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PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉE. Innovation et tradition au service des forêts millénaires grâce au programme AIM4Forests. Les innovations technologiques améliorent considérablement notre capacité à surveiller les forêts du monde entier.
© FAO/Cory Wright

La situation des forêts du monde 2024

Chapitre 4 Dix-huit études de cas pour illustrer les différentes voies par lesquelles l’innovation du secteur forestier peut amorcer un changement positif

Messages clés
  • La présentation d’études de cas est un bon moyen d’exposer les possibilités offertes par l’innovation du secteur forestier. Les exemples évoqués dans ce chapitre mettent en avant des processus, des outils et des technologies d’avant-garde utilisés dans différentes régions et à différentes échelles, et apportent des données factuelles, des connaissances ainsi que des enseignements qui pourront être mis à profit dans divers contextes dans le monde entier. Les études de cas sont réparties en trois catégories, correspondant aux innovations en matière de conservation, de restauration et d’utilisation durable des forêts.
  1. Des innovations contribuent aux efforts déployés pour mettre un terme à la déforestation et préserver les forêts. On peut citer à cet égard le modèle qui favorise une gouvernance multipartite pour développer l’aménagement durable et intégré des paysages au Kenya et au Nigéria; l’utilisation de nouvelles données sur le rôle des forêts dans la productivité agricole pour financer la conservation des forêts au Brésil; l’exploitation des possibilités offertes par les partenariats et l’innovation technologique pour réduire la perte de superficie forestière liée aux produits de base au Ghana; l’introduction de nouveaux outils et de nouvelles techniques dans la gestion communautaire des forêts en Colombie; et l’association de la science, de la technologie et des connaissances traditionnelles pour appuyer le rôle de gardiens des forêts assuré par les peuples autochtones et permettre une gestion intégrée et dirigée localement des incendies.
  2. Des approches innovantes favorisent la restauration des terres dégradées et développent l’agroforesterie. Les exemples comprennent l’élaboration d’une nouvelle politique nationale pour appuyer plus efficacement l’agroforesterie en Inde; l’intégration des objectifs socioéconomiques et des besoins nutritionnels des communautés locales dans les mesures de restauration visant à lutter contre la désertification dans le cadre de l’initiative Grande muraille verte du Sahara et du Sahel; l’utilisation de technologies géospatiales et d’autres technologies numériques pour rassembler et diffuser les bonnes pratiques et suivre l’avancement de la mise en œuvre de la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes; le renforcement de la résilience des jardins de taro inondés traditionnels à Vanuatu par l’intégration de nouvelles technologies, pratiques et variétés végétales; l’amélioration de la gouvernance locale des ressources forestières au profit de l’agriculture et de la restauration des forêts au Maroc et en Tunisie; et un projet à long terme visant à lier l’agroforesterie au marché des droits d’émission de carbone au Mozambique.
  3. Des innovations contribuent à l’utilisation durable des forêts et à la création de chaînes de valeur respectueuses de l’environnement. On peut mentionner la fourniture de microfinancements sans garantie aux petites entreprises forestières grâce à la puissance des organisations collectives au Viet Nam; l’utilisation de nouveaux outils et méthodes de diagnostic pour favoriser des processus de réforme juridique en matière de gestion durable de la vie sauvage dans 13 pays africains; le recours aux technologies numériques pour renforcer l’efficience du traçage du bois d’œuvre et promouvoir des chaînes d’approvisionnement durables au Guatemala; l’amélioration de la connectivité des chaînes d’approvisionnement en bois d’œuvre pour réduire les déchets et accroître la viabilité de la gestion durable des forêts au Brésil, au Guyana, au Panama et au Pérou; la mise en œuvre de nouvelles technologies de transformation du bois en Slovénie et aux États-Unis d’Amérique pour promouvoir une bioéconomie et renforcer la résilience sismique; et les activités menées dans le cadre des écoles pratiques d’agriculture pour permettre une innovation impulsée par les agriculteurs en faveur de la production forestière et agricole durable.

Les 18 études de cas consacrées aux innovations du secteur forestier présentées dans ce chapitre ont été élaborées à partir des informations communiquées par le personnel et les organisations partenaires de la FAO sur leurs activités. Elles exposent un éventail de processus, d’outils et de technologies d’avant-garde mis à profit dans divers contextes et différents endroits du monde, en les répartissant en trois catégories de solutions, à savoir la conservation, la restauration et l’utilisation durable des forêts, mais nombre d’entre eux contribuent à deux ou trois de ces catégories. Chaque étude de cas peut être considérée comme portant sur une combinaison d’innovations, car elle concerne plusieurs innovations et types d’innovation (innovations technologiques, innovations sociales, innovations en matière de politiques publiques, innovations institutionnelles et innovations financières – voir le tableau 3). Pour chacune d’elles, les auteurs ont évalué de manière subjective l’importance relative de chacun de ces types au moyen de notes allant de 1 à 10, représentées sur un graphique par des zones des tailles différentes.

4.1 Des innovations contribuent aux efforts déployés pour mettre un terme à la déforestation et préserver les forêts

L’arrêt de la déforestation permettrait de réduire de manière significative les émissions de gaz à effet de serrev, 1 tout en contribuant à préserver la plus grande partie de la biodiversité terrestre de notre planète et à maintenir des services écosystémiques essentiels. De nouvelles données scientifiques ont mis en évidence l’immense effet de refroidissement produit par les forêts par l’intermédiaire d’une série de processus biophysiques (autres que ceux liés au carbone), tels que l’évapotranspiration, l’albédo, et les échanges d’aérosols et de composés organiques volatils, et les estimations indiquent que la conservation des forêts tropicales pourrait apporter une contribution supérieure de 20 à 40 pour cent aux prévisions initiales au refroidissement à l’échelle mondiale195. À cette atténuation supplémentaire des effets du changement climatique s’ajoute le rôle joué par les forêts dans la régulation des précipitations et la stabilisation des climats locaux ou plus distants, qui contribue ainsi à limiter les phénomènes météorologiques extrêmes et fait des forêts une composante essentielle de l’adaptation et de la résilience face au changement climatique. La productivité agricole future, notamment dans les régions tropicales, dépendra en partie des services de régulation du climat assurés par les forêts.

