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L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2022

Chapitre 2 LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET LA NUTRITION

2.3 Point sur le coût et l’abordabilité d’une alimentation saine

MESSAGES CLÉS
  • La qualité de l’alimentation est un lien crucial entre la sécurité alimentaire et la nutrition. Une alimentation de mauvaise qualité peut provoquer différentes formes de malnutrition, telles que la dénutrition et la carence en micronutriments, ainsi que l’excès pondéral et l’obésité.
  • L’inflation des prix à la consommation des produits alimentaires provoquée par les répercussions économiques de la pandémie de covid-19 et des mesures mises en place pour l’endiguer a entraîné une augmentation des coûts et accru l’inabordabilité d’une alimentation saine dans le monde entier.
  • La forte hausse des prix mondiaux à la consommation des produits alimentaires intervenue au second semestre de 2020 s’est directement traduite par une augmentation du coût moyen d’une alimentation saine au niveau mondial ainsi que pour toutes les régions et presque toutes les sous-régions du monde. Le coût moyen d’une alimentation saine dans le monde en 2020 s’élevait à 3,54 USD par personne et par jour, soit 3,3 et 6,7 pour cent de plus qu’en 2019 et 2017, respectivement.
  • Parmi les régions du monde, c’est en Amérique latine et dans les Caraïbes que l’alimentation saine coûtait le plus cher – 3,89 USD par personne et par jour en 2020 – suivies par l’Asie (3,72 USD), l’Afrique (3,46 USD), l’Amérique du Nord et l’Europe (3,19 USD) et l’Océanie (3,07 USD).
  • Entre 2019 et 2020, les plus fortes hausses du coût d’une alimentation saine ont été enregistrées, par ordre décroissant, en Asie (4,0 pour cent), en Océanie (3,6 pour cent), en Amérique latine et dans les Caraïbes (3,4 pour cent), en Amérique du Nord et en Europe (3,2 pour cent), et enfin en Afrique (2,5 pour cent).
  • Près de 3,1 milliards de personnes ne pouvaient pas se permettre une telle alimentation en 2020, soit une augmentation de 112 millions par rapport à 2019, qui s’explique par l’enchérissement du coût d’une alimentation saine en 2020. Cette augmentation a été particulièrement marquée en Asie, où l’alimentation saine est devenue inabordable pour 78 millions de personnes supplémentaires, venant ensuite l’Afrique (25 millions de personnes supplémentaires) et, dans une moindre mesure, l’Amérique latine et les Caraïbes (8 millions) et l’Amérique du Nord et l’Europe (1 million).
  • Les prix des produits alimentaires étant montés en flèche en 2021 et dans les premiers mois de 2022, il est probable que le coût d’une alimentation saine continuera d’augmenter, mais on ne dispose pas encore de toutes les données requises pour calculer des estimations actualisées à cet égard. La tendance probable de l’abordabilité d’une alimentation saine en 2021 et au début de 2022 est plus difficile à cerner en raison de disparités dans la croissance des revenus.

La qualité de l’alimentation est un lien crucial entre la sécurité alimentaire et la nutrition. Une alimentation de mauvaise qualité peut provoquer différentes formes de malnutrition, telles que la dénutrition, la carence en micronutriments, l’excès pondéral et l’obésité3,15. L’édition 2020 de ce rapport comprenait, pour la première fois, des estimations mondiales du coût et de l’abordabilité d’une alimentation saine. Ces estimations sont des indicateurs utiles pour déterminer l’accès économique des populations à des aliments nutritifs et à une alimentation saine, qui est l’une des composantes clés de la définition de la sécurité alimentaire.

Les données publiées sur le coût et l’abordabilité d’une alimentation saine ont attiré l’attention du monde entier sur le fait que, dans les pays riches comme les pays pauvres, la conjonction d’un faible revenu disponible et du coût élevé des aliments est l’un des plus graves obstacles à l’accès aux aliments nutritifs essentiels pour mener une vie saine et active. L’édition 2020 du rapport indiquait que les régimes alimentaires sains, même les moins chers, restaient inabordables pour plus de 3 milliards de personnes3.

