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L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023

Chapitre 5 POLITIQUES ET SOLUTIONS PERMETTANT DE FAIRE DE LA TRANSFORMATION DES SYSTÈMES AGROALIMENTAIRES UN LEVIER POUR UNE ALIMENTATION SAINE LE LONG DU CONTINUUM RURAL-URBAIN

5.3 Mécanismes intégrés de planification et de gouvernance le long du continuum rural-urbain

Les politiques, technologies et innovations exposées jusqu’à présent nécessiteront une gouvernance appropriée qui, tout en faisant appel à de multiples acteurs, aborde de manière cohérente les défis et tire parti des possibilités que crée l’urbanisation dans les systèmes agroalimentaires. Une approche traditionnelle, essentiellement nationale et descendante, ne sera pas efficace dans le processus d'élaboration des politiques, en raison de la nécessité de se concentrer sur différents lieux et sur leurs liens fonctionnels et spatiaux. Ces liens dépassant souvent les frontières sectorielles et administratives, il faudrait que l’élaboration de politiques facilite les accords et règlements interjuridictionnels, ainsi que la participation de divers acteurs (y compris non gouvernementaux)5. On peut, par conséquent, considérer la gouvernance des systèmes agroalimentaires comme étant assurée par les mécanismes et processus mis en place pour permettre aux parties prenantes d’exprimer leurs intérêts, d’arbitrer leurs différends et de coordonner leur action autour des institutions gouvernementales. En outre, il faut que les dispositions institutionnelles prennent en compte le rôle clé des autorités infranationales (locales et régionales) ainsi que celui des acteurs non gouvernementaux5.

En travaillant sur les liens spatiaux et fonctionnels qui existent le long du continuum rural-urbain , en collaboration avec les autorités infranationales qui jouent un rôle crucial, il est possible de favoriser la transformation des systèmes agroalimentaires dans le cadre de l’urbanisation. Les politiques et programmes nationaux et transnationaux du siècle dernier, qui étaient centrés sur la production, ont créé des lacunes dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition. En réaction à ces politiques, les autorités infranationales se sont révélées d’importants acteurs de la transformation des systèmes agroalimentaires.

D’autres facteurs ont accru le rôle des autorités infranationales sur la scène mondiale, notamment l’augmentation constante du pouvoir politique et culturel des villes de différentes tailles, les processus d’urbanisation rapide et la vague relativement récente de décentralisation du pouvoir vers le niveau local dans un nombre croissant de pays. Suite à ces évolutions, les pionniers de la politique alimentaire urbaine dans les municipalités du monde entier ont entrepris, dans le cadre du programme relatif aux systèmes agroalimentaires, d’élaborer des stratégies alimentaires et de mettre en œuvre des mesures locales spécifiques228.

Les défis et possiblités engendrés par l’urbanisation le long du continuum rural-urbain étant multisectoriels (chapitre 3), il faudrait que les autorités infranationales soient impliquées dans la formulation et la mise en œuvre de politiques cohérentes qui aillent au-delà des systèmes agroalimentaires (systèmes environnementaux, énergétiques, sanitaires et autres). Étant en étroit contact avec les parties prenantes locales, elles peuvent veiller à ce que ces politiques soient adaptées aux situations locales en promouvant leurs avantages et en éliminant leurs goulets d’étranglement. Le lancement du Pacte de Milan sur les politiques alimentaires urbaines en 2015 a révélé, au niveau mondial, le rôle croissant que les autorités infranationales jouent dans la formulation et la mise en œuvre de politiques urbaines et régionales, la promotion des liens qui existent entre les systèmes agroalimentaires le long du continuum rural-urbain et l’intégration de différentes approches systémiques dans les plans de développement locaux, régionaux et territoriaux. Le Nouveau Programme pour les villes, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2016, a marqué un tournant dans la reconnaissance du rôle que jouent les autorités infranationales dans la transformation des systèmes agroalimentaires, puisqu’il a appelé à intégrer la sécurité alimentaire et la nutrition dans la planification urbaine et territoriale. Cette reconnaissance s’est également répercutée dans des processus mondiaux tels que le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, avec la création de la Coalition pour les systèmes alimentaires urbains en 2021 (voir l’encadré 13).

