Les forêts et les produits renouvelables qu’on en tire peuvent réduire la dépendance à l’égard des ressources non renouvelables (qui représentent actuellement 70 pour cent environ de la demande totale de matières premières)226, tout en soutenant les moyens d’existence et les économies rurales. Pour atteindre les ODD, il est essentiel d’inverser la tendance à la hausse de l’extraction de matières premières tout en encourageant des modes de consommation et de production durables.
On dispose de possibilités de remplacer un large éventail de matières à forte intensité de carbone par du bois provenant de sources durables, notamment dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, du textile et de l’énergie. Il est particulièrement urgent de décarboner le secteur du bâtiment et des travaux publics. D’après les estimations, le cadre bâti est responsable de 37 pour cent des émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre227; par ailleurs, 3 milliards de personnes (40 pour cent de la population mondiale) auront besoin d’avoir accès à un logement adéquat d’ici à 2030228. Il est donc primordial, pour opérer la transition vers une bioéconomie, de limiter le plus possible les incidences liées au cadre bâti. Les estimations indiquent que le remplacement des matières conventionnelles par du bois massif dans le cadre bâti pourrait permettre une réduction des émissions mondiales comprise entre 14 pour cent et 31 pour cent229. Des initiatives très prometteuses sont mises en place pour montrer ce qui peut être fait avec du bois: la capitale de la Suède, Stockholm, a ainsi annoncé au milieu de l’année 2023 un plan pour construire la plus grande «ville en bois» du monde sur un espace de 250 000 m2, avec 7 000 bureaux et 2 000 logements230.
Pour répondre de manière durable à l’accroissement de la demande de ressources de la biomasse forestière, il faudra augmenter l’offre par différents moyens, notamment en améliorant l’efficacité de l’utilisation des ressources et en évitant les pertes et le gaspillage lors de la récolte du bois. Outre la mise au point et l’application d’innovations dans le cadre de la récolte et de la transformation du bois, il faudra obtenir des gains d’efficience supplémentaires en développant l’utilisation en cascade des matières premières du bois.
En réponse à l’approche mondiale de la gestion des forêts qui met en avant les multiples valeurs des forêts et face à la demande de produits sains et durables qui ne cesse d’augmenter, de nombreuses innovations intéressantes portant sur les PFNL se font jour. Les PFNL apportent à près de la moitié de la population mondiale – notamment à 70 pour cent des personnes en situation d’extrême pauvreté – des bouées de sauvetage vitales qui contribuent à satisfaire un large éventail de besoins fondamentaux, dont la sécurité alimentaire44.
Les six études de cas suivantes présentent des innovations visant à favoriser la consommation et la production durables de produits forestiers en vue d’appuyer les moyens d’existence ruraux et la transition vers une bioéconomie.
ÉTUDE DE CAS N° 13FOURNITURE DE MICROFINANCEMENTS SANS GARANTIE AUX PETITES ENTREPRISES FORESTIÈRES GRÂCE À LA PUISSANCE DES ORGANISATIONS COLLECTIVES
Lieu: Viet Nam
Partenaires: Mécanisme forêts et paysans, comprenant la FAO, l’Institut international pour l’environnement et le développement, l’Union internationale pour la conservation de la nature et AgriCord.
Pondération des types d’innovation
Le contexte. La microfinance permet aux communautés agricoles rurales d’accéder à des services financiers qui étaient auparavant hors de leur portée et, ce faisant, d’élargir leurs activités et leurs moyens d’existence. Outre l’ouverture de possibilités aux entreprises et aux chaînes de valeur, les initiatives de microfinance appuient la résilience et l’adaptation face au changement climatique et fournissent des services sociaux aux communautés.
Jusqu’à récemment, toutefois, une part non négligeable des producteurs agricoles et forestiers était mal desservie dans les zones rurales du Viet Nam. En 2016, moins de 20 pour cent des organisations de producteurs forestiers et agricoles avaient accès à des prêts, malgré l’importance de ce secteur dans lequel les ressources forestières et les activités agricoles sont gérées par les communautés. Les producteurs forestiers et agricoles n’ayant pas les capacités requises pour élaborer les plans d’activités approfondis requis, ils ne pouvaient pas obtenir les investissements en capital initial nécessaires pour diversifier ou augmenter leurs revenus grâce à des plantations à rotation plus longue et à des activités à valeur ajoutée. Compte tenu du rôle des communautés locales dans la gestion durable des forêts et au vu de ce déficit de financement, l’équipe du Mécanisme forêts et paysans231 s’est efforcée d’élargir les services de microfinance aux producteurs forestiers et agricoles au moyen de dispositifs financiers innovants.
L’innovation. En 2021, l’équipe du Mécanisme forêts et paysans a facilité la mise en place de «fonds verts» en s’inspirant d’un fonds d’appui aux agriculteurs qui était opérationnel depuis 1996. L’Association des agriculteurs du Viet Nam fait office d’organisme prêteur pour les fonds verts et le fonds d’appui existant, lesquels n’exigent pas de garanties, ce qui les rend accessibles aux petits producteurs qui ont souvent du mal à obtenir des prêts auprès des banques traditionnelles.
Les fonds verts permettent aux producteurs forestiers et agricoles de contracter des prêts sans intérêts pouvant aller jusqu’à 1 000 dollars. Le montant et les conditions des prêts sont adaptés aux besoins et aux capacités des emprunteurs; la durée des prêts tournants est de 12 mois environ. Le Mécanisme forêts et paysans a renforcé les capacités des prêteurs à évaluer ces besoins, et a informé les communautés locales des services mis à disposition dans le cadre de réunions avec les autorités locales et diverses parties prenantes.
