L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023

Pour atteindre les objectifs en matière de sécurité alimentaire et améliorer les résultats nutritionnels, il est essentiel de favoriser une alimentation saine, composée d’aliments nutritifs et sans danger pour la santé qui apportent les calories et les micronutriments nécessaires pour mener une vie saine et active. Ce type d’alimentation repose sur un large éventail d’aliments non ou très peu transformés, répartis de manière équilibrée entre les groupes d’aliments, et limite la consommation de produits et de boissons hautement transformés; il comprend des céréales complètes, des légumineuses, des fruits à coque ainsi qu’une abondance et une large variété de fruits et de légumes, et peut comporter des quantités modérées d’œufs, de produits laitiers, de volaille et de poisson, ainsi que de petites quantités de viande rouge^{22, 23}. Une alimentation saine tout au long de la vie est primordiale pour prévenir la malnutrition sous toutes ses formes, notamment le retard de croissance et l’émaciation chez les enfants, les carences en micronutriments, et l’excès pondéral ou l’obésité. Elle contribue en outre à réduire les risques liés aux maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète et certains types de cancer²⁴.

La FAO, avec l’aide du Groupe de la Banque mondiale, suit de manière systématique les indicateurs relatifs au coût et à l’abordabilité (accessibilité économique) d’une alimentation saine, et a récemment commencé à publier les chiffres de la série actualisée dans la base de données FAOSTAT²⁵. Ces indicateurs fournissent des éléments factuels sur l’accès économique des personnes à l’alimentation saine la moins onéreuse dans un pays donné, qui permet de couvrir les besoins nutritionnels à partir des aliments disponibles localement. Dans la présente édition, les indicateurs de coût et d’abordabilité ont été actualisés à partir des données disponibles pour 2021. Il n’a pas été possible d’actualiser ces estimations pour 2022 faute de données à jour sur la répartition des revenus au niveau des pays ainsi que de prix détaillés des produits alimentaires et de facteurs de conversion en parité de pouvoir d’achat (PPA). On trouvera des données précises sur la méthode employée ainsi que des informations actualisées importantes à la section D de l’annexe 2.

La répartition des revenus – établie à partir de la plateforme Pauvreté et inégalités en vue d’estimer l’accessibilité économique – ayant été actualisée avec les données relatives à 2020 et 2021 pour tous les pays (voir l’annexe 2, section D)ⁱ, les indicateurs relatifs à l’abordabilité publiés cette année tiennent compte non seulement de la flambée des prix, mais aussi de la baisse brutale des revenus liée à la pandémie, et donnent ainsi une meilleure idée de la situation au niveau mondial en 2020 et 2021. Les nouvelles PPA pour 2017 ont été publiées récemment, et la Banque mondiale a utilisé les derniers facteurs de conversion afin d’exprimer ses indicateurs monétaires en PPA de 2017, y compris la répartition des revenus²⁶. Les indicateurs relatifs à l’abordabilité ont donc été exprimés en PPA de 2017 – au lieu de 2011, comme les années précédentes (voir l’annexe 2, section D).

Coût et accessibilité économique d’une alimentation saine en 2021

L’analyse révisée présentée dans le rapport de cette année – qui prend en compte la répartition des revenus actualisée pour 2020 et 2021 – indique que près de 3,2 milliards de personnes dans le monde ne pouvaient pas, faute de moyens, s’alimenter sainement en 2020, et qu’une légère amélioration a été notée en 2021 (diminution de 52 millions de personnes). Les prix des produits alimentaires ont continué d’augmenter tout au long de 2021, faisant grimper le coût moyen d’une alimentation saine à l’échelle mondiale. Cependant, une reprise de la croissance économique dans de nombreux pays, notamment en Asie, a pu se traduire par une augmentation de la marge budgétaire pouvant être consacrée à des ensembles de mesures d’incitation économique, à des transferts sociaux et à l’amélioration du marché du travail^{27, 28}. Ces mesures ont aidé à compenser les effets de la forte inflation des prix des aliments, et donc à réduire le nombre de personnes n’ayant pas les moyens de s’alimenter sainement au niveau mondial, dont une grande partie se trouvent en Asie.