ENCADRÉ 13LA COALITION POUR LES SYSTÈMES ALIMENTAIRES URBAINS, PLATEFORME MONDIALE DESTINÉE À SENSIBILISER AU RÔLE CLÉ QUE JOUENT LES AUTORITÉS INFRANATIONALES DANS LA TRANSFORMATION DES SYSTÈMES AGROALIMENTAIRES LE LONG DU CONTINUUM RURAL-URBAIN

Les participants au Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, organisé en 2021, ont reconnu que les autorités infranationales sont d’importants leviers d’une transformation inclusive et durable des systèmes agroalimentaires. À cette occasion, a été créée la Coalition pour les systèmes alimentaires urbains, que coordonnent actuellement l’Alliance mondiale pour l’amélioration de la nutrition et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, et qui regroupe des institutions des Nations Unies, des réseaux de villes, des organisations de la société civile et des établissements universitaires en tant que membres actifs opérant le long du continuum rural-urbain dans de nombreux pays. La Coalition229 vise à aider les autorités nationales et infranationales à transformer leurs systèmes agroalimentaires en facilitant la mise en place de politiques et d’actions cohérentes et coordonnées. Elle aide les autorités infranationales à participer aux débats politiques mondiaux et à s’imposer comme des acteurs clés de la transformation globale des systèmes agroalimentaires. En outre, elle s’emploie à trouver, le long du continuum rural-urbain, des mécanismes contextuels capables de combler les lacunes de gouvernance des systèmes agroalimentaires nationaux et locaux.

Mécanismes infranationaux de gouvernance des systèmes agroalimentaires

Un important point de départ pour rationaliser la gouvernance le long du continuum rural-urbain en s'appuyant sur les aspects fonctionnels consiste à mettre en place des accords locaux entre plusieurs zones administratives et des plateformes et réseaux multipartites.

Les mécanismes multipartites de gouvernance des systèmes agroalimentaires – qui associent plusieurs acteurs non étatiques, des organisations d’agriculteurs, des organisations de la société civile, le secteur privé et des institutions universitaires – apparaissent de plus en plus comme un outil important pour combler les lacunes observées dans les politiques et les initiatives de planification locales en matière d’alimentation. Parmi ces mécanismes, les conseils de politique alimentaire (parfois également appelés comités, groupes alimentaires, plateformes, etc.) conseillent les autorités locales ou infranationales, contribuent à concevoir et à mettre en œuvre des politiques, aident les parties prenantes à se mobiliser, et permettent de suivre et d’évaluer les progrès réalisés quant à la mise en œuvre, l’efficacité, l’efficience et l’impact des politiques (voir l’encadré 14).

ENCADRÉ 14ACCORDS INFRANATIONAUX DE GOUVERNANCE DES SYSTÈMES AGROALIMENTAIRES ENTRE PLUSIEURS VILLES (MÉTROPOLE ET PETITES ET MOYENNES VILLES) AU PÉROU

En novembre 2019, les municipalités péruviennes de Lima, Huancayo, Arequipa, Piura et Maynas ont signé un accord visant à renforcer les liens entre les systèmes agroalimentaires le long du continuum rural-urbain. Cet accord prévoit: i) l’établissement de liens entre les producteurs, les marchés et les foires dans différentes villes; ii) l’échange de connaissances sur les pratiques liées à l’agroécologie et la promotion de cette dernière dans les zones rurales et les zones périurbaines; iii) la modernisation des espaces de marché pour la vente au détail de produits alimentaires; et iv) l’élaboration de stratégies contextuelles propres à améliorer l’accès à une alimentations saine. Il prévoit également un apprentissage entre pairs, qui permet d’échanger des données d’expérience dans des domaines tels que l’élaboration de nouveaux règlements relatifs à l’environnement alimentaire urbain, les achats publics de produits issus de l’agriculture familiale et la création d’un conseil de la politique alimentaire à Lima.

L’une des expériences partagées avec les municipalités concerne un arrêté pris à Lima pour créer des environnements alimentaires sains à la fois dans les écoles et dans les zones hors domicile231. Cet arrêté interdit la vente et la commercialisation d’aliments à forte densité énergétique, riches en graisses, en sucres et/ou en sel dans un rayon de 200 mètres autour des écoles. Il fixe également des exigences sanitaires minimales pour les aliments et les boissons fournis aux élèves dans l’enceinte des établissements et exige de ces derniers qu’ils garantissent l’accès à de l’eau potable. En outre, dans le cadre du programme Lima Come Sano (Lima mange sainement), les restaurants locaux sont tenus d’adopter de nouvelles pratiques pour réduire la consommation de sel et de sucre. Pour promouvoir une alimentation saine, ils sont invités à afficher de manière visible la teneur en calories des plats proposés au menu et à ne fournir du sel et des condiments qu’à la demande des clients.