Résultats et impact. Grâce aux fonds verts, le nombre de producteurs ayant accès à des services de financement a plus que doublé, et 53 pour cent des organisations de producteurs forestiers et agricoles appuyées par le Mécanisme forêts et paysans sont désormais en mesure de développer des pratiques de gestion durable des terres telles que l’agroforesterie et la production de bois d’œuvre sur de longues périodes de rotation, ce qui a un impact positif sur l’environnement et les moyens d’existence.
Les fonds verts ont permis une augmentation comprise entre 10 pour cent et 30 pour cent des revenus des producteurs. Pour illustrer le fonctionnement de ce mécanisme, on peut citer l’exemple d’un producteur qui a sollicité un prêt auprès de son organisation après avoir établi la possibilité de diversifier ses activités et d’augmenter ses revenus grâce à un système de rotation à long terme pour la production de bois d’œuvre. Cette organisation de producteurs forestiers et agricoles, qui fait partie de l’Association des agriculteurs du Viet Nam, était tout à fait consciente du potentiel du producteur et a pu établir avec assurance sa capacité de remboursement, et lui a ensuite octroyé un prêt pour lui permettre de démarrer la plantation d’arbres en vue de produire du bois d’œuvre.
Le mécanisme des fonds verts est relativement récent. La plupart des prêts octroyés jusqu’ici ont été utilisés pour établir des plantations à longue rotation (sur plus de 200 hectares) et pour investir dans la diversification des activités et la production biologique sous couvert forestier (sur 56 hectares).
L’approche de financement innovante favorise la confiance au sein des communautés locales, et permet une croissance des revenus dans le cadre de projets de diversification en répondant aux besoins spécifiques des petits producteurs qui peuvent avoir du mal à obtenir un soutien de la part des banques traditionnelles. Elle contribue en outre à l’adoption de pratiques d’utilisation durable des terres en permettant l’intégration de la production de bois d’œuvre dans les systèmes agricoles existants. Elle aide à renforcer les coopératives qui, pour la première fois, peuvent proposer des régimes de pension et une assurance maladie à leurs membres.
Potentiel de reproduction à plus grande échelle. Avec la montée en régime du mécanisme des fonds verts, davantage de coopératives pourront élargir les services financiers qu’elles proposent à leurs membres. Les associations d’épargne et la microfinance permettent des créations d’entreprises dans les secteurs d’activité où des lacunes du marché sont constatées, et offrent des possibilités concrètes de développement des chaînes de valeur locales. Elles peuvent également appuyer l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets au niveau local et constituer des filets de protection sociale importants dans les communautés.
Un financement communautaire dans le secteur forestier se met en place également dans d’autres pays appuyés par le Mécanisme forêts et paysans, notamment dans l’État plurinational de Bolivie, au Ghana, à Madagascar et au Népal. Il est à noter que cette approche, en accroissant l’égalité femmes-hommes dans l’accès aux financements, a suscité un intérêt considérable de la part des organisations de femmes. Son potentiel de renforcement des moyens des organisations de petits exploitants forestiers dans le monde entier est considérable, car elle consiste à faire adopter et adapter dans de nouveaux contextes des mécanismes financiers testés et éprouvés.
ÉTUDE DE CAS N° 14LA PLATEFORME JURIDIQUE: UTILISATION DE NOUVEAUX OUTILS ET MÉTHODES DE DIAGNOSTIC POUR FAVORISER DES PROCESSUS DE RÉFORME JURIDIQUE EN MATIÈRE DE GESTION DURABLE DE LA VIE SAUVAGE
Lieu: Congo, Égypte, Gabon, Guyana, Madagascar, Mali, République démocratique du Congo, Sénégal, Soudan, Suriname, Tchad, Zambie, Zimbabwe (auxquels viendront s’ajouter d’autres pays en 2024)
Partenaires: FAO, CIFOR-ICRAF, Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Société pour la conservation de la faune sauvage.
Pondération des types d’innovation
Le contexte. Des millions de personnes vivant dans les zones tropicales et subtropicales dépendent de la viande de chasse pour leur alimentation et leurs revenus. La demande augmente, en particulier dans les zones urbaines, et la chasse à outrance met en danger un grand nombre d’espèces sauvages et accroît l’insécurité alimentaire des populations qui dépendent de ces ressources, telles que les peuples autochtones et d’autres communautés locales232. Une utilisation durable qui permet à la fois de soutenir les moyens d’existence et de maintenir les populations d’espèces sauvages nécessite une approche de la gestion durable de la vie sauvage fondée sur les droits des communautésaf.
Un cadre juridique favorisant une telle approche doit tenir compte de la pluralité des intérêts en jeu; il peut en outre reconnaître le pluralisme juridique, notamment les systèmes de droit coutumier ou informel. Il s’agit toutefois d’une entreprise difficile, et de nombreux systèmes juridiques et réglementaires peinent à suivre l’évolution des normes et obligations environnementales et sociales à l’échelle mondiale. Peu de systèmes de droit coutumier ou informel, par exemple, sont reconnus par le droit écrit, du fait de la participation limitée des parties prenantes à l’élaboration des lois. Par ailleurs, la complexité du langage juridique et le chaos qui caractérise certains systèmes de droit font qu’il est difficile pour le grand public d’être au fait des règles applicables.
Les lois relatives à la gestion de la vie sauvage doivent être accessibles à tous. Par ailleurs, il faut veiller à ce que les initiatives de réforme soient transparentes, consultatives et participatives si l’on veut que leurs objectifs puissent être atteints. L’expérience acquise par le passé, notamment avec les travaux menés dans le cadre du Plan d’action de l’Union européenne relatif à l’application des réglementations forestières, à la gouvernance et aux échanges commerciaux, a montré qu’une participation efficace des parties prenantes de la société civile et des communautés locales aux processus d’élaboration des lois n’est possible que si elles ont accès aux informations juridiques et qu’elles les comprennent.
