Incendies de forêt
On estime que 340 à 370 millions d’hectares de terres émergées sont touchées par des incendies tous les ans (soit à peine moins de la moitié de la superficie du continent australien)26, 27. Environ 383 millions d’hectares (données obtenues par spectroradiomètre imageur à moyenne résolution [MODISj ]) auraient été brûlés en 202328. Il convient toutefois de noter que la superficie effective brûlée est supérieure. Les mesures sont en effet incomplètes en raison de limites techniques et de problèmes liés à la détection des feux de petite ampleur, à la couverture temporelle et aux nuages. En Afrique subsaharienne, par exemple, les données Sentinel-2 (dont la résolution spatiale est de 20 mètres) indiquaient en 2019 une superficie brûlée totale qui était supérieure de 120 pour cent à celle estimée à partir des données MODIS (dont la résolution est de 500 mètres). Cela confirme que les incendies qui ne sont pas cartographiés par MODIS ne sont pas encore pris en compte dans les analyses mondiales29.
Les feux sont un outil de gestion des terres utilisé à diverses fins socioécologiques30, mais lorsqu’ils ne sont pas maîtrisés (incendies de forêt), ils peuvent avoir de graves conséquences aux niveaux local, national et mondial. La fréquence et l’intensité des incendies de forêt sont en augmentation, y compris dans des zones qui n’étaient pas touchées jusqu’ici, un phénomène qui est dû en particulier au changement climatique et au changement d’utilisation des terres. Les feux de forêt qui se sont produits précédemment dans les zones boréales, par exemple, ont été à l’origine de 10 pour cent environ des émissions mondiales de dioxyde de carbone dues aux incendies de forêt. En 2021, toutefois, ces feux ont atteint un nouveau record sous l’effet, en grande partie, de sécheresses prolongées qui ont entraîné une augmentation de la gravité des feux et de la consommation de combustibles, et représenté près d’un quart du volume total des émissions dues aux incendies de forêt31. Une augmentation record de l’activité des feux a été observée dans l’hémisphère Nord en 202332. Au Canada, on estime que 6 868 incendies ont brûlé 14,6 millions d’hectares de forêt33, soit plus de cinq fois la moyenne sur 20 ans.
L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des incendies de forêt, qui est elle-même due en grande partie au changement climatique, peut accélérer les boucles de rétroaction positives au cours du cycle du carbone, et constituer un défi pour les initiatives mondiales menées en vue d’atténuer ce changement34. Les observations satellitaires indiquent qu’en 2023, les feux ont émis 6 687 mégatonnes de dioxyde de carbone à l’échelle mondialek, 28, soit plus du double des émissions de dioxyde de carbone liées à la consommation de combustibles fossiles cette année-là (2,6 milliards de tonnes) d’après les estimations de l’Union européenne35. Dans diverses régions du monde, des innovations émergentes consistent à combiner des méthodes autochtones et d’autres méthodes traditionnelles de gestion des feux avec les technologies et les connaissances modernes.
Organismes nuisibles
Le changement climatique rend actuellement les forêts plus vulnérables face aux espèces envahissantes, et modifie leur répartition géographique et leur phénologie saisonnière ainsi que certains aspects de la dynamique de leurs populations36. Les insectes nuisibles et les agents pathogènes des maladies peuvent influer sur la croissance et la survie des arbres, et réduire la qualité du bois et la fourniture des services écosystémiques tels que le piégeage du carbone. Partout dans le monde, les forêts sont exposées aux invasions d’espèces d’un large éventail de familles scientifiques37. Le changement climatique et les mauvaises pratiques de gestion des forêts entraînent également une augmentation des infestations d’insectes nuisibles indigènes, tels que le dendroctone du pin38.
La menace que représentent les organismes nuisibles pour les forêts est considérable: le nématode des pins, par exemple, a provoqué d’importants dégâts dans les forêts de pin en Chine, au Japon et en République de Corée (les services forestiers coréens ayant fait état de la perte de 12 millions de pins due à ce ravageur entre 1988 et 2022)39. Aux États-Unis d’Amérique, 25 millions d’hectares de terres forestières devraient, d’après les projections, subir des pertes supérieures à 20 pour cent de la surface terrière des arbres hôtes à cause des insectes et des maladies d’ici à 202740.
La surveillance de la dégradation des forêts à l’échelle mondiale, y compris des infestations d’insectes nuisibles et des épidémies, n’en est qu’à ses débuts. Il est également difficile de chiffrer le coût économique des dommages occasionnés, qui comprend les pertes de bois d’œuvre, le coût du remplacement des arbres et les répercussions sur les services écosystémiques et les résultats socioéconomiques pour les communautés locales39. Il est nécessaire d’introduire des innovations technologiques et des innovations en matière de politiques publiques pour mieux comprendre et traiter plus efficacement les facteurs interdépendants des perturbations forestières tels que les incendies, les organismes nuisibles et les maladies – ainsi que les effets du changement climatique sur ces phénomènes –, et pour aborder leur gestion de manière plus globale et renforcer la résilience des forêts et des populations tributaires des forêts40.