- ➔ On estime qu’en 2020, sur l’ensemble des enfants de moins de 5 ans à l’échelle mondiale, 149 millions (22 pour cent) présentaient un retard de croissance, 45 millions (6,7 pour cent) étaient émaciés et 39 millions (5,7 pour cent) étaient en surpoids. Des progrès ont été accomplis au regard des cibles définies pour 2030 en matière de retard de croissance, mais le problème de l’excès pondéral chez l’enfant s’est aggravé.
- ➔ Les enfants souffrant d’un retard de croissance étaient plus susceptibles de vivre dans un pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (89 pour cent de la charge mondiale en 2020), dans une zone rurale et dans un ménage où la mère n’a pas été scolarisée. Près de 30 pour cent des pays représentant chacune des sous-régions de l’Afrique du Nord, de l’Océanie et des Caraïbes voient la prévalence du retard de croissance augmenter et, par conséquent, ne progressent pas vers l’objectif d’une réduction de 50 pour cent du nombre d’enfants souffrant d’un retard de croissance à l’horizon 2030.
- ➔ Les enfants émaciés étaient plus susceptibles de vivre dans un pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (93 pour cent de la charge mondiale en 2020) et dans un ménage pauvre. Dans de nombreux pays, en particulier en Asie du Sud et du Sud-Est, les taux d’émaciation demeurent supérieurs à l’objectif de moins de 3 pour cent fixé pour 2030.
- ➔ Les enfants en surpoids étaient plus susceptibles de vivre dans un pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure ou de la tranche supérieure (77 pour cent de la charge mondiale en 2020) et dans un ménage plus aisé où la mère a suivi au moins des études secondaires. S’agissant des progrès réalisés vers l’objectif de moins de 3 pour cent fixé pour 2030, plus de la moitié des pays analysés en Afrique de l’Ouest et en Asie du Sud ont accompli au moins 75 pour cent des progrès requis, tandis que la prévalence de l’excès pondéral a augmenté dans la majorité des pays analysés en Afrique australe, en Océanie, en Asie du Sud-Est, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes.
- ➔ Au niveau mondial, l’insuffisance pondérale à la naissance a reculé de 17,5 pour cent en 2000 à 14,6 pour cent en 2015, des progrès ayant été enregistrés dans la plupart des régions. Cependant, le suivi mondial de cet indicateur est rendu difficile par les lacunes des données: en effet, près d’un nouveau-né sur trois dans le monde n’est pas pesé à la naissance.
- ➔ Des progrès constants ont été accomplis s’agissant de l’allaitement maternel exclusif: 43,8 pour cent des nourrissons de moins de 6 mois dans le monde étaient exclusivement nourris au sein en 2020, contre 37,1 en 2012. Les nourrissons exclusivement nourris au sein sont plus susceptibles de vivre dans un pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (84 pour cent du nombre total de nourrissons exclusivement nourris au sein en 2020), dans une zone rurale, dans un ménage pauvre où la mère n’a pas été scolarisée, et d’être de sexe féminin. La plupart des régions ont accompli entre 25 et 50 pour cent des progrès requis pour atteindre l’objectif d’un taux d’allaitement maternel exclusif d’au moins 70 pour cent à l’horizon 2030.
- ➔ En 2019, près d’une femme âgée de 15 à 49 ans sur trois (29,9 pour cent) dans le monde souffrait d’anémie, une proportion qui stagne – quand elle n’a pas légèrement augmenté – depuis 2012 (28,5 pour cent). Il y a ainsi 571 millions de femmes anémiées dans le monde; la plupart vivent en milieu rural, dans un ménage pauvre, et n’ont pas été scolarisées. La grande majorité des pays de presque toutes les régions, en particulier l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Australie et la NouvelleZélande, l’Océanie et l’Asie du Sud-Est, sont en train de s’éloigner de l’objectif d’une réduction de 30 pour cent de l’anémie à l’horizon 2030.
- ➔ L’obésité chez l’adulte gagne du terrain dans toutes les régions: au niveau mondial, elle a grimpé de 11,8 pour cent en 2012 à 13,1 pour cent en 2016, dernière année pour laquelle des données sont disponibles. Les adultes obèses sont plus susceptibles de vivre dans un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure ou à revenu élevé (73 pour cent de la charge mondiale en 2016), et la prévalence de l’obésité est plus élevée chez les femmes. Les femmes obèses sont plus susceptibles de vivre en milieu urbain et d’appartenir à un ménage plus aisé. Il faudra agir avec davantage d’efficacité pour inverser cette tendance.
- ➔ La persistance de la pandémie de covid-19 et d’autres crises telles que la guerre en Ukraine hypothèquent les progrès accomplis vers l’élimination de toutes les formes de malnutrition. Le nombre de personnes – et plus particulièrement de femmes et d’enfants – souffrant de malnutrition pourrait encore augmenter et faire obstacle à la réalisation des objectifs mondiaux fixés pour 2030 en matière de nutrition. Pour atténuer les effets de ces facteurs sur la malnutrition, des efforts concertés sont nécessaires.
La nutrition occupe une place centrale dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le présent rapport évalue les niveaux et les tendances des indicateurs afférents aux sept cibles mondiales en matière de nutrition, aux échelons mondial et régional. Six de ces cibles ont été approuvées par l’Assemblée mondiale de la Santé en 2012 et devaient à ce titre être atteintes d’ici à 2025, avant que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) ne proposent de les inscrire parmi les cibles à atteindre en 203022. Quatre de ces six indicateurs ont par ailleurs été sélectionnés pour suivre les progrès accomplis dans la réalisation de la cible 2.2 des ODD, à savoir le retard de croissance, l’émaciation et l’excès pondéral de l’enfant de moins de 5 ans, et l’anémie chez les femmes âgées de 15 à 49 ans23. La septième cible consiste à enrayer l’augmentation de l’obésité chez l’adulte et s’inscrit dans le cadre du Plan d’action mondial pour la lutte contre les maladies non transmissibles adopté par l’Assemblée mondiale de la Santé en 201324.
La présente édition innove par rapport aux précédentes en caractérisant avec davantage de précision les groupes de population les plus touchés par la malnutrition. La charge mondiale de la malnutrition est décomposée selon les catégories de revenu définies par la Banque mondiale. Les inégalités sont en outre analysées selon les critères du lieu de résidence urbain ou rural, de la richesse du ménage, du niveau d’études des mères et des femmes, et du sexe. Le rapport met ainsi au jour les inégalités qui existent dans et entre les pays et les groupes sociodémographiques. Ces analyses et ces décompositions visent à répondre à la question suivante: Quels groupes de population sont les plus touchés par la malnutrition? Il s’agit d’un aspect fondamental pour guider le ciblage des interventions visant à combattre les inégalités, lesquelles semblent persister face à des politiques et des programmes qui sont peu efficaces ou trop modestes au regard du défi à relever.
La présentation des progrès accomplis vers les objectifs fixés pour 2030 s’appuie sur un examen du résumé des progrès réalisés par les pays et territoires (ci-après les «pays») pour lesquels des estimations sont disponibles par région et sous-région jusqu’à la dernière année.