L’innovation. La Plateforme juridique, mise en place par le Programme de gestion durable de la faune sauvage de la FAO en 2021234, rassemble les profils juridiques des pays élaborés par des spécialistes nationaux sous l’égide du Bureau juridique de la FAO235 et à l’aide des outils de diagnostic du programme (figure 9). Les profils, qui sont revus et validés par les pouvoirs publics, sont conçus pour améliorer la compréhension des forces et des faiblesses des cadres juridiques réglementaires existants. Ils proposent une cartographie de ces cadres et font ressortir les obstacles rencontrés pour mettre en œuvre et faire appliquer les lois. Outre les difficultés d’accès et de compréhension des législations existantes, la Plateforme juridique résume les obligations au titre des conventions internationales et des normes et pratiques coutumières pertinentes. Elle offre ainsi un point d’accès centralisé, d’utilisation facile, aux textes juridiques relatifs à la gestion durable de la vie sauvage dans différents secteursag pour 13 pays (à ce jour), parallèlement à des descriptions approfondies des normes et pratiques coutumières.
FIGURE 9TYPES ET SOURCES D’INFORMATION D’UN PROFIL DE PAYS SUR LA PLATEFORME JURIDIQUE
Résultats et impact. En permettant aux parties prenantes de mieux comprendre les lois et règlements écrits et coutumiers, et en leur fournissant des connaissances fondées sur des éléments scientifiques issues du Programme de gestion durable de la faune sauvage et d’autres initiatives, la Plateforme juridique contribue à favoriser des processus de réforme juridique à l’appui de la gestion durable de la vie sauvage. La démarche multisectorielle favorise également une approche «Une seule santéah» dans le développement du droit, par l’examen de la cohérence et des interactions des législations entre les secteurs à l’interface entre la vie sauvage, l’homme, les animaux d’élevage et les écosystèmes. En vertu des principes d’équité et de parité proposés par le Groupe d’experts de haut niveau pour l’approche «Une seule santé»236, chaque domaine juridique doit étudier son impact sur la santé et le bien-être de tous les humains, animaux, végétaux et écosystèmes, et permettre des interventions multisectorielles coordonnées. Par ailleurs, l’accent mis sur les normes et pratiques coutumières dans la Plateforme juridique permet de s’appuyer sur les règles et accords conclus au niveau local pour contribuer à traduire l’approche «Une seule santé» en actions.
La Plateforme juridique a été utilisée pour orienter, informer ou susciter différents processus participatifs de réformes juridiques aux niveaux national et infranational:
▸ Botswana – élaboration d’un projet de loi sur la gestion communautaire des ressources naturelles, avec notamment de larges consultations nationales;
▸ Tchad – élaboration d’un projet de loi sur l’environnement tenant compte des principes énoncés dans la Convention sur les zones humides (Convention de Ramsar) et l’Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie;
▸ Congo – examen d’une nouvelle loi sur la vie sauvage et les zones protégées;
▸ République démocratique du Congo – élaboration d’un projet de politique sur l’utilisation de la vie sauvage et d’une potentielle future loi relative à la vie sauvage dans le cadre d’un processus multipartite;
▸ Gabon – élaboration d’un projet de stratégie nationale sur la viande de chasse, ainsi que d’une série de réformes législatives et réglementaires sur la chasse et le commerce communautaires;
▸ Guyana – rédaction d’un projet de législation sur la pêche et l’aquaculture dans les eaux intérieures dans le cadre d’un processus appuyé par le Programme de gestion durable de la faune sauvage, et élaboration de règlements sur la sécurité sanitaire de la viande de chasse;
▸ Madagascar – processus de révision de l’ordonnance n° 60-126 sur le régime de chasse, de pêche et de protection des espèces sauvages dans le cadre d’un groupe de travail juridique multipartite;
▸ Zimbabwe – apport d’éléments pour l’examen de la loi sur les parcs et la vie sauvage et élaboration d’un projet de réglementation applicable en la matière, ainsi que pour la politique relative à la gestion communautaire des ressources naturelles et la loi sur les terres communales et la production forestière.
Le site web de la Plateforme juridique a enregistré près de 20 000 visites en 2023, soit presque deux fois plus qu’en 2022 (figure 10), dont plus de 11 000 de la part d’utilisateurs situés en Afrique. La plateforme semble donc être de plus en plus utilisée pour éclairer des débats sur la réforme des législations en matière de gestion de la vie sauvage. Elle joue en outre un rôle important, voire central, de sensibilisation des décideurs au sein des gouvernements.
FIGURE 10Nombre de visites sur la Plateforme juridique en 2021, 2022 et 2023
L’influence exercée par la Plateforme juridique transparaît dans la citation ci-après de Mme Rosalie Matondo, Ministre de l’économie forestière du Congo (communication personnelle, 2023):
Cette plateforme nous offre dans un espace centralisé toutes les informations mises à disposition par la République du Congo sur la gestion de la vie sauvage et des zones protégées. Non seulement elle fournit aux chercheurs et aux étudiants les informations dont ils ont besoin pour leurs travaux de recherche, mais elle nous permet aussi, à nous décideurs publics, de déterminer les évolutions que nous avons favorisées dans le cadre législatif et réglementaire relatif à la gestion de la vie sauvage et aux zones protégées. Nous pouvons ainsi nous remettre en question et proposer des réformes à l’issue de nos discussions, car il est essentiel de regarder en arrière pour aller de l’avant.