Les indicateurs de coût et d’abordabilité d’une alimentation saine (CoAHD) offrent des informations utiles aux gouvernements nationaux, aux organismes internationaux, à la société civile et au secteur privé, que ces intervenants peuvent mettre à profit pour améliorer de concert l’accès économique des populations à une alimentation saine et atteindre les objectifs fixés de longue date en matière de sécurité alimentaire et de qualité nutritionnelle au niveau mondial. Comme indiqué dans la section 2.2, l’importance de l’accès à une alimentation saine reçoit une attention croissante depuis une décennie, en particulier depuis la deuxième Conférence internationale sur la nutrition organisée en 2014 et la proclamation de la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition (2016-2025).

La FAO continue de suivre systématiquement ces nouveaux indicateurs et d’en rendre compte annuellement dans les éditions de ce rapport. Les estimations qui figurent dans la présente édition ont été actualisées jusqu’à l’année 2020 (voir l’annexe 2E). En outre, la série de données entière fera l’objet de révisions périodiques, qui viseront à affiner et améliorer son exactitude à mesure que de nouvelles données deviendront disponibles et que les méthodologies seront perfectionnées, comme il est d’usage pour tous les indicateurs de sécurité alimentaire et de nutrition faisant l’objet d’un suivi régulier dans ce rapport. Les révisions effectuées cette année sur la série des données relatives au coût et à l’abordabilité d’une alimentation saine comprennent une actualisation tenant compte de la nouvelle répartition des revenus, une révision de la fraction moyenne du revenu que l’on peut considérer de manière crédible comme étant réservée à l’alimentation, et un affinement méthodologique de l’estimation du coût moyen de l’alimentation qui donne des résultats plus fiables et transparents et facilite le suivi à long terme en se référant aux données sur les prix communiquées annuellement. L’encadré 6 donne un bref aperçu de ces révisions et de leurs conséquences (on trouvera dans Herforth et al. [à paraître]54 une description complète des sources de données et de la méthodologie).

ENCADRÉ 6L’ACTUALISATION DES INFORMATIONS ET L’AFFINEMENT DE LA MÉTHODOLOGIE ONT PERMIS D’AMÉLIORER L’EXACTITUDE DES ESTIMATIONS MONDIALES DU COÛT ET DE L’ABORDABILITÉ D’UNE ALIMENTATION SAINE54

Cette année, la série CoAHD a été actualisée pour tenir compte des nouvelles informations reçues par la FAO depuis la publication des éditions précédentes, ainsi que de l’affinement de l’approche méthodologique, qui va dans le sens des objectifs de suivi à long terme. Ces mises à jour s’appliquent à toute la série CoAHD et remplacent les données qui figuraient dans les précédentes éditions du rapport; par conséquent, il est conseillé aux lecteurs de ne pas comparer les chiffres d’une édition sur l’autre et de se reporter systématiquement à l’édition la plus récente, y compris, pour les chiffres des années précédentes, à l’année la plus récente pour laquelle les données sont disponibles. On trouvera à l’annexe 3 (tableau A3.1) la série actualisée des données sur les indicateurs CoAHD par pays, pour la période 2017-2020.

RÉVISIONS EFFECTUÉES À PARTIR DES NOUVELLES DONNÉES ACTUALISÉES
Les nouvelles données utilisées pour réviser la série concernent deux variables qui interviennent dans l’abordabilité d’une alimentation saine: les répartitions de revenu spécifiques des pays et la fraction du revenu que l’on peut considérer de manière crédible comme étant réservée à l’alimentation.

Pour cette édition du rapport, on a utilisé les répartitions de revenu spécifiques des pays actualisées figurant dans la base Pauvreté et inégalités (PIP) de la Banque mondiale pour réviser l’indicateur d’abordabilité d’une alimentation saine de 201751. Cet indicateur compare le coût moyen le plus bas d’une alimentation saine et la répartition estimée du revenu dans un pays donné à partir des répartitions de revenu figurant dans la plateforme PIP. Il sert à calculer le nombre de personnes qui n’ont pas un revenu suffisant pour se procurer des aliments sains ainsi que des produits non alimentaires. Les répartitions de revenu en 2017 sont maintenant connues pour l’ensemble des pays et ont été mises à profit pour actualiser l’estimation de 2017 du nombre et du pourcentage de personnes ne pouvant pas se permettre une alimentation saine. Les indicateurs d’abordabilité d’une alimentation saine ayant fait leur première apparition dans l’édition 2020 de ce rapport spécifiquement pour l’année 2017, 2017 est naturellement devenue l’année de départ (ou de base) de la série.