Les mesures prises aux niveaux mondial, régional et national pour mettre fin à la déforestation et préserver les forêts de la planète ont donné lieu à une multitude d’innovations, notamment des avancées majeures dans la surveillance en temps réel des forêts pour étayer les paiements liés aux résultats au titre du cadre REDD+ et la croissance des marchés du carbone forestier. Des progrès ont également été réalisés dans la traçabilité des principaux produits de base pour favoriser une production qui ne contribue pas à la déforestation, et des innovations en matière de politiques publiques ont permis de créer des passerelles entre différents secteurs par l’intermédiaire d’approches intégrées à l’échelle du paysage. La meilleure compréhension des rôles essentiels de gardiens des forêts joués par les peuples autochtones et les communautés locales a favorisé des innovations qui renforcent l’inclusion dans le cadre de l’élaboration des politiques et des services financiers forestiers.

Les six études de cas ci-après présentent des innovations visant à améliorer la qualité des données relatives à la surveillance des forêts, ainsi que l’accès à ces informations, et à renforcer la planification et la gestion de l’utilisation des terres, en tant que moyens de mettre un terme à la déforestation et de préserver les forêts.

ÉTUDE DE CAS N° 1APPROCHES FAVORISANT DES MÉCANISMES DE GOUVERNANCE MULTIPARTITES POUR DÉVELOPPER L’AMÉNAGEMENT DURABLE ET INTÈGRE DES PAYSAGES

Lieu: Kenya, Nigéria

Partenaires: FAO, Fonds pour l’environnement mondial (FEM), Service des forêts du Kenya, Organisation de recherche sur l’agriculture et l’élevage du Kenya, Institut de recherche forestière du Nigéria, unités REDD+ des États du Nigéria, Solidaridad Network.

Pondération des types d’innovation

Le contexte. Le manque de coordination entre les secteurs utilisant des terres et les parties prenantes a freiné les efforts déployés pour trouver un équilibre entre les objectifs agricoles et ceux liés aux forêts à l’échelle des paysages et au niveau national. Au Nigéria, la production de cultures importantes comme le cacao et l’huile de palme a entraîné une sérieuse dégradation de l’environnement, notamment une déforestation et une réduction des services écosystémiques. Au Kenya, les paysages du bassin versant du mont Elgon, qui jouent un rôle crucial dans les économies et moyens d’existence locaux, sont menacés par l’expansion de l’agriculture, l’exploitation illégale du bois et d’autres pressions anthropiques. Les approches intégrées à l’échelle du paysage, qui sont étroitement liées à l’élaboration des politiques nationales et aux mesures prises à ce niveau, contribuent à améliorer les mécanismes de gouvernance multipartites mis en place pour résoudre ces problèmes et d’autres problèmes communs. Ils permettent également de limiter les arbitrages et d’accroître les synergies entre agriculture et foresterie.

L’innovation. De nouvelles méthodes sont nécessaires en matière d’organisation interne et de collaboration si l’on veut arriver à des solutions durables dans le temps face à des défis complexes tels que la déforestation liée à l’agriculture. L’approche PILA (Participatory Informed Landscape Approach, approche territoriale éclairée et participative) de la FAO montre comment on peut intégrer les principes de la collaboration intersectorielle dans la conception et la mise en œuvre des interventions pour améliorer les résultats obtenus sur le terrain. Il s’agit d’une approche guidée, structurée et adaptée qui réunit un ensemble d’outils et de méthodes complémentaires d’avant-garde de la FAO à l’appui de l’aménagement intégré des paysages pour permettre une prise de décision éclairée. Elle offre aux pays un appui technique et une expertise dans les domaines de la foresterie, de la production végétale et animale, des ressources en terres et en eaux, des données géospatiales, de la gouvernance orientée vers la transformation, des régimes fonciers, de la finance et des processus multipartites. En renforçant les capacités techniques et institutionnelles des pays, l’approche PILA aide les parties prenantes (y compris les pouvoirs publics et les organisations de producteurs) à planifier l’aménagement de leurs paysages de manière intégrée, inclusive et adaptée au but poursuivi. Grâce à une évaluation globale du territoire, elle permet de réunir des données fiables issues d’enquêtes auprès des ménages et d’images satellite, en travaillant avec différents secteurs pour une prise de décision plus éclairée et plus intégrée.

L’approche PILA représente une évolution organisationnelle et culturelle sur deux fronts dans l’appui apporté par la FAO aux pays. Premièrement, elle met l’accent sur l’inclusivité à toutes les étapes du processus, tout en renforçant les capacités nationales à l’échelle des systèmes pour favoriser l’appropriation par les pays et leur engagement. Deuxièmement, elle englobe et intègre tous les secteurs concernés (agriculture, environnement et planification) au niveau national et au sein des divisions techniques de la FAO. Elle relie en outre les territoires aux processus nationaux en donnant aux organisations de producteurs les moyens de renforcer leurs capacités et d’accéder à de nouveaux marchés et à des financements durables pour favoriser des chaînes de valeur de produits de base inclusives qui ne contribuent pas à la déforestation, suscitant ainsi l’élan nécessaire pour obtenir un impact à grande échelle (figure 7).

FIGURE 7Présentation schématique de l’approche PILA

SOURCE: Auteurs de l'étude de cas.

