRÉ 9SIX VOIES DE TRANSFORMATION FACE AUX PRINCIPAUX FACTEURS DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE LA MALNUTRITION

Comme le montre la figure 19, six voies de transformation peuvent être empruntées selon le facteur ou l’ensemble de facteurs auxquels est confronté un pays. Ces voies comportent des politiques, des actions et des investissements clés qui doivent permettre de renforcer la résilience face aux principaux facteurs, et ont été définies sur la base des données et des analyses approfondies issues des éditions 2017 à 2020 du présent rapport.

VOIE 1: INTÉGRER L’ACTION HUMANITAIRE, LES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT ET LA CONSOLIDATION DE LA PAIX, DANS LES ZONES TOUCHÉES PAR DES CONFLITS

  • Promouvoir des politiques qui tiennent compte des situations de conflit; favoriser les actions de consolidation de la paix liées à un appui aux moyens d’existence; mettre en place des programmes de protection sociale et de production et d’approvisionnement alimentaires qui prennent en compte la nutrition; apporter un appui à des chaînes d’approvisionnement alimentaire qui fonctionnent et soient résilientes; introduire dans les politiques post-conflit des approches fondées sur la communauté.
  • Par exemple, dans les zones qui connaissent un conflit ou qui sortent d’un conflit, les approches négociées et centrées sur les personnes permettent aussi de rechercher des solutions aux problèmes d’accès à la terre, et d’utilisation et de gestion des terres, contribuant aussi, par là-même, à la paix. Par exemple, des services locaux de santé animale et de vaccination des animaux d’élevage ont été fournis aux communautés Dinka Ngok et Misseriya dans la région d’Abyei, qui fait l’objet d’un conflit entre le Soudan du Sud et le Soudan. Cette initiative, menée en collaboration avec les organismes publics locaux, les forces de maintien de la paix des Nations Unies et d’autres organismes des Nations Unies, a permis de relancer le dialogue entre les communautés, ce qui a débouché sur un accord de paix au niveau local.

VOIE 2: RENFORCER LA RÉSILIENCE FACE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES DANS L’ENSEMBLE DU SYSTÈME ALIMENTAIRE

  • Réduire les risques associés au climat; s’adapter au changement climatique; établir des systèmes de surveillance des risques climatiques et d’alerte rapide; développer les assurances destinées à protéger contre le risque climatique; améliorer l’accès aux ressources productive naturelles et leur gestion (remise en état des territoires et gestion de l’eau, notamment); introduire des pratiques climato-intelligentes.
  • En Zambie, de nouvelles initiatives ont été prises pour améliorer la résilience face au changement climatique, notamment la création d’une assurance agricole à destination des ménages vulnérables. Les ménages qui adoptent des techniques d’agriculture de conservation ont la possibilité de prendre une assurance agricole, ce qui leur permet d’investir dans des projets plus risqués, susceptibles de rapporter davantage. Les assurances agricoles jouent un rôle important, parce qu’elles contribuent non seulement à renforcer la résilience face au changement climatique, mais aussi à réduire la pauvreté, à accroître la sécurité alimentaire et à améliorer la nutrition30.

VOIE 3: RENFORCER LA RÉSILIENCE DES PLUS VULNÉRABLES FACE À L’ADVERSITÉ ÉCONOMIQUE

  • Renforcer la productivité du secteur agroalimentaire et les liens avec les marchés tout le long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire; limiter les hausses des prix des aliments et la volatilité excessive des prix; stimuler la création d’emplois décents; élargir les dispositifs de protection sociale et les programmes de repas scolaires.
  • Par exemple, en investissant pour développer des filières agro-industrielles locales, on peut créer des débouchés commerciaux pour les petits agriculteurs, et, par ce moyen, réduire leur vulnérabilité en cas de choc sur le cours des produits de base et accroître leur résilience, grâce à une diversification de l’activité économique. Au Sénégal, à la suite d’une baisse des cours mondiaux de l’arachide, le Gouvernement a investi pour intégrer les petits producteurs dans des filières diversifiées et rentables, et les aider à abandonner la production d’arachides pour investir dans l’élevage de volailles et l’horticulture. Il en est résulté des revenus agricoles accrus et plus stables33.