Le tableau 5 présente les indicateurs de coût et d’abordabilité d’une alimentation saine aux niveaux mondial et régional, et par groupe de pays classés selon le revenu, pour les années 2019, 2020 et 2021. Les estimations concernant les fourchettes des indicateurs d’abordabilité sont présentées dans le tableau A3.2 pour 2021 (les limites supérieures et inférieures correspondent à des hypothèses différentes quant à la part du revenu consacrée à la nourriture). Les estimations par pays pour l’ensemble de la série 2017-2021 figurent dans le tableau A3.1.

Tableau 5MALGRÉ UNE LÉGÈRE AMÉLIORATION PAR RAPPORT À 2020, PLUS DE 3,1 MILLIARDS DE PERSONNES N’AVAIENT PAS LES MOYENS DE S’ALIMENTER SAINEMENT EN 2021

NOTES: Le coût moyen d’une alimentation saine est exprimé en USD en parité de pouvoir d’achat par personne et par jour. La proportion de personnes n’ayant pas les moyens de s’alimenter sainement est une moyenne pondérée (en pourcentage) estimée à partir des données relatives à la population. La classification des pays par niveau de revenu établie par la Banque mondiale en 2022 a été utilisée pour définir les groupes de pays répartis selon le revenu. Le calcul de la variation annuelle (en pourcentage) du coût d’une alimentation saine est réalisé à partir de chiffres arrondis à trois décimales.
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Coût et abordabilité d’une alimentation saine (CoAHD). Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023]. www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

En 2021, le coût moyen d’une alimentation saine dans le monde était de 3,66 USD en PPA (par personne et par jour) (tableau 5). Il était plus élevé en Amérique latine et dans les Caraïbes (4,08 USD en PPA) qu’en Asie (3,90 USD en PPA), en Afrique (3,57 USD en PPA), en Amérique du Nord et en Europe (3,22 USD en PPA) et en Océanie (3,20 USD en PPA).

Le coût d’une alimentation saine est en hausse depuis 2019. Il a augmenté de 6,7 pour cent entre 2019 et 2021, et notamment de 4,3 pour cent sur l’année 2021 (tableau 5 et figure 10A). La forte hausse du coût d’une alimentation saine résulte de l’envolée des prix des aliments qui a frappé toutes les régions du monde lorsque la pandémie de covid-19 a commencé. La flambée des prix s’explique principalement par les confinements et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et des systèmes de transport à l’échelle mondiale, ainsi que par les pénuries de main-d’œuvre, qui ont touché en particulier le secteur agricole⁸.

Figure 10 LE COÛT D’UNE ALIMENTATION SAINE A AUGMENTÉ AU NIVEAU MONDIAL EN 2021; LE NOMBRE DE PERSONNES N’AYANT PAS LES MOYENS DE S’ALIMENTER SAINEMENT ÉTAIT EN HAUSSE PAR RAPPORT À 2019 DANS TOUTES LES RÉGIONS, EXCEPTÉ L’AMÉRIQUE DU NORD ET L’EUROPE, MALGRÉ UNE INACCESSIBILITÉ ÉCONOMIQUE EN LÉGER REPLI ENTRE 2020 ET 2021

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Coût et abordabilité d’une alimentation saine (CoAHD). Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/CAHD

La hausse du coût d’une alimentation saine a été supérieure à 5 pour cent entre 2020 et 2021 en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes, en Asie et en Océanie, mais marginale seulement en Amérique du Nord et en Europe (0,6 pour cent). Elle a été près de deux fois supérieure à celle enregistrée entre 2019 et 2020 en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi qu’en Océanie, mais moins marquée en Asie ainsi qu’en Amérique du Nord et en Europe (tableau 5 et figure 10A).

Entre 2020 et 2021, le coût d’une alimentation saine s’est envolé dans toutes les sous-régions de l’Afrique, de l’Asie ainsi que de l’Amérique latine et des Caraïbes, sauf en Afrique du Nord, où il a diminué de 2,8 pour cent. La hausse a atteint 7,6 pour cent en Afrique de l’Ouest, soit le triple de celle enregistrée entre 2019 et 2020 (tableau 5). L’Afrique de l’Est a également affiché une augmentation (6,7 pour cent), suivie de l’Afrique australe (5,8 pour cent) et de l’Afrique centrale (5,3 pour cent). En Asie, la plus forte poussée a été observée en Asie centrale et en Asie du Sud (7,2 pour cent et 6,9 pour cent, respectivement). L’Asie de l’Est a fait état de la plus faible augmentation entre 2020 et 2021 (4,1 pour cent) et d’un ralentissement de celle-ci par rapport à la période précédente. En Amérique latine et dans les Caraïbes, la hausse a été comprise entre 6,4 pour cent en Amérique du Sud et 4,1 pour cent en Amérique centrale.