Résultats et impact. L’approche PILA est expérimentée au Kenya et au Nigéria, dans le cadre du Programme d’impact sur les systèmes alimentaires et l’utilisation et la restauration des terres (FOLUR) mené au titre de la septième reconstitution des ressources du Fonds pour l’environnement mondial (FEM-7), pour favoriser une meilleure collaboration intersectorielle lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de plans d’aménagement intégré et inclusif des paysages. Au Kenya, la restauration des écosystèmes et la gestion communautaire des ressources naturelles dans les paysages du bassin versant du mont Elgon seront renforcées par des processus intégrés et participatifs de planification qui accroissent la participation des communautés locales à une prise de décision fondée sur des données probantes. Aux fins de la formulation de la vision des paysages et de l’élaboration conjointe de trajectoires de transition durable, les parties prenantes ont besoin de bien comprendre les possibilités actuelles (et futures) d’adoption de pratiques de production, de gestion, de conservation et de restauration plus durables dans leurs paysages. L’utilisation de l’approche PILA améliore en outre la cartographie du potentiel de restauration du Kenya (définition des zones où la restauration des écosystèmes est appropriée sur le plan biophysique, avec le meilleur rapport coût-efficacité) en intégrant les données recueillies sur le terrain dans un modèle géospatial élaboré à l’aide de la suite Open Foris de la FAO76. Au Nigéria, l’approche PILA renforce les capacités des pouvoirs publics au niveau des États et à l’échelon local en matière d’analyse géospatiale intégrée et, en étroite collaboration avec les unités REDD+ des États, améliore l’accès à des données spatiales de grande qualité pour étayer plus solidement l’aménagement intégré des paysages.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. Au total, 25 projets FOLUR menés dans des pays répartis dans quatre régions devraient permettre de renforcer, au moyen d’une approche programmatique, les cadres nationaux d’aménagement intégré des paysages. L’approche PILA apporte un appui innovant pour réaliser des objectifs d’aménagement intégré des paysages et les reproduire au niveau national. Elle peut être utilisée pour différents paysages, produits de base et systèmes alimentaires, en fonction de la demande, et notamment pour favoriser les liens entre agriculture et foresterie. Le but est de reproduire les réussites dans d’autres pays. L’approche PILA pourrait également être reproduite dans d’autres programmes existants (tels que le Partenariat mondial de la Banque mondiale pour des paysages durables et résilients et le Programme intégré sur les systèmes alimentaires au titre de la FEM-8) qui apportent un appui aux pays dans le cadre de leurs processus intégrés de planification et de gestion des terres, et guident ainsi la transition vers des chaînes de valeur plus diversifiées et durables.

ÉTUDE DE CAS N° 2UTILISATION DE NOUVELLES DONNÉES SUR LE RÔLE DES FORÊTS DANS LA PRODUCTIVITÉ AGRICOLE POUR FINANCER LA CONSERVATION SUR UNE FRONTIÈRE AGRICOLE

Lieu: Brésil

Partenaires: Woodwell Climate Research Center, Institut amazonien pour la recherche environnementale.

Pondération des types d’innovation

Le contexte. Plus de 13 pour cent de la région Amazonie-Cerrado (région où convergent les biomes de l’Amazonie et du Cerrado) ont été défrichés à des fins agricoles entre 1985 et 2022, ce qui a notamment entraîné la perte de 5,18 millions d’hectares de forêt et de terres boisées196. La production de produits de base apporte une contribution vitale à l’économie brésilienne: en 2022, par exemple, les récoltes record de soja197 ont entraîné une hausse de 2,9 pour cent du produit intérieur brut du pays, accompagnée d’une augmentation des recettes d’exportation. Cependant, la déforestation liée à la hausse de la production de produits de base est à l’origine d’une augmentation des températures locales et des déficits de pression de vapeur, qui, au bout du compte, fait baisser le rendement des cultures (figure 8)198. La proportion de couvert forestier dans la région Amazonie-Cerrado explique en moyenne 30 pour cent des différences de rendement du soja selon les paysages, en raison des avantages du refroidissement produit par les forêts. De plus, la déforestation réduit la résilience des cultures agricoles et des animaux d’élevage durant les vagues de chaleur et les périodes sèches prolongées – de ce fait, malgré l’augmentation de la superficie agricole, la production globale pourrait diminuer, ce qui neutralisera les avantages de la déforestation tout en compromettant l’objectif à long terme d’amélioration de la productivité agricole198.

FIGURE 8Incidence de la déforestation dans la région Amazonie-Cerrado sur le déficit de pression de vapeur et la température moyenne dans des paysages associés à différents niveaux d’intensification de l’agriculture, sur une année civile

NOTE: Les observations relatives aux zones déboisées et aux zones boisées sont représentées respectivement en rouge et en vert. 1 = Capitão Poço-PA; 2 = Formosa do Rio Preto-BA; 3 = São Félix do Xingu-PA; 4 = Querência-MT et 5 = Sapezal-MT.

SOURCES: Auteurs de l’étude de cas; (carte) MapBiomas Project. 2024. Collection 8 of the Annual Series of Coverage and Land Use Maps of Brazil. Dans: MapBiomas Brazil. https://doi.org/10.58053/MapBiomas/VJIJCL; Climatology Lab. 2024. Terraclimate. [Consulté le 14 juin 2024]. https://www.climatologylab.org/terraclimate.html Licence: CC0 1.0 UNIVERSAL.

Devant l’augmentation de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes199, les avantages découlant de la préservation des forêts restantes dans les paysages fortement cultivés de l’Amazonie et du Cerrado apparaissent plus clairement. Des incitations économiques à préserver les forêts existent, comme la taxe sur la valeur ajoutée écologique mise en place par le Gouvernement brésilien ou le système international REDD+ de paiements liés aux résultats200, mais d’autres mesures seront nécessaires pour éviter que la déforestation ne se poursuive et pour accompagner l’intensification de la production dans les zones déjà développées.