VOIE 4: INTERVENIR LE LONG DE LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT ALIMENTAIRE EN VUE DE RÉDUIRE LE COÛT DES ALIMENTS NUTRITIFS

  • Augmenter les investissements dans la production et la productivité agricoles en vue d’une meilleure nutrition; accroître l’efficacité des chaînes de valeur offrant des aliments nutritifs; réduire les pertes et le gaspillage d’aliments nutritifs; promouvoir la biofortification des aliments; instituer l’enrichissement obligatoire des aliments; améliorer les routes et les infrastructures rurales (installations de stockage pour les aliments nutritifs, par exemple).
  • Par exemple, au Myanmar, des PME ont reçu des transferts directs et ont bénéficié d’un meilleur accès aux nouvelles technologies et d’une formation aux techniques de production durable, pour diversifier la production alimentaire. Plus de la moitié des participants au programme ont vu leurs revenus augmenter de 50 pour cent et ont élargi leur production, qui englobe désormais des légumes frais, ce qui a fait considérablement augmenter les disponibilités en aliments nutritifs sur les marchés locaux30.

VOIE 5: CHANGER LES ENVIRONNEMENTS ALIMENTAIRES DE SORTE À FAVORISER DES HABITUDES ALIMENTAIRES AYANT UNE INCIDENCE POSITIVE SUR LA SANTÉ HUMAINE

  • Renforcer l’environnement alimentaire (par exemple faire en sorte que les services publics d’alimentation et d’achats alimentaires veillent à assurer une alimentation saine); faire évoluer le comportement des consommateurs en prenant en compte les considérations de durabilité (par exemple améliorer les normes commerciales en tenant compte de la nutrition, taxer les aliments à densité énergétique élevée, appliquer des règles d’étiquetage et faire modifier la composition des aliments, éliminer les acides gras industriels de la chaîne de production alimentaire).
  • Par exemple, au Chili, à la suite de l’entrée en vigueur d’une loi sur l’étiquetage et la publicité des produits alimentaires, l’exposition des adolescents et des enfants d’âge préscolaire à la publicité pour des aliments fortement caloriques et à teneur élevée en sel, sucre ou acides gras saturés a fortement baissé. La vente de ces produits dans les écoles a été interdite. Les achats d’aliments et de boissons présentant ces mêmes caractéristiques, qui doivent comporter un avertissement sur le devant de l’emballage, ont diminué de 24 pour cent après l’introduction de la nouvelle réglementation.

VOIE 6: LUTTER CONTRE LES INÉGALITÉS STRUCTURELLES EN VEILLANT À CE QUE LES INTERVENTIONS SOIENT FAVORABLES AUX PAUVRES ET INCLUSIVES

  • Donner des moyens aux populations vulnérables et marginalisées; réduire les inégalités entre les hommes et les femmes en soutenant les activités économiques exercées par les femmes et en favorisant une répartition équitable des ressources; promouvoir l’inclusion des femmes, des jeunes et des autres populations marginalisées; garantir l’accès aux services essentiels; réformer la fiscalité de manière à réduire les inégalités de revenu.
  • Par exemple, les inégalités entre les sexes persistent dans toutes les régions et dans tous les groupes de pays (groupes classés selon le niveau de revenu). En Indonésie, un projet de développement des communautés côtières a promu des pratiques durables de pêche et d’aquaculture en fournissant des moyens de production, en mettant en place des installations de transformation des produits de la pêche et en donnant accès aux marchés. Les femmes, qui prennent surtout part aux opérations de traitement et à la vente, ont vu leur degré d’autonomisation augmenter de 27 pour cent. En parallèle, la productivité halieutique a cru de 78 pour cent et les pertes après capture ont diminué de 5 pour cent.
NOTES: On trouvera plus d’exemples des six voies de transformation dans l’édition 2021 de L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde30 et dans les éditions du rapport qui ont successivement traité des facteurs principaux et des causes structurelles sous-jacentes: les conflits (2017)13; la variabilité et les extrêmes climatiques (2018)34; les ralentissements et les fléchissements économiques (2019)33; l’accès insuffisant à une alimentation saine et l’inaccessibilité économique de cette alimentation (2020)29.
SOURCE: D’après FAO, FIDA, OMS, PAM et UNICEF. 2021. L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021. Transformer les systèmes alimentaires pour que la sécurité alimentaire, une meilleure nutrition et une alimentation saine et abordable soient une réalité pour tous. Rome, FAO. https://doi.org/10.4060/cb4474fr.