La pandémie de covid-19 a creusé les inégalités entre toutes les régions du monde. Les difficultés engendrées par l’augmentation des prix des produits alimentaires et de l’insécurité alimentaire ont été plus importantes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire que dans les pays à revenu élevé²⁹. En témoigne également la hausse du coût d’une alimentation saine entre 2020 et 2021, bien plus importante dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (6,2 pour cent), les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (5,1 pour cent) et les pays à faible revenu (4,7 pour cent), que dans les pays à revenu élevé (2,1 pour cent) (tableau 5).

Quelque 3,14 milliards de personnes dans le monde – 42 pour cent de la population – n’avaient pas les moyens de s’alimenter sainement en 2021, soit une légère baisse par rapport à 2020 – 3,19 milliards de personnes et 43 pour cent de la population (tableau 5 et figure 10B). Dans de nombreux pays, la hausse du coût d’une alimentation saine a coïncidé avec une baisse du revenu disponible du fait des effets persistants de la pandémie. Les confinements, les fléchissements économiques et autres perturbations liées à la pandémie en 2020 ont entraîné des pertes d’emploi et de revenu pour de nombreuses personnes, touchant principalement les ménages modestes, qui consacrent une part plus importante de leurs revenus à l’alimentation³⁰. La flambée des prix, conjuguée à une diminution du revenu disponible dans de nombreux pays, a entraîné une hausse de 186 millions du nombre de personnes qui n’avaient pas les moyens de s’alimenter sainement entre 2019 et 2020.

Une légère amélioration a été constatée en 2021, lorsque le nombre de personnes n’ayant pas les moyens de s’alimenter sainement a reculé de 52 millions par rapport à 2020 (tableau 5 et figure 10B), mais le chiffre total est resté supérieur de 134 millions à celui de 2019, avant la pandémie. Le rebond de la croissance du PIB mondial (6 pour cent en 2021), après la pandémie qui a plongé la plupart des pays dans la récession en 2020³, est probablement à l’origine de ce léger recul de l’inaccessibilité économique – plusieurs facteurs pourraient y avoir contribué, notamment les programmes d’incitation économique des pouvoirs publics, les mesures de protection sociale et la relance de l’emploi, dans certains cas³¹. Cependant, sous l’effet d’une reprise économique à plusieurs vitesses selon les pays et au sein même de ceux-ci, conjuguée à la hausse des prix et des inégalités, l’alimentation saine est devenue moins abordable dans certaines régions en particulier, ce qui a accentué la pression sur les ménages les plus vulnérables.

En 2021, le nombre de personnes n’ayant pas les moyens de s’alimenter sainement a augmenté par rapport à 2019 dans toutes les régions, sauf en Amérique du Nord et en Europe, où il a diminué de 2,3 millions malgré la flambée des prix et la baisse brutale des revenus liée à la pandémie (figure 10B). En Asie, il a augmenté de 154 millions entre 2019 et 2020, pour ensuite baisser de 81,5 millions entre 2020 et 2021 (figure 10B). Une amélioration notable a été enregistrée entre 2020 et 2021 en Asie de l’Est et en Asie du Sud, où le nombre de personnes pour lesquelles une alimentation saine était hors de portée a diminué de 71,5 millions et de 17,4 millions, respectivement, après une forte hausse l’année précédente. L’Asie de l’Est est la seule sous-région d’Asie qui a fait état d’une amélioration globale entre 2019 et 2021 (diminution de 18,4 millions du nombre de personnes qui n’avaient pas les moyens de s’alimenter sainement). En Afrique, l’inaccessibilité économique s’est accentuée: en 2021, 51,1 millions de personnes de plus qu’en 2019 n’avaient pas les moyens de s’alimenter sainement, la plus forte augmentation ayant eu lieu entre 2019 et 2020 (31 millions). L’Afrique subsaharienne a enregistré la plus forte hausse entre 2019 et 2021 (54 millions de personnes supplémentaires), tandis que la situation s’est améliorée en Afrique du Nord (près de 3 millions de personnes en moins) (tableau 5). Pour terminer, en Amérique latine et dans les Caraïbes, le nombre de personnes n’ayant pas les moyens de s’alimenter sainement a augmenté de 13,4 millions entre 2019 et 2021, la plus forte hausse concernant l’Amérique du Sud (13,3 millions) du fait d’un bond brutal entre 2020 et 2021 (tableau 5 et figure 10B).

