- ➔ L’innovation est un facteur majeur de progrès au regard des objectifs de développement durable. C’est également un important moyen d’accélérer la concrétisation des trois objectifs mondiaux des membres de la FAO et de renforcer le potentiel que présentent les forêts et les arbres face aux défis mondiaux. De nombreuses innovations engendrent déjà de profondes évolutions dans le secteur forestier.
- ➔ Cinq types d’innovation renforcent le potentiel offert par les forêts et les arbres face aux défis mondiaux:
- ➔ Quatre facteurs font obstacle au renforcement de l’innovation: 1) l’absence de culture de l’innovation; 2) le risque; 3) les limites potentielles associées à différentes formes de capital; et 4) des politiques et une réglementation peu favorables. Une culture organisationnelle qui prend acte et se saisit du potentiel de transformation que représente l’innovation peut aider à limiter les risques liés à cette dernière et donner les moyens aux parties prenantes de relever les défis présents et à venir.
- ➔ L’innovation pouvant engendrer des gagnants et des perdants, des approches inclusives, tenant compte de la problématique femmes-hommes, sont nécessaires pour éviter de nuire et pour garantir une répartition juste des avantages entre les hommes, les femmes et les jeunes de tous les groupes socioéconomiques et ethniques. Dans le cadre des initiatives visant à promouvoir l’innovation, il faut prendre en considération la situation, les points de vue, les connaissances, les besoins et les droits de toutes les parties prenantes à l’échelle locale.
▪ 1) Les innovations technologiques, qui se répartissent en trois sous-types, à savoir les innovations numériques, les innovations de produit et de processus, et les innovations biotechnologiques. L’accès libre aux données de télédétection et l’utilisation facilitée de l’informatique en nuage, par exemple, ouvrent la voie à des méthodes numériques qui génèrent des données de qualité sur les forêts et améliorent la gestion de ces dernières.
▪ 2) Les innovations sociales, 3) les innovations en matière de politiques publiques et 4) les innovations institutionnelles, qui peuvent prendre diverses formes: nouvelles initiatives visant à associer davantage les femmes, les jeunes et les peuples autochtones à l’élaboration de solutions dirigées localement; promotion de partenariats multipartites et d’approches intersectorielles dans le cadre des politiques et de la planification relatives à l’utilisation des terres; et soutien aux coopératives pour renforcer le pouvoir de négociation des petits exploitants.
▪ 5) Les innovations financières, notamment celles introduites dans les domaines du financement public et privé pour augmenter la valeur des forêts sur pied, encourager les initiatives de restauration et faciliter l’accès des petits exploitants à l’emprunt afin de leur permettre de produire de manière écologiquement viable.
La combinaison de ces types d’innovation peut libérer un grand potentiel de changement.
3.1 L’innovation est un facteur majeur de progrès au regard des objectifs de développement durable
La science, la technologie et l’innovation, qui sont au cœur du Programme de développement durable à l’horizon 2030, se retrouvent dans de nombreuses cibles des ODD. La science et la technologie sont considérées comme des leviers permettant d’accélérer les progrès vers la réalisation des ODD tout en réduisant au minimum les arbitrages à opérer67.
L’innovation est un important moyen d’accélérer la transformation des systèmes agroalimentaires et de concrétiser les trois objectifs mondiaux définis par les membres de la FAOr à l’appui du Programme 2030 et des ODD en augmentant la productivité, la qualité, la diversité, l’efficience ainsi que la durabilité économique, sociale et environnementale. Conformément à la Stratégie de la FAO en matière de science et d’innovation9, l’innovation, telle que nous l’entendons ici, «consiste à faire quelque chose de nouveau et de différent, par exemple résoudre un problème ancien d’une manière nouvelle, traiter un nouveau problème avec une solution éprouvée ou apporter une solution nouvelle à un problème nouveau».
La FAO répertorie cinq types d’innovation: les innovations technologiques, les innovations sociales, les innovations en matière de politiques publiques, les innovations institutionnelles et les innovations financières (tableau 3). Cette typologie est utile pour décrire les principales innovations susceptibles d’être mises à profit en fonction des objectifs recherchés et du contexte dans lequel elles s’inscrivent. Dans le présent document, la typologie sert à classer les diverses innovations qui se font jour dans le secteur forestier.
TABLEAU 3TYPOLOGIE DES INNOVATIONS ÉTABLIE PAR LA FAO

SOURCES: FAO. 2022. Stratégie en matière de science et d’innovation. Rome; FAO. 2023a. Technologie. Science, technologie et innovation. Dans: FAO. [Consulté le 9 octobre 2023]. www.fao.org/science-technology-and-innovation/technology/fr; FAO. 2023b. Innovation. Science, technologie et innovation. Dans: FAO. [Consulté le 9 octobre 2023]. www.fao.org/science-technology-and-innovation/innovation/fr; et Damanpour, F. et Gopalakrishnan, S. 2001. The dynamics of the adoption of product and process innovations in organizations. Journal of Management Studies, vol. 38 n° 1, p. 45-65. https://doi.org/10.1111/1467-6486.00227.