Les séries de 2017 à 2020 ont également été révisées à la lumière des données actualisées sur la fraction du revenu que l’on peut considérer de manière crédible comme étant réservée à l’alimentation, étant donné qu’une personne doit pouvoir se procurer des aliments mais aussi des produits non alimentaires. Dans l’édition 2020 de ce rapport, qui utilisait les données de la Banque mondiale sur la consommation mondiale52, cette fraction était estimée à 63 pour cent, des observations ayant montré qu’il s’agissait du pourcentage moyen du revenu que les personnes appartenant au quintile le plus pauvre dans les pays à faible revenu consacraient à l’alimentation. En consultation avec la Banque mondiale, il est devenu manifeste que cette base de données ne serait pas actualisée régulièrement. Les meilleures données de substitution sont les dépenses de comptabilité nationale qui figurent dans la base de données du Programme de comparaison internationale de la Banque mondiale (PCI)53. Ce programme présente des informations sur les agrégats de dépenses de chaque pays, assorties des prix de produits utilisés pour les autres calculs du CoHAD, d’une façon qui permet de déterminer directement la part moyenne du revenu des ménages qui est consacrée à l’alimentation, par pays. À partir de cette base de données, on estime actuellement que la fraction moyenne du revenu consacrée à l’alimentation dans les pays à faible revenu est de 52 pour cent54.

UNE APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE AFFINÉE À L’APPUI D’UN SUIVI ANNUEL PLUS FIABLE
L’estimation du coût moyen d’une alimentation saine a fait l’objet d’un nouvel affinement méthodologique qui donne des résultats plus fiables et transparents et facilite le suivi à long terme en se référant aux données sur les prix actualisées annuellement54. Dans les éditions 2020 et 2021 du présent rapport, l’indicateur de coût d’une alimentation saine a été calculé à partir du coût de l’application de chacune des dix recommandations nutritionnelles nationales fondées sur le choix des aliments dans diverses régions représentant une majorité de la population mondiale, en se référant au coût médian pour ces dix régimes alimentaires sains3,54. Le choix de cette méthode avait été fait pour s’assurer que les coûts de l’alimentation seraient calculés directement à partir des recommandations nutritionnelles fondées sur le choix des aliments adoptées par les gouvernements nationaux, qui tiennent compte des caractéristiques individuelles des pays, de leur contexte culturel, des aliments disponibles localement et des habitudes alimentaires locales. L’application de cette méthode a débouché sur un coût moyen, non sur le coût d’un panier défini de groupes d’aliments et de produits alimentaires.

Il était important de clarifier les quantités et les types d’aliments représentés dans le coût d’une alimentation saine pour rendre cet indicateur plus transparent et plus facile à comprendre pour l’utilisateur, ainsi que pour simplifier le suivi du coût d’une alimentation saine au fil du temps. C’est pourquoi l’on a actualisé la méthode initiale en calculant, non plus le coût moyen de chacune des recommandations nutritionnelles, mais le coût des quantités moyennes de chaque groupe d’aliments préconisées dans chaque recommandation54. Cet affinement de la méthode de calcul du coût est important car il rend la composition du coût de l’alimentation plus transparente et plus concrète (en indiquant les types et les quantités d’aliments inclus dans ce coût), simplifie les calculs et les rend plus fiables (en approximant un éventail de recommandations nutritionnelles plus large que les dix initiales) et limite la quantité de données sur les prix requise pour suivre l’indicateur au fil du temps.

CONSÉQUENCES DES TROIS RÉVISIONS POUR LES SÉRIES DE DONNÉES
Lorsque seule la méthode actualisée de calcul du coût est appliquée, le nombre de personnes ne pouvant pas se permettre une alimentation saine diminue. Néanmoins, les deux autres révisions touchant au revenu ont l’effet inverse, poussant à la hausse le nombre de personnes qui ne peuvent pas se permettre cette alimentation. Lorsque l’on applique à la fois la nouvelle méthode de calcul du coût, les nouvelles répartitions de revenu et la part des dépenses des ménages tirée des systèmes de comptabilité nationale, l’estimation révisée pour 2017 passe à 3,05 milliards de personnes n’ayant pas les moyens d’adopter une alimentation saine, ce qui n’est que très légèrement supérieur à l’estimation indiquée dans l’édition 2020 du présent rapport (3,02 milliards de personnes en 2017).