En outre, le Conseil du système alimentaire de la métropole de Lima (CONSIAL), créé en octobre 2020, vise à planifier, organiser, élaborer et mettre en œuvre des politiques alimentaires durables et résilientes qui garantissent le droit humain à l’alimentation et réduisent les taux de pauvreté et de malnutrition. Depuis sa création, le Conseil a mis en application plusieurs arrêtés destinés à promouvoir des environnements alimentaires urbains plus sains, l’agriculture urbaine, l’utilisation d’espaces publics pour les marchés de producteurs agroécologiques et la récupération des aliments invendus dans les marchés de gros. Il comprend de multiples acteurs tels que des représentants de plateformes d’agriculture urbaine et périurbaine, d’organisations de producteurs ruraux, de groupes de la société civile qui promeuvent une alimentation saine, de centres de recherche et d’universités, du secteur privé et d’organisations non gouvernementales actives au-delà des limites administratives de la métropole de Lima. De même, il élabore actuellement une stratégie axée sur les systèmes agroalimentaires le long du continuum rural-urbain, qui sera en accord avec les programmes nationaux et internationaux relatifs aux systèmes agroalimentaires, au changement climatique et à la durabilité.

La ville de Hancayo a également établi le Comité des systèmes alimentaires, qui, en lien avec le CONSIAL de Lima, crée une base qui aidera à renforcer la gouvernance des systèmes agroalimentaires le long du continuum rural-urbain.

Il existe actuellement très peu d’évaluations de l’influence collective qu’ont les conseils de politique alimentaire sur la modification des politiques ou sur l’évolution des modèles classiques de gouvernance alimentaire230. Certains de ces conseils résultent de processus ascendants, dirigés par des citoyens, ce qui les rend prudents quant à leur degré d’association avec les autorités locales ou de dépendance à l’égard de celles-ci, des liens formels avec ces dernières pouvant compromettre la vision et l’orientation initiales de la plateforme et limiter sa capacité à proposer des changements à apporter aux structures et aux politiques gouvernementales. D’autres se forment directement au sein des municipalités, voire à leur initiative, et entretiennent donc des liens étroits avec les autorités locales. La force de ces derniers est qu’ils peuvent être mieux placés pour faire des recommandations et recevoir du soutien. Le fait d’être situé au sein d’une administration peut également accroître les chances de recevoir des ressources et permettre d'assurer la continuité.

Les conseils de politique alimentaire existent depuis 30 ans – les premiers ont été créés en Amérique du Nord –, mais ils ont encore besoin de se développer et de renforcer leurs capacités pour atteindre leur plein potentiel. En Afrique, par exemple, le secteur informel est en plein essor et la vente de rue reste essentielle pour l’achat de nourriture. Les vendeurs informels d’aliments offrent aux ménages les plus pauvres de meilleures chances d’assurer leur sécurité alimentaire, car ils sont physiquement accessibles et peuvent apporter une aide sous la forme de crédit232. Or, ils sont à peine pris en compte dans les mécanismes de gouvernance, pas même dans les conseils de politique alimentaire qui, dans la plupart des cas, sont encore à l’état embryonnaire (encadré 15). En aidant ces acteurs informels de l’alimentation à s’organiser en groupes (par exemple, en coopératives), on peut les intégrer dans le processus de prise de décision233. Toutefois, si elles se structurent, il importe que les nouvelles formes de gouvernance démocratique ne deviennent pas un mécanisme bureaucratique de plus. Au contraire, il faut qu’elles restent un lieu où les problèmes sont abordés de manière globale dans le cadre de processus participatifs multipartites et où les mesures sont adoptées en tenant compte des intérêts des différentes parties prenantes, y compris les plus vulnérables232.