Des innovations de différents types sont souvent combinées, car un ensemble d’acteurs et d’actions – un «écosystème» d’innovation (encadré 5) – doit être réuni pour permettre leur mise au point et leur adoption. Les progrès réalisés dans le domaine de l’accès libre aux données de télédétection et l’utilisation plus facile des puissantes ressources de l’informatique en nuage (innovations technologiques), par exemple, ont permis d’accroître les capacités nationales nécessaires pour mesurer, notifier et vérifier efficacement la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et l’accroissement de ces capacités a ensuite permis de mettre au point des paiements liés aux résultats, qui s’inscrivent dans le cadre REDD+s relevant de l’Accord de Paris sur le changement climatique, ainsi que dans le contexte de la croissance des marchés du carbone forestier, l’accent étant mis sur l’importance des mesures de protection (innovations en matière de politiques publiques, innovations institutionnelles, innovations financières et innovations sociales). Dans le secteur de la construction, l’utilisation du bois massif est une innovation qui connaît un succès croissant, en partie en raison de facteurs tels que l’actualisation des codes du bâtiment, la possibilité de recourir à des machines commandées numériquement par ordinateur et la disponibilité de telles machines, la volonté de réduire l’intensité carbone du cadre bâti et les nouveaux dispositifs d’élaboration de modèles de bâtiments verts.
ENCADRÉ 5ÉCOSYSTÈMES D'INNOVATION
L’innovation dépend d’interactions multiples et complexes entre des acteurs et des artéfacts (produits, services et outils technologiques, par exemple) au sein d’un «écosystème», que l’on peut définir comme étant l’ensemble évolutif d’acteurs, d’activités et d’artéfacts ainsi que les institutions et les relations, y compris les relations complémentaires et les relations de substitution, qui jouent un rôle important dans la performance au regard de l’innovation d’un acteur ou d’une population d’acteurs68. Lorsqu’il fonctionne correctement, cet écosystème fournit l’environnement économique et institutionnel général nécessaire pour que l’innovation puisse se produire69. L’écosystème d’innovation en lui-même est façonné par divers facteurs économiques, sociaux, environnementaux ou autres qui influent sur l’environnement opérationnel dans lequel une innovation se fait jour. Au sein d’un écosystème d’innovation, différents acteurs interagissent les uns avec les autres ainsi qu’avec des artéfacts et d’autres ressources selon des modalités complexes qui, au bout du compte, entraînent la création de l’innovation ou fournissent les conditions propices à l’utilisation d’une innovation68.
Les interactions entre les acteurs et les artéfacts sont variées et complexes: elles peuvent, par exemple, faire intervenir des acteurs de l’agriculture, de la foresterie, de la pêche et de l’aquaculture qui participent à des activités d’apprentissage mutuel et d’échange d’informations pour élaborer des approches intégrées d’aménagement des paysages, ou une entreprise manufacturière adoptant de nouveaux services de commercialisation en ligne qui permettent le développement d’un nouveau produit à base de bois. Les acteurs ne trouveront pas tous leur motivation dans les mêmes valeurs et résultats potentiels, lesquels pourront eux-mêmes être multidimensionnels et complexes. Ainsi, la principale motivation des entreprises privées pourra être le profit, mais pour réaliser ce profit, il leur faudra peut-être participer à des activités visant à préserver l’acceptabilité sociale, ce qui pourra ensuite déboucher sur des biens publics. Inversement, alors que le secteur public pourra être motivé par la nécessité de fournir des biens publics, il sera peut-être amené à faire appel au secteur privé, et donc à élaborer des politiques de soutien pour garantir le maintien des profits du secteur privé tout en obtenant les biens publics visés.
Étant donné que ces interactions se produisent au sein de systèmes dynamiques, elles sont imprévisibles et peuvent engendrer des résultats non intentionnels. La trajectoire et la mise au point des innovations sont rarement linéaires; elles font généralement intervenir des chaînes complexes d’événements et de boucles de rétroaction dans le cadre desquelles des idées nouvelles sont peaufinées et adaptées70. La création d’innovations peut aussi avoir des effets cumulés ou perturbateurs qui se traduiront in fine par une refonte en profondeur de l’environnement opérationnel.
Certains types d’innovation sont complémentaires et tributaires les uns des autres: une nouvelle politique peut, par exemple, appeler des changements institutionnels au sein d’organisations pour être mise en œuvre efficacement, changements qui peuvent à leur tour nécessiter une évolution des normes et comportements sociaux. Les différents types d’innovation peuvent aussi avoir des effets à plusieurs niveaux: une innovation sociale peut ainsi commencer au niveau local, mais entraîner des demandes de modification de politiques à l’échelle provinciale ou nationale, qui peuvent ensuite amener des innovations institutionnelles de plus grande ampleur. L’innovation prend du temps, et les différents types d’innovation évoluent à des rythmes distincts. Les innovations en matière de politiques publiques sont renforcées par les cadres et les règles organisationnels. Les innovations en matière de politiques publiques et les innovations institutionnelles ont plus de chances d’être efficaces lorsqu’elles se recoupent et peuvent s’appuyer sur des valeurs et des normes sociales plus larges.
Le présent chapitre offre un aperçu des innovations introduites dans le secteur forestier, classées selon la typologie définie par la FAO, et comprend des exemples ainsi que des renvois aux études de cas exposées au chapitre 4. Le chapitre 5 décrit cinq mesures de soutien qui, si elles étaient prises, aideraient à libérer les forces d’innovation afin de maximiser la contribution des forêts à la résolution des défis mondiaux.