Cartographie de la définition de base et de la définition élargie et application des définitions aux flux financiers

L’application de la définition de base et de la définition élargie du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition est présentée à la figure 20. Le financement des actions visant à renforcer la résilience face aux principaux facteurs de l’augmentation récente de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition (définition élargie) vient s’ajouter à la définition de base et la complète. De plus, comme on le voit dans la figure, la définition élargie doit prendre en compte le contexte national. Tous les pays ne sont pas touchés par tous les facteurs principaux. Si certains sont touchés par un seul facteur, les pays dans lesquels l’insécurité alimentaire a le plus augmenté sont généralement touchés par un ensemble de facteurs. Cela signifie, en théorie, que les pays n’auraient pas besoin de financer l’adoption des six voies de transformation, mais uniquement celles qui répondent aux principaux facteurs auxquels ils sont confrontés, compte tenu de leur situation particulière.

FIGURE 20 APPLICATION DE LA DÉFINITION DE BASE ET DE LA DÉFINITION ÉLARGIE DU FINANCEMENT AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DE LA NUTRITION

SOURCE: Auteurs du présent document (FAO).

Passer de la définition du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition à une application de la définition pour mesurer les niveaux de financement exige de comprendre comment les flux de financement sont répertoriés et de quelle manière il en est rendu compte, et de mettre au point des lignes directrices en vue de faire correspondre ces flux à la définition. Le cadre conceptuel de la sécurité alimentaire et de la nutrition met clairement en évidence les différents déterminants et les voies à suivre pour atteindre les cibles 2.1 et 2.2 des ODD. Toutefois, pour évaluer dans quelle mesure le cadre conceptuel peut être cartographié et relié aux cadres de financement et aux bases de données existantes, il faut une ventilation à un niveau de granulation plus poussé.

Pour les besoins du présent rapport, une première cartographie et une ébauche de lignes directrices ont été élaborées et appliquées afin de parvenir à des estimations partielles du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition et de ses mécanismes (voir le chapitre 4). Cartographier a consisté d’abord à définir quatre niveaux de classification à partir du cadre conceptuel de la définition de base et de la définition élargie: i) le niveau 1 distingue entre les deux définitions; ii) le niveau 2 entre la consommation alimentaire, l’état de santé et les trois principaux facteurs (conflits, variabilité et extrêmes climatiques, ralentissements et fléchissements économiques) et les causes structurelles sous-jacentes (accès insuffisant à une alimentation saine et inaccessibilité économique de cette alimentation, environnements alimentaires néfastes pour la santé, et persistance de fortes inégalités); iii) le niveau 3 entre les quatre dimensions de la sécurité alimentaire (disponibilités, accès, utilisation et stabilité), les pratiques et les services de santé et l’hygiène de l’environnement, et chacune des six voies de transformation concernant les politiques relatives aux principaux facteurs; et iv) le niveau 4 entre les domaines d’intervention relatifs aux définitions du niveau 3 de la classification. Les quatre niveaux de classification sont présentés sous forme de tableau dans le supplément au chapitre 3 (tableau S3.2).

Deuxièmement, une liste de mots-clés a été établie pour préciser les types de financements et d’interventions correspondant à la classification à quatre niveaux. Il fallait un cadre plus détaillé étant donné que certains financements et certaines interventions pouvaient correspondre à plusieurs éléments du cadre. Par exemple, l’alimentation à l’école est rattachée à la définition de base, à la fois en termes de consommation alimentaire (utilisation des aliments et comportement de consommation alimentaire) et en termes d’état de santé (pratiques d’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants); et elle relève aussi de la définition élargie, dans la voie 3 (ralentissements et fléchissements économiques). D’un point de vue théorique, cette double appartenance n’est pas forcément un problème, mais lorsqu’on veut relier la définition de la sécurité alimentaire et de la nutrition aux données relatives aux flux financiers, on risque de compter deux fois des ressources. Pour éviter les chevauchements, on a dressé des listes de mots-clés et créé des règles de décision qui doivent servir de guide pour affecter les financements aux différents éléments de la classification. On trouvera les mots-clés dans le tableau S3.3 et les règles de décision dans le tableau S3.4 du supplément au chapitre 3.