La nature intersectorielle de la Plateforme juridique permet un dialogue entre les départements et les ministères de différents secteurs qui ont traditionnellement des interactions limitées, ce qui aide à surmonter les cloisonnements institutionnels.
Potentiel de reproduction à plus grande échelle. La Plateforme juridique a connu un développement rapide depuis 2021, grâce à l’intégration de nouvelles informations et de nouveaux pays participants. Son approche et ses outils peuvent être reproduits dans d’autres pays et régions, et utilisés pour inviter des acteurs nationaux et locaux à participer à des dialogues multipartites bien étayés sur les réformes politiques et juridiques. Des fiches ainsi que du matériel et des modules pédagogiques sont élaborés pour toucher et informer toutes les parties prenantes.
La plateforme a été consacrée jusqu’ici aux secteurs liés à la gestion durable de la vie sauvage, mais sa portée doit être étendue à d’autres aspects de la gestion des ressources naturelles, comme la conversion des terres, les forêts, les pesticides et les biotechnologies. L’approche de la plateforme prendra également en compte les principes directeurs de certains instruments juridiques internationaux essentiels et de certaines initiatives d’organisations et de programmes internationaux afin de faire davantage écho aux nouvelles priorités, ainsi qu’aux ODD. Les membres du Partenariat de collaboration sur la gestion durable de la faune sauvage237 et d’autres partenaires externes ont accepté de participer à un examen de la plateforme.
ÉTUDE DE CAS N° 15RECOURS AUX TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES POUR RENFORCER L’EFFICIENCE DU TRAÇAGE DU BOIS D’ŒUVRE ET PROMOUVOIR DES CHAÎNES D’APPROVISIONNEMENT DURABLES
Lieu: Guatemala
Partenaires: Instituto Nacional de Bosques (Guatemala), Organisation internationale des bois tropicaux.
Pondération des types d’innovation
Le contexte. Il est important, en matière de gestion durable des forêts et de commerce, d’avoir accès à des estimations précises des volumes de grumes transportés – or, la méthode traditionnelle de mesure est chronophage, inefficiente et associée à des dépenses opérationnelles élevées. Pour mesurer un volume de grumes, par exemple, on calcule généralement le «facteur d’empilage» – rapport entre le volume total de bois empilé et le volume de bois plein – à partir des dimensions de la face de toutes les grumes visibles de la pile transportée.
L’Institut national des forêts (Instituto Nacional de Bosques [INAB]) du Guatemala s’attache à promouvoir des chaînes de valeur de produits forestiers légales et durables et à faire progresser la gestion durable des forêts en améliorant les cadres politiques, les statistiques et les systèmes de traçage du bois d’œuvre. Dans ce cadre, la mise au point de méthodes plus rapides et précises pour évaluer le volume de grumes et d’autres produits ligneux durant leur transport a été considérée comme prioritaire.
L’innovation. L’équipe d’un projet financé par l’Organisation internationale des bois tropicaux a élaboré et mis en œuvre plusieurs dispositifs destinés à améliorer la traçabilité dans les chaînes de production forestière au Guatemala. L’un de ces dispositifs est un guide pratique de mesurage (Guía práctica para la cubicación de productos forestales) des volumes de grumes et d’autres produits ligneux (combustibles ligneux, déchets de sciage et bois de sciage) qui sont commercialisés ou transportés au Guatemala. L’équipe du projet a recruté des spécialistes en logiciels qui, en étroite collaboration avec le personnel sur le terrain, ont développé, à partir de la méthode et des produits et formules indiqués dans le guide de mesurage pour le calcul des volumes de grumes, une application pour téléphone portable qui ne requiert que quelques photos et mesures simples à réaliser.
L’application, Cubicación de Productos Forestales (mesurage des produits forestiers), connue sous le nom CUBIFORai, est simple à utiliser, car l’estimation du volume ne nécessite qu’une photographie de la pile de grumes (ou autres produits forestiers), soit sur le camion, soit à la scierie ou dans un autre lieu, ainsi que la largeur et la longueur moyenne de la pile. L’application reconnaît chaque face de grume, calcule le diamètre moyen et le facteur d’empilage, et génère un rapport indiquant les volumes mesurés, téléchargeable au format Excel ou PDF. L’application permet également de mesurer des produits tels que du bois de sciage, des planches rectangulaires, des bûches, des sciures, des copeaux, des combustibles ligneux, des pièces de bois et du charbon de bois.
Résultats et impact. L’application contribue à faire progresser la gestion durable des forêts et à renforcer la capacité des entreprises forestières du Guatemala à contrôler leurs stocks, tout en améliorant l’efficience des activités qui nécessitent de quantifier les volumes de bois d’œuvre. Cela présente l’avantage de favoriser les chaînes d’approvisionnement en produits forestiers légales et durables, et d’améliorer la compétitivité en réduisant le délai et le coût des procédures d’obtention des autorisations nécessaires auprès des autorités gouvernementales. Les fonctionnaires aux points de contrôle forestiers disposent désormais d’un moyen efficient et d’un bon rapport coût-efficacité de vérifier les données figurant sur les connaissements ou autres documents d’expédition accompagnant le bois en transit, ce qui aide à assurer la légalité et à satisfaire aux exigences administratives.
Les scieries utilisant CUBIFOR indiquent que l’application les aide à contrôler, suivre et mesurer les expéditions de bois. L’Institut national des forêts poursuit le déploiement de l’application sur le terrain, celle-ci pouvant de toute évidence aider ses agents et d’autres autorités à surveiller et contrôler les opérations forestières et donc à lutter contre les coupes et le commerce illégaux de bois.