Les estimations de la prévalence et des nombres absolus des sept indicateurs de nutrition ci-dessous ne reflètent pas complètement l’impact de la pandémie de covid-19 en raison des difficultés rencontrées pour actualiser les indicateurs de nutrition. Ces estimations reposent essentiellement sur des données recueillies avant 2020, la collecte de données sur la taille et le poids des enfants auprès des ménages ayant été entravée non seulement en 2020 mais encore en 2021 en raison des restrictions aux déplacements et des mesures de distanciation physique imposées pour enrayer la propagation de la pandémie. Même dans les cas où l’on a pu recueillir des données sur la nutrition à cette période, évaluer la totalité des effets de la pandémie est impossible pour plusieurs indicateurs de résultats. Pour cette même raison, les estimations du retard de croissance, de l’émaciation et de l’excès pondéral chez l’enfant, ainsi que de l’anémie chez les femmes âgées de 15 à 49 ans, n’ont pas été actualisées depuis la dernière édition de ce rapport, dans la mesure où les données disponibles pour cette période n’ont pas une couverture régionale et mondiale suffisante et pourraient aboutir à des résultats trompeurs. Seules les estimations relatives à l’allaitement maternel exclusif ont été actualisées. Néanmoins, des données récentes issues de 32 enquêtes nutritionnelles nationales menées depuis 2019 – dont 16 entre 2020 et 2021 – sont prises en compte dans l’analyse descriptive de l’incidence des inégalités sur la malnutrition en fonction du lieu de résidence urbain ou rural, de la richesse du ménage, du niveau d’études des mères et du sexe, présentée dans la suite de cette section.
Tendances mondiales
Les tendances de la prévalence et des nombres absolus des sept indicateurs de nutrition sont résumées à la figure 11. L’estimation la plus récente de l’insuffisance pondérale à la naissance révèle qu’en 2015, 14,6 pour cent des nouveau-nés (20,5 millions) étaient nés avec un faible poids (moins de 2 500 g), soit une baisse modeste par rapport aux 17,5 pour cent (22,9 millions) enregistrés en 2000. Les bébés qui pèsent moins de 2 500 g à la naissance sont à peu près 20 fois plus exposés à la mort que ceux qui ont un poids correct à la naissance25, et ceux qui survivent sont sujets à des conséquences à long terme, telles qu’un risque accru de présenter un retard de croissance et un quotient intellectuel plus faible et, arrivés à l’âge adulte, un plus grand risque d’obésité et de diabète26. Les estimations actualisées de l’insuffisance pondérale à la naissance seront publiées plus tard dans l’année (2022).
FIGURE 11LES TENDANCES MONDIALES DE LA PRÉVALENCE ET DES NOMBRES ABSOLUS INDIQUENT QUE L’EXCÈS PONDÉRAL CHEZ L’ENFANT DE MOINS DE 5 ANS, L’ANÉMIE CHEZ LA FEMME ET L’OBÉSITE DE L’ADULTE SONT EN AUGMENTATION, TANDIS QUE L’INSUFFISANCE PONDÉRALE À LA NAISSANCE, LE RETARD DE CROISSANCE CHEZ L’ENFANT DE MOINS DE 5 ANS ET L’ALLAITEMENT MATERNEL EXCLUSIF SE SONT RÉGULIÈREMENT AMÉLIORÉS DEPUIS 2000
Des pratiques d’allaitement maternel optimales, notamment l’allaitement maternel exclusif pendant les six premiers mois de la vie, sont essentielles à la survie de l’enfant et à la promotion de la santé et du développement cognitif. Au niveau mondial, la prévalence de l’allaitement maternel exclusif du nourrisson de moins de 6 mois s’est hissée de 37,1 pour cent (49,9 millions) en 2012 à 43,8 pour cent (59,4 millions) en 2020. Cela étant, plus de la moitié des nourrissons de moins de 6 mois n’ont pas bénéficié des bienfaits protecteurs de l’allaitement maternel exclusif. Il est possible que les idées fausses qui ont circulé concernant la transmission du virus du covid-19 par le lait maternel aient influencé les pratiques d’allaitement, mais l’impact réel de ce facteur sur les tendances n’est pas encore clairement connu27.
Le retard de croissance, à savoir une taille trop petite pour l’âge considéré, est un marqueur de plusieurs incidences de la dénutrition et résulte d’un ensemble de facteurs nutritionnels et autres qui freinent simultanément le développement physique et cognitif des enfants et augmentent leur risque de mourir d’une infection courante. Par ailleurs, le retard de croissance et d’autres formes de dénutrition, lorsqu’elles surviennent tôt dans la vie, peuvent prédisposer les enfants au surpoids et aux maladies non transmissibles dans la suite de leur existence3. À l’échelle mondiale, la prévalence du retard de croissance chez les enfants de moins de 5 ans a reculé régulièrement, de 33,1 pour cent (201,6 millions) en 2000 à 22,0 pour cent (149,2 millions) en 2020, d’après les estimations.
L’émaciation est une pathologie potentiellement mortelle chez l’enfant, due à des apports en nutriments insuffisants, une mauvaise absorption des nutriments et/ou des maladies fréquentes ou prolongées. Les enfants qui en sont atteints sont dangereusement maigres, ont un système immunitaire affaibli et sont exposés à un plus grand risque de mortalité28. La prévalence de l’émaciation chez les enfants de moins de 5 ans était de 6,7 pour cent (45,4 millions) en 2020, soit plus du double du taux mondial cible de moins de 3 pour cent fixé pour 2030. L’émaciation est une pathologie aiguë qui peut évoluer rapidement et être influencée par la saisonnalité dans de nombreux contextes. Pour cette raison, il est difficile de dégager et d’interpréter des tendances fiables sur la durée. C’est pourquoi ce rapport ne présente que les estimations disponibles les plus récentes.
L’excès pondéral et l’obésité exposent la santé des enfants à des effets immédiats et potentiellement à long terme. Les effets immédiats comprennent des difficultés respiratoires, un risque accru de fracture, une hypertension, des marqueurs précoces de maladies cardiovasculaires, une résistance à l’insuline et des effets psychologiques29. À long terme, les enfants en surpoids ont plus de risques de développer une maladie non transmissible. L’excès pondéral est en augmentation dans de nombreux pays, la tendance s’accélérant sous l’effet de niveaux d’activité physique de plus en plus insuffisants et de l’accès aux produits alimentaires hautement transformés, généralement riches en calories, en graisses, en sucres libres et/ou en sel30. La prévalence de l’excès pondéral chez l’enfant de moins de 5 ans a légèrement augmenté dans le monde, passant de 5,4 pour cent (33,3 millions) en 2000 à 5,7 pour cent (38,9 millions) en 2020. Même si les données ne sont pas statistiquement significatives, la tendance est à la hausse dans la moitié environ des pays du monde. Sur la base de ces éléments, et compte tenu des risques associés, ces données peuvent susciter des inquiétudes.
La prévalence de l’anémie chez les femmes âgées de 15 à 49 ans, qui était estimée à 31,2 pour cent en 2000, a amorcé une légère baisse jusqu’aux alentours de 2012, avant de repartir à la hausse pour atteindre 29,9 pour cent en 2019. Sur l’ensemble de cette période, le nombre absolu de femmes anémiées a régulièrement augmenté, passant de 493 millions en 2000 à 570,8 millions en 2019. Ce phénomène a une incidence sur la morbidité et la mortalité des femmes et peut être responsable d’issues défavorables des grossesses et à la naissance31.
Au niveau mondial, l’obésité de l’adulte a presque doublé en valeur absolue, grimpant de 8,7 pour cent (343,1 millions) en 2000 à 13,1 pour cent (675,7 millions) en 2016. Des estimations mondiales actualisées devraient être publiées avant la fin de 2022. Cependant, il n’est pas certain, à ce stade, que l’on disposera de données suffisantes pour déterminer l’impact de la pandémie de covid-19 sur les résultats obtenus. Il est possible que les restrictions imposées aux déplacements pour contenir la propagation du virus aient encouragé l’inactivité physique et les comportements sédentaires, et que ces facteurs, combinés à l’évolution des pratiques alimentaires vers une alimentation peu saine, aient entraîné une augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC) des adultes dans le monde32.