L’innovation. Au Brésil, les innovations numériques contribuent à faire progresser la compréhension des avantages procurés par les forêts (au-delà du stockage et de la séquestration du carbone) en faisant office de tampons en cas de conditions météorologiques extrêmes: on peut citer les produits MODIS tels que celui relatif à la température de surface et à l’évapotranspiration, les données mensuelles de TerraClimate sur le bilan hydrique de la surface émergée mondiale, et les données de MapBiomas sur l’utilisation des terres et le couvert végétal. Les outils comme le moteur de recherche Google Earth et les nouveaux packages R facilitent le traitement et l’analyse des volumes considérables de données nécessaires pour ces observations. Les nouveaux produits numériques ont ainsi permis de déterminer que les régions de l’Amazonie brésilienne englobant des territoires forestiers autochtones présentaient des températures inférieures en moyenne de 2 °C à celles des zones non protégées, qui sont soumises à des taux de déforestation plus importants201.

Résultats et impact. Les nouveaux produits numériques permettent d’accéder à des connaissances plus importantes qui facilitent la conception de paysages offrant une résilience au changement climatique et une productivité agricole maximales, telles que la superficie forestière nécessaire pour réguler le climat de manière à obtenir une production agricole optimale et à assurer la connectivité entre les zones boisées aux fins de conservation de la biodiversité, par exemple. Les progrès dans les connaissances et les outils permettent d’améliorer l’application des lois environnementales telles que les quotas de réserves environnementales (Cotas de Reserva Ambiental) et la loi de protection de la végétation indigène (Lei para Proteção da Vegetação Nativa).

Les initiatives telles que le projet CONSERV mené par l’Institut amazonien pour la recherche environnementale s’appuient sur les capacités de cartographie pour déterminer les zones présentant une végétation indigène excédentaire, et inciter sur cette base les producteurs ruraux à protéger les forêts situées sur leurs terres. Le projet repose sur différentes techniques, notamment l’intégration d’innovations technologiques, la mise en place d’incitations financières et l’instauration de dispositifs efficaces pour donner la priorité à la conservation des forêts dans les pratiques de production durables. À ce jour, il a permis de protéger quelque 21 000 hectares dans 23 propriétés privées, évitant potentiellement 2,2 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone. Par le passé, le suivi des restrictions liées à la législation en matière d’environnement a engendré un goulet d’étranglement dans le système national des quotas de réserves environnementales202. Avec l’amélioration des technologies, il est désormais possible de donner la priorité à certaines zones afin de maximiser l’atténuation du changement climatique au niveau local.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. L’estimation de la valeur des forêts pour la production agricole peut offrir aux propriétaires fonciers de nouvelles sources de revenus susceptibles de couvrir les coûts d’opportunité liés au renoncement à convertir de nouvelles zones de forêt en terres agricoles. Des mécanismes financiers internationaux seront toutefois nécessaires pour reproduire ce type de dispositifs hors du Brésil, car les avantages liés aux services écosystémiques des forêts s’étendent au-delà des frontières nationales. Le processus requiert une source de revenus, qui pourrait reposer sur le principe de l’usager-payeur, ainsi qu’une procédure pour vérifier la conservation effective des forêts. Le contrôle de l’application est également essentiel; il n’y aura pas de demande, et donc pas de marché, sans réglementation, supervision par les institutions financières et pressions sur les chaînes d’approvisionnement pour imposer le respect des exigences par les propriétaires fonciers. La préservation des forêts sur pied est d’une importance cruciale pour la durabilité des systèmes agricoles, et doit être reconnue et évaluée.

ÉTUDE DE CAS N° 3EXPLOITATION DES POSSIBILITÉS OFFERTES PAR LES PARTENARIATS ET L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE POUR RÉDUIRE LA PERTE DE SUPERFICIE FORESTIÈRE LIÉE AUX PRODUITS DE BASE

Lieu: Ghana

Partenaires: FAO, Institut des ressources mondiales, Google, Administration nationale pour l’aéronautique et l’espace des États-Unis d’Amérique (NASA), Unilever, Agence des États-Unis pour le développement international, Département d’État des États-Unis.

Pondération des types d’innovation

Le contexte. La déforestation s’est ralentie au cours des dernières décennies, mais le défi de la production durable de produits de base, comme l’huile de palme, le cacao, le soja et le bœuf, persiste. À cet égard, des règlements déterminant les produits considérés comme issus de chaînes d’approvisionnement qui ne contribuent pas à la déforestation sont entrés en vigueur, notamment le Règlement de l’Union européenne contre la déforestation et la dégradation des forêts (connu sous la dénomination «RDUE»). L’amélioration de la surveillance de l’utilisation des terres et le suivi des chaînes d’approvisionnement en produits de base sont nécessaires pour comprendre les incidences de ces derniers sur les forêts, appuyer la conception et la mise en œuvre de solutions efficaces afin d’éviter les pertes de superficie forestière et rendre la production agricole et les systèmes alimentaires plus durables. Les règlements tels que le RDUE ont des incidences considérables pour les producteurs de produits de base; au Ghana, par exemple, les producteurs de cacao risquent de ne pas avoir accès aux solutions et données techniques nécessaires pour se mettre en conformité avec les règlements.

L’objectif du Partenariat pour les données forestières (ci-après dénommé «le Partenariat») est de faire en sorte que toutes les parties prenantes disposent d’un accès libre à des données géospatiales cohérentes et validées sur les produits de base qui représentent un risque pour les forêts. Les petits exploitants et les peuples autochtones – groupes les plus vulnérables face aux exigences liées aux nouveaux règlements – ont particulièrement besoin de solutions techniques adaptées (en matière de géolocalisation) pour faire la preuve de leur conformité. Dans le cadre de la Digital Public Good Alliance, la FAO dirige l’axe de travail du Partenariat relatif à l’innovation dans les solutions numériques publiques de surveillance des forêts et des produits de base.