ENCADRÉ 15CRÉATION D’UN MÉCANISME INCLUSIF DE GOUVERNANCE DES SYSTÈMES AGROALIMENTAIRES RELIANT LES ZONES URBAINES ET LES ZONES RURALES DANS LE COMTÉ DE KISUMU, AU KENYA

Dans le comté de Kisumu, au Kenya, un groupe consultatif de liaison alimentaire a été créé en 2020. Placé sous la direction du comté, il comprend des représentants du monde universitaire, d’organisations de la société civile, du secteur privé et d’organisations d’agriculteurs opérant le long du continuum rural-urbain. Ce groupe offre un espace de dialogue entre les différents acteurs et recense les actions prioritaires à mener pour promouvoir la production et la transformation d’aliments locaux ainsi que l’emploi et la création de pépinières d’entreprises pour les femmes et les jeunes. Il achève actuellement l’élaboration d’une stratégie de systèmes agroalimentaires qui englobe les zones rurales et les zones urbaines du comté. Cette stratégie définit les interventions prioritaires à mener pour favoriser la création de liens entre les zones rurales et les zones urbaines, comme le fait d’améliorer l’infrastructure de marché pour faciliter la connexion spatiale et fonctionnelle entre Kisumu et les autres comtés et reconnecter les producteurs ruraux avec les consommateurs urbains. Il est envisagé également de faire figurer parmi ses priorités l’inclusion, notamment en ce qui concerne la reconnaissance, la formalisation et l’amélioration de l’activité des vendeuses de nourriture de rue.

Une fois un mécanisme de gouvernance des systèmes agroalimentaires mis en place, l’un des principaux défis communs aux institutions locales est d’assurer sa continuité. Il faut, pour cela, le suivre et l’évaluer, mais aussi l’adapter, au besoin, pour que les institutions locales apprennent en continu et pour que l’on puisse communiquer les progrès réalisés à un public plus large, ce qui pourra éventuellement amener de nouveaux acteurs à participer et à procurer des financements et des moyens techniques supplémentaires234.

L’expérience montre que des mécanismes de gouvernance tels que les conseils de politique alimentaire obtiennent de meilleurs résultats s’ils sont institutionnalisés au sein d’autorités infranationales. Par institutionnalisation, on entend une formalisation des structures, des règles et des pratiques qui permet aux initiatives agroalimentaires de perdurer. Elle implique la création d’une infrastructure politique et de gouvernance qui permettra à une municipalité et aux principales parties prenantes de concevoir de nouvelles initiatives et d’adapter les politiques et stratégies existantes aux circonstances235. Pour ce faire, il faut mobiliser des moyens humains et financiers. Pour assurer la pérennité de ces initiatives, il faut trouver un «foyer» institutionnel qui accueille les plateformes multipartites liées aux systèmes agroalimentaires, généralement sous la forme d’un «service» chargé de ces systèmes au sein d’une municipalité236.

Un budget spécifique est également essentiel pour assurer la continuité. Dans la plupart des cas, les plateformes multipartites n’ont qu’un pouvoir limité d’influencer les affectations budgétaires au profit d’initiatives axées sur les systèmes agroalimentaires. Les municipalités ont donc un rôle essentiel à jouer pour ce qui est d’intégrer l’initiative d’une plateforme informelle de gouvernance alimentaire dans leur cadre réglementaire et budgétaire au moyen d’arrêtés, de la planification annuelle de leur budget et de leurs programmes, ou d’autres types de décisions officielles. En raison de la diversité des structures organisationnelles et des priorités, il n’existe pas de modèle unique pour obtenir un financement. En fin de compte, rien ne garantit que la gouvernance de systèmes agroalimentaires se poursuivra à perpétuité. Toutefois, son institutionnalisation pourra rendre plus difficile son érosion ou son démantèlement par des gouvernements futurs237.

Politiques et planification intégrées concernant les systèmes agroalimentaires locaux

Pour concevoir et mettre en œuvre les politiques, investissements et législations requis pour répondre aux multiples défis et possibilités que présentent les systèmes agroalimentaires locaux, il faut sortir de la «tour d’ivoire» des services municipaux et décloisonner les services et les domaines d’action pour obtenir des changements systémiques. Jusqu’à présent, la plupart des politiques alimentaires urbaines ont ciblé des secteurs spécifiques tels que la production et la distribution d’aliments, la gestion des déchets, la santé publique ou l’environnement238. Dans le cadre de l’intégration de l’alimentation dans la planification et la politique urbaines, il émerge actuellement des stratégies alimentaires globales (reliant différents domaines sectoriels, services municipaux et disciplines pertinents) qui établissent le cadre général dans lequel des politiques et des actions ciblées peuvent être mises en œuvre239. En outre, les institutions locales peuvent aligner les objectifs des systèmes agroalimentaires sur leurs objectifs de développement plus larges grâce à différents instruments de planification (arrêtés, règlements, déclarations, résolutions et codes).