Il importe de faire la distinction entre les allocations financières «spécifiques» et les allocations financières «de soutien» au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition. Un financement «spécifique» correspond à une allocation financière qui contribue entièrement (100 pour cent) à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Toutefois, comme indiqué à la section 3.1, d’importantes allocations financières contribuent à la sécurité alimentaire et à la nutrition sans avoir pour vocation exclusive d’agir sur les résultats en matière de sécurité alimentaire et de nutrition. Ces financements «de soutien» désignent les allocation financières qui ne contribuent que partiellement à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Une pondération leur est appliquée afin de tenir compte du pourcentage de leur contribution à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Ces pondérations ont leurs limites et sont très difficiles à déterminer, principalement parce qu’on manque de données et d’éléments factuels. Cependant, les autres possibilités – soit ne pas tenir compte des dépenses de soutien, soit inclure leur montant total dans les estimations – présenteraient encore plus de limitations. La méthode suivie, les sources de données et l’application des coefficients de pondération, y compris les limites, sont décrits dans le supplément au chapitre 3 (section S3.2 et tableau S3.3).

Passer d’une définition du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition à une cartographie qui la relie aux allocations financières est une tâche difficile, mais nécessaire, quelle que soit la définition appliquée. Étant donné que, comme nous l’avons expliqué, les flux de financement et les budgets actuels sont définis sur une base sectorielle, il est difficile d’appliquer une définition, quelle qu’elle soit, du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition, et l’exercice nécessite inévitablement la formulation d’hypothèses imparfaites. Cela est vrai non seulement de la nouvelle définition présentée plus haut, mais aussi de toutes les autres définitions, utilisées dans les différentes études, même si ce n’est pas toujours explicitement mis en lumière ni mentionné de manière transparente. Du fait que les ressources financières sont présentées dans des catégories organisées par secteur, il y a un risque de «surcompter» ou de «sous-compter» les dépenses et les investissements à l’appui de la sécurité alimentaire et de la nutrition et de surévaluer ou de sous-évaluer leur importance relative.

Le présent rapport introduit de la transparence dans ce processus, tout en fournissant par ailleurs une nouvelle définition du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition et des indications pour son application, plus conformes aux efforts de financement nécessaires pour atteindre les cibles 2.1 et 2.2 des ODD. C’est là une première étape, qui permettra de s’appuyer sur une définition unique, tout en sachant qu’il conviendra de l’affiner et de l’améliorer encore par la suite. Avec le présent rapport, le système des Nations Unies et tous les gouvernements disposent désormais d’une définition et d’un cadre adéquats pour mesurer et suivre les financements disponibles et ceux nécessaires pour la sécurité alimentaire et la nutrition, en tant que moyens d’application en vue de la réalisation des cibles 2.1 et 2.2 des ODD. Mais les données dont nous disposons nous permettent-elles de les appliquer?

Le chapitre 4 montre que les données qui permettent d’appliquer la nouvelle définition n’existent que pour certains flux de financement; il n’est donc pas possible de faire un véritable inventaire des financements disponibles, et encore moins de calculer le déficit de financement à combler pour réaliser les cibles 2.1 et 2.2 des ODD. Les sources de données et les méthodes doivent donc être améliorées, afin que l’on dispose de meilleures données à l’appui de décisions fondées sur des données factuelles en matière de financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition. C’est un message qui ressort clairement du présent rapport: il faut de meilleures données, qui puissent permettre un suivi du financement au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition – faute de quoi ce suivi restera difficile à effectuer.

C’est pourquoi le rapport appelle aussi à l’adoption universelle et à l’usage transparent d’une approche normalisée pour la mise en œuvre de la nouvelle définition, sa cartographie et son application aux données financières.

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