L’innovation. Le Partenariat et la Fondation Linux conjuguent leurs efforts dans le cadre du projet phare Sustainable Agriculture for Forest Ecosystems (une agriculture durable pour les écosystèmes forestiers) du pôle «zéro déforestation» de l’initiative de l’Équipe Europe pour élaborer et déployer des solutions numériques gratuites et en accès libre qui sont conformes aux règlements sur les produits associés à la déforestation. Le Partenariat suit une approche structurelle de convergence des preuves visant à permettre la mise en conformité de tous les producteurs sur la base de principes d’accessibilité, d’inclusivité, de comparabilité et d’interopérabilité.

L’approche de convergence des preuves rationalise l’accès de l’ensemble des producteurs à des données prêtes pour analyse sur les forêts, les produits de base et les changements d’affectation des terres, quelle que soit l’échelle, leur permettant ainsi de générer les données dont ils ont besoin pour se mettre en conformité avec les règlements «zéro déforestation». Elle comprend les éléments suivants:

  • l’application Open Foris Ground, développée conjointement par Google et la FAO, qui permet aux utilisateurs de géolocaliser ou de déterminer les limites de leur exploitation agricole;

  • un registre des actifs (élaboré dans le cadre du projet AgStack de la Fondation Linux), registre public gratuit, adressable mais non consultable à partir des moteurs de recherche, qui contient des informations sur les limites des champs/exploitations sans autre attribut (autrement dit, les champs ne sont associés à aucun nom ni aucune information personnelle ou autre);

  • un pipeline de données qui permet aux utilisateurs de récupérer des données géospatiales et temporelles mises à la disposition du public, telles que des calques relatifs aux changements de couvert végétal et à l’utilisation des terres pour un terrain donné, exploitées dans différents biens publics numériques de la suite Open Foris, afin d’aider les pays à surveiller les forêts et l’utilisation des terres et à communiquer des informations à ce sujet.

Résultats et impact. L’un des secteurs prioritaires du Partenariat est celui du cacao au Ghana; les premières réalisations comprennent l’établissement de données de référence et de trajectoires pour le secteur en relation avec la déforestation. L’approche est expérimentée sur le terrain au Ghana et dans le pôle régional NASA-SERVIR pour l’Afrique de l’Ouest (partenariat entre des organisations régionales qui renforce les capacités des pays à utiliser les informations fournies par les satellites d’observation de la Terre et les technologies géospatiales). Elle permet une surveillance, une vérification et une reddition de comptes crédibles et systématiques dans le cadre de la réduction de la déforestation liée au cacao. L’environnement de traitement est mis à la disposition du public, et le Gouvernement du Ghana l’utilise pour aider les producteurs de cacao à fournir les preuves étayant les déclarations d’absence de déforestation qu’ils établissent au titre du RDUE.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. L’écosystème de données géospatiales mis à disposition par le Partenariat peut être adapté pour d’autres produits de base et d’autres pays ou régions. Par ailleurs, les protocoles de partage de données et les normes de géolocalisation établis dans le cadre du Partenariat sont indépendants des réglementations et peuvent être utilisés pour d’autres usages. La FAO assure un appui technique similaire au Pérou et au Viet Nam avec le programme Accélérer le suivi innovant des forêts (AIM4Forests203), en exploitant les innovations techniques mises au point dans le cadre du Partenariat. L’appui au titre du programme AIM4Forests se renforce en 2024, y compris au regard des nouveaux règlements du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et des États-Unis d’Amérique visant à lutter contre la déforestation. Plus largement, avec ses solutions techniques, le Partenariat peut favoriser des changements majeurs en exploitant la portée internationale des organismes des Nations Unies, des grandes organisations de la société civile et des principales entreprises spécialisées dans les données et les technologies.

Formation sur Collect Earth avec des experts ghanéens en télédétection.
© FAO/Frank Owusu

ÉTUDE DE CAS N° 4INTRODUCTION DE NOUVEAUX OUTILS ET DE NOUVELLES TECHNIQUES DANS LES MODÈLES EXISTANTS DE GESTION COMMUNAUTAIRE DES FORÊTS POUR AMÉLIORER LES RÉSULTATS

Lieu: Colombie

Partenaires: FAO, Ministère de l’environnement et du développement durable (MinAmbiente) (Colombie), autorités environnementales infranationales, organisations communautaires.

Pondération des types d’innovation

Le contexte. En Colombie, les terres et les forêts des peuples autochtones et celles gérées par les communautés représentent 53 pour cent environ de la superficie totale, et sont regroupées en réserves autochtones, zonas de reserve campesinas (zones de réserve paysanne) et Consejos Comunitarios de Comunidades Afrocolombianas (conseils communautaires des populations afro-colombiennes). Ces terres sont importantes pour la conservation de la biodiversité comme des cultures, ainsi que pour le stockage du carbone et la gestion de l’eau. La gestion communautaire des forêts est pratiquée en Colombie depuis plusieurs décennies, mais des problèmes persistants nuisent à son efficacité – lenteur et absence de coordination des procédures bureaucratiques locales, mauvaise compréhension des règlements et manque de financements durables.

L’innovation. De nouvelles politiques favorables et une collaboration stratégique ont aidé à revitaliser les entreprises forestières communautaires et à renforcer la gouvernance forestière. La mise en œuvre d’un nouveau modèle de gestion communautaire des forêts en Colombie est axée sur la gouvernance collaborative, en tant que moyen de réduire les émissions causées par le déboisement et la dégradation des forêts et de contribuer à l’action climatique.