La charge globale de la malnutrition varie selon le groupe de revenu des pays33, et parfois selon la période. La charge de la malnutrition par groupe de revenu dépend de la prévalence du résultat nutritionnel considéré et de la taille de la population dans le groupe de revenu en question; ces deux aspects sont donc essentiels pour l’interprétation des disparités. Même si les pays peuvent changer de catégorie de revenu au fil du temps, l’analyse de la répartition de la charge présentée ici s’appuie sur la dernière classification en date, en suivant les évolutions dans les différents pays sur la base du groupe de revenu auquel ils appartiennent actuellement.
La répartition de la charge globale pour les sept indicateurs de nutrition par groupe de revenu est présentée à la figure 12. La figure indique la répartition de chacun des indicateurs en 2012 et pendant la dernière année pour laquelle des données sont disponibles, pour montrer comment ils ont évolué dans le temps.
FIGURE 12LES PAYS À FAIBLE REVENU ET À REVENU INTERMÉDIAIRE DE LA TRANCHE INFÉRIEURE SONT LES PLUS DUREMENT TOUCHÉS PAR LE RETARD DE CROISSANCE, L’ÉMACIATION, L’INSUFFISANCE PONDÉRALE À LA NAISSANCE ET L’ANÉMIE, TANDIS QUE LES PAYS À REVENU INTERMÉDIAIRE DE LA TRANCHE SUPÉRIEURE ET À REVENU ÉLEVÉ SONT LES PLUS TOUCHÉS PAR L’OBÉSITÉ
En 2012 comme en 2015, ce sont les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure qui étaient les plus touchés par l’insuffisance pondérale à la naissance (83 pour cent de la charge mondiale en 2020). La répartition de la charge pour cet indicateur a peu varié globalement entre les deux années.
Au niveau mondial, la majeure partie des nourrissons exclusivement nourris au sein vivaient dans des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, la part combinée de ces deux groupes dans le nombre total de nourrissons exclusivement nourris au sein étant passée de 78 pour cent en 2012 à 84 pour cent en 2020. Malheureusement, faute de données suffisantes, il n’est pas possible d’examiner la fraction de ces nourrissons qui se trouve dans des pays à revenu élevé, raison pour laquelle ce groupe n’apparaît pas à la figure 12 pour cet indicateur.
Une partie de la charge liée au retard de croissance chez les enfants de moins de 5 ans s’est déplacée des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure vers les pays à faible revenu entre 2012 et 2020; ces derniers ont ainsi vu leur part passer de 21 pour cent à 24 pour cent. Dans l’ensemble, les enfants souffrant d’un retard de croissance sont plus susceptibles de vivre dans un pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.
L’émaciation chez les enfants de moins de 5 ans se concentre majoritairement dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure – puisque ces pays comptent 93 pour cent des enfants atteints dans le monde.
La répartition de l’excès pondéral chez l’enfant de moins de 5 ans entre les groupes de revenu est restée inchangée entre 2012 et 2020, les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de la tranche supérieure comptant des nombres équivalents d’enfants en surpoids.
La répartition de la charge mondiale de l’anémie chez les femmes âgées de 15 à 49 ans entre les groupes de revenu n’a pas sensiblement évolué entre 2012 et 2019. En 2019, 74 pour cent des femmes anémiées vivaient dans des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, tandis qu’un cinquième vivaient dans des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure.
La répartition de la charge mondiale de l’obésité chez l’adulte entre pays de différents niveaux de revenu est restée globalement inchangée entre 2012 et 2016, la majeure partie de ces personnes (73 pour cent) vivant dans des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure ou à revenu élevé.
Cette analyse montre que les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure réunis concentrent la majorité des nouveau-nés qui présentaient une insuffisance pondérale à la naissance, des enfants souffrant d’un retard de croissance ou d’émaciation et des femmes anémiées, même s’il faut garder à l’esprit que ces pays abritent une proportion plus importante de la population mondiale.
Impacts potentiels des crises actuelles sur la nutrition dans le monde
Il est probable que les crises récentes et en cours, en particulier celles qui ont des ramifications mondiales, auront une incidence sur les tendances mondiales. Bien que les effets de la pandémie de covid-19 sur la malnutrition ne soient pas encore entièrement connus – soit à cause du manque de données, soit parce que les effets sur certains indicateurs nutritionnels ne se manifesteront qu’à long terme – on s’attend à ce que cette pandémie ait un impact négatif sur plusieurs formes de malnutrition à l’échelle mondiale. En ce qui concerne la période plus récente, la guerre en Ukraine risque d’avoir des retombées sur la malnutrition dans le monde34.
Même si l’impact de la covid-19 sur la nutrition dans le monde reste nimbé d’incertitude, un petit nombre de simulations s’appuyant sur différents scénarios et utilisant un ensemble limité de covariables et d’estimations fondées sur des données historiques ont été effectuées dans le but d’évaluer l’impact de la pandémie sur la malnutrition infantile35. L’édition 2021 de ce rapport présentait quelques projections fondées sur ces simulations pour les indicateurs d’émaciation et de retard de croissance de l’enfant15. Ces projections indiquaient que le nombre d’enfants de moins de 5 ans souffrant d’émaciation dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire était susceptible d’augmenter dans une fourchette de 11,2 à 16,3 millions entre 2020 et 2022 à cause de la pandémie, en comparaison d’un scénario où il n’y aurait pas eu de covid-19. Par ailleurs, entre 3,4 millions et 4,5 millions d’enfants supplémentaires étaient susceptibles de présenter un retard de croissance en 2022 à cause de la pandémie.
Plus récemment, l’Agile Core Team for Nutrition Monitoring (ACT-NM) mise sur pied par l’UNICEF, USAID et l’OMS, a élaboré un cadre d’analyse complet36 qui se concentre sur les voies d’impact sur la santé publique permettant d’établir un lien entre la pandémie et les résultats nutritionnels correspondant aux six cibles approuvées par l’Assemblée mondiale de la Santé. Ce cadre s’articule autour de cinq catégories de facteurs intervenant à la jonction entre la pandémie de covid-19 et la nutrition: i) déterminants habilitants, ii) déterminants sous-jacents, iii) déterminants immédiats, iv) résultats et v) impact. Chaque catégorie de déterminants correspond à un thème général subdivisé en plusieurs sous-catégories. Les sous-catégories des déterminants habilitants sont la gouvernance, les ressources et le contexte socioculturel; pour les déterminants sous-jacents, il s’agit de l’alimentation, la santé, la protection sociale, l’éducation, l’eau et l’assainissement; enfin, les déterminants immédiats comprennent dix sous-catégories liées à l’état comportemental et nutritionnel. L’axe gauche-droite du cadre permet aux utilisateurs d’identifier, d’étudier et d’évaluer un grand nombre de voies d’impact sur la santé publique propres à des contextes spécifiques et d’examiner les inégalités à tous les niveaux.
Deux études de cas par pays sont présentées pour tenter d’illustrer les voies d’impact propres au contexte par lesquelles la pandémie peut avoir des répercussions sur la malnutrition des enfants, la première étude portant sur l’émaciation au Tchad et la seconde sur l’excès pondéral au Pérou (encadré 4). Bien que les données apportant la preuve de tels impacts soient très limitées, cet exercice est utile pour déterminer les différentes voies par lesquelles la pandémie de covid-19 peut influer sur la nutrition.