On trouvera à l’annexe 3 (tableau A3.2) les fourchettes de valeurs des indicateurs d’abordabilité présentés dans le tableau 5, les limites inférieures et supérieures indiquées reflétant différentes hypothèses concernant la part du revenu réservée à l’alimentation par groupe de pays classés selon le revenu.

Le coût et l’abordabilité d’une alimentation saine en 2020

Le tableau 5 présente les estimations les plus récentes du coût et de l’abordabilité d’une alimentation saine, actualisées jusqu’à l’année 2020; il s’agit de la première évaluation mondiale de ces paramètres depuis l’année durant laquelle la covid-19 s’est rapidement répandue dans le monde. Cependant, si les flambées des prix des produits alimentaires dues à la pandémie de covid-19 sont prises en compte dans les estimations de l’abordabilité pour 2020, ce n’est pas le cas des baisses brutales des revenus, les données 2020 relatives à la répartition des revenus n’étant pas encore disponibles dans la plateforme Pauvreté et inégalités (PIP) de la Banque mondiale. Par conséquent, le nombre estimatif de personnes qui n’avaient pas les moyens d’adopter une alimentation saine pourrait être encore revu à la hausse lorsque les données 2020 relatives à la répartition des revenus seront disponibles et que l’on pourra calculer les effets combinés de l’inflation des prix à la consommation des produits alimentaires et des pertes de revenus dues aux répercussions économiques de la pandémie de covid-19 et aux mesures mises en place pour l’endiguer.

TABLEAU 5PRÈS DE 3,1 MILLIARDS DE PERSONNES NE POUVAIENT PAS SE PERMETTRE UNE ALIMENTATION SAINE EN 2020 EN RAISON DU COÛT ACCRU D’UNE TELLE ALIMENTATION

SOURCE: FAO.
NOTES: Le coût d’une alimentation saine correspond au coût de 2017, exprimé en USD par personne et par jour (publié dans l’édition 2020 du rapport et actualisé conformément à la méthodologie exposée à l’encadré 6), projeté sur 2019 et 2020 à l’aide des données de FAOSTAT relatives à l’IPC des produits alimentaires de chaque pays et des données relatives aux indicateurs de développement dans le monde pour les taux de change en parité de pouvoir d’achat (PPA). L’indicateur «Personnes ne pouvant se permettre une alimentation saine» recouvre, pour chaque région et chaque niveau de revenu des pays, le pourcentage pondéré (%) et le nombre total (en millions) de personnes qui n’avaient pas les moyens d’adopter cette alimentation en 2020. S’agissant des groupes de pays classés selon le revenu, on a utilisé la classification 2021 de la Banque mondiale pour les années 2019 et 2020.
SOURCE: FAO.

Bien que les prix mondiaux à la consommation des denrées alimentaires n’aient commencé à augmenter qu’en mai 2020, ils étaient plus élevés à la fin de cette année qu’ils ne l’avaient jamais été au cours d’un mois quelconque des six années précédentes. Cette forte hausse au second semestre de 2020 s’est immédiatement traduite par une augmentation du coût moyen d’une alimentation saine sur l’année 2020 dans toutes les régions et presque toutes les sous-régions du monde (tableau 5). Au niveau mondial, le coût moyen d’une alimentation saine s’élevait en 2020 à 3,54 USD par personne et par jour, soit 3,3 et 6,7 pour cent de plus qu’en 2019 et 2017, respectivement.

C’est en Asie que le coût d’une alimentation saine a le plus augmenté entre 2019 et 2020 (de 4,0 pour cent), l’Océanie venant ensuite avec une hausse de 3,6 pour cent (figure 16A). En Asie, le coût moyen d’une alimentation saine a ainsi grimpé à 3,72 USD par personne et par jour. Deux sous-régions d’Asie ont même enregistré une hausse annuelle plus forte entre 2019 et 2020: l’Asie de l’Est (6,0 pour cent) et l’Asie du Sud-Est (4,2 pour cent).

FIGURE 16LE COÛT D’UNE ALIMENTATION SAINE A AUGMENTÉ, ET CETTE ALIMENTATION EST DEVENUE PLUS INABORDABLE DANS TOUTES LES RÉGIONS DU MONDE EN 2020

SOURCE: FAO.
NOTE: En Océanie, l’augmentation du coût d’une alimentation saine observée entre 2018 et 2019 est largement due à la hausse des prix des denrées alimentaires en Australie.
SOURCE: FAO.