L’un des éléments clés de ce nouveau modèle est la stratégie de gestion forestière et de lutte contre la déforestation, Bosques Territorios de Vida (Forêts, territoires de vie), élaborée par le Ministère de l’environnement et du développement durable (MinAmbiente). Cette stratégie a été mise au point au moyen d’une approche intégrée afin de déterminer si de nouvelles modalités de gouvernance forestière pourraient simultanément permettre d’arrêter la déforestation, de lutter contre le changement climatique, de contribuer au développement rural durable et de gérer les arbitrages entre agriculture et foresterie. Le processus a nécessité une collaboration entre les ministères (dont celui de l’agriculture), les autorités environnementales régionales, les milieux universitaires, le secteur privé, les peuples autochtones et les organisations non gouvernementales. Différentes activités destinées à opérer la transition vers la gestion communautaire des forêts (utilisation du bois d’œuvre et des produits forestiers autres que le bois d’œuvre, incitations financières, création de pépinières, systèmes d’agroforesterie et mesures de restauration) ont permis aux partenaires et aux parties prenantes extérieures de comprendre que les interventions au niveau des paysages pouvaient, en peu de temps, avoir un impact réel et profond sur les résultats sociaux, écologiques et économiques. Le modèle Bosques Territorios de Vida comprend différents axes d’action visant à faire reconnaître la gouvernance des peuples autochtones et des communautés locales et leurs pratiques traditionnelles en matière de gestion durable des forêts; à promouvoir et renforcer les chaînes de valeur forestières; et à encourager l’«esprit de partenariatw».

Des efforts supplémentaires ont contribué à renforcer la gestion communautaire des forêts. Lors de la formulation de la stratégie REDD+ nationale (connue sous la désignation ENREDD+), par exemple, des consultations organisées auprès des parties prenantes des communautés ont montré les avantages potentiels liés à l’intégration de la foresterie communautaire en tant que mécanisme pour atteindre les objectifs climatiques du pays. Son intégration dans le système d’incitations financières et de paiements liés aux résultats au titre de ENREDD+ a contribué à offrir une base de financement plus durable pour la gestion communautaire des forêts; elle a également aidé à renforcer la surveillance des forêts au niveau des communautés et à améliorer l’accès des entreprises forestières communautaires aux marchés.

Les autres approches innovantes visant à trouver des sources de financement plus durables pour la gestion communautaire des forêts comprennent l’utilisation de la méthode de l’analyse et du développement des marchés ainsi que de la logique d’intervention du Mécanisme forêts et paysans; l’intégration d’une approche propre à faire évoluer favorablement les rapports entre les genres et les générations; la fourniture d’une assistance technique par une équipe pluridisciplinaire sur chaque site pilote de foresterie communautaire; et la conclusion de contrats avec des organisations communautaires locales pour assurer des services logistiques et techniques pour les activités des projets.

Résultats et impact. Les connaissances acquises lors de la mise en œuvre de la gestion communautaire des forêts au moyen de projets pilotes ont renforcé la coordination entre la foresterie et l’agriculture, ce qui a ensuite contribué à améliorer la qualité de vie des populations rurales, permis des progrès au regard des objectifs climatiques du pays et augmenté la connectivité entre les zones forestières.

La mise en place du nouveau modèle de gestion communautaire des forêts a entraîné des progrès au regard de la stratégie ENREDD+ et de la conformité aux lois forestières régissant les conditions légales d’accès et d’utilisation s’agissant du bois d’œuvre et des autres produits forestiers; elle a également renforcé les capacités des communautés à traiter et obtenir des permis et autorisations d’utilisation auprès des autorités autonomes régionales compétentes. Cette démarche a conduit à la reconnaissance officielle de la gestion communautaire des forêts en tant qu’outil déterminant pour atteindre les objectifs en matière de conservation des forêts, d’atténuation du changement climatique et de bien-être des communautés, et a encouragé la prise en compte des problèmes des femmes et des jeunes dans la conception des plans forestiers et dans la gestion. Compte tenu de l’importance de la gestion communautaire des forêts pour les moyens d’existence des peuples autochtones et des communautés afro-colombiennes et locales, le fait qu’elle soit reconnue officiellement dans un cadre d’action a aidé à légitimer le rôle essentiel des connaissances traditionnelles dans la conservation des forêts et à lui donner davantage de visibilité.

Cette stratégie a permis de nouveaux partenariats entre les entreprises forestières communautaires et les intermédiaires du secteur privé, ce qui a eu pour effet de faire baisser le coût de l’entrée sur le marché pour les producteurs forestiers communautaires et de renforcer la viabilité de leurs entreprises, et ainsi d’augmenter les revenus et d’ouvrir de nouvelles possibilités de moyens d’existence liés aux forêts. Diverses organisations de coopération, organisations non gouvernementales et entreprises privées ont collaboré sous l’égide de MinAmbiente. Au début du processus, les permis d’exploitation collective pour les territoires paysans n’étaient pas très répandus, bien qu’il s’agisse d’une disposition de la loi colombienne, mais plusieurs exemples de réussites ont été enregistrés après la mise en œuvre du modèle de gestion communautaire des forêts. Le plan national de développement le plus récent (loi 2294 de 2023) confirme les concessions forestières paysannes dans son article 49, offrant ainsi des possibilités de mise en œuvre de la gestion communautaire des forêts dans des régions où elle n’était pas envisageable auparavant. Le modèle est mis en place dans 12 départements (qui se caractérisent par une déforestation très importante et une longue pratique de la foresterie communautaire), et au moins 30 initiatives de gestion communautaire des forêts sont en cours, principalement dans la région amazonienne. Au niveau national, quelque 271 000 hectares de forêt sont sous gestion communautaire, et quelque 3 400 familles issues de peuples autochtones ou de communautés paysannes ou d’ascendance africaine participent au dispositif.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. Le modèle de gestion communautaire des forêts élaboré dans le cadre de la stratégie Bosques Territorios de Vida est prometteur, notamment du fait de son adaptabilité intrinsèque, des ressources forestières considérables de la Colombie et de la présence de territoires collectifs dans lesquels une gouvernance forestière peut être mise en place. La possibilité d’adapter et de reproduire le modèle a été démontrée: de quatre projets pilotes dans quatre départements en 2018, on est passé à 30 initiatives dans 12 départements en 2023.