Potentiel de reproduction à plus grande échelle. L’application CUBIFOR peut être reproduite dans d’autres pays des régions tropicales, où elle aidera les entreprises à améliorer leurs systèmes de contrôle, de suivi et de mesure des expéditions de bois et permettra aux autorités de lutter contre les coupes et le commerce illégaux de bois.
ÉTUDE DE CAS N° 16AMÉLIORATION DE LA CONNECTIVITÉ DES CHAÎNES D’APPROVISIONNEMENT EN BOIS D’ŒUVRE POUR RÉDUIRE LES DÉCHETS ET ACCROÎTRE LA VIABILITÉ DE LA GESTION DURABLE DES FORÊTS
Lieu: Brésil, Guyana, Panama, Pérou
Asociados: Naturally Durable Inc., FAO.
Pondération des types d’innovation
Le contexte. L’utilisation accrue de produits en bois d’ingénierie dans le secteur de la construction peut s’accompagner d’avantages en matière d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets. Comme indiqué au chapitre 2, le remplacement de matériaux non renouvelables par des produits à base de bois pourrait faire augmenter considérablement la demande mondiale de bois rond industriel d’ici à 2050, notamment dans le secteur de la construction. La pratique du marché international consistant à acheter du bois d’œuvre de grandes dimensions (longueur et largeur/diamètre) entraîne cependant beaucoup de déchets de fibre de bois. En outre, le coût élevé des bâtiments en bois comparé à d’autres matériaux de construction est souvent mentionné comme un obstacle potentiel à une plus large utilisation238.
L’amélioration de l’efficience de la production et de la consommation de bois tropicauxaj, notamment grâce à la réduction des déchets de fibre et des coûts, constituera un facteur important pour répondre à la demande accrue de bois et pour veiller à ce que ce matériau reste attrayant pour la construction. Les approches modulaires modernes en matière de construction ont permis une amélioration importante de l’efficience et une utilisation optimale d’essences de grande valeur. La plupart des concepts peuvent être modularisés de manière à permettre l’utilisation d’essences de moindre valeur pour les parties cachées telles que les poutres-consoles et les emboîtures. Cela implique, entre autres, de commander des pièces en bois de plus petite taille et issues d’essences sous-utilisées. La collaboration au sein des chaînes d’approvisionnement en vue d’améliorer la compréhension des exigences précises des prescripteurs, des architectes et des directeurs de travaux permettra aux scieries de proposer des solutions personnalisées et efficientes et des possibilités d’échange d’informations, sur les essences peu exploitées, par exemple, et les moyens de les utiliser davantage et plus efficacement, et donc de réduire la pression exercée sur les essences très demandées.
L’innovation. L’entreprise de négoce de bois d’œuvre Naturally Durable Inc. est à l’origine d’une nouvelle approche de la collaboration dans les chaînes d’approvisionnement en bois d’œuvre, qui vise à mettre en place des stratégies de réduction des déchets de bois dans les scieries des forêts certifiées par le Forest Stewardship Council au Brésil, au Guyana, au Panama et au Pérou. L’entreprise a vu une possibilité de réduire les coûts pour les clients (et donc de renforcer leur compétitivité) tout en utilisant des essences peu exploitées, grâce à des spécifications précises. Elle a dû pour cela établir des relations de collaboration officielles avec les parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement pour les inciter à «passer des commandes de bois précisément spécifiées». L’entreprise a encouragé une meilleure coordination entre les récolteurs, les scieries et les entreprises de menuiserie architecturale afin de renforcer l’intégration lors des phases de conception, de fabrication et d’installation des projets de construction. En pratique, cela s’est traduit par une collaboration et une élaboration conjointe à différents stades du processus, notamment pour les projets de plans architecturaux et de dessins d’atelier et l’établissement des bons de commande, des documents d’expédition et des factures.
L’impact. L’approche innovante en matière de collaboration adoptée par Naturally Durable Inc. a permis de transmettre des commandes de pièces spécifiques aux directeurs de production de scieries situées dans des forêts éloignées, ce qui a amélioré les taux d’utilisation du bois grâce à l’exploitation économiquement viable de grumes de plus petite taille et de pièces de bois plus courtes.
Le Commonwealth Pier Revitalization Project239 – un grand projet de revitalisation d’une jetée océanique à Boston (États-Unis d’Amérique) – offre un exemple de l’importance de la spécification des tailles de pièce et de l’amélioration de la collaboration au sein de la chaîne de valeur. Les entrepreneurs ont établi des spécifications pour 29 532 m2 de plancher (soit cinq conteneurs de fret maritime). En 2021, Naturally Durable Inc. a demandé à deux fabricants de plancher certifiés par le Forest Stewardship Council de produire toutes les longueurs par incréments de 31 cm. En 2022, les décomptes de pièces de la scierie ont été mis en correspondance avec une feuille de calcul analysant toutes les longueurs nécessaires aux différents emplacements du projet. Les plans correspondant à ces emplacements indiquaient les longueurs exactes à respecter durant l’installation, et il a été possible d’utiliser pour une section spécifique du projet uniquement des pièces de petite taille (entre 61 cm et 152 cm environ). Des dessins d’atelier détaillés ont été fournis aux équipes chargées de l’installation. Grâce à cette approche, l’installation n’a nécessité que 24 358 m2 de plancher, soit un gain d’efficacité de l’utilisation du bois de 17,5 pour cent. La scierie a augmenté ses recettes de 9 300 euros (9 800 dollars environ) grâce à la vente de pièces de petite taille, et les entrepreneurs du projet ont économisé quelque 86 000 dollars, tandis que l’équipe d’installation a pu réduire les délais nécessaires pour poser le plancher. Le gain d’efficience a également permis de réduire le volume expédié de 37 m3, ce qui a limité les émissions de gaz à effet de serre liées au transport.