On doit souvent les politiques, la planification et les stratégies relatives aux systèmes agroalimentaires locaux à des «champions» dynamiques qui jouent un rôle de chef de file dans les municipalités de villes de toutes tailles, collaborent parfois avec d’autres niveaux d’autorité et des acteurs non étatiques tels que des organisations non gouvernementales, des organisations de la société civile et des institutions universitaires240, 241, 242. L’histoire des stratégies concernant les systèmes agroalimentaires locauxbb ces dernières décennies a démontré qu’il est possible de créer un environnement propice à l’intégration de systèmes agroalimentaires dans le programme d’action local243 et d’améliorer les liens entre les zones rurales et les zones urbaines. Plus précisément, l’élaboration de politiques, d’arrêtés et de règlements relatifs aux systèmes agroalimentaires locaux a permis de concevoir des initiatives et des projets ad hoc, aidant ainsi à transformer de manière globale les systèmes agroalimentaires au niveau national avec une participation claire des parties prenantes (encadré 16).

ENCADRÉ 16STRATÉGIES RELATIVES AUX SYSTÈMES AGROALIMENTAIRES LOCAUX RELIANT LES GRANDES ZONES MÉTROPOLITAINES D’ANTANANARIVO, DE NAIROBI ET DE QUITO À L’ARRIÈRE-PAYS RURAL

À Madagascar, la municipalité d’Antananarivo (région d’Analamanga) a créé, en collaboration avec le Ministère de l’agriculture et d’autres acteurs, un groupe consultatif de parties prenantes qui a permis d’élaborer et de valider la Stratégie de résilience des systèmes agroalimentaires 2023-2028 pour la ville d’Antananarivo et sa région. Cette stratégie promeut une collaboration multisectorielle, multiniveaux et multipartite, recommandant une mise en œuvre cohérente et intégrée de politiques et programmes tels que i) le Programme de gestion intégrée des ressources en eau mené par le Ministère de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène; ii) le Programme national d’investissement dans l’agriculture, l’élevage et la pêche mené par le Ministère de l’agriculture et de l’élevage; et iii) le Plan régional d’aménagement du territoire d’Analamanga 2023-2043. La mise en œuvre de ces politiques et programmes à Antananarivo et dans la région pourra autonomiser les communautés locales tout en renforçant la résilience face aux chocs, en améliorant la distribution d’aliments, en créant des possibilités d’emploi et en soutenant les petites et moyennes entreprises alimentaires.

Au Kenya, la Stratégie relative aux systèmes alimentaires de Nairobi a été adoptée par le comté de Nairobi et intégrée dans le plan de développement de ce dernier. Actuellement en cours de mise en œuvre, cette stratégie vise à garantir une alimentation abordable, accessible, nutritive et salubre pour tous, en utilisant une approche multisectorielle et en travaillant à tous les niveaux de gouvernement. Un comité des relations intergouvernementales sur les systèmes alimentaires de la ville de Nairobi a été créé, qui comprend des représentants du comté de Nairobi et de divers ministères (alimentation, agriculture, santé, environnement, terre, eau, protection sociale, etc.). A également été mis en place un mécanisme de gouvernance alimentaire multipartite (groupe consultatif de liaison sur l’alimentation) qui, composé d’acteurs non étatiques, conseille les décideurs de tous niveaux sur la mise en œuvre de la stratégie. Les actions menées en rapport avec les systèmes agroalimentaires le long du continuum seront assurées par un engagement fort de la plateforme de coordination intercomtés au niveau national.

En Équateur, la municipalité du district métropolitain de Quito a adopté en 2019 la Stratégie agroalimentaire de Quito, qui permet de progressivement intégrer les systèmes agroalimentaires dans les outils de planification de la ville que sont, notamment, la Stratégie de résilience de Quito, Vision 2040, le Plan d’action climatique et le Plan de développement métropolitain et de gestion des terres (qui fait de la sécurité alimentaire l’axe stratégique du développement socioéconomique de la ville). Cette stratégie a été élaborée en collaboration avec de nombreux acteurs de la plateforme de gouvernance des systèmes agroalimentaires, qui comprend des représentants des autorités locales, provinciales et nationales, des mouvements sociaux, des acteurs de la coopération internationale, des institutions des Nations Unies, des universitaires et des représentants du secteur privé (principalement d’entreprises agroalimentaires qui souhaitent travailler dans les zones urbaines et les zones rurales).