Le modèle offre un potentiel considérable en matière de développement communautaire, tout en aidant à préserver les ressources naturelles; il peut contribuer à la lutte contre le changement climatique et l’appauvrissement de la biodiversité tout en favorisant la sécurité alimentaire et le développement durable. Le modèle a un rôle fondamental à jouer dans le plan national d’endiguement de la déforestation en Amazonie.

Des responsables communautaires en visite sur le territoire du Consejo Comunitario de Comunidades Negras de la cuenca del río Tolo y zona costera Sur (Conseil communautaire des communautés noires du bassin du fleuve Tolo et de la zone côtière sud), qui mène une initiative de gestion communautaire aux fins de la conservation de la forêt et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
© Programme ONU-REDD

ÉTUDE DE CAS N° 5INNOVATION TECHNIQUE, RENFORCEMENT DES CAPACITÉS ET FINANCEMENTS POUR APPUYER LE RÔLE DE GARDIENS DES FORÊTS ASSURÉ PAR LES PEUPLES AUTOCHTONES

Lieu: Monde entier

Partenaires: Coalition internationale pour l’accès à la terre et Institut des ressources mondiales, membres du groupe de pilotage de la plateforme LandMark, lequel comprend également: l’Alliance indonésienne des peuples autochtones de l’archipel (AMAN), le Pacte des peuples autochtones d’Asie (AIPP), le Centre pour le développement durable et l’environnement (CENESTA), la Coordination des organisations autochtones du bassin de l’Amazone (COICA) – laquelle représente également l’Alliance mondiale des collectivités territoriales (Global Alliance of Territorial Communities) –, le Programme de développement du peuple ogiek (OPDP), le Programme intégré pour le développement du peuple pygmée au Kivu (PIDP) – lequel représente également le Réseau des peuples autochtones et communautés locales pour la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique (REPALEAC) –, l’Initiative des droits et ressources (RRI) et l’Alliance mondiale des peuples autochtones transhumants (WAMIP).

Pondération des types d’innovation

Le contexte. On observe une prise de conscience croissante du rôle essentiel que jouent les peuples autochtones en préservant de la manière la plus efficace de vastes zones forestières204, 205. Les pressions et les menaces exercées sur ces terres et territoires forestiers augmentent toutefois avec l’expansion de l’agro-extractivisme et le développement des infrastructures. Compte tenu de leur rôle énorme dans la conservation de la biodiversité et l’atténuation du changement climatique ainsi que l’adaptation à ses effets, il est essentiel que les peuples autochtones disposent des ressources humaines, juridiques et techniques nécessaires pour poursuivre leurs efforts de protection et de restauration des forêts; or, ils restent largement exclus des prises de décisions concernant leurs territoires. Les connaissances et capacités techniques limitées, l’absence de cadres juridiques reconnaissant leurs droits fonciers et leurs droits en matière de crédits carbone, le manque de ressources financières, un partage inadéquat des avantages et des processus inappropriés d’obtention du consentement préalable, libre et éclairé constituent les principaux risques et obstacles au regard de la participation des peuples autochtones aux dispositifs des politiques forestières et aux nouvelles possibilités de financement de l’action climatique.

L’innovation. Des technologies innovantes seront déployées parallèlement à des solutions techniques dans le cadre du programme AIM4Forests203 pour permettre aux peuples autochtones de faire reconnaître leurs territoires, d’améliorer leurs capacités en matière de surveillance des forêts et de prendre part aux nouvelles possibilités de financement de l’action climatique. En collaboration avec la plateforme LandMark (Global Platform of Indigenous and Community Land)x et des communautés de pratique dirigées par des peuples autochtones, l’équipe de AIM4Forests favorisera en outre des processus d’apprentissage et de production de connaissances ascendants et entre pairs qui aideront les peuples autochtones à exploiter les technologies innovantes et à élaborer des solutions pour accroître leur participation aux efforts mondiaux en matière de conservation de la biodiversité ainsi que d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets.

Résultats et impact. Le programme AIM4Forests, lancé tout récemment, aide les peuples autochtones à mener leurs propres activités de cartographie territoriale et de surveillance des forêts et à développer leurs propres données et capacités en vue de faire reconnaître leurs régimes fonciers et d’exploiter les possibilités de financement de l’action climatique. Les droits des peuples autochtones en tant que gardiens des forêts et d’autres ressources seront ainsi renforcés, et un partage plus inclusif, équitable et durable des avantages sera possible. L’accroissement des capacités en matière de cartographie et de surveillance mettra in fine les peuples autochtones dans une meilleure position pour revendiquer des paiements liés aux résultats de leurs activités de conservation et de gestion durable des forêts ainsi que les crédits carbone auxquels ils ont droit. En septembre 2023, par exemple, 26 États avaient soumis des propositions de financement carbone recevables à la Coalition LEAFy (Lowering Emissions by Accelerating Forest finance – réduire les émissions en accélérant le financement en faveur des forêts), mais une seule (celle de l’État plurinational de Bolivie) concernait un territoire autochtone reconnu. Il est important de s’assurer que les peuples autochtones sont en mesure de participer au financement de l’action climatique s’ils le souhaitent et d’obtenir une part équitable des avantages.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. Bien que les peuples autochtones possèdent ou gèrent un quart des terres de la planète, leurs droits territoriaux ne sont toujours pas suffisamment reconnus dans de nombreuses régions du monde206. L’autonomisation des peuples autochtones par la cartographie de leurs terres et la collecte de données de grande qualité peuvent contribuer à accroître la visibilité des territoires autochtones et appuyer les efforts déployés pour garantir les droits fonciers, activités qui constituent l’un des moyens les plus efficaces et les moins coûteux de prévenir la déforestation et de limiter l’appauvrissement de la biodiversité et les émissions de carbone. Le programme offre la possibilité de renforcer et de reproduire les initiatives de cartographie et de surveillance menées par les peuples autochtones sur de vastes zones203, ce qui donnera à ces derniers une base pour participer au financement de l’action climatique.