ENCADRÉ 4ÉTUDES DE CAS NATIONALES SUR LA COVID-19: EXEMPLES DE LA FAÇON DONT LA PANDÉMIE INFLUE SUR L’ÉMACIATION ET L’EXCÈS PONDÉRAL DES ENFANTS AU TRAVERS DE VOIES D’IMPACT PROPRES AU CONTEXTE
S’appuyant sur le cadre d’analyse complet élaboré par l’équipe ACT-NM, les études de cas ci-après décrivent les voies d’impact par lesquelles des déterminants et des facteurs multiples connectés entre eux peuvent influer sur l’émaciation et l’excès pondéral de l’enfant de moins de 5 ans. Les effets potentiels doivent néanmoins être interprétés avec prudence en raison de lacunes dans les informations, dues aux mesures de restriction mises en place par les pays pour contenir la pandémie.
EXEMPLE DE VOIE D’IMPACT POSSIBLE ENTRE LA PANDÉMIE ET L’ÉMACIATION CHEZ L’ENFANT
Le Tchad* a commencé à prendre des mesures de lutte contre la covid-19 en mars 2020, les mesures les plus strictes ayant été appliquées d’avril à mai 2020 (indice de rigueur [IR] = 88,9**). En mai et juin 2020, 58 pour cent des communautés ont signalé une diminution de leur capacité de satisfaire leurs besoins fondamentaux – 11 pour cent des ménages avaient subi une perte de revenus, et 13 pour cent ne pouvaient plus pratiquer leurs activités agricoles à cause des mesures liées à la covid-1937. En parallèle, la hausse des prix des principaux produits alimentaires a touché 68,7 pour cent des ménages, et beaucoup d’entre eux ont eu recours à des stratégies d’adaptation, consistant notamment à réduire leur consommation de produits alimentaires (35 pour cent), à puiser dans leur épargne (22 pour cent), à vendre des actifs (13,8 pour cent) ou à se rabattre sur des aliments de second choix (10,8 pour cent)37,38. Selon les estimations, 2,4 millions de personnes avaient une consommation alimentaire insuffisante au début du mois de novembre 202039. Chez les nourrissons de moins de 6 mois, les taux d’allaitement maternel exclusif ont chuté de 16,4 pour cent, un niveau déjà très bas, en 2020 à 11,4 pour cent en 2021, ce qui pourrait s’expliquer en partie par la crainte d’une transmission du SARS-CoV-2 de la mère à l’enfant40. De nombreux ménages ont été privés d’accès aux traitements médicaux nécessaires en 2020 à cause du manque d’argent, de la peur de la transmission et du manque de professionnels de santé37,40. Les programmes de traitement de l’émaciation ont été étoffés à la fin de 2020, et l’on a observé entre le premier trimestre de 2020 et le premier trimestre de 2021 une hausse des admissions de 10-24 pour cent, ce qui a probablement atténué l’impact de la pandémie sur l’émaciation des enfants au Tchad, qui aurait été plus élevé sans cela41. Cependant, l’émaciation chez les enfants de moins de 5 ans au niveau national s’était engagée sur une trajectoire descendante, passant de 13,5 pour cent en 2018 (intervalle de confiance [IC] de 95 pour cent; 12,6-14,5 pour cent) à 12,0 pour cent en 2019 (IC de 95 pour cent; 11,3-12,7 pour cent) puis à 9,5 pour cent en 2020 (IC de 95 pour cent; 8,9-10,1 pour cent), avant d’inverser la tendance et de remonter légèrement à 10,2 pour cent en 2021 (IC de 95 pour cent; 9,5-10,8 pour cent)42. La baisse de l’émaciation observée en 2020 a sans doute été influencée par les efforts déployés pour atténuer l’impact de la covid-19, ainsi que par le fait que les données ont été recueillies en dehors de la période de soudure (ce qui n’est pas le cas pour les autres enquêtes). Cela étant, l’inversion du déclin tendanciel observée en 2021 pourrait être le signe d’une dégradation de l’environnement nutritionnel.
EXEMPLE DE VOIE D’IMPACT POSSIBLE ENTRE LA PANDÉMIE ET L’EXCÈS PONDERAL DES ENFANTS
Le Pérou a mis en œuvre quelques-unes des mesures les plus strictes d’Amérique latine pour combattre la pandémie de covid-19, les plus rigoureuses ayant été mises en place de mai à octobre 2020 (IR = 96,3). Ces mesures n’ont été notablement assouplies qu’à partir de décembre 2020 (IR = 59,3). Elles ont entraîné une augmentation des achats de nourriture en ligne et des services de livraison d’aliments préemballés, ainsi qu’une exposition accrue au marketing des aliments hautement transformés. Il en a résulté un changement des modes de consommation, et notamment un essor des régimes alimentaires néfastes pour la santé, souvent composés d’aliments transformés riches en calories, en graisses, en sucres libres et en sel. Cela a eu une incidence négative sur la quantité, la qualité et la diversité des régimes alimentaires au Pérou. Il est possible, en parallèle, que les mesures de restriction aient contribué à une diminution de l’activité physique et à une augmentation des modes de vie sédentaires, caractérisés notamment par un temps excessif passé devant les écrans de téléphone, d’ordinateur et de télévision. Au niveau national, la prévalence de l’excès pondéral chez l’enfant de moins de 5 ans est passé de 8,1 pour cent en 2019 (IC de 95 pour cent; 7,6-8,6 pour cent) à 10,6 pour cent en 2020 (IC de 95 pour cent; 9,8-11,5 pour cent)42.
- * En 2020, le Tchad était classé par la Banque mondiale dans la catégorie des pays à faible revenu et à déficit vivrier, mais sa situation s’est aggravée sous l’effet de la pandémie de covid-19, comme en témoignent les études de l’INSEED et de la Banque mondiale sur les répercussions socioéconomiques nationales de la covid-19 au niveau des ménages.
- ** Indice de rigueur (IR) de l’Oxford Coronavirus Government Response Tracker (OxCGRT). L’indice de rigueur est une mesure composite fondée sur le score moyen de neuf indicateurs de réponse (fermetures des établissements scolaires, fermetures des lieux de travail, annulation de manifestations publiques, restriction des rassemblements publics, fermetures des réseaux de transport collectif, couvre-feu, campagnes d’information du public, restrictions concernant les déplacements internes et contrôle des voyages internationaux) recalculée en valeur comprise entre 0 et 100 (100 = degré le plus strict).
La guerre qui a cours en Ukraine risque d’entraîner une hausse du nombre de personnes – et plus particulièrement de femmes et d’enfants – souffrant de malnutrition dans le monde. Ce conflit est indissociable de l’impact qu’il aura sur les approvisionnements alimentaires et la faim dans le monde, comme cela a été indiqué dans la section 2.1 (encadré 3). Un article récemment publié dans Nature vise à attirer l’attention sur ces risques potentiels et lance un appel mondial à agir d’urgence34. On trouvera un résumé de ces travaux dans l’encadré 5.