Recueillir des données est la première chose à faire pour appuyer l’élaboration de politiques et la planification de systèmes agroalimentaires locaux. Cela peut faire intervenir un large éventail d’instruments et d’outils: études d’évaluation, indicateurs, bases de données ouvertes, plateformes de partage d’informations, etc. De nombreux outils ont déjà été conçus pour aider les décideurs, en les informant sur les goulets d’étranglement des systèmes agroalimentaires – c’est-à-dire les points de ces systèmes qui produisent des contraintes d’ordre économique, social, sanitaire ou environnemental –, à hiérarchiser les interventions, mesurer les progrès et, tout aussi important, tirer des enseignements sur la façon d’intégrer efficacement lesdits systèmes dans la planification urbaine et territoriale. Pour les décideurs urbains, élaborer des profils complets relatifs aux systèmes agroalimentaires tout en conservant une vision systémique reste un défi.

L’outil d’évaluation rapide des systèmes alimentaires urbains est un exemple de moyen qui aide à élaborer des politiques fondées sur des données factuelles au niveau localbc. Il permet aux décideurs et autres acteurs des systèmes agroalimentaires d’élaborer des politiques et des stratégies qui améliorent la sécurité alimentaire et la nutrition des citadins et favorisent un développement durable des systèmes agroalimentaires (voir l’encadré 17).

ENCADRÉ 17L’OUTIL D’ÉVALUATION RAPIDE DES SYSTÈMES ALIMENTAIRES URBAINS, L’UN DES MOYENS D’ANALYSER LES SYSTÈMES AGROALIMENTAIRES LE LONG DU CONTINUUM RURAL-URBAIN

L’outil d’évaluation rapide des systèmes alimentaires urbains vise à aider les décideurs et les autres acteurs des systèmes agroalimentaires à élaborer et hiérarchiser, sur la base de données factuelles, des politiques et des stratégies destinées à éliminer les goulets d’étranglement qui limitent les résultats économiques, sociaux et environnementaux desdits systèmes. Il utilise, pour ce faire, quatre composantes interdépendantes: i) la cartographie des parties prenantes; ii) l’analyse de la chaîne de valeur; iii) la cartographie de l’environnement institutionnel et stratégique; et iv) une cartographie de l’environnement de la vente au détail de produits alimentaires issue d’une enquête réalisée auprès des consommateurs.

Ces éléments sont étayés par des systèmes d’information géospatiale qui rassemblent toutes les informations relatives aux systèmes agroalimentaires et aux modes de consommation alimentaire en milieu urbain sur une carte de base commune. Les cartes et les renseignements exploités par l’outil proviennent de l’utilisation d’images satellite, d’applications mobiles pour enquêtes de terrain, d’informations disponibles dans le domaine public et de données recueillies auprès des autorités locales. À partir de ces sources, l’outil recense les enjeux et les possibilités de planification et de transformation des systèmes agroalimentaires urbains. Il s’appuie sur les commentaires et les avis techniques d’un groupe consultatif de liaison alimentaire, groupe de travail composé de décideurs et d’experts créé dans le cadre d’une consultation menée au niveau de la ville et chargé de formuler des observations sur les résultats des évaluations et de guider la hiérarchisation des enjeux et des possibilités applicables à la ville.

Les évaluations fournissent des données et des informations utiles pour l’élaboration de stratégies, d’arrêtés et de règlements relatifs aux systèmes agroalimentaires locaux et ont été employées dans certaines des études de cas décrites dans le présent chapitre: l’expérience CONSIAL à Lima (encadré 14), l’initiative du comté de Kisumu (encadré 15) et la Stratégie relative aux systèmes alimentaires de Nairobi (encadré 16).

L’analyse des systèmes agroalimentaires est généralement complétée par des données recueillies grâce à la participation de plusieurs parties prenantes. Même si la disponibilité de données ventilées au niveau local est limitée, on peut, en collaborant avec les acteurs des systèmes agroalimentaires locaux, obtenir des informations plus précises qui permettent d’identifier les goulets d’étranglement et d’établir des priorités d’action. Il est toutefois à noter que les partenariats avec des acteurs dont les intérêts vont à l’encontre de l’amélioration de la santé des populations et des écosystèmes peuvent causer des préjudices et susciter la méfiance. Il faudra mettre en place de nouveaux modèles de financement public-privé pour éviter les conflits d’intérêts et garantir l’impartialité, la responsabilité et la transparence244. Il importe toujours de se prémunir contre ces conflits lorsque l’on élabore des politiques et prend des décisions, en particulier si de nombreuses parties prenantes sont concernées, d’autant que des outils sont disponibles pour aider les pays à les prévenir et à les gérer245, 246.