Possibilités de reproduction à plus grande échelle. La collaboration entre les architectes, les directeurs de travaux et les scieries peut déboucher sur des gains d’efficacité de l’utilisation du bois, quelle que soit l’échelle des projets. La méthode peut être utilisée dans l’environnement bâti dans le monde entier, pour tous les produits à base de bois spécifiés par les architectes, une fois intégrés dans les logiciels de gestion de la conception et de la construction.
La diffusion de l’approche consistant à spécifier précisément les commandes de bois nécessite des décisions de gestion visant à renforcer la durabilité économique et environnementale de l’utilisation de bois. Il faut pour cela sensibiliser de manière appropriée les architectes et les ingénieurs afin que le bois soit plus largement perçu comme un matériau de construction, et que les spécifications soient axées sur les propriétés du bois plutôt que sur les essences d’arbres. Il faut également une communication étroite dans les chaînes d’approvisionnement et entre les concepteurs de projet et les gestionnaires des forêts et négociants. La diffusion et l’utilisation de logiciels et de programmes pédagogiques sont essentielles, mais encore trop confidentielles.
ÉTUDE DE CAS N° 17MISE EN ŒUVRE DE NOUVELLES TECHNOLOGIES DE TRANSFORMATION DU BOIS POUR PROMOUVOIR UNE BIOÉCONOMIE ET RENFORCER LA RÉSILIENCE SISMIQUE
Lieu: Slovénie, États-Unis d’Amérique
Partenaires: Institut du génie civil (Slovénie); Fondation nationale pour la science (États-Unis d’Amérique), Colorado School of Mines, Université du Nevada, Université Lehigh, Université d’État de Washington, LEVER Architecture, Englekirk Structural Engineering Center de l’Université de Californie, Université d’État d’Oregon, Laboratoire des produits forestiers, Service des forêts des États-Unis.
Pondération des types d’innovation
Le contexte. Les phénomènes sismiques sont courants dans de nombreuses régions du monde, et peuvent occasionner des blessures graves ou des décès en raison de l’effondrement de bâtiments. Ce problème est commun à tous les pays qui s’urbanisent et aux pays déjà très urbanisés où les structures urbaines traditionnelles ne sont pas conçues pour résister à ce type de phénomènes240. Les estimations indiquent que la population vivant dans des régions exposées aux tremblements de terre telles que le Bassin du Pacifique et la ceinture sismique Méditerranée-Asie va tripler d’ici à 2050, pour atteindre 600 millions de personnes241. Il est essentiel de construire des bâtiments résilients face au risque sismique et d’améliorer les structures urbaines existantes. L’effondrement des bâtiments résulte généralement d’une conception inadéquate et de mauvaises pratiques de construction. Il apparaît donc nécessaire de partager les bonnes pratiques en matière d’ingénierie, de conception et de construction entre les pays et les régions240.
L’innovation. Les technologies fondées sur le bois massif offrent des solutions de rechange par rapport aux ouvrages en béton armé. Le bois lamellé-croisé est l’une de ces technologies. Sa commercialisation a commencé dans les années 1990, et son volume de production atteint aujourd’hui 2 millions de m3 environ à l’échelle mondiale (pour une valeur de près de 1,3 million de dollars en 2022). On s’attend à un taux de croissance annuel composé de 14 pour cent de sa production au cours de la prochaine décennie242. L’utilisation de bois massif dans le domaine de la construction progresse à l’échelle mondiale en raison de sa faible intensité en carbone (le béton et l’acier dans la construction traditionnelle contribuent chacun pour 8 pour cent ou davantage aux émissions mondiales de dioxyde de carbone)243. L’une des caractéristiques importantes du bois dans le domaine de la construction est son bon rapport résistance/poids ainsi que sa ductilité (capacité à se déformer et à se courber avant de casser)244. De manière générale, le bois massif peut augmenter la résistance des grands bâtiments aux tremblements de terre.
Résultats et impact. L’équipe du projet NHERI Tallwood, dirigé par la Colorado School of Mines et financé par la Fondation nationale pour la science, a conçu et construit une tour en bois massif de dix étages sur une table vibrante extérieure géante sur le domaine de l’Université de Californie à San Diego (États-Unis d’Amérique). Le bâtiment a été soumis à plusieurs cycles sismiques, jusqu’à une magnitude de 7,7 sur l’échelle de Richter245. Une attention particulière a été prêtée aux méthodes utilisées pour assembler les panneaux de plancher, colonnes et parois verticales et les composantes non structurelles comme les façades, ce qui a doté la tour d’une souplesse supplémentaire pour résister aux séismes simulés: les assemblages ne se sont pas rompus, le bâtiment ne s’est pas effondré et les éléments non structurels ne se sont pas détachés246. Le test a montré qu’une tour en bois massif de dix étages pourvue d’un système d’assemblage flexible en métal pouvait résister à des tremblements de terre majeurs sans subir aucun dommage, et que le bâtiment restait totalement fonctionnel245.