ENCADRÉ 5LA GUERRE EN UKRAINE RISQUE D’ENTRAÎNER UNE HAUSSE DU NOMBRE DE PERSONNES – ET PLUS PARTICULIÈREMENT DE FEMMES ET D’ENFANTS – SOUFFRANT DE MALNUTRITION DANS LE MONDE
La Fédération de Russie et l’Ukraine comptent parmi les plus importants producteurs de produits agricoles et d’intrants agricoles essentiels (engrais et pétrole brut). Les conséquences de la guerre en Ukraine sont encore incertaines, mais les risques qu’elle fait peser sur la sécurité alimentaire se manifestent déjà clairement. Le nombre de personnes – et en particulier de femmes et d’enfants – souffrant de malnutrition augmentera fortement si des efforts concertés ne sont pas menés pour atténuer les effets du conflit sur la malnutrition. Un commentaire récemment publié dans Nature décrit les risques potentiels et dresse une liste de mesures à adopter d’urgence pour atténuer les effets de cette crise34. Ces risques et mesures sont résumés ci-après:
Risques potentiels induits par la crise:
- Impacts directs sur la sécurité alimentaire et la qualité de l’alimentation au travers de la hausse des prix des produits alimentaires et de la diminution de la disponibilité et de l’accessibilité des aliments.
- Réduction de la portée des interventions humanitaires et des services de prévention et de traitement de la malnutrition aiguë.
- Réaffectation des budgets alloués à la nutrition vers d’autres priorités.
Appel à prendre d’urgence six mesures pour préserver l’accès des femmes et des enfants aux services de nutrition et à des aliments salubres et nutritifs:
- Soutenir l’appel à réduire autant que possible les restrictions aux échanges mondiaux de produits alimentaires et d’engrais et les perturbations des chaînes d’approvisionnement, pour atténuer la crise des prix des produits alimentaires.
- Protéger l’accès des plus vulnérables aux aliments nutritifs au moyen de mesures de protection sociale tenant compte de la nutrition.
- Mobiliser les ressources requises pour l’aide humanitaire.
- Honorer les engagements financiers pris lors du Sommet de Tokyo sur la nutrition pour la croissance pour renforcer les services de nutrition destinés aux pauvres.
- Protéger les budgets alloués à la nutrition et poursuivre les interventions qui ont fait leurs preuves s’agissant d’améliorer la situation nutritionnelle des femmes et des enfants.
- Investir dans des données nutritionnelles normalisées et à jour pour guider les politiques et les financements.
Cette crise pourrait avoir des effets durables et affecter toute une génération de femmes et d’enfants qui sont déjà vulnérables à la malnutrition – avec des répercussions sur le capital humain des communautés et des nations qui pourraient perdurer sur plusieurs générations.
Coup de projecteur sur les inégalités
Dans cette section, nous examinons six indicateurs nutritionnels sous l’angle des inégalités. Il s’agit d’un complément d’analyse important dans la mesure où les tendances mondiales et régionales de la malnutrition peuvent masquer les disparités qui existent dans et entre les pays selon des caractéristiques telles que le lieu de résidence urbain ou rural, la richesse des ménages, le niveau d’études et le sexe. En termes d’analyse des inégalités, les groupes de population constitués selon ces critères sont les plus couramment utilisés pour les comparaisons entre pays et entre régions, en raison de leurs associations étroites avec les résultats nutritionnels. Les résultats de ces analyses permettent de cerner les groupes de population les plus vulnérables, apportant ainsi des éléments probants à l’appui de la prise de décision et d’interventions efficaces guidées par un ciblage et une conception adéquats des politiques et des programmes. Les parties prenantes seront ainsi en mesure de corriger ces écarts importants entre les groupes de population afin que personne ne reste sur le bord du chemin.
La figure 13 présente, sous la forme «d’equiplots», les résultats de l’analyse des inégalités selon le lieu de résidence urbain ou rural, la richesse du ménage, le niveau d’études et le sexe, appliquée à six indicateurs de nutrition. Ces equiplots indiquent les prévalences moyennes observées dans les sous-populations composant les différentes catégories de la dimension des inégalités considérée (à savoir le type de résidence, la richesse, le niveau d’études de la mère et le sexe). Cette représentation permet d’interpréter visuellement les niveaux de prévalence et la distance entre les groupes, qui reflète l’inégalité absolue. L’analyse a été effectuée suivant la classification des régions des Nations Unies, sur la base des données disponibles pour les pays de chaque région. Nous avons utilisé une analyse non pondérée, en nous appuyant sur les données disponibles les plus récentes, tirées d’enquêtes nationales conduites entre 2015 et 2021. La liste des pays inclus dans chaque région figure à l’annexe 2C (tableau A2.3). Malgré les limites inhérentes au fait qu’il manque des données pour de nombreux pays, comme l’indique la figure, cette analyse des inégalités présente des informations importantes qui visent à répondre à la question: «Qui souffre le plus de la malnutrition?»
FIGURE 13LES ANALYSES DES INÉGALITÉS FONDÉES SUR LES DERNIÈRES DONNÉES DISPONIBLES PAR PAYS (2015 À 2021) INDIQUENT QU’AU NIVEAU MONDIAL, LES ENFANTS DE MOINS DE 5 ANS QUI SOUFFRENT D’UN RETARD DE CROISSANCE SONT PLUS SUSCEPTIBLES DE VIVRE EN MILIEU RURAL, DANS UN MÉNAGE PAUVRE OÙ LA MÈRE N’A PAS ÉTÉ SCOLARISÉE, ET D’ÊTRE DE SEXE MASCULIN, TANDIS QUE L’OBÉSITE FÉMININE EST PLUS RÉPANDUE DANS LES MILIEUX URBAINS ET PARMI LES MÉNAGES AISÉS
Les analyses des inégalités au regard de l’insuffisance pondérale à la naissance ne sont pas présentées dans cette section en raison des limites des données. Une proportion élevée de nouveau-nés dans le monde ne sont pas pesés à la naissance, et il existe des disparités entre les régions. Ainsi, en 2020, plus d’un quart (27,2 pour cent) des nouveau-nés n’étaient pas pesés à la naissance au niveau mondial, et 61,9 pour cent des données sur l’insuffisance pondérale à la naissance étaient manquantes en Afrique de l’Ouest, contre tout juste 1,4 pour cent en Europe42. En outre, les bases de données mondiales actuelles ne contiennent pas d’estimations de l’insuffisance pondérale à la naissance ventilées selon des caractéristiques telles que la richesse, le niveau d’études de la mère et le sexe. Cela est dû à de nombreux facteurs, parmi lesquels la variabilité de la disponibilité et de la qualité des données entre les groupes. Pour donner un exemple, dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, le pourcentage de nouveau-nés pesés à la naissance est bien souvent beaucoup plus faible dans le quintile le plus pauvre, et les données sur le poids de naissance sont souvent arrondies par multiples de 100 g et de 500 g, ce qui génère des estimations moins fiables et peut, le cas échéant, biaiser et fausser les comparaisons entre ces groupes. En dernier lieu, il conviendra de poursuivre les recherches pour déterminer si le choix actuel d’une même valeur seuil de l’insuffisance pondérale à la naissance pour les garçons et les filles (<2 500 g) peut fausser les résultats des analyses des inégalités entre les sexes.
La proportion de nourrissons de moins de 6 mois bénéficiant d’un allaitement maternel exclusif est plus élevée en milieu rural dans la plupart des régions, sauf en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande, où cette pratique est plus courante dans les zones urbaines. Elle est aussi plus répandue parmi les nourrissons dont les mères sont peu instruites, en particulier en Amérique latine et dans les Caraïbes. Bien que l’allaitement maternel exclusif soit généralement plus courant dans les ménages des quintiles de richesse inférieurs, en Océanie hors Australie et Nouvelle-Zélande (ci-après désignée «l’Océanie»), la prévalence la plus élevée est enregistrée dans les deuxième et cinquième quintiles de richesse. On ne distingue pas non plus de tendance nette en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Légèrement plus de filles que de garçons sont nourris au sein dans la plupart des régions. Dans l’ensemble, les nourrissons de moins de 6 mois qui bénéficient d’un allaitement maternel exclusif sont plus susceptibles de vivre en milieu rural, dans un ménage pauvre où la mère n’a pas été scolarisée, et d’être de sexe féminin (figure 13A).