Sur l’ensemble des personnes qui n’avaient pas les moyens de s’alimenter sainement en 2021, 1,9 milliard, soit 62 pour cent, se trouvaient en Asie (figure 11). En proportion de la population, cependant, c’est l’Afrique qui a enregistré le plus mauvais résultat en 2021 avec 78 pour cent, contre 44 pour cent pour l’Asie, 23 pour cent pour l’Amérique latine et les Caraïbes, 3 pour cent pour l’Océanie et 1 pour cent pour l’Amérique du Nord et l’Europe (tableau 5).

Figure 11 LA PLUPART DES PERSONNES QUI N’AVAIENT PAS LES MOYENS DE S’ALIMENTER SAINEMENT EN 2021 VIVAIENT EN ASIE DU SUD, AINSI QU’EN AFRIQUE DE L’EST ET EN AFRIQUE DE L’OUEST

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Coût et abordabilité d’une alimentation saine (CoAHD). Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/CAHD

En Afrique, près de 70 pour cent des personnes n’ayant pas les moyens de s’alimenter sainement vivaient en Afrique de l’Est et de l’Ouest. Ensemble, ces deux sous-régions ont cumulé le plus grand nombre (712 millions) et la plus forte proportion (85 pour cent) de personnes qui n’avaient pas les moyens de s’alimenter sainement en Afrique en 2021 (tableau 5 et figure 11). Cette proportion était également élevée en Afrique centrale (82 pour cent) en 2021. Venaient ensuite l’Afrique australe (67 pour cent) et l’Afrique du Nord (52 pour cent), où le pourcentage était inférieur à la moyenne régionale (78 pour cent).

En Asie, c’est l’Asie du Sud qui présentait le plus grand nombre (1,4 milliard) et la plus forte proportion de personnes n’ayant pas les moyens de s’alimenter sainement en 2021 (72 pour cent, soit bien plus que la moyenne régionale de 44 pour cent). En Asie du Sud-Est, 55 pour cent environ des personnes n’avaient pas les moyens de s’alimenter sainement, et on observe une augmentation de ce chiffre depuis 2019.

Enfin, en Amérique latine et dans les Caraïbes, 63 pour cent des personnes n’ayant pas les moyens de s’alimenter sainement vivaient en Amérique du Sud, et 12 pour cent seulement dans les Caraïbes (figure 11). La sous-région des Caraïbes est celle qui a enregistré le nombre le moins élevé (en valeur absolue) (15 millions) mais la plus forte proportion (57 pour cent) de personnes n’ayant pas les moyens de s’alimenter sainement – plus du double de la moyenne régionale.

Les indicateurs présentés dans cette section et aux annexes 2 et 3 donnent un aperçu du coût «moyen» d’une alimentation saine et de l’abordabilité de celle-ci aux niveaux mondial, régional et national. Cependant, ils ne rendent pas totalement compte des caractéristiques hétérogènes qui déterminent la capacité de la population de s’alimenter sainement dans un pays ou une région. L’abordabilité dépend non seulement du coût moyen d’une alimentation saine et du revenu des personnes, mais aussi de facteurs tels que le lieu de résidence, la proximité des marchés de produits alimentaires ou la production alimentaire destinée à la consommation familiale. Faute de données suffisantes, les estimations de l’abordabilité ne tiennent pas compte de ces facteurs et peuvent surévaluer, dans certains cas, le coût d’une alimentation saine pour des sous-groupes de population en particulier, et donc le nombre de personnes dont le revenu se situe sous le seuil en deçà duquel une alimentation saine n’est plus abordable.