L’Amérique latine et les Caraïbes, qui se classent au troisième rang des régions où le coût d’une alimentation saine a le plus augmenté durant la même période (3,4 pour cent), affichaient le coût moyen le plus élevé en 2020 (3,89 USD par personne et par jour). En Amérique du Nord et en Europe, le coût moyen d’une alimentation saine a augmenté de 3,2 pour cent et s’élevait à 3,19 USD par personne et par jour. La région où le coût a le moins augmenté entre 2019 et 2020 est l’Afrique (2,5 pour cent), qui atteignait en 2020 un coût moyen de 3,46 USD par personne et par jour. Les hausses les plus importantes ont été relevées dans deux sous-régions d’Afrique subsaharienne: l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe (3,4 et 3,3 pour cent, respectivement).

L’abordabilité d’une alimentation saine mesure le coût moyen de cette alimentation par rapport au revenu; les changements dans le temps peuvent ainsi résulter de l’évolution du coût de l’alimentation, des revenus, ou des deux paramètres. La hausse du coût des denrées alimentaires, si elle ne s’accompagne pas d’une hausse équivalente des revenus, aura pour conséquence qu’un plus grand nombre de personnes ne pourra pas se procurer une alimentation saine. Si la hausse du coût des produits alimentaires s’accompagne d’une baisse des revenus, cet effet sera amplifié et l’alimentation saine deviendra inabordable pour plus de personnes encore.

En 2020, le nombre de personnes qui n’avaient pas les moyens d’adopter une alimentation saine a augmenté à l’échelle mondiale et dans toutes les régions du monde (tableau 5). Il a aussi augmenté dans toutes les sous-régions à l’exception de l’Afrique du Nord et de l’Asie de l’Ouest.

Entre 2019 et 2020, le nombre de personnes dans le monde qui n’avaient pas les moyens d’adopter une alimentation saine a augmenté de 3,8 pour cent (tableau 5). La hausse a été particulièrement marquée dans deux régions, l’Amérique latine et les Caraïbes (6,5 pour cent) et l’Amérique du Nord et l’Europe (5,4 pour cent). Néanmoins, la fraction de la population ne pouvant pas se permettre une alimentation saine était d’environ 22 pour cent dans la première, mais de seulement 2 pour dans la seconde. À titre de comparaison, les fractions correspondantes étaient de 80 pour cent en Afrique et de près de 44 pour cent en Asie (tableau 5).

En raison des hausses enregistrées durant la seule année 2020, le nombre de personnes n’ayant pas accès à une alimentation saine dans le monde a bondi de 112 millions pour atteindre presque 3,1 milliards (figure 16B). L’Asie, où l’abordabilité avait progressé entre 2017 et 2019 (figure 16B), accuse la hausse la plus importante du nombre absolu de personnes qui ne peuvent pas s’offrir une alimentation saine (78 millions). Ce nombre a augmenté dans toutes les sous-régions à l’exception de l’Asie de l’Ouest: Asie du Sud (+35 millions), Asie de l’Est (+27 millions)h, Asie du Sud-Est (+16 millions) et Asie centrale (+0,5 million). En Asie de l’Ouest, leur nombre a diminué de 0,4 million. Le nombre de personnes ne pouvant pas se permettre une alimentation saine en Afrique a augmenté de 25 millions en moyenne en 2020. Plus spécifiquement, le nombre de personnes dans cette situation a augmenté de 27 millions en Afrique subsaharienne – dont 21 millions en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest – tandis que des progrès ont été enregistrés en Afrique du Nord, où 1 million de personnes supplémentaires ont pu accéder à une alimentation saine. En Amérique latine et dans les Caraïbes, où l’alimentation saine est devenue inabordable pour 8 millions de personnes supplémentaires en 2020, la hausse est presque entièrement à mettre au compte des pays d’Amérique latine, les pays des Caraïbes affichant une augmentation de 0,5 million. L’abordabilité est restée stable en Océanie mais s’est détériorée en Amérique du Nord et en Europe, où 1 million de personnes supplémentaires ne pouvaient pas se procurer une alimentation saine en 2020.