Dans la plupart des régions présentées, la prévalence du retard de croissance parmi les enfants de moins de 5 ans est plus élevée en milieu rural, sauf en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Cette différence est particulièrement marquée en Afrique. C’est parmi les ménages du quintile le plus pauvre que le retard de croissance est le plus répandu. En Afrique, le quintile le plus aisé se caractérise par une prévalence notablement plus faible par rapport aux quatre autres quintiles. Par contraste, en Amérique latine et dans les Caraïbes, le quintile le plus pauvre est à la traîne des quatre autres quintiles, ce qui signifie que les interventions doivent être ciblées sur ce sous-groupe particulier. Les analyses des inégalités selon le niveau d’études de la mère révèlent une tendance claire dans toutes les régions: c’est parmi les enfants dont les mères n’ont pas été scolarisées que la prévalence du retard de croissance est la plus élevée, et parmi ceux dont les mères ont suivi des études secondaires ou supérieures qu’elle est la plus faible. Dans la plupart des régions, le retard de croissance touche davantage les garçons que les filles. Dans l’ensemble, les enfants de moins de 5 ans qui souffrent d’un retard de croissance sont plus susceptibles de vivre en milieu rural, dans un ménage pauvre où la mère n’a pas été scolarisée, et d’être de sexe masculin.
La prévalence de l’émaciation chez l’enfant de moins de 5 ans n’est pas très sensible au lieu de résidence urbain ou rural, à la richesse du ménage ou au sexe, sauf en Océanie, où les enfants dont les mères n’ont pas été scolarisées sont plus exposés à l’émaciation. Dans l’ensemble, les enfants de moins de 5 ans qui souffrent d’émaciation sont plus susceptibles de vivre dans un ménage pauvre où la mère n’a pas été scolarisée.
La comparaison de l’excès pondéral entre les enfants de moins de 5 ans des zones rurales et des zones urbaines ne permet pas de dégager une tendance claire sur l’ensemble des régions; on constate en revanche que dans la plupart des régions, la prévalence du surpoids est plus élevée parmi les ménages les plus aisés. Les enfants dont les mères ont suivi au moins des études secondaires semblent être davantage sujets au surpoids, sauf dans les régions plus développées (Amérique du Nord, Europe, Australie et Nouvelle-Zélande), où les enfants dont les mères ne sont pas allées au-delà du primaire sont les plus touchés. La prévalence de l’excès pondéral peut être plus élevée chez les garçons que chez les filles. Dans l’ensemble, les enfants de moins de 5 ans en surpoids sont plus susceptibles de vivre dans un ménage aisé où la mère a suivi au moins des études secondaires.
La prévalence de l’anémie parmi les femmes âgées de 15 à 49 ans en fonction du lieu de résidence varie d’une région à l’autre. En Afrique, la prévalence est plus élevée en milieu rural, tandis qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes, elle est plus élevée en milieu urbain. Dans la plupart des régions, les femmes qui appartiennent aux quintiles de richesse inférieurs et celles qui n’ont pas été scolarisées ou n’ont pas dépassé le primaire sont plus susceptibles d’être anémiées. En Amérique latine et dans les Caraïbes, cependant, l’anémie touche davantage les femmes qui ont suivi des études secondaires ou supérieures et celles qui se trouvent dans les quintiles de richesse supérieurs. Dans l’ensemble, les femmes anémiées sont plus susceptibles de vivre en milieu rural, dans un ménage pauvre, et de n’avoir pas été scolarisées.
Au niveau mondial, l’IMC moyen de l’adulte est plus élevé en milieu urbain qu’en milieu rural et plus élevé chez les femmes que chez les hommes43. Par conséquent, l’urbanisation pourrait contribuer à accroître la prévalence de l’obésité dans le monde, les projections anticipant une hausse de la part de la population mondiale vivant en milieu urbain. D’un autre côté, des données indiquent que la prévalence de l’obésité a augmenté plus rapidement dans les zones rurales que dans les zones urbaines, probablement parce que l’accès à des aliments sains est restreint dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure44. À la figure 13B, les résultats de l’analyse des inégalités en termes de prévalence de l’obésité sont présentés uniquement pour les femmes. En effet, on ne dispose pas de données primaires individuelles de couverture équivalente pour les hommes, ce qui empêche de mener le même type d’analyse les concernant. Sur les 28 enquêtes démographiques et sanitaires conduites depuis 2015 qui ont été utilisées dans cette analyse, dix seulement ont également recueilli des données anthropométriques pour les hommes (ce qui donne un ratio de disponibilité des données hommes-femmes d’environ 1:4). Sur la base de cette analyse, les femmes âgées de 15 à 49 ans qui vivent en milieu urbain sont plus sujettes à l’obésité que celles qui vivent en milieu rural dans les différentes régions. La relation entre le niveau d’études et l’obésité est très variable: en Amérique du Nord, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande, les femmes n’ayant pas été scolarisées sont les plus touchées par l’obésité, tandis qu’en Afrique, les femmes obèses ayant suivi des études secondaires ou supérieures sont de loin plus nombreuses. Dans la plupart des régions, l’obésité touche davantage les femmes de milieux aisés. Dans l’ensemble, les femmes obèses sont plus susceptibles de vivre en milieu urbain et d’appartenir à des ménages aisés.
Une sous-analyse menée à partir des dix enquêtes démographiques et sanitaires qui ont recueilli des données sur les hommes et les femmes âgées de 20 à 49 ans met en évidence des différences considérables entre les sexes en termes de prévalence de l’obésité. Parmi ces dix pays, situés principalement en Afrique et en Asiee, la prévalence moyenne de l’obésité s’élevait à 13,8 pour cent chez les femmes et à 4,9 pour cent chez les hommes. Les femmes étaient plus touchées par l’obésité dans tous les pays, dans les zones urbaines comme rurales, et quel que soit le quintile de richesse considéré.
Bon nombre de régions et pays sont de plus en plus confrontés à des formes de malnutrition multiples qui se manifestent simultanément à l’échelon de la population, des ménages et des individus45, et cette double charge de la malnutrition peut être associée aux inégalités décrites ci-avant. Par exemple, les résultats d’une analyse récente portant sur les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure a montré que la double charge de la malnutrition à l’échelon des ménages (en l’espèce, une mère obèse et un enfant souffrant d’un retard de croissance) était plus fréquente parmi les ménages aisés dans les pays pauvres, tandis que ce risque touchait davantage les ménages pauvres dans les pays riches46. Pour être efficaces, les mesures «à double usage» qui visent à remédier à ces problèmes devront tenir compte du contexte et être ciblées sur ces sous-populations qui sont les plus vulnérables.
En résumé, ce coup de projecteur sur les inégalités révèle les éléments suivants: les enfants qui vivent en milieu rural et dans des ménages pauvres sont plus exposés au retard de croissance et à l’émaciation, et l’émaciation touche peut-être davantage les garçons; les enfants et les adultes, en particulier les femmes, vivant dans des zones urbaines et dans des ménages aisés ont plus de risques d’être en surpoids et obèses, respectivement; les nourrissons vivant en milieu rural, dans des ménages pauvres, et dont les mères n’ont pas été scolarisées, ainsi que les nourrissons de sexe féminin, sont plus susceptibles d’être nourris au sein; les femmes n’ayant pas été scolarisées sont plus exposées à l’anémie, et leurs enfants au retard de croissance et à l’émaciation. L’objectif de ces analyses est de montrer comment les problèmes spécifiques de différents groupes de population freinent les progrès globaux. À partir de là, les parties prenantes pourront identifier les inégalités dans des contextes plus précisément définis, et ainsi revoir et cibler les politiques et les programmes nationaux pour qu’ils atteignent les groupes les plus vulnérables. Il sera primordial de venir à bout des inégalités si l’on veut atteindre les cibles fixées pour 2030.