Les points prioritaires recensés au niveau local pour ce qui est de mettre en place des stratégies et une planification alimentaires globales sont généralement l’agriculture urbaine et périurbaine; la mise en place de chaînes d’approvisionnement courtes, de marchés alimentaires inclusifs et de points de vente d’aliments plus sains, y compris sur la voie publique; les achats publics d’aliments; la planification et la programmation sectorielles (programmes d’alimentation scolaire, par exemple); l’inspection des points de vente d’aliments; l’instauration de règles de planification et de zonage pour les points de vente ou la commercialisation d’aliments; et enfin la prévention, la réduction et la gestion des déchets alimentaires238, 240, 241. Les initiatives d’agriculture urbaine et périurbaine ont été l’un des points d’entrée utilisés pour introduire l’alimentation dans les programmes d’action locaux. Ce type d’agriculture est étroitement lié à la gouvernance alimentaire urbaine, car il va souvent au-delà de la production agroécologique et de la consommation durable pour intégrer d’autres aspects tels que la cohésion sociale, le développement économique et les questions environnementales. Un autre point d’entrée couramment utilisé est l’alimentation scolaire, dont le potentiel en matière d’amélioration de la nutrition, des habitudes alimentaires et des résultats scolaires des enfants incite de nombreuses municipalités, même les plus petites, à passer à l’action. Les programmes d’alimentation scolaire sont également appréciés pour leurs effets multiplicateurs. Ils peuvent être conçus pour appuyer l’agriculture locale, renforcer et diversifier les systèmes agroalimentaires locaux et contribuer au développement économique et social par des mécanismes de marchés publics axés sur les petits exploitants locaux et la production durable (encadré 18). Ces mêmes principes peuvent être étendus aux politiques alimentaires d’autres institutions ou services gérés localement247.

ENCADRÉ 18RENFORCEMENT DES ACCORDS INSTITUTIONNELS MULTINIVEAUX PAR L’INTERMÉDIAIRE DE MARCHÉS PUBLICS DE DENRÉES ALIMENTAIRES DANS LA PROVINCE DE MANABí, EN ÉQUATEUR

Dans le cadre des directives alimentaires équatoriennes, les autorités de la province de Manabí et les municipalités de Portoviejo, Chone et Santa Ana ont, en coordination avec le Ministère de l’éducation, mis en place un programme d’achat de denrées alimentaires pour distribuer des fruits aux enfants dans le cadre de leurs repas scolaires. Cette initiative vise à permettre aux élèves de Manabí d’avoir accès à une alimentation saine tout en accroissant les possibilités de revenus pour les agriculteurs. Les premières livraisons aux écoles de Portoviejo, la capitale provinciale, ont commencé en octobre 2021 avec des fruits frais locaux provenant d’agriculteurs familiaux situés dans les municipalités rurales de Chone et Santa Ana. Les autorités provinciales ont financé l’achat et passé les marchés par l’intermédiaire du portail public EP Manabí Produce. Grâce à cette initiative, près de 43 000 enfants de 95 écoles de Portoviejo ont reçu quotidiennement une boîte contenant neuf fruits frais (mandarines et oranges). Cette initiative a été déterminante puisqu’elle a facilité la gouvernance multiniveaux des systèmes agroalimentaires et la coordination interinstitutionnelle entre les échelons national, provincial et municipal.

Les initiatives relatives aux déchets alimentaires et à l’économie circulaire sont un autre point d’entrée couramment utilisé pour mettre en place une planification alimentaire et les processus correspondants. Les déchets alimentaires peuvent être transformés en compost ou utilisés pour produire du biogaz, ce qui permet d’éviter des émissions de méthane nocives tout en créant des possibilités d’emploi; les abats et les déchets de poisson peuvent également être utilisés pour produire de l’ensilage qui sert de farine dans l’alimentation animale. Toutefois, il faut pour cela que les déchets organiques municipaux soient correctement gérés, non seulement au niveau des ménages, mais aussi dans les points de vente au détail de produits alimentaires. Les institutions locales jouent un rôle essentiel dans la création d’un environnement propice à la réduction des déchets alimentaires et à l’adoption de pratiques de gestion de ces déchets. Au Bangladesh, par exemple, les déchets alimentaires de la ville de Khulna sont utilisés pour répondre à la forte demande d’engrais organiques observée dans le secteur de l’agroforesterie, mais il a fallu l’appui d’institutions locales pour produire du compost en quantité suffisante. En ce qui concerne la gestion des déchets alimentaires, la priorité est également donnée à la prévention, à la récupération et à la redistribution pour la consommation humaine, processus qui nécessite une forte mobilisation des autorités locales248. En outre, à Kigali, au Rwanda, un groupe de travail thématique multipartite sur la gestion des déchets alimentaires a été créé dans le cadre du Groupe consultatif des acteurs des systèmes agroalimentaires, qui traite des questions liées à la prévention, à la récupération, à la redistribution et à l’économie circulaire. La municipalité de Kigali a pris la direction de la plateforme pour renforcer les liens spatiaux et fonctionnels entre les systèmes agroalimentaires le long du continuum rural-urbain dans le pays.