À l’Institut de génie civil de Ljubljana (Slovénie), des panneaux de bois lamellé-croisé ont été utilisés pour simuler le renforcement structurel de bâtiments anciens en béton, construits avant l’entrée en vigueur de normes de construction parasismique plus strictes245. Le projet a permis de tester l’effet produit par l’installation des panneaux sur les parois verticales extérieures d’un bâtiment en béton de deux étages. Dans un premier temps, une structure composée de poteaux-poutres en béton et de sols et de murs en maçonnerie a été construite sur une table vibrante, et des séismes de différentes magnitudes ont été simulés pour mesurer les performances et le degré de balancement de la structure et des assemblages, ainsi que les dommages subis par ceux-ci. Une structure similaire a ensuite été construite, avec des éléments en bois lamellé-croisé fixés sur les murs en maçonnerie extérieurs, et les mêmes simulations de séismes ont été réalisées. Les résultats ont fait apparaître que l’ajout de panneaux de contreventement en bois lamellé-croisé accroissait la résistance de la structure de 34 pour cent et augmentait sa capacité de déformation de 25 pour cent par rapport à la structure de béton et de maçonnerie sans bois lamellé-croisé. Le renforcement structurel de bâtiments anciens en béton avec du bois massif pourrait donc être un moyen viable d’améliorer le bâti existant, y compris les structures ayant déjà été exposées à des dommages pendant des séismes247.
Les deux projets ont montré que l’utilisation d’éléments et de systèmes de construction en bois massif pour les nouvelles mises en chantier ou les travaux de rénovation dans les régions exposées à des tremblements de terre pouvait être une méthode viable sur le plan technique (la viabilité économique n’a pas été évaluée dans le cadre de l’étude). Ces résultats pourraient trouver des applications intéressantes dans les régions où l’urbanisation croissante offre l’occasion de transférer des connaissances sur les meilleures pratiques en matière de systèmes de conception et d’assemblage de constructions en bois massif. La solution consistant à conserver les structures existantes en béton/maçonnerie en renforçant les murs avec du bois massif engendre bien moins de perturbations que la destruction et la reconstruction des bâtiments dont la résistance sismique est insuffisante. En outre, plusieurs projets ont montré que des éléments en bois massif pouvaient être utilisés pour augmenter la hauteur et l’occupation des bâtiments en béton existants, ce qui peut accroître la valeur des biens immobiliers et offrir des logements et des bureaux supplémentaires pour un coût relativement peu important. On peut citer les récentes opérations de surélévation à l’aide de bois massif au 55 Southbank Boulevard, à Melbourne (Australie) et au 80 M Street SE, à Washington (États-Unis d’Amérique), projets dans lesquels la légèreté, la résistance et la ductilité du bois massif ont permis d’agrandir des bâtiments commerciaux pour des utilisations mixtes248, 249.
Possibilités de reproduction à plus grande échelle. L’un des défis inhérents aux projets qui font appel au bois massif est la construction de bâtiments entiers, opération longue et coûteuse qui nécessite une étroite collaboration. L’équipe du projet Tallwood s’est appuyée sur l’expertise de plusieurs universités au Japon et aux États-Unis d’Amérique, et a coopéré activement avec les producteurs industriels de bois massif et de systèmes de connecteurs. Ces collaborations ouvrent la voie au transfert de connaissances fondées sur des données probantes et de meilleures pratiques en matière de conception vers des zones de plus en plus urbanisées dans des régions exposées aux tremblements de terre. La possibilité d’utiliser le bois comme matériau de renforcement dans des structures en béton existantes permet d’augmenter au moindre coût leur résistance sismique et même de surélever les bâtiments et d’accroître les performances thermiques. Woodrise et la World Conference on Timber Engineering sont des plateformes intéressantes pour renforcer la sensibilisation à ces technologies.
ÉTUDE DE CAS N° 18ACTIVITÉS MENÉES DANS LE CADRE DES ÉCOLES PRATIQUES D’AGRICULTURE POUR PERMETTRE UNE INNOVATION IMPULSÉE PAR LES AGRICULTEURS EN FAVEUR DE LA PRODUCTION FORESTIÈRE ET AGRICOLE DURABLE
Lieu: Monde entier
Partenaires: FAO, Plateforme mondiale des champs-écoles des producteurs.
Pondération des types d’innovation
Le contexte. Les systèmes agroalimentaires d’aujourd’hui posent d’importants problèmes liés aux effets préjudiciables de pratiques non durables qui continuent d’être utilisées, et qui contribuent au changement climatique et à la dégradation des ressources naturelles250. Il est urgent de transformer ces systèmes. L’une des étapes essentielles de ce processus est de remédier aux difficultés que rencontrent les petits producteurs et les agriculteurs familiaux. Les exploitations agricoles familiales constituent 90 pour cent environ des 608 millions d’exploitations à l’échelle mondiale et couvrent, pour 84 pour cent d’entre elles, une superficie de deux hectares maximum. Alors qu’elles n’utilisent que 12 pour cent des terres agricoles totales, elles contribuent pour quelque 35 pour cent à l’approvisionnement alimentaire à l’échelle mondiale251. L’impact de la petite agriculture et de l’agriculture familiale dépasse les moyens d’existence: les pratiques de gestion des terres influent directement sur les écosystèmes. Cependant, on note dans de nombreux pays un retard dans les programmes de formation, d’apprentissage et de renforcement des capacités des petits exploitants.
L’innovation. Au cours des trois dernières décennies, les écoles pratiques d’agriculture sont apparues comme une approche extrêmement efficace de renforcement des capacités. Elles ont permis aux populations rurales d’innover en poursuivant des finalités claires et d’acquérir des compétences sociales cruciales pour la transformation du monde rural. En centrant l’apprentissage et l’innovation sur les agriculteurs, les écoles pratiques d’agriculture contribuent à autonomiser les individus, les ménages et les communautés tout en aidant à restaurer les écosystèmes. L’approche d’apprentissage par la découverte mise en œuvre dans les écoles pratiques d’agriculture est particulièrement bénéfique, car elle facilite la formation et l’innovation dans les domaines de l’agriculture durable, des systèmes alimentaires, des forêts, de l’élevage, de la gestion intégrée des ravageurs, de la pêche, de l’aquaculture, des chaînes de valeur et des liens avec les marchés252. Cette approche innovante, ancrée dans une meilleure connaissance de la dynamique agroécologique et de l’expérimentation dirigée par les agriculteurs, a permis à des dizaines de millions d’agriculteurs dans le monde de maintenir ou d’augmenter leur productivité tout en réduisant leur dépendance à l’égard des intrants externes.