Progrès accomplis en ce qui concerne l’élimination de la malnutrition sous toutes ses formes d’ici à 2030
On trouvera dans la présente section une évaluation des progrès accomplis vers les cibles mondiales en matière de nutrition fixées pour 2030. À l’instar des projections relatives à la faim, les estimations concernant la distance qui sépare les niveaux de malnutrition des cibles définies pour 2030 sont caractérisées par un degré élevé d’incertitude. On a repris l’approche utilisée dans les deux dernières éditions du présent rapport pour évaluer l’évolution des indicateurs nutritionnels, déterminée par le taux de variation observé par rapport aux tendances antérieures à la pandémie. Par conséquent, cette analyse ne rend pas compte de l’impact potentiel de la covid-19 sur la malnutrition, qui aura sans doute des retombées sur l’évaluation des progrès accomplis vers les cibles à l’horizon 2030, comme l’indiquaient déjà le rapport de 2021 et ses projections des effets potentiels de la pandémie de covid-19 sur le retard de croissance et l’émaciation15.
Progrès au niveau mondial
Les progrès accomplis dans le monde au regard des sept cibles de nutrition fixées pour 2030 sont résumés à la figure 14. Même si la prévalence de l’insuffisance pondérale à la naissance relevée parmi les nouveau-nés en 2015, à savoir 14,6 pour cent, n’était pas très éloignée des 14,1 pour cent requis pour atteindre l’objectif d’une réduction de 30 pour cent par rapport à l’année de référence 2012 d’ici à 2030, les données disponibles souffrent des limites évoquées plus haut dans ce chapitre. Pour obtenir des évaluations fiables de la gravité et de l’ampleur de l’insuffisance pondérale à la naissance, il faudrait disposer de données de meilleure qualité et plus représentatives.
FIGURE 14DES EFFORTS IMMENSES DEVRONT ÊTRE CONSENTIS POUR ATTEINDRE LES CIBLES MONDIALES EN MATIÈRE DE NUTRITION D’ICI À 2030. LES SEULES AMÉLIORATIONS DEPUIS 2012 CONCERNENT L’ALLAITEMENT MATERNEL EXCLUSIF DES NOURRISSONS DE MOINS DE 6 MOIS (DE 37,1 POUR CENT À 43,8 POUR CENT) ET LE RETARD DE CROISSANCE CHEZ LES ENFANTS DE MOINS DE 5 ANS (DE 26,2 POUR CENT À 22,0 POUR CENT), MAIS IL FAUDRA NÉANMOINS ACCÉLÉRER LES PROGRÈS POUR CES INDICATEURS SI L’ON VEUT ATTEINDRE LES CIBLES DÉFINIES POUR 2030
La proportion de nourrissons de moins de 6 mois bénéficiant d’un allaitement maternel exclusif a grimpé de 37,1 pour cent en 2012 à 43,8 pour cent en 2020; cela reste néanmoins bien inférieur aux 54,7 pour cent qui signaleraient que le monde est en bonne voie d’atteindre la cible d’un taux d’au moins 70 pour cent à l’horizon 2030. Pour atteindre cet objectif, il faudra investir dans des interventions efficaces et propres au contexte qui encouragent l’adoption et la pratique durable de l’allaitement maternel exclusif. Il est impératif de promulguer et d’appliquer le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, d’institutionnaliser l’initiative Hôpitaux amis des bébés et de renforcer les activités de conseil anténatal et postnatal sur l’allaitement maternel.
Bien que le retard de croissance chez l’enfant de moins de 5 ans ait décliné de 26,2 pour cent en 2012 à 22,0 pour cent en 2020, il aurait fallu qu’il tombe à 19,1 pour cent en 2020 pour que la cible d’une réduction de 50 pour cent du nombre d’enfants souffrant d’un retard de croissance à l’horizon 2030 (soit une prévalence de 12,8 pour cent) soit en voie d’être atteinte. Pour accomplir des progrès plus décisifs dans la réduction des retards de croissance, il sera nécessaire de renforcer les investissements dans les interventions axées sur la nutrition et celles tenant compte de la nutrition.
La prévalence de l’émaciation de l’enfant de moins de 5 ans était estimée à 6,7 pour cent en 2020, soit plus du double de la cible de moins de 3 pour cent définie pour 2030. Ce chiffre souligne la nécessité d’accroître massivement les investissements consacrés à la prévention, à la détection précoce et au traitement de l’émaciation.
Alors que la cible fixée pour 2030 en matière d’excès pondéral de l’enfant de moins de 5 ans implique un abaissement substantiel de cet indicateur à tout juste 3 pour cent, la prévalence a légèrement augmenté entre 2012 et 2020, passant de 5,6 pour cent à 5,7 pour cent, même si ces données ne sont pas statistiquement significatives. Pour atteindre la cible visée pour 2030, il sera nécessaire d’inverser cette tendance. Dans cette perspective, et cela vaut pour l’obésité dans tous les groupes d’âge, il faudra consacrer davantage d’investissements à des interventions efficaces permettant d’améliorer les régimes alimentaires et la nutrition ainsi que d’autres facteurs essentiels au bien-être, tels que l’activité physique.
La prévalence de l’anémie chez les femmes âgées de 15 à 49 ans est passée de 28,5 pour cent en 2012 à 29,9 pour cent en 2019. Cela signifie que le monde est en train de s’éloigner de l’objectif d’une réduction de 50 pour cent du nombre de femmes anémiées à l’horizon 2030, qui se traduirait par un taux de prévalence de 14,3 pour cent. L’inversion de cette tendance est subordonnée à l’adoption d’une approche multisectorielle intégrée permettant de déterminer et de corriger l’ensemble des causes et des facteurs de risque de l’anémie chez les femmes, notamment mais non exclusivement les facteurs liés au mauvais état nutritionnel, aux affections gynécologiques, au paludisme et autres infections parasitaires, et à un statut socioéconomique défavorisé. Une sensibilisation et un soutien accrus sont nécessaires aux niveaux mondial, régional et national pour faciliter la mise en œuvre de ces approches exhaustives, par opposition aux interventions isolées qui ne pèsent pas suffisamment pour infléchir les tendances.
L’obésité de l’adulte a continué d’augmenter, passant de 11,8 pour cent en 2012 à 13,1 pour cent en 2016. Il faudra inverser cette tendance pour revenir au taux de prévalence de 11,8 pour cent enregistré en 2012, qui est en adéquation avec l’objectif consistant à enrayer la progression de l’obésité d’ici à 2025. En plus de l’amélioration des régimes alimentaires et de la nutrition, il faudra investir dans des interventions de santé publique faisant la promotion de modes de vie plus sains.