Le degré de décentralisation dans différents contextes et le niveau des capacités techniques peuvent limiter l’efficacité de ces politiques et stratégies locales. Ainsi, malgré les importants efforts de décentralisation déployés ces dernières décennies, les collectivités locales africaines ne disposent encore que de faibles capacités administratives et fiscales; en conséquence, il arrive que les stratégies ne soient pas mises en œuvre par manque de financement. Il est donc indispensable de lier les politiques et stratégies alimentaires à la prise de décision en matière fiscale249.

En raison de la nature multisectorielle et multiniveaux des systèmes agroalimentaires, la mise en œuvre des activités essentielles d’une stratégie alimentaire ou d’un plan d’action peut être financée par diverses sources: municipales, provinciales, nationales et même non étatiques (organisations non gouvernementales et partenaires internationaux, par exemple). Pour un financement public et privé efficace, il faut mobiliser les ressources internes et externes pour à la fois appuyer l’action des autorités à tous les niveaux et créer des facteurs d’incitation propres à attirer les capitaux privés vers des opportunités d’investissement financièrement viables236, 238, 240.

La cohérence des politiques nationales et infranationales reste un enjeu majeur dans la mise en place d’un environnement favorable approprié. Les autorités nationales et régionales sont généralement dotées du mandat et des ressources nécessaires pour investir dans le développement d’infrastructures pour que les zones rurales et les zones urbaines soient bien connectées, et disposent d’instruments politiques qui traitent du rôle du secteur privé dans la transformation des systèmes agroalimentaires250. Comme mentionné précédemment dans le présent chapitre 5, en investissant dans les services généraux d’appui aux villes de grande, moyenne ou petite taille, on pourrait accroître les investissements privés et tirer profit des liens spatiaux et fonctionnels plus étroits que l’urbanisation crée le long du continuum rural-urbain. Il faudra donc, pour que ces politiques et investissements voient le jour, assurer, dans le cadre des politiques agroalimentaires nationales et régionales, une gouvernance multiniveaux solide pour promouvoir la transformation structurelle requise des systèmes correspondants. Pour aborder une question précise de manière systémique et faciliter la transformation des systèmes agroalimentaires, il faut agir de façon coordonnée entre les dimensions horizontale et verticale de la gouvernance. La gouvernance horizontale renvoie à la coordination ou à l’intégration entre des institutions sectorielles (par exemple, commerce, agriculture, santé et planification) ou avec des acteurs non gouvernementaux tels que des instituts de recherche, des organisations de la société civile, des représentants du secteur privé et des institutions financières. Comme les systèmes agroalimentaires relèvent généralement de plusieurs organismes, les pays créent, pour gérer la décentralisation et mettre en œuvre des initiatives agroterritoriales, des comités interministériels ou des mécanismes similaires chargés d’améliorer la coordination nationale entre ces organismes. En revanche, la gouvernance verticale ou multiniveaux concerne la manière dont le pouvoir, la capacité à élaborer des politiques et les responsabilités sont répartis entre les autorités supranationales, nationales, régionales et locales243, 251. La gouvernance multiniveaux consiste à mener et à coordonner des actions entre les deux axes et à créer une cohésion le long du continuum rural-urbain, de sorte que les autorités, à tous les niveaux, aient les moyens de s’approprier le projet252, 253 (voir l’encadré 19).

ENCADRÉ 19PROCESSUS PARTICIPATIF MULTIPARTITE D’ÉTABLISSEMENT D’ACCORDS INSTITUTIONNELS MULTINIVEAUX POUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET LA NUTRITION EN VIGUEUR DANS LA PROVINCