Ce chapitre présente une évaluation mondiale actualisée de la sécurité alimentaire et de la nutrition jusqu’en 2023 et décrit les progrès accomplis dans la réalisation des cibles 2.1 et 2.2 des ODD: éliminer la faim et faire en sorte que chacun ait accès tout au long de l’année à une alimentation sans danger pour la santé, nutritive et en quantité suffisante, et mettre fin à la malnutrition sous toutes ses formes d’ici à 2030.

La section 2.1 fait le point sur la situation en matière de sécurité alimentaire ainsi que sur les progrès accomplis dans la lutte contre la faim et l’insécurité alimentaire (cible 2.1 des ODD). Elle présente notamment des estimations mondiales, régionales et infrarégionales, actualisées jusqu’en 2023, des deux indicateurs de la cible 2.1 des ODD: la prévalence de la sous-alimentation (PoU) et la prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave évaluée selon l’échelle de mesure de l’insécurité alimentaire vécue (échelle FIES). Des estimations mondiales et régionales actualisées de la prévalence de l’insécurité alimentaire par sexe et par niveau d’urbanisation sont également fournies. La section 2.2 propose des estimations améliorées du coût et de l’abordabilité (accessibilité économique) d’une alimentation saine pour la période allant de 2017 à 2022, lesquelles fournissent des informations sur l’accès économique à des aliments nutritifs et diversifiés dans l’ensemble du monde. L’évaluation présentée cette année repose sur les dernières données en date relatives aux prix des produits alimentaires publiées par le Programme de comparaison internationale et sur des ajustements méthodologiques destinés à améliorer les estimations de l’accessibilité économique. La section 2.3 analyse l’état de la nutrition dans le monde et les progrès accomplis vers les cibles mondiales en matière de nutrition établies par l’Assemblée mondiale de la Santé en 2012 et dans le cadre du Programme 2030 (cible 2.2 des ODD). Des données actualisées sont communiquées cette année sur l’allaitement maternel exclusif et l’obésité chez l’adulte. Cette section met également en avant les progrès observés dans les pays les moins avancés (PMA) et s’agissant du double fardeau de la malnutrition.

2.1 Indicateurs de la sécurité alimentaire: dernières données en date et progrès vers l’élimination de la faim et l’instauration de la sécurité alimentaire

MESSAGES CLÉS
  • Après avoir fortement augmenté de 2019 à 2021, la faim dans le monde – mesurée par la prévalence de la sous-alimentation (PoU) – s’est maintenue à peu près au même niveau pendant trois années consécutives, et touchait encore 9,1 pour cent de la population en 2023 (contre 7,5 pour cent en 2019).
  • On estime qu’entre 713 millions et 757 millions de personnes, soit respectivement 8,9 pour cent et 9,4 pour cent de la population mondiale, pourraient avoir connu la faim en 2023. Si l’on considère le milieu de la fourchette (733 millions), cela représente quelque 152 millions de personnes de plus qu’en 2019.
  • Les tendances varient considérablement d’une région à l’autre. La faim continue d’augmenter en Afrique, mais reste relativement stable en Asie, et des progrès notables sont enregistrés en Amérique latine. De 2022 à 2023, la faim a empiré en Asie de l’Ouest, dans les Caraïbes et dans la plupart des sous-régions de l’Afrique.
  • L’Afrique reste la région qui présente la plus forte proportion de population touchée par la faim d’après les estimations – 20,4 pour cent, contre 8,1 pour cent en Asie, 6,2 pour cent en Amérique latine et dans les Caraïbes et 7,3 pour cent en Océanie. Toutefois, l’Asie compte toujours plus de la moitié des personnes qui souffrent de la faim dans le monde, soit quelque 385 millions de personnes. La faim a également touché près de 300 millions de personnes en Afrique, plus de 40 millions en Amérique latine et dans les Caraïbes et plus de 3 millions en Océanie en 2023.
  • D’après les projections, 582 millions de personnes seront en situation de sous-alimentation chronique à la fin de la décennie; plus de la moitié d’entre elles vivront en Afrique. Ce chiffre est supérieur de 130 millions environ à celui établi dans un scénario qui reflète l’économie mondiale telle qu’elle était avant la pandémie de covid-19.
  • Outre la faim, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave demeure à un niveau supérieur à celui enregistré avant la pandémie, et a peu évolué en quatre ans. On estime qu’en 2023, l’insécurité alimentaire modérée ou grave touchait 28,9 pour cent de la population mondiale, ce qui signifie que 2,33 milliards de personnes n’avaient pas accès à une nourriture adéquate de manière régulière. Ces estimations comprennent les 10,7 pour cent de la population – soit plus de 864 millions de personnes – en proie à une insécurité alimentaire grave, situation qui compromet dangereusement leur santé et leur bien-être.
  • En 2023, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave en Afrique (58,0 pour cent) représentait près du double de la moyenne mondiale, tandis qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes, en Asie et en Océanie, elle était plus proche de cette dernière – soit 28,2 pour cent, 24,8 pour cent et 26,8 pour cent, respectivement.
  • La prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave est restée pratiquement inchangée en Afrique, en Asie, et en Amérique du Nord et en Europe de 2022 à 2023, et a augmenté en Océanie. En revanche, des progrès notables ont été observés en Amérique latine.
  • L’insécurité alimentaire touche davantage les femmes que les hommes, mais l’écart entre les sexes, qui s’était fortement creusé de 2019 à 2021, a commencé à se réduire en 2022, diminution qui s’est poursuivie en 2023. À l’échelle mondiale, la différence en points de pourcentage entre les hommes et les femmes s’agissant de la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave a diminué, passant de 3,6 en 2021 à 2,3 en 2022, puis à 1,3 en 2023.
  • Dans l’ensemble du monde et dans toutes les régions, sauf l’Amérique du Nord et l’Europe, la prévalence de l’insécurité alimentaire est systématiquement plus élevée dans les zones rurales que dans les zones urbaines, tandis que les écarts de prévalence entre les zones périurbaines et les zones rurales varient selon les régions.

Indicateur 2.1.1 des ODD Prévalence de la sous-alimentation

L’évaluation de la faim dans le monde en 2023 – mesurée par la prévalence de la sous-alimentation (PoU) (indicateur 2.1.1 des ODD) – révèle une absence constante de progrès au regard de l’objectif d’élimination de la faim. Les tensions inflationnistes, en particulier les augmentations des prix relatifs des produits alimentaires, continuent d’éroder les gains économiques d’une multitude de personnes dans de nombreux pays, pesant sur leur accès à la nourriture, dans un contexte où le monde peine encore à se relever de la pandémie mondiale, et est aux prises avec de plus en plus de conflits et de phénomènes météorologiques extrêmes.

Après avoir fortement augmenté de 2019 à 2021, la proportion de la population mondiale souffrant de la faim est demeurée pratiquement inchangée pendant trois années consécutives, les dernières estimations indiquant une PoU de 9,1 pour cent en 2023 (figure 1) (voir l’encadré 1). On estime qu’entre 713 millions et 757 millions de personnes, soit respectivement 8,9 pour cent et 9,4 pour cent de la population mondiale, ont souffert de la faim en 2023. Si l’on considère le milieu de la fourchette estimative (733 millions), cela représente quelque 152 millions de personnes de plus en 2023 qu’en 2019.

FIGURE 1 LA FAIM A FORTEMENT AUGMENTÉ DE 2019 À 2021 À L’échelle MONDIALE, PUIS EST RESTÉE AU MÊME NIVEAU JUSQU’EN 2023

NOTES: Les barres correspondent aux limites inférieure et supérieure de la fourchette des estimations. * Les projections fondées sur des prévisions immédiates pour 2023 sont indiquées par des traits en pointillé.
SOURCE: FAO. 2024. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. [Consulté le 24 juillet 2024]. https://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS. Licence: CC-BY-4.0.

ENCADRÉ 1ACTUALISATION DE LA SÉRIE D’ESTIMATIONS DE LA PRÉVALENCE DE LA SOUS-ALIMENTATION

Comme pour toutes les éditions du présent rapport, plutôt que d’ajouter simplement un point de données à la série existante d’estimations de la prévalence de la sous-alimentation (PoU) depuis 2000, nous avons révisé la série dans son intégralité afin de prendre en compte les données et informations actualisées ou nouvelles reçues par la FAO depuis la publication de l’année dernière. Dans certains cas, les nouvelles informations portent sur des années passées, raison pour laquelle nous sommes amenés à réviser l’ensemble de la série, et invitons le lecteur à ne pas comparer les chiffres entre les différentes éditions du rapport.

Pour la présente édition, la modification majeure a consisté à intégrer les estimations révisées du degré d’inégalité d’accès à la nourriture au sein des populations nationales, rendu par le paramètre de coefficient de variation imputable aux revenus (CV|y) utilisé dans la formule de calcul de la PoU. Depuis la dernière édition du rapport, la Division de la statistique de la FAO a obtenu l’accès aux ensembles complets de microdonnées de 14 enquêtes dans 13 pays, lesquels ont été traités en vue d’actualiser le paramètre CV|y pour les combinaisons pays/année suivantes: Arménie (2022), Costa Rica (2019), Côte d’Ivoire (2022), Inde (2011/2012 et 2022/2023), Jordanie (2017), Kazakhstan (2022), Maldives (2016), Mali (2022), Mexique (2022), Niger (2022), République de Moldova (2022), Sénégal (2022) et Timor-Leste (2015).

Les nouvelles estimations du paramètre CV|y ont remplacé les précédentes valeurs pour ces pays et années, lesquelles pouvaient avoir été obtenues par interpolation ou modélisation. Par ailleurs, il est souvent nécessaire de réviser le même paramètre dans le même pays pour les années précédentes et suivantes, afin de rapprocher les anciennes et nouvelles informations au moyen d’interpolations et d’extrapolations cohérentes (voir l’annexe 1B).

Outre la révision de la série de la PoU dans les pays pour lesquels il existe de nouvelles données provenant d’enquêtes et les révisions correspondantes des agrégats régionaux et mondiaux sous-jacents, l’un des effets très visibles de la mise à disposition de nouvelles données issues de neuf enquêtes menées après 2021 est la réduction de l’incertitude autour des estimations de la PoU pour 2022 et 2023. Cette réduction de l’incertitude est liée à l’introduction dans l’analyse d’éléments rendant directement compte du degré d’inégalité d’accès à la nourriture dans ces pays. Dans les éditions précédentes de ce rapport, le niveau d’incertitude relativement plus élevé lié au manque de données nationales sur les effets de la pandémie nous a amenés à ajouter des limites supérieure et inférieure à la série en 2020, 2021 et 2022 (voir le supplément au chapitre 2). L’incertitude autour de ce qu’était la situation réelle ces années-là ne disparaîtra jamais, mais nous espérons continuer d’avoir accès plus fréquemment à l’avenir à des informations sur la consommation alimentaire en provenance de pays supplémentaires, ce qui nous permettra d’accroître encore la fiabilité de nos évaluations de l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde.

L’Afrique est la région dans laquelle la PoU est la plus forte – 20,4 pour cent, contre 8,1 pour cent en Asie, 6,2 pour cent en Amérique latine et dans les Caraïbes et 7,3 pour cent en Océanie (tableau 1). Toutefois, l’Asie compte toujours le plus grand nombre de personnes qui souffrent de la faim, à savoir 384,5 millions, soit plus de la moitié de la population confrontée à la faim dans le monde. En Afrique, 298,4 millions de personnes pourraient avoir connu la faim en 2023, contre 41,0 millions en Amérique latine et dans les Caraïbes et 3,3 millions en Océanie (tableau 2).

La prévalence de la faim n’a pas évolué au niveau mondial, mais on observe une variation des tendances entre les régions et au sein de celles-ci. La PoU pour l’Afrique a augmenté en continu de 2015 à 2023, tandis que la faim a reculé dans la région Amérique latine et Caraïbes depuis 2021 et est restée à un niveau relativement stable en Asie sur la même période (tableau 1, tableau 2 et figure 2).

TABLEAU 1PRÉVALENCE DE LA SOUS-ALIMENTATION, 2005-2023

NOTES: Pour consulter la liste des pays composant chaque agrégat régional/sous-régional, voir les Notes relatives aux régions géographiques dans les tableaux statistiques, à la fin du rapport. * Les valeurs indiquées sont fondées sur les estimations ponctuelles; on trouvera dans le supplément au chapitre 2 les valeurs des limites inférieure et supérieure des plages d’estimations de 2020 à 2023.
SOURCE: FAO. 2024. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. [Consulté le 24 juillet 2024]. https://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS. Licence: CC-BY-4.0.

TABLEAU 2NOMBRE DE PERSONNES SOUS-ALIMENTÉES, 2005-2023

NOTES: n.c. = valeur non communiquée, car la prévalence est inférieure à 2,5 pour cent. Les totaux régionaux peuvent différer de la somme des totaux des sous-régions en raison des arrondis et des valeurs non communiquées. Pour consulter la liste des pays composant chaque agrégat régional/sous-régional, voir les Notes relatives aux régions géographiques dans les tableaux statistiques, à la fin du rapport. * Les valeurs indiquées sont fondées sur les estimations ponctuelles; on trouvera dans le supplément au chapitre 2 les valeurs des limites inférieure et supérieure des plages d’estimations de 2020 à 2024
SOURCE: FAO. 2024. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. [Consulté le 24 juillet 2024]. https://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS. Licence: CC-BY-4.0.

FIGURE 2 DANS CERTAINES SOUS-RÉGIONS D’ASIE ET D’AMÉRIQUE LATINE, DES PROGRÈS ONT ÉTÉ ACCOMPLIS EN MATIÈRE DE RÉDUCTION DE LA FAIM, MAIS CETTE DERNIÈRE CONTINUE D’AUGMENTER EN ASIE DE L’OUEST, DANS LES CARAÏBES ET DANS LA PLUPART DES SOUS-RÉGIONS D’AFRIQUE

NOTES: Seules apparaissent dans la figure les régions pour lesquelles on disposait de données pour toutes les sous-régions et dans lesquelles la prévalence de la sous-alimentation est supérieure à 2,5 pour cent. L’Asie de l’Est n’est pas représentée, car la prévalence de la sous-alimentation y a été constamment inférieure à 2,5 pour cent depuis 2010. * Les valeurs indiquées correspondent au milieu de la fourchette de projection. On trouvera dans le supplément au chapitre 2 les fourchettes complètes de valeurs de 2020 à 2023.
SOURCE: FAO. 2024. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. [Consulté le 24 juillet 2024]. https://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS. Licence: CC-BY-4.0.

En Afrique, la faim n’a cessé d’augmenter depuis 2015. Plus d’une personne sur cinq vivant en Afrique a pu avoir connu la faim en 2023. La faim s’est aggravée dans la plupart des sous-régions d’Afrique de 2022 à 2023, sauf en Afrique de l’Est et en Afrique australe. Après avoir augmenté sans discontinuer depuis 2015, la PoU en Afrique de l’Est a reculé de 1 point de pourcentage en 2023, pour s’établir à 28,6 pour cent (138,5 millions de personnes). Il reste que près de la moitié des personnes qui souffraient de la faim en Afrique en 2023 vivaient dans cette sous-région. En Afrique australe, la PoU est restée relativement stable de 2022 à 2023, après trois années consécutives de hausse. En Afrique centrale, en revanche, la PoU a fortement progressé de 2022 à 2023, augmentant de 3,3 points de pourcentage – soit la plus forte hausse en points de pourcentage parmi toutes les sous-régions du monde –, et a ainsi atteint 30,8 pour cent (62,2 millions de personnes) en 2023. La situation s’est également dégradée en Afrique de l’Ouest, où la PoU a enregistré une augmentation très nette de 2019 à 2020, suivie d’une autre, plus faible, en 2021, puis est repartie fortement à la hausse pendant deux années consécutives, pour s’établir à 16,0 pour cent (70,4 millions de personnes) en 2023. La faim a également augmenté, mais plus lentement, dans la sous-région qui présente la plus faible PoU du continent, à savoir l’Afrique du Nord, touchant 7,8 pour cent de la population (20,7 millions de personnes) en 2023.

La tendance de la faim en Asie reflète celle observée au niveau mondial, à savoir une forte hausse de 2019 à 2021, suivie de deux années presque sans changement; en 2023, 8,1 pour cent de la population souffrait encore de la faim.

En Asie centrale, après être passée de 2,6 pour cent en 2019 à 3,2 pour cent en 2020, la PoU a légèrement diminué les années suivantes, puis s’est établie à 3,0 pour cent en 2023. En Asie du Sud-Est, la PoU a augmenté lentement, passant de 5,5 pour cent en 2019 à 6,1 pour cent en 2022, et est restée inchangée en 2023. En Asie du Sud, des progrès encourageants ont été observés deux années de suite. Après avoir fortement augmenté de 2019 à 2021, la PoU est passée de 14,5 pour cent en 2021 à 13,9 pour cent en 2023 – soit 7,7 millions de personnes de moins souffrant de la faim. En revanche, la situation a continué de s’aggraver en Asie de l’Ouest, où la faim augmente depuis 2015, et a touché 12,4 pour cent de la population en 2023.

En Amérique latine et dans les Caraïbes, l’augmentation de la faim pendant deux ans dans le sillage de la pandémie de covid-19 a reflété la tendance observée à l’échelle mondiale; la reprise a cependant été considérablement plus vigoureuse dans la région. Après être passée de 5,6 pour cent en 2019 à 6,9 pour cent en 2021, la PoU a baissé deux années de suite, et s’est établie à 6,2 pour cent en 2023 – soit 4,3 millions de personnes libérées de la faim en deux ans, principalement grâce aux améliorations enregistrées en Amérique du Sud. Ce progrès est encourageant, même si la PoU reste bien supérieure aux niveaux enregistrés avant la pandémie.

Parallèlement, on constate des disparités notables dans les progrès à l’échelle sous-régionale, la faim touchant une proportion de la population bien plus grande, et en augmentation, dans les Caraïbes. La PoU dans cette sous-région était plus de trois fois supérieure à celle de l’Amérique latine pour 2023. Elle a en effet enregistré une hausse sensible qui l’a portée de 15,4 pour cent en 2021 à 17,2 pour cent en 2023. La tendance est toute différente pour l’Amérique centrale, où la PoU n’a que faiblement augmenté, passant de 5,6 pour cent en 2019 à 5,9 pour cent en 2022, avant de diminuer de manière marginale en 2023. Les plus grands progrès concernent l’Amérique du Sud, qui a vu la PoU reculer pendant deux années consécutives, de 1,3 point de pourcentage au total, pour atteindre 5,2 pour cent en 2023, après être passée de 4,8 pour cent en 2019 à 6,5 pour cent en 2021, au lendemain de la pandémie. La faim a ainsi touché 5,4 millions de personnes de moins en 2023 qu’en 2021 en Amérique du Sud.

Il convient, face à ces résultats, de garder à l’esprit que l’aggravation de l’insécurité alimentaire dans les pays touchés par des crises humanitaires qui s’intensifient peut ne pas être pleinement reflétée par les prévisions immédiates de la PoU pour 2023 (voir l’encadré 2).

Vers l’élimination de la faim (cible 2.1 des ODD): projections à l’horizon 2030

Comme dans les précédentes éditions du rapport, des projections ont été réalisées à partir des prévisions disponibles concernant les variables fondamentales relatives à la démographie, à la productivité agricole et à l’économie pour déterminer le nombre de personnes risquant de souffrir de la faim en 2030. L’opération a consisté à effectuer des projections séparées des différents paramètres du modèle utilisé pour estimer la PoU (voir le supplément au chapitre 2).

Les trajectoires sont exposées dans deux scénarios: le scénario «perspectives actuelles», qui reflète les projections actuelles de la PoU jusqu’en 2030, à partir des perspectives qui sont présentées dans l’édition d’avril 2024 de la base de données Perspectives de l’économie mondiale du Fonds monétaire international5; et le scénario «projections avant la pandémie de covid-19», qui repose sur la situation de l’économie mondiale avant la pandémie, telle qu’elle est décrite dans les Perspectives de l’économie mondiale publiées en octobre 20196.

Selon le scénario fondé sur les perspectives actuelles, 582 millions de personnes, soit 6,8 pour cent de la population mondiale, seront en situation de sous-alimentation chronique en 2030, ce qui souligne l’immense défi que représente l’ODD 2 (Faim zéro) (figure 3). Ce chiffre est supérieur de 130 millions environ à celui qui ressort du scénario «projections avant la covid-19».

FIGURE 3 LE NOMBRE DE PERSONNES SOUS-ALIMENTÉES QUI RESSORT DES PROJECTIONS INDIQUE QUE LE MONDE EST LOIN D’ÊTRE SUR LA BONNE VOIE POUR ATTEINDRE L’OBJECTIF FAIM ZÉRO D’ICI À 2030

NOTES: Seules apparaissent dans la figure les régions pour lesquelles on disposait de données pour toutes les sous-régions et dans lesquelles la prévalence de la sous-alimentation est supérieure à 2,5 pour cent. *Les valeurs correspondent au milieu des fourchettes de projection.
SOURCE: Auteurs du présent document (FAO).

La figure 3 illustre également, à partir des éléments dont on dispose actuellement, la façon dont la situation est susceptible d’évoluer en Asie, en Afrique ainsi qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes. Les trajectoires sont clairement différentes, et montrent que la quasi-totalité des progrès dans la lutte contre la faim devraient être accomplis en Asie, à la faveur d’une reprise vigoureuse pendant la deuxième moitié de la décennie: le nombre de personnes sous-alimentées devrait diminuer, d’après les projections, de 385 millions actuellement à 229 millions d’ici à 2030, ce qui divisera pratiquement par deux la PoU (4,8 pour cent d’ici à 2030). La faim chronique reculera moins rapidement en Amérique latine et dans les Caraïbes, où une diminution de 8 millions du nombre de personnes sous-alimentées ramènera la PoU sous les 5 pour cent d’ici à 2030. La situation de ces deux régions est très différente de celle de l’Afrique où, d’après les projections, d’ici à 2030, 10 millions de personnes supplémentaires (soit 18 pour cent de la population) souffriront de la faim chronique. Les perspectives actuelles laissent présager que, sans une accélération des efforts et une augmentation des ressources mobilisées, le continent parviendra uniquement à stabiliser la situation au niveau élevé de faim hérité des dernières années.

Indicateur 2.1.2 des ODD Prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave dans la population, évaluée selon l’échelle de mesure de l’insécurité alimentaire vécue

La cible 2.1 des ODD ambitionne un monde libéré de la faim, mais va également bien plus loin: elle propose la vision d’un monde dans lequel chacun a accès toute l’année à des aliments sûrs et nutritifs, en quantité suffisante. L’indicateur 2.1.2 des ODD (prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave, évaluée selon l’échelle FIES) est utilisé pour suivre les progrès réalisés vers cet objectif ambitieux, qui consiste en substance à concrétiser le droit à une alimentation adéquate pour tous.

Les nouvelles estimations montrent que la prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave évaluée selon l’échelle FIES reste bien supérieure aux niveaux enregistrés avant la pandémie de covid-19, avec peu d’évolution en quatre ans (figure 4). Les niveaux sont en effet restés pratiquement stables après la forte hausse de l’insécurité alimentaire durant la pandémie (de 2019 à 2020). On estime qu’en 2023, l’insécurité alimentaire modérée ou grave touchait 28,9 pour cent de la population mondiale, ce qui signifie que 2,33 milliards de personnes n’avaient pas un accès régulier à une nourriture adéquate. La prévalence est restée pratiquement inchangée de 2020 à 2023, mais le nombre de personnes exposées à une insécurité alimentaire modérée ou grave dans le monde a augmenté de plus de 65 millions, du fait de l’accroissement de la population mondiale durant cette période (tableau 3 et tableau 4).

FIGURE 4 LES NIVEAUX D’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE SONT RESTÉS PRATIQUEMENT INCHANGÉS DE 2022 À 2023, L’AMÉRIQUE LATINE ET LES CARAÏBES ÉTANT LA SEULE RÉGION OÙ UNE RÉDUCTION NOTABLE A ÉTÉ OBSERVÉE

NOTES: Les chiffres ont été arrondis à la valeur décimale la plus proche, ce qui peut entraîner des différences dans les totaux. Seules les régions disposant de données pour l’ensemble des sous-régions sont représentées.
SOURCE: FAO. 2024. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. [Consulté le 24 juillet 2024]. https://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS. Licence: CC-BY-4.0.

Ces estimations comprennent les 10,7 pour cent de la population qui ont été en proie à une insécurité alimentaire grave – soit plus de 864 millions de personnes qui ont épuisé leurs réserves alimentaires à certains moments dans l’année ou, dans les pires cas, n’ont rien eu à manger pendant un ou plusieurs jours. La prévalence de l’insécurité alimentaire grave à l’échelle mondiale est passée de 9,1 pour cent en 2019 à 10,6 pour cent en 2020, et reste irréductiblement à ce niveau depuis.

Par rapport aux autres régions du monde, l’Afrique reste, en 2023, celle qui présente la plus forte proportion de population en situation d’insécurité alimentaire. La prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave en Afrique (58,0 pour cent) représente près du double de la moyenne mondiale, tandis qu’en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes et en Océanie, elle est plus proche de cette moyenne et même légèrement inférieure, soit 24,8 pour cent, 28,2 pour cent et 26,8 pour cent, respectivement. De 2022 à 2023, l’insécurité alimentaire modérée ou grave est restée pratiquement inchangée en Afrique et en Asie, alors qu’elle a empiré en Océanie et, dans une moindre mesure, en Amérique du Nord et en Europe. En revanche, des progrès notables ont été observés dans la région Amérique latine et Caraïbes (tableau 3, tableau 4 et figure 4).

TABLEAU 3PRÉVALENCE DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE GRAVE UNIQUEMENT ET DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE MODÉRÉE OU GRAVE, ÉVALUÉE SELON L’ÉCHELLE FIES, 2015-2023

NOTES: n.d. = non disponible, à savoir que les données disponibles portent sur un nombre restreint de pays représentant moins de 50 pour cent de la population de la région. Les estimations pour l’Amérique latine et les Caraïbes concernant la période 2014-2019 comprennent des pays des Caraïbes dont les populations cumulées ne représentent que 30 pour cent de la population de la sous-région. Les estimations pour la période 2020-2023 comprennent des pays des Caraïbes dont les populations cumulées représentent entre 60 pour cent et 65 pour cent de la population de la sous-région. Les pays compris dans l’estimation de 2023 pour la sous-région des Caraïbes sont les suivants: Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Dominique, Grenade, Haïti, Jamaïque, République dominicaine, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Sainte-Lucie et Trinité-et-Tobago.
SOURCE: FAO. 2024. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. [Consulté le 24 juillet 2024]. https://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS. Licence: CC-BY-4.0.

TABLEAU 4NOMBRE DE PERSONNES EN SITUATION D’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE GRAVE UNIQUEMENT ET EN SITUATION D’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE MODÉRÉE OU GRAVE, ÉVALUÉ SELON L’ÉCHELLE FIES, 2015-2023

NOTES: n.d. = non disponible, à savoir que les données disponibles portent sur un nombre restreint de pays représentant moins de 50 pour cent de la population de la région. Les estimations pour l’Amérique latine et les Caraïbes concernant la période 2014-2019 comprennent des pays des Caraïbes dont les populations cumulées ne représentent que 30 pour cent de la population de la sous-région. Les estimations pour la période 2020-2023 comprennent des pays des Caraïbes dont les populations cumulées représentent entre 60 pour cent et 65 pour cent de la population de la sous-région. Les pays compris dans l’estimation de 2023 pour la sous-région des Caraïbes sont les suivants: Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Dominique, Grenade, Haïti, Jamaïque, République dominicaine, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Sainte-Lucie et Trinité-et-Tobago.
SOURCE: FAO. 2024. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. [Consulté le 24 juillet 2024]. https://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS. Licence: CC-BY-4.0.

En Afrique, 58,0 pour cent de la population était en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2023, et 21,6 pour cent en situation d’insécurité alimentaire grave, mais on constate des différences notables entre les sous-régions. L’Afrique centrale présentait la plus forte prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave (77,7 pour cent, soit 157 millions de personnes), ce qui en fait la sous-région où cette dernière est la plus élevée. Suivaient l’Afrique de l’Est (64,5 pour cent, soit 313 millions de personnes) et l’Afrique de l’Ouest (61,4 pour cent, soit 270 millions de personnes). Un quart de la population d’Afrique australe (17,3 millions de personnes) et plus d’un tiers de celle d’Afrique du Nord (89,4 millions de personnes) étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2023.

L’Afrique centrale est aussi la sous-région qui enregistre le niveau le plus élevé d’insécurité alimentaire grave, en Afrique et dans le monde – 38,0 pour cent en 2023. En Afrique de l’Est, 24,2 pour cent de la population fait face à une insécurité alimentaire grave; viennent ensuite l’Afrique de l’Ouest (18,8 pour cent), l’Afrique du Nord (11,9 pour cent) et l’Afrique australe (10,9 pour cent).

De 2022 à 2023, la proportion de la population en proie à une insécurité alimentaire modérée ou grave a augmenté, au moins marginalement, dans la plupart des sous-régions de l’Afrique, et notamment en Afrique australe, où la hausse a atteint 2,1 points de pourcentage. Cependant, des améliorations ont été observées en Afrique de l’Est (l’une des sous-régions les plus touchées), où ce chiffre a diminué de 2,6 points de pourcentage de 2022 à 2023. Le nombre de personnes exposées à une insécurité alimentaire modérée ou grave en Afrique de l’Est a ainsi diminué de plus de 4 millions en un an.

Si l’on considère uniquement l’insécurité alimentaire grave, la prévalence est restée relativement stable de 2022 à 2023 en Afrique du Nord, en Afrique centrale et en Afrique australe, mais il convient de noter que, pour des raisons de disponibilité de données, la tendance pour l’Afrique du Nord pourrait ne pas totalement refléter les effets de la détérioration rapide de la situation au Soudan à la suite du conflit qui a éclaté en avril 2023 (voir l’encadré 2). L’insécurité alimentaire grave a reculé marginalement en Afrique de l’Est sur la même période, de 1,6 point de pourcentage, et a légèrement augmenté en Afrique de l’Ouest.

ENCADRÉ 2L’INTENSIFICATION DES CRISES HUMANITAIRES ACCROÎT L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE AIGUË ET MENACE LE DROIT À UNE ALIMENTATION ADÉQUATE DANS DE NOMBREUX ENDROITS DU MONDE

Durant l’élaboration de la présente édition de L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, l’intensification des crises humanitaires a continué d’éroder considérablement la sécurité alimentaire et la réalisation du droit à une alimentation adéquate dans de nombreux pays. Le Rapport mondial sur les crises alimentaires1 éclaire les décideurs sur l’évolution de la situation en leur fournissant des informations détaillées sur l’insécurité alimentaire aiguë dans un ensemble de pays actuellement exposés à des crises alimentaires. L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde et le Rapport mondial sur les crises alimentaires sont tous deux des initiatives multipartites qui proposent des analyses internationales de la sécurité alimentaire, mais le lecteur doit être conscient qu’ils diffèrent par leurs objectifs et leur portée géographique, et que leurs analyses reposent sur des données et des méthodes bien distinctes.

L’une des différences importantes est que L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, qui fait état des progrès au regard des indicateurs de l’ODD 2, a pour objectif général de permettre un suivi régulier de l’insécurité alimentaire chronique – définie comme étant une insécurité alimentaire qui se prolonge, en raison principalement de causes structurelles – dans tous les pays. Le Rapport mondial sur les crises alimentaires est quant à lui axé sur l’insécurité alimentaire aiguë, laquelle désigne toute manifestation, à un moment donné, d’une insécurité alimentaire qui, par sa gravité, menace la vie ou les moyens d’existence des populations, ou les deux, indépendamment de ses causes, de son contexte ou de sa durée. Les analyses de l’insécurité alimentaire aiguë présentées dans le Rapport mondial sur les crises alimentaires reposent principalement sur le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire/Cadre harmonisé (IPC/CH), et sont très différentes de celles relatives aux indicateurs des ODD2. Une action immédiate étant essentielle en situation de crise, des évaluations rapides IPC/CH sont réalisées par les équipes locales d’analystes au moyen d’un processus consultatif mené auprès des principaux partenaires œuvrant pour la sécurité alimentaire dans le pays, notamment les interlocuteurs gouvernementaux, dans le but de dégager une convergence de l’ensemble des éléments probants disponibles, parfois partiels, y compris des données provenant de sources officielles et non officielles qui sont couramment recueillies et exploitées par la communauté humanitaire internationale.

Le Rapport mondial sur les crises alimentaires de 2024 indique que près de 282 millions de personnes ont fait face à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë dans les 59 pays/territoires connaissant une crise alimentaire qui ont été pris en compte dans l’analyse pour 2023*. Les cinq pays comptant le plus grand nombre de personnes affrontant des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë étaient, par ordre décroissant, la République démocratique du Congo, le Nigéria, le Soudan, l’Afghanistan et l’Éthiopie, tandis que les pays où la proportion de la population analysée en proie à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë était la plus importante étaient la Palestine (bande de Gaza), le Soudan du Sud, le Yémen, la République arabe syrienne et Haïti. Dans la bande de Gaza, 100 pour cent de la population faisait face à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë; il en était de même pour la moitié des personnes vivant au Soudan du Sud, au Yémen et en République arabe syrienne, et pour près de la moitié également en Haïti.

Plus de 705 000 personnes réparties dans cinq pays/territoires** étaient, d’après les projections, en situation d’insécurité alimentaire aiguë catastrophique (phase 5 de l’IPC/CH) en 2023; la plupart d’entre elles (576 000) se trouvaient dans la bande de Gaza. La bande de Gaza connaît la plus grave crise alimentaire jamais rapportée depuis que des évaluations IPC sont réalisées. Fin 2023, la totalité de la population de 2,2 millions de personnes était considérée comme faisant face à des conditions de crise ou pire (phase 3 de l’IPC ou au-delà), et 80 pour cent des personnes avaient été déplacées à l’intérieur du territoire. Une note d’information spéciale sur la bande de Gaza3 publiée le 18 mars 2024 par l’initiative mondiale de l’IPC, mettait en garde contre un risque imminent de famine, plus d’un quart de la population étant exposée à un niveau catastrophique d’insécurité alimentaire aiguë (phase 5 de l’IPC), situation qui, d’après les projections de l’époque, menacerait la moitié de la population – 1,1 million de personnes – d’ici à juillet 2024 en cas de poursuite des hostilités et des restrictions d’accès à l’aide humanitaire.

Une exacerbation du conflit au Soudan a également contribué à des niveaux d’insécurité alimentaire aiguë extraordinairement élevés, plus de 20 millions de personnes ayant fait face à des conditions de crise ou pire (phase 3 de l’IPC ou au-delà) durant la période de soudure (juin-septembre) en 2023. Le Soudan est devenu le pays du monde connaissant la pire crise liée à des déplacements internes de population; il comptait le plus grand nombre de personnes (6,3 millions) en proie à des niveaux d’insécurité alimentaire aiguë de phase 4 (urgence) de l’IPC.

L’augmentation des conflits, de la violence et des déplacements internes a également aggravé la crise alimentaire en Haïti, où près de 5 millions de personnes, soit la moitié de la population, faisaient face à des niveaux d’insécurité alimentaire aiguë ou pire (phase 3 ou au-delà de l’IPC), dont 1,8 million de personnes qui ont été en proie à des niveaux d’insécurité alimentaire aiguë de phase 4 (urgence) de l’IPC durant la période de soudure, de mars à juin 2023.

Au Soudan du Sud, on estime à 7,8 millions (63 pour cent de la population) le nombre de personnes qui ont été exposées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë (phase 3 ou au-delà de l’IPC) durant la période de soudure, d’avril à juillet 2023, dont 2,9 millions en situation d’urgence (phase 4 de l’IPC) et 43 000 en situation de catastrophe (phase 5 de l’IPC). Près de 13 millions de personnes en République arabe syrienne et 18 millions de personnes au Yémen ont fait face à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë.

Ces crises humanitaires sont parmi les plus graves dans le monde et constituent des défis énormes pour la réalisation du droit à une nourriture adéquate. Il faut apporter sans délai une aide humanitaire, notamment sous la forme d’une assistance d’urgence en matière d’agriculture, de nutrition et d’alimentation, et mettre fin aux hostilités, accéder aux populations dans le besoin et reconstruire les infrastructures et les institutions essentielles qui jouent un rôle crucial en garantissant aux populations des moyens d’existence et un accès aux produits de première nécessité. Les graines de la paix, de la sécurité alimentaire et de la prospérité partagée de demain doivent être plantées aujourd’hui.

NOTES: * Les niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë correspondent à la phase 3 (crise) ou supérieure de l’IPC. Pour des informations détaillées, voir le manuel relatif à l’IPC4. Dans le Rapport mondial sur les crises alimentaires, une crise alimentaire est définie comme étant une situation où l’insécurité alimentaire aiguë, qui nécessite une action urgente pour protéger et sauver des vies et des moyens de subsistance au niveau local ou national, outrepasse les ressources et les capacités locales requises pour y réagir. ** Burkina Faso, Palestine (bande de Gaza), Mali, Somalie et Soudan du Sud.

En Asie, 24,8 pour cent de la population (1,18 milliard de personnes) était en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2023, et 9,8 pour cent (467,3 millions de personnes) faisait face à une insécurité alimentaire grave. La majorité vivait en Asie du Sud, où 41,1 pour cent de la population (soit 833,4 millions de personnes) était en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave, dont la moitié (387,7 millions de personnes, soit 19,1 pour cent de la population de la sous-région) était exposée à une insécurité alimentaire grave. En Asie de l’Ouest, 37,5 pour cent de la population (111,9 millions de personnes) était en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave, et 13,3 pour cent (39,7 millions) faisait face à une insécurité alimentaire grave. La prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave était comparativement moins élevée en Asie centrale (16,6 pour cent, soit 12,9 millions de personnes) et en Asie du Sud-Est (17,1 pour cent, soit 117,7 millions de personnes), le plus faible niveau ayant été enregistré en Asie de l’Est (6,3 pour cent, soit l’équivalent de 105,2 millions de personnes). La proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire grave dans ces sous-régions était également bien moins élevée: 3,4 pour cent, 2,9 pour cent et 1,0 pour cent en Asie centrale, en Asie du Sud-Est et en Asie de l’Est, respectivement.

Les tendances varient selon les sous-régions de l’Asie. En Asie de l’Est, les niveaux d’insécurité alimentaire sont restés pratiquement inchangés par rapport à 2021. En Asie du Sud et en Asie du Sud-Est, la prévalence de l’insécurité alimentaire aux deux niveaux n’a presque pas évolué de 2022 à 2023. Des signes de progrès ont été perçus en Asie de l’Ouest au cours de la même période, bien que la prévalence de l’insécurité alimentaire grave ait légèrement augmenté en 2023 par rapport à 2021. L’Asie centrale est la seule sous-région qui a enregistré des progrès constants depuis 2021, l’insécurité alimentaire, aux deux niveaux, ayant reculé deux années de suite: le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave a diminué de 2,4 millions en 2023 par rapport à 2021, tandis que pour l’insécurité alimentaire grave, le chiffre a baissé de plus de 1 million.

La région Amérique latine et Caraïbes est la seule qui a progressé dans la réalisation de la cible 2.1 des ODD de 2022 à 2023. La prévalence de l’insécurité alimentaire dans la région a nettement baissé pour la deuxième année consécutive, passant de 31,4 pour cent en 2022 à 28,2 pour cent en 2023 s’agissant du niveau modéré ou grave, et de 11,0 pour cent à 8,7 pour cent s’agissant du niveau grave. Cela équivaut à une réduction de près de 20 millions du nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2023 par rapport à 2022, dont une diminution de plus de 14 millions du nombre de personnes exposées à une insécurité alimentaire grave.

On observe toutefois d’importantes différences selon les sous-régions. En 2023, la prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave dans les Caraïbes (58,8 pour cent) était plus de deux fois supérieure à celle de l’Amérique centrale (28,2 pour cent) et de l’Amérique du Sud (25,1 pour cent). L’évolution de 2022 à 2023 a été presque insignifiante en Amérique centrale et dans les Caraïbes, bien que l’insécurité alimentaire grave ait augmenté marginalement dans les Caraïbes depuis 2021. En revanche, des progrès encourageants ont été enregistrés en Amérique du Sud. La prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave a baissé pour la deuxième année consécutive, passant de 29,6 pour cent en 2022 à 25,1 pour cent en 2023, soit une diminution de 18,7 millions du nombre de personnes touchées. La prévalence de l’insécurité alimentaire grave en Amérique du Sud a également diminué notablement, passant de 10,4 pour cent en 2022 à 7,2 pour cent en 2023, soit une réduction de près de 14 millions du nombre de personnes touchées.

L’insécurité alimentaire semble s’accroître en Océanie. On observe une augmentation ininterrompue de l’insécurité alimentaire modérée ou grave, de 23,2 pour cent en 2020 à 26,8 pour cent en 2023, et une hausse de 2,7 points de pourcentage rien que pour l’année dernière. La prévalence de l’insécurité alimentaire grave a également augmenté de manière marginale au cours de l’année écoulée, passant de 9,3 pour cent en 2022 à 10,4 pour cent en 2023.

L’insécurité alimentaire s’est légèrement aggravée dans la région Amérique du Nord et Europe entre 2022 et 2023, mais la différence reste dans la marge d’erreur statistique. La prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave en 2023 était de 8,2 pour cent en Europe et de 9,8 pour cent en Amérique du Nord, et 2,0 pour cent et 1,0 pour cent de la population de ces sous-régions, respectivement, a été exposée à une insécurité alimentaire grave.

La figure 5 présente une analyse d’ensemble de l’échelle et des proportions de l’insécurité alimentaire au niveau mondial et dans les régions. Bien que la prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave en Asie n’atteigne que la moitié environ de celle de l’Afrique, la région compte le plus grand nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire dans le monde – 1,18 milliard en Asie contre 847 millions en Afrique. En 2023, la moitié des 2,33 milliards de personnes qui souffraient d’insécurité alimentaire se trouvaient en Asie, plus d’un tiers en Afrique, environ 8 pour cent (188 millions) en Amérique latine ou dans les Caraïbes, et quelque 4 pour cent (98 millions) en Amérique du Nord ou en Europe. On note également des différences notables dans la proportion de personnes en situation d’insécurité alimentaire grave par rapport à la population totale exposée à une insécurité alimentaire modérée ou grave: elle est d’environ 40 pour cent en Asie, de 37 pour cent en Afrique, de 31 pour cent en Amérique latine et dans les Caraïbes et de 18 pour cent en Amérique du Nord et en Europe.

FIGURE 5 L’AMPLEUR ET LA RÉPARTITION DES DEUX NIVEAUX DE GRAVITÉ DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE EN 2023 VARIENT GRANDEMENT SELON LES RÉGIONS DU MONDE

NOTE: Seules apparaissent dans la figure les régions pour lesquelles on disposait de données pour toutes les sous-régions.
SOURCE: FAO. 2024. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. [Consulté le 24 juillet 2024]. https://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS. Licence: CC-BY-4.0.

Différences enregistrées entre les zones rurales, les zones périurbaines et les zones urbaines et entre les hommes et les femmes en matière d’insécurité alimentaire

L’un des principes directeurs de la vision exposée dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Programme 2030) est de veiller à ce que personne ne soit laissé de côté. Des informations plus détaillées sur l’insécurité alimentaire de différents groupes de population facilitent le suivi des progrès accomplis vers la concrétisation de cette vision. À cet égard, les données FIES collectées par la FAO peuvent être utilisées pour produire des informations ventilées pertinentes sur l’insécurité alimentaire de groupes de population précis. Premièrement, les données étant géoréférencées, on peut analyser les différences entre les personnes selon qu’elles vivent en zone rurale, périurbaine ou urbaine. Deuxièmement, les données étant recueillies directement auprès des personnes, il est possible de mettre en évidence les différences entre les deux sexes s’agissant du niveau de gravité de l’insécurité alimentaire.

Des données FIES géoréférencées ont commencé à être mises à la disposition de la FAO pour l’édition 2023 du présent rapport, dans laquelle il a été possible de présenter la première comparaison de l’insécurité alimentaire dans les populations rurales, périurbaines et urbaines aux niveaux mondial, régional et sous-régionalb. La FAO utilise la classification selon le degré d’urbanisation (DEGURBA), qui est une norme internationale, pour répartir les populations, de manière à permettre des comparaisons internationales, en fonction de leur densité et de leur taille, dans les zones suivantes: i) zones rurales; ii) petites villes et zones semi-denses (zones périurbaines); et iii) agglomérations (zones urbaines)c, 7.

Comme en 2022, les résultats pour 2023 montrent qu’à l’échelle mondiale l’insécurité alimentaire tend à diminuer à mesure que le niveau d’urbanisation augmente (figure 6)d. La prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave atteignait 31,9 pour cent dans les zones rurales, contre 29,9 pour cent dans les zones périurbaines et 25,5 pour cent dans les zones urbaines. Dans l’ensemble du monde et dans toutes les régions excepté l’Amérique du Nord et l’Europe, la prévalence de l’insécurité alimentaire, aux deux niveaux de gravité, est toujours plus élevée dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Cependant, la prévalence dans les zones périurbaines par rapport aux zones rurales varie selon les régions. En Afrique et en Asie, la prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave est identique dans les zones périurbaines et dans les zones rurales, tandis qu’en Asie, la prévalence de l’insécurité alimentaire grave est un peu plus forte dans les zones périurbaines. L’Amérique du Nord et l’Europe (considérées ensemble pour la présente analyse) est la seule région où les personnes vivant dans les zones urbaines sont plus exposées à l’insécurité alimentaire que celles vivant dans les zones rurales.

FIGURE 6 DANS L’ENSEMBLE DU MONDE ET DANS LA PLUPART DES RÉGIONS, LA PRÉVALENCE DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE EST PLUS ÉLEVÉE DANS LES ZONES RURALES QUE DANS LES ZONES URBAINES

NOTE: Seules apparaissent dans la figure les régions pour lesquelles on disposait de données pour toutes les sous-régions.
SOURCE: FAO. 2024. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. [Consulté le 24 juillet 2024]. https://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS. Licence: CC-BY-4.0.