Progrès dans les régions
Les progrès accomplis depuis l’année de référence 2012 jusqu’à la dernière année pour laquelle des estimations sont disponibles ont été comparés aux progrès requis sur la base du taux de réduction annuel moyen (TRAM)47,f pour les pays qui disposaient de données suffisantes. Ces estimations ont ensuite été synthétisées à l’échelon des régions auxquelles appartiennent les pays (figure 15). Ce niveau de granularité est utile car il montre que les différents pays d’une région n’en sont pas tous au même stade de progression, les graphiques indiquant, pour chaque région et sous-région, la proportion de pays ayant accompli différents niveaux de progrès: ≥75 pour cent, 50-74,9 pour cent, 25-49,9 pour cent, 0-24,9 pour cent, ou détérioration de la situationg. Les estimations régionales doivent néanmoins être interprétées avec prudence, car tous les pays ne figurent pas dans les calculs (voir l’annexe 2D).
FIGURE 15CONCERNANT LES PROGRÈS ACCOMPLIS EN DIRECTION DES CIBLES DE NUTRITION À L’ÉCHELON RÉGIONAL, ON CONSTATE QUE LA SITUATION SE DÉGRADE POUR L’ANÉMIE CHEZ LA FEMME ET L’EXCÈS PONDÉRAL CHEZ L’ENFANT DE MOINS DE 5 ANS, TANDIS QUE DE NOMBREUSES RÉGIONS PROGRESSENT DANS LA RÉDUCTION DU RETARD DE CROISSANCE ET DE L’ÉMACIATION DE L’ENFANT DE MOINS DE 5 ANS
La grande majorité des pays, dans la plupart des régions, ont accompli des progrès modestes (0-24,9 pour cent des progrès requis) vers l’objectif d’une réduction de 30 pour cent de la prévalence de l’insuffisance pondérale à la naissance parmi les nouveau-nés d’ici à 2030. Cependant, la moitié environ des pays représentant l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont vu cet indicateur se détériorer.
Des progrès notables ont été réalisés sur le plan de l’augmentation du pourcentage de nourrissons de moins de 6 mois exclusivement nourris au sein. Dans la majorité des régions, entre 20 et 70 pour cent des pays se rangent dans la catégorie ≥75 pour cent, ce qui signifie qu’ils ont accompli au moins 75 pour cent des progrès totaux requis. Inversement, la situation se dégrade en Océanie hors Australie et Nouvelle-Zélande et, par degré de détérioration décroissant, en Amérique du Sud, dans les Caraïbes, en Asie centrale et en Asie de l’Est.
La majorité des régions ont progressé sur le plan de la réduction du retard de croissance chez l’enfant de moins de 5 ans. L’amélioration est notable en Asie centrale, en Asie de l’Est, en Amérique du Nord, Europe, Australie et Nouvelle-Zélande, et en Amérique du Sud, plus de 50 pour cent des pays retenus pour l’analyse dans ces régions ayant effectué au moins 50 pour cent des progrès requis pour atteindre la cible d’ici à 2030. Cependant, dans près de 30 pour cent des pays d’Afrique du Nord, d’Océanie et des Caraïbes, la prévalence du retard de croissance a augmenté, signalant une dégradation de la situation.
La totalité des pays qui représentent l’Afrique du Nord, l’Afrique australe, l’Asie de l’Est, l’Amérique centrale, l’Océanie, l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont accompli au moins 75 pour cent des progrès requis pour réduire la prévalence de l’émaciation jusqu’à la cible définie pour 2030. Toutefois, près de la moitié des pays représentant l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est voient leur situation à cet égard se dégrader.
Les progrès réalisés pour faire baisser la prévalence de l’excès pondéral jusqu’à la cible fixée pour 2030 varient selon les régions. Ainsi, plus de la moitié des pays représentant l’Afrique de l’Ouest et l’Asie du Sud ont-ils fait au moins 75 pour cent des progrès requis. À l’inverse, l’excès pondéral s’aggrave fortement dans la plupart des pays représentant l’Afrique australe, l’Océanie, l’Asie du Sud-Est, l’Amérique du Sud et les Caraïbes.
La grande majorité des pays de presque toutes les régions, en particulier l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, l’Océanie et l’Asie du Sud-Est, sont en train de s’éloigner de la cible fixée pour l’anémie à l’horizon 2030. Cela étant, les neuf pays d’Afrique centrale retenus pour cette analyse ont accompli jusqu’à 25 pour cent des progrès requis.
Les progrès accomplis en termes de modération de la hausse de l’obésité chez l’adulte ne sont pas présentés sur cette figure, dans la mesure où la situation se détériore dans tous les pays pour lesquels des données sont disponibles. Il n’y a eu aucun progrès dans ce domaine.
En résumé, malgré des progrès dans certaines régions, la malnutrition persiste sous de nombreuses formes partout dans le monde, et la situation pourrait en réalité être pire que ce que les présentes données indiquent compte tenu du fait que la pandémie de covid-19 continue d’influer sur les résultats nutritionnels et que toutes ses conséquences ne se sont pas encore manifestées. Des efforts immenses devront être consentis pour atteindre les cibles mondiales en matière de nutrition d’ici à 2030 et compenser les reculs majeurs enregistrés à l’échelle mondiale. Il faudra inverser les tendances mondiales de l’anémie chez les femmes âgées de 15 à 49 ans, de l’excès pondéral chez les enfants et de l’obésité chez les adultes, en particulier, si l’on veut pouvoir accomplir les progrès nécessaires pour concrétiser les objectifs de développement durable (ODD).
Deux manifestations à haut niveau ont été organisées en 2021 dans le but de faire progresser le programme mondial pour la nutrition: le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires et le Sommet de Tokyo sur la nutrition pour la croissance. Ces deux sommets ont imprimé un élan mondial catalyseur aux fins de la transformation des systèmes agroalimentaires, qui devra favoriser une alimentation saine pour tous, de façon durable et inclusive.
Entre autres résultats majeurs du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, plus de cent pays ont façonné des voies de transformation de leurs systèmes alimentaires, qui dressent une feuille de route détaillée d’actions porteuses de transformations dans laquelle la priorité numéro un, reprise à leur compte par de nombreux États Membres, est la nécessité de permettre aux consommateurs de s’alimenter sainement grâce à des systèmes agroalimentaires durables48. Cette priorité est également soutenue par les Coalitions d’action, telles que celles portant sur l’alimentation saine à partir de systèmes alimentaires durables, les aliments bleus et les repas scolaires, qui réunissent les acteurs mondiaux et les pays autour d’ambitions communes.
Les résultats du Sommet de Tokyo sur la nutrition pour la croissance soutiennent cette démarche au travers de promesses de renforcement des engagements politiques et financiers axés sur les déterminants de l’alimentation, de la santé et des systèmes de protection sociale, qui visent à promouvoir une alimentation saine et à éliminer la malnutrition sous toutes ses formes49. Plus de la moitié des 396 engagements pris par 181 parties prenantes issues de 78 pays concernent l’alimentation (63 pour cent). Ces engagements reconnaissent la nécessité d’adopter une politique multisectorielle cohérente, jetant des passerelles entre les secteurs de l’alimentation et de la santé, et de renforcer les actions et les investissements afin que les systèmes agroalimentaires accompagnent le changement des habitudes alimentaires, au bénéfice de la nutrition, de la santé humaine et de l’environnement. L’un des piliers du Sommet concernait l’intégration de la nutrition dans la couverture sanitaire universelle: les gouvernements des pays et les multiples parties prenantes se sont engagés à prendre des mesures visant à renforcer les systèmes de santé afin qu’ils fournissent des services de nutrition abordables et de qualité.
Il faut maintenant que les États Membres donnent suite aux engagements pris en matière de nutrition lors du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires et du Sommet de Tokyo sur la nutrition pour la croissance, en intensifiant leurs efforts et leurs activités selon que nécessaire, dans le cadre du programme de travail de la Décennie d’action pour la nutrition50.