Négociations sur les concessions dans le village de Bethany (Guyana), donnant l’occasion aux jeunes autochtones de s’informer sur les limites de leurs terres coutumières et contribuant à transmettre le rôle de gardien entre les générations.
© FAO/Amerindian People’s Association

ÉTUDE DE CAS N° 6INTÉGRATION DE LA SCIENCE, DE LA TECHNOLOGIE ET DES CONNAISSANCES TRADITIONNELLES POUR AMÉLIORER LA PRISE DE DÉCISIONS EN MATIÈRE DE GESTION DES INCENDIES

Lieu: Concept mondial, projet pilote en Asie du Sud-Est

Partenaires: Partenaires du Pôle mondial de gestion des incendies, Service coréen des forêts, Ministère fédéral allemand de l’alimentation et de l’agriculture.

Pondération des types d’innovation

Le contexte. La durée et la gravité des incendies qui touchent les forêts, les tourbières et les zones de pergélisol augmentent, et la saison des incendies s’allonge dans de nombreuses régions du globe34. Les projections indiquent que le changement climatique et les nouvelles affectations de terres vont rendre les incendies de forêt plus fréquents et plus intenses34; il est donc nécessaire d’investir davantage dans la prévention et la préparation. Les nombreux effets préjudiciables des incendies de forêt ont des incidences disproportionnées sur les populations les plus pauvres, qui sont les moins à même de s’adapter à l’évolution du régime des incendies. Les outils actuels de gestion des incendies et d’aide à la décision reposent souvent sur les nouvelles technologies et la science des incendies, mais ils ne permettent pas toujours de tenir compte de l’importance du feu en tant qu’outil de gestion des terres, notamment dans les pays du Sud, et n’intègrent pas toujours les vastes connaissances en matière de gestion des feux détenues par les communautés autochtones et les autres communautés traditionnelles.

L’innovation. Le Pôle mondial de gestion des incendiesz, dirigé par la FAO et ses partenaires, aide les communautés et les pays à élaborer des outils d’aide à la décision en matière de gestion des incendies au niveau local qui intègrent les connaissances scientifiques et traditionnelles et les technologies modernes et visent à réduire les incidences préjudiciables des incendies de forêt sur les moyens d’existence, les paysages et le climat. L’innovation est fondée sur l’hypothèse que les problèmes liés aux incendies qui touchent les communautés nécessitent des solutions pilotées par ces dernières. Elle propose une procédure qui intègre de manière quantitative les connaissances traditionnelles et scientifiques sur les incendies – une démarche qui consiste à «marcher sur deux jambes», pour reprendre l’expression utilisée par certains dirigeants autochtones.

Les outils d’aide à la décision en matière de gestion des incendies qui sont en cours d’élaboration reposent sur:

  • des modèles – les systèmes existants d’indice de risque d’incendie et d’alerte précoce;

  • des données – les dernières informations en date sur les conditions météorologiques propices aux incendies, le climat, l’activité des feux, et les quantités de combustibles et la végétation;

  • des connaissances – l’intégration des connaissances et de l’expertise autochtones, culturelles et traditionnelles en matière de gestion des incendies.

Des outils d’aide à la décision sont mis au point pour la gestion des incendies (prévention, détection et présuppression) et la planification des brûlages dirigés, y compris des brûlages pratiqués par les communautés traditionnelles et autochtones. Ils sont directement liés au comportement du feu, lequel est estimé au moyen de modèles physiques quantifiés à partir de la consommation des combustibles et de la vitesse de propagation, à l’aide des données sur les conditions météorologiques propices aux incendies et sur la végétation (cette mesure de la possibilité qu’un incendie se déclare, se propage et cause des dommages est le produit d’un système d’indice de risque d’incendie). Un système d’alerte précoce en matière d’incendie fournit des connaissances sur les futures conditions propices aux incendies et contribue à la planification et à la prise de décisions, et ce des semaines, voire des mois, avant la saison des incendies; il peut intégrer des indices de sécheresse, les connaissances traditionnelles locales sur les systèmes et tendances météorologiques, et les influences climatiques. Ces outils sont mis au point en collaboration avec les communautés locales, à partir de leurs connaissances et meilleures pratiques en matière de gestion des incendies. L’approche est expérimentée en Asie du Sud-Est dans le contexte du mécanisme AFFIRM (Assuring the Future of forests with Integrated Risk Management – protéger l’avenir des forêts grâce à la gestion intégrée des risques).

Résultats et impact. Les populations bénéficient de nouveaux outils d’aide à la décision en matière de gestion des incendies qui associent la science et la technologie modernes aux connaissances, à l’expertise et aux besoins des communautés locales et des peuples autochtones. Ces outils permettent aux responsables locaux de la gestion des incendies d’utiliser les informations des systèmes d’indice de risque d’incendie et d’alerte précoce pour anticiper les menaces d’incendies et s’y préparer et pour planifier et diriger de manière sécurisée les pratiques de brûlage traditionnelles. Les communautés sont en mesure de mettre en œuvre des plans intégrés de gestion des incendies avant l’apparition de conditions extrêmes propices à ces derniers, y compris pour les brûlages dirigés servant des objectifs traditionnels de gestion des terres et des feux.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. Les outils innovants d’aide à la décision en matière de gestion des incendies mis au point offriront un modèle pour les services nationaux de protection contre les incendies et d’autres activités similaires dans le monde entier, une méthode d’intégration des connaissances scientifiques et traditionnelles sur les incendies, et des exemples d’outils d’aide à la décision dans le domaine de la gestion communautaire des feux. Les résultats seront intégrés dans le Pôle mondial de gestion des incendies, qui reçoit un vaste appui international destiné à renforcer les capacités des pays en matière de gestion intégrée des incendies, notamment dans le cadre d’une stratégie axée sur les communautés, ce qui assure une grande portée et une large utilisation.

Incendie de forêt sur un sol minéral, Jambi (Indonésie).
© FAO/Brett Shields
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