Une comparaison de l’insécurité alimentaire selon le sexe montre que la prévalence de l’insécurité alimentaire est systématiquement plus élevée chez les femmes que chez les hommes, à l’échelle mondiale et dans toutes les régions, depuis 2015 (année depuis laquelle on dispose de données). L’écart entre les hommes et les femmes s’est considérablement creusé au niveau mondial et dans chaque région (sauf en Afrique) entre 2019 et 2021, dans le sillage de la pandémie mondiale de covid-19, du fait notamment de l’impact disproportionné qu’elle a eu sur les emplois et les revenus des femmes et du fardeau plus lourd que représentent les soins non rémunérés que ces dernières prodiguent aux enfants non scolarisés et aux membres de la famille lorsqu’ils sont malades810. Au niveau mondial, l’écart entre les sexes est passé de 1,4 point de pourcentage en 2019 à 3,6 points de pourcentage en 2021 pour l’insécurité alimentaire modérée ou grave, et de 0,6 point de pourcentage à 2,3 points de pourcentage pour l’insécurité alimentaire grave sur la même période (figure 7)e.

FIGURE 7 L’ÉCART ENTRE LES SEXES S’EST RÉDUIT DANS LA PLUPART DES RÉGIONS PENDANT DEUX ANNÉES CONSÉCUTIVES, MAIS LA PRÉVALENCE DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE EST RESTÉE SYSTÉMATIQUEMENT PLUS ÉLEVÉE CHEZ LES FEMMES QUE CHEZ LES HOMMES, À L’ÉCHELLE MONDIALE ET DANS TOUTES LES RÉGIONS

NOTE: Seules apparaissent dans la figure les régions pour lesquelles on disposait de données pour toutes les sous-régions.
SOURCE: FAO. 2024. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. [Consulté le 24 juillet 2024]. https://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS. Licence: CC-BY-4.0.

L’écart entre les sexes s’est réduit notablement en 2022 à mesure que la pandémie et les perturbations sans précédent qu’elle a provoquées se sont estompées, et de nouvelles données indiquent qu’il a continué de s’amenuiser en 2023. À l’échelle mondiale, la différence en points de pourcentage entre les hommes et les femmes s’agissant de la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave a diminué, passant à 2,3 en 2022, puis à 1,3 en 2023. Pour ce qui concerne l’insécurité alimentaire grave, l’écart est tombé à 1 point de pourcentage en 2022 et est resté à peu près au même niveau en 2023.

Il convient de noter, toutefois, que cette réduction de l’écart entre les sexes est liée en partie au fait que l’insécurité alimentaire a reculé chez les femmes alors qu’elle a augmenté chez les hommes pendant deux années consécutives en Asie, ainsi qu’en Amérique du Nord et en Europe, ce qui a influé sur la tendance mondiale.

Les différences entre les hommes et les femmes se sont resserrées au cours des deux dernières années dans la plupart des régions. L’écart entre les sexes s’agissant de l’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2023 était proche de 1 point de pourcentage dans toutes les régions sauf en Amérique latine et dans les Caraïbes, où il atteignait 5,2 points de pourcentage – 30,3 pour cent des femmes étaient touchées, contre 25,1 pour cent des hommes. Concernant l’insécurité alimentaire grave, l’écart était de 1,4 point de pourcentage en Amérique latine et dans les Caraïbes, mais de 1 point de pourcentage ou moins dans les autres régions.

Les recherches fondées sur les données FIES collectées par la FAO ont fait ressortir que les femmes sont plus touchées par l’insécurité alimentaire, même lorsque l’on prend en considération les revenus, le niveau d’instruction et les facteurs démographiques, ce qui laisse penser que les normes dominantes liées au genre et l’accès limité des femmes aux ressources sont des éléments clés10.

Cette analyse, fondée sur les données recueillies à l’aide de l’échelle FIES, montre qu’il est important de collecter des données sur la sécurité alimentaire dans les enquêtes conçues pour fournir des informations ventilées sur l’insécurité alimentaire dans différents groupes de population cibles. De la même manière, lorsque des données FIES sont collectées parallèlement à d’autres informations pertinentes dans le cadre d’une même enquête, les résultats peuvent également mettre en lumière les causes et conséquences potentielles de l’insécurité alimentaire. De précédentes éditions du présent rapport, par exemple, ont proposé des analyses du lien entre l’insécurité alimentaire et les différentes formes de malnutrition11 ainsi que le régime alimentaire12. L’expérience de l’insécurité alimentaire peut contribuer par de multiples voies à différentes formes de malnutrition, mais les principales sont celles qui passent par l’alimentation11. De ce fait, il est important d’essayer de mieux comprendre de quelle manière l’insécurité alimentaire, y compris à un niveau de gravité modéré, peut être liée à l’alimentation elle-même. Cependant, rassembler des données sur la consommation alimentaire afin de comparer les modes d’alimentation selon les pays et les cultures est un défi de taille. Plusieurs initiatives en cours s’attachent à le relever. L’une d’elles consiste à recueillir des données sur l’alimentation dans le cadre d’un grand nombre d’enquêtes visant à collecter des données FIES, et offre une occasion sans précédent d’examiner le lien entre l’insécurité alimentaire et le régime alimentaire (encadré 3).

ENCADRÉ 3LA GRAVITÉ DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE EST-ELLE LIÉE AUX CARACTÉRISTIQUES D’UNE ALIMENTATION SAINE? DONNÉES PRÉLIMINAIRES ISSUES DE 28 PAYS

Une alimentation saine résulte de la consommation d’une diversité d’aliments qui fournissent des nutriments adéquats et des composés bioactifs importants pour la santé, d’un apport équilibré de macronutriments, et d’une consommation modérée d’aliments et de boissons qui augmentent le risque de maladies non transmissibles liées à l’alimentation, notamment ceux qui sont riches en mauvaises graisses, en sucres libres et/ou en sel, et/ou qui contiennent des édulcorants sans sucre, et qui sont souvent hautement transformés1319. Bien que les concepts de sécurité alimentaire et d’alimentation saine soient intimement liés, leur relation n’est pas directe.

On peut considérer intuitivement que les personnes en situation d’insécurité alimentaire sont les moins susceptibles d’avoir une alimentation saine, mais le lien n’est pas direct, car une multitude de facteurs, qui diffèrent selon le contexte, tels que ceux relevant des environnements alimentaires, des comportements des consommateurs, ainsi que du coût et de l’accessibilité économique d’une alimentation saine, entrent en jeu. Par exemple, on a constaté que l’insécurité alimentaire était associée, dans certains contextes, à une faible consommation de tous les types d’aliments et à une proportion importante d’énergie alimentaire issue d’aliments de base et, dans d’autres, à une faible consommation d’aliments nutritifs et une consommation élevée d’aliments à forte densité énergétique et à forte teneur en mauvaises graisses, en sucres et en sel20.

L’insécurité alimentaire peut par conséquent influer sur l’alimentation de diverses manières, et contribuer ainsi à plusieurs formes de malnutrition, dont la dénutrition (retard de croissance, émaciation et carences en micronutriments), mais aussi l’excès pondéral et l’obésité11, 21. Cependant, la plupart des études recueillent des données sur l’insécurité alimentaire et les apports alimentaires en faisant appel à des méthodes de collecte et d’analyse et des types d’échantillons différents, ce qui empêche une comparaison des résultats; il est donc difficile d’examiner les liens entre la gravité de l’insécurité alimentaire et la qualité de l’alimentation selon les pays.

La FAO collecte des données sur la sécurité alimentaire au moyen de l’échelle de mesure de l’insécurité alimentaire vécue (échelle FIES) chaque année depuis 2014 dans le cadre du sondage mondial de Gallup©. À partir de 2021, de nouvelles données relatives à la qualité de l’alimentation ont également été recueillies dans le cadre de ce sondage, pour de plus en plus de pays, au moyen du questionnaire sur la qualité de l’alimentation, ce qui a permis d’étudier les liens entre l’insécurité alimentaire et les caractéristiques d’une alimentation saine tout en réalisant des comparaisons entre les pays. Ce questionnaire ainsi que différentes mesures relatives à l’alimentation ont été élaborés par le Global Diet Quality Project, fruit d’une collaboration entre Gallup©, l’Université Harvard et l’Alliance mondiale pour l’amélioration de la nutrition22.