L’abordabilité d’une alimentation saine en 2021 et 2022

Les effets persistants de la pandémie de covid-19 continuent d’exercer des tensions inflationnistes sur les prix des produits alimentaires et contribuent à un rythme de reprise économique inégal selon les pays. Parallèlement, la guerre en Ukraine crée des tensions supplémentaires en perturbant les chaînes d’approvisionnement et en influant sur les prix mondiaux des céréales, des engrais et de l’énergie, avec pour conséquences des pénuries et des taux d’inflation toujours plus hauts. Les prix mondiaux des denrées alimentaires et de l’énergie grimpent en flèche et ont atteint des niveaux inédits depuis plusieurs décennies. Les perspectives de croissance économique mondiale pour 2022 ont déjà été sérieusement revues à la baisse.

Bien qu’il soit impossible à ce stade d’actualiser les estimations au-delà de l’année 2020, les données de base requises n’étant pas encore disponibles, on peut raisonnablement supposer que le coût d’une alimentation saine a continué d’augmenter dans la mesure où les prix des denrées alimentaires ont poursuivi leur progression en 2021 et au cours des premiers mois de 2022. En décembre 2021, la valeur disponible la plus récente de l’indice des prix à la consommation (IPC) des produits alimentaires au niveau mondial – mesure des prix des denrées alimentaires la plus pertinente pour l’évaluation du coût d’un régime alimentaire – était de 11 pour cent supérieure à la valeur correspondante en décembre 2020. En admettant que les prix des aliments nutritifs suivent la même tendance générale que les prix des produits alimentaires dans leur globalité, on peut supposer que pour de nombreuses personnes, l’alimentation saine est d’ores et déjà devenue encore plus inabordable.

La tendance à la hausse de l’inflation devrait perdurer en 2022. Il faut néanmoins s’attendre à des disparités régionales notables dans les niveaux d’augmentation des prix à la consommation des denrées alimentaires en raison de la diversité des structures commerciales et de production et des rythmes de reprise économique. Par exemple, l’Amérique latine et les Caraïbes enregistrent l’accroissement de l’IPC des produits alimentaires le plus élevé, 23,5 pour cent entre décembre 2020 et décembre 2021, l’Afrique affichant pour sa part une hausse de 15,5 pour cent et l’Asie de 14,8 pour cent. Par contraste, l’augmentation a été de 6,4 pour cent en Amérique du Nord, de 4,4 pour cent en Europe et de 2,5 pour cent en Océanie.

La tendance probable de l’abordabilité d’une alimentation saine est moins nette, car elle dépend non seulement du coût de cette alimentation mais aussi de l’évolution des revenus. La récession économique qui a débuté en 2020 s’est prolongée au début de 2021 dans de nombreux pays, mais a cédé le pas à une reprise dans d’autres. Comme on l’a vu dans la section 2.1, la reprise économique a été très inégale entre les pays, les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et les pays à faible revenu affichant une croissance beaucoup plus lente que les pays à revenu élevé. Au sein des pays, la pandémie de covid-19 a produit des effets plus prononcés et plus durables sur les populations vulnérables, accentuant les inégalités existantes. Au niveau mondial, la pauvreté extrême a gagné du terrain11, tout comme les inégalités de revenu9. Pour les populations qui ne pouvaient déjà pas s’offrir une alimentation saine, la hausse des prix, conjuguée à la baisse des revenus, ont encore aggravé le problème de l’abordabilité; par conséquent, avoir une alimentation saine – voire, pour de nombreuses personnes, satisfaire ses besoins alimentaires essentiels – est de plus en plus hors de portée.

La comparaison du coût et de l’abordabilité sur plusieurs périodes met en évidence le rôle important de l’évolution des revenus et des prix dans la détermination de l’abordabilité. L’augmentation ou la diminution du nombre de personnes ayant les moyens d’adopter une alimentation saine en 2021 et 2022 dépendra en grande partie de l’ampleur de la hausse du coût moyen de cette alimentation, de la question de savoir si les revenus augmenteront ou diminueront et de combien, et de l’évolution à la hausse ou à la baisse des inégalités. Il faut toutefois garder à l’esprit que de nombreux autres facteurs peuvent contribuer à améliorer l’accès à une alimentation saine. Les gouvernements peuvent faire beaucoup pour favoriser des revenus plus élevés et plus stables, protéger les sources non marchandes d’approvisionnement alimentaire et faire baisser le coût réel des aliments nutritifs.

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