Résultats et impact. Les applications forestières des écoles pratiques d’agriculture ont eu un impact réel en favorisant l’acquisition de connaissances en écologie et en révélant des capacités de résolution créative des problèmes. Ces écoles ont joué un rôle crucial en favorisant la capacité à choisir les réponses («response-ability»), autrement dit la capacité des petits producteurs à remédier de manière créative aux défis posés par l’agriculture, la production alimentaire et la gestion des ressources naturelles grâce à l’amélioration des connaissances et au développement technologique. Les expériences menées dans le cadre des écoles pratiques d’agriculture en Afrique, en Asie et dans les Amériques montrent le potentiel important de cette approche, qui renforce de manière inclusive les capacités des communautés rurales en matière de restauration et qui fait progresser la durabilité de la production agricole et forestière à petite échelle253.
Les écoles pratiques d’agriculture ont permis aux agriculteurs familiaux dans le monde entier d’acquérir les connaissances, les compétences et l’organisation sociale nécessaires pour assurer leur rôle de gardiens des ressources naturelles régénératives dans la petite agriculture et l’agriculture familiale. D’après les estimations, quelque 20 millions de personnes dans 119 pays ont reçu une formation dans ces écoles au cours des 30 dernières années250. Parallèlement à la résolution de problèmes pratiques, ces écoles favorisent l’estime de soi, libèrent la créativité et promeuvent l’organisation sociale254.
À l’occasion d’un bilan, la FAO a mis en évidence des applications relatives aux forêts et aux arbres issues des écoles pratiques d’agriculture qui font intervenir 200 000 producteurs dans plus de 20 pays en Afrique, en Asie et dans les Amériques et qui répondent à des défis liés à la production d’arbres fruitiers, aux parcelles boisées, à la foresterie communautaire, à la gestion des sols et de l’eau, et aux zones protégées, par exemple255. Au Mozambique, le projet PROMOVE Agribiz (étude de cas n° 12) aide 22 000 petits exploitants à développer la production agroforestière, à créer des structures d'incubation d'entreprises et à accéder à des crédits carbone qui rétribuent leurs efforts en matière d’agroforesterie.
Les écoles de gestion agricole suivent une approche participative fondée sur un programme d’études apparentée aux écoles pratiques d’agriculture. La FAO a élaboré le concept d’école de gestion agricole pour renforcer les capacités des prestataires de services et des agriculteurs en matière de transition de l’agriculture de subsistance vers une agriculture axée sur les marchés et les activités agricoles exercées en société. Le programme d’études de ces écoles est conçu pour guider les agriculteurs tout au long du cycle de gestion d’une exploitation agricole, à partir de concepts fondamentaux et d’exercices portant sur la planification des activités, la gestion des exploitations et les compétences financières. Cette approche a été mise en œuvre dans divers contextes en Asie, en Afrique et au Proche-Orient depuis 2005, notamment dans des contextes fragiles à l’interface entre l’action humanitaire et l’aide au développement. Des dizaines de milliers d’agriculteurs et d’agricultrices ont bénéficié des programmes de centaines d’écoles de gestion agricole dans le cadre d’activités commerciales allant de la culture, de l’horticulture à la transformation des produits agricoles et aux restaurants et services annexes pour la consommation locale et l’exportation.
Potentiel de reproduction à plus grande échelle. La demande croissante visant un développement rural axé sur la dimension humaine et respectueux de l’environnement offre aux écoles pratiques d’agriculture un rôle de premier plan dans la transition vers une agriculture et une foresterie plus durables. Les écoles pratiques d’agriculture impliquent de nouer des partenariats pour appuyer les petits producteurs; d’appliquer les enseignements issus du développement à dimension humaine à la foresterie et à l’agroforesterie; de promouvoir l’inclusion et l’organisation sociale à différents niveaux; d’investir dans les synergies entre les formations dans les domaines de l’agriculture et de la foresterie; et de financer des structures d’incubation d’entreprises pour développer des sources de revenus liées aux initiatives de restauration des écosystèmes au niveau local.
En Inde, le Gouvernement de l’État de l’Andhra Pradesh, Rythu Sadhikara Samstha (institution gouvernementale de l’État) et la FAO mettent en œuvre le programme d’agriculture naturelle à assise communautaire de l’Andhra Pradesh, qui adapte le concept d’école pratique d’agriculture à l’agriculture naturelle et à la régénération des sols dans le cadre d’activités d’agroforesterie et de polyculture intensive. Le but du programme est de permettre à 6 millions de producteurs agricoles de passer à l’agriculture régénératrice d’ici à 2030256. CARE International entend étendre les écoles pratiques d’agriculteurs et les écoles de gestion agricole à 35 pays, appuyer 25 millions de producteurs, faire entrer les agriculteurs sur les marchés mondiaux au moyen d’un modèle de certification, et encourager l’adoption de ces approches par les autorités publiques257. Les écoles pratiques d’agriculteurs et les écoles de gestion agricole peuvent en outre jouer un rôle important en intensifiant les actions de restauration des écosystèmes par le renforcement des capacités des petits exploitants et des organisations de producteurs à entreprendre des initiatives de restauration au niveau local, par exemple dans le contexte de l’Initiative pour la restauration des paysages forestiers en Afrique (AFR100)ak.