Un indicateur bien établi qui peut être dérivé des données du questionnaire sur la qualité de l’alimentation est la proportion de femmes âgées de 15 à 49 ans qui atteignent la diversité alimentaire minimale chez la femme, c’est-à-dire qui consomment des aliments issus d’au moins 5 des 10 groupes d’aliments (ce qui correspond au niveau minimum acceptable de diversité alimentaire)23.

Les données recueillies à l’aide du questionnaire sur la qualité de l’alimentation relèvent en outre d’une nouvelle mesure visant à rendre compte du principe de modération en matière d’alimentation, à savoir l’indicateur de «risque de maladies non transmissibles»*. Par ailleurs, le questionnaire permet d’étudier la consommation en fonction de certains groupes d’aliments – aliments d’origine animale, ou zéro fruits et légumes, par exemple – et de mesurer la consommation concernant des groupes d’aliments associés à des risques faibles de maladies non transmissibles liées à l’alimentation (indicateur de «protection contre les maladies non transmissibles»*).

Le module d’enquête FIES et le questionnaire sur la qualité de l’alimentation ont été tous deux utilisés dans le cadre du sondage mondial de Gallup©, et les deux types de données ont été recueillis auprès des mêmes répondants, âgés de 15 ans ou plus, dans 28 pays en 2021 et en 2022**. Les données regroupées de ces 28 pays ont permis d’examiner le lien*** entre la gravité de l’insécurité alimentaire, établie au moyen de l’échelle FIES, et le respect des caractéristiques d’une alimentation saine, observé à l’aide de l’indicateur de diversité alimentaire minimale chez la femme et des nouvelles mesures dérivées du questionnaire sur la qualité de l’alimentation.

Une gravité plus importante de l’insécurité alimentaire a été associée à une diversité alimentaire plus faible chez les femmes âgées de 15 à 49 ans dans ces 28 pays (figure A). Moins de 50 pour cent des femmes touchées par une insécurité alimentaire grave atteignaient la diversité alimentaire minimale chez la femme, contre 77 pour cent pour celles qui étaient en situation de sécurité alimentaire ou d’insécurité alimentaire légère. Ce lien persistait après neutralisation des facteurs liés au niveau de revenu, au niveau d’instruction, au sexe, au lieu de résidence (urbain ou rural) et au pays de résidence des répondants.

FIGURE A POURCENTAGE DES FEMMES ÂGÉES DE 15 À 49 ANS DANS 28 PAYS ATTEIGNANT LA DIVERSITÉ ALIMENTAIRE MINIMALE CHEZ LA FEMME, EN FONCTION DE LEUR SITUATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

SOURCES: Auteurs du présent document (FAO), à partir des données recueillies par la FAO au moyen de l’échelle de mesure de l’insécurité alimentaire vécue (FIES) et des données du questionnaire sur la qualité de l’alimentation collectées par l’équipe du Global Diet Quality Project, dans les deux cas dans le cadre du sondage mondial de Gallup©, en 2021 et en 2022.

Si on élargit l’analyse à la totalité de la population adulte (hommes et femmes) des 28 pays, et que l’on neutralise pour les répondants les mêmes caractéristiques que celles mentionnées plus haut***, on constate que les niveaux de gravité les plus élevés de l’insécurité alimentaire sont associés à une probabilité plus faible de consommer des aliments d’origine animale et une probabilité plus grande de ne consommer aucun fruit ni légume. Ils s’accompagnent également d’une moindre probabilité d’avoir une alimentation qui protège contre les maladies non transmissibles (d’après l’indicateur de protection contre les maladies non transmissibles), mais aussi de consommer des aliments associés à un plus grand risque de maladies non transmissibles (d’après l’indicateur de risque de maladies non transmissibles). Autrement dit, plus les hommes et les femmes sont en situation d’insécurité alimentaire, moins ils consomment de groupes d’aliments bons ou au contraire mauvais pour la santé. Considérée isolément, la constatation indiquant un lien entre une insécurité alimentaire plus forte et une moindre consommation de groupes d’aliments mauvais pour la santé pourrait donner l’impression que l’insécurité alimentaire est associée à un meilleur respect du principe de modération en matière d’alimentation. Toutefois, dans cet échantillon groupé de données relatives à 28 pays, qui pour 21 d’entre eux sont des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, un niveau de gravité plus élevé de l’insécurité alimentaire semble indiquer une absence générale d’accès à l’ensemble des groupes d’aliments, bons ou mauvais pour la santé (ou une absence générale de disponibilités d’aliments de ces groupes).

Certains organismes des Nations Unies collectent déjà systématiquement à la fois des données FIES et des données sur la diversité alimentaire minimale chez la femme dans le cadre des mêmes enquêtes. Depuis 2022, le Fonds international de développement agricole (FIDA) collecte des données sur la diversité alimentaire minimale chez la femme lors d’enquêtes dans plusieurs pays (Cameroun, Cabo Verde, Népal et Türkiye, notamment) réalisées aux fins d’établissement de rapports sur les projets. Le FIDA se sert par ailleurs des données FIES, à chaque période de reconstitution des ressources, pour les rapports institutionnels sur l’impact de ses projets d’investissement.

Alimentation saine et ODD
Assurer une alimentation saine est une condition indispensable à la réalisation de l’ODD 2 et un préalable pour atteindre de nombreux autres objectifs. Cependant, le régime alimentaire n’est actuellement pris en compte par aucun des indicateurs de l’ODD 2 utilisés pour suivre la prévalence de la sous-alimentation (la faim) et de l’insécurité alimentaire modérée ou grave fondée sur l’échelle FIES, ni aucun des quatre indicateurs de l’état nutritionnel (retard de croissance, émaciation et excès pondéral chez les enfants de moins de 5 ans, et anémie chez les femmes âgées de 15 à 49 ans)24. L’absence d’indicateur portant sur la qualité de l’alimentation dans le cadre d’indicateurs relatifs aux ODD constitue donc une lacune dans le suivi des progrès accomplis au regard du Programme 2030.

Pour remédier à ce problème, un groupe d’États membres (Bangladesh, Brésil, Malawi et Suisse), avec l’aide de la FAO, du FIDA, de l’OMS, du PAM et de l’UNICEF, ont recommandé d’inclure la «prévalence de la diversité alimentaire minimale» (chez les femmes et les enfants) dans les indicateurs de l’ODD 2 dans le cadre de l’examen complet de 2025. L’ajout d’un indicateur relatif au régime alimentaire contribuerait à pallier cette importante lacune dans la dernière ligne droite vers 2030 et à éclairer les actions nécessaires non seulement pour réaliser l’objectif Faim zéro, mais aussi pour assurer la bonne nutrition, la santé et le développement des populations, sur lesquels tous les ODD reposent.

NOTES: * Les indicateurs sont dérivés du pourcentage de répondants atteignant une valeur donnée des scores. ** Les 28 pays comprennent 16 pays en Afrique, 7 en Asie, 3 en Amérique latine, 1 en Amérique du Nord et 1 en Europe. Sur ce total, 21 sont des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, et 7 sont des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure ou à revenu élevé. Les données du questionnaire sur la qualité de l’alimentation et les données FIES ont été collectées dans le cadre du sondage mondial de Gallup© dans 19 pays en 2021 et dans 10 pays en 2022. L’un des pays a été inclus dans le sondage deux fois, deux années différentes. *** Dans cet encadré, le lien est étudié au moyen à la fois de modèles de corrélation et de régression, le deuxième type de modèle étant également utilisé pour neutraliser l’effet d’autres variables. L’existence d’un lien n’implique pas nécessairement une relation de causalité. Voir la note méthodologique sur l’analyse dans le supplément au chapitre 2.

L’absence d’amélioration de la sécurité alimentaire et les progrès inégaux dans l’accès économique à une alimentation saine font planer une ombre sur la possibilité d’éliminer la faim dans le monde, alors que six années seulement nous séparent de l’horizon 2030. Il convient d’accélérer la transformation de nos systèmes agroalimentaires en renforçant leur résilience face aux principaux facteurs et de remédier aux inégalités pour faire en sorte que des aliments sains soient disponibles et abordables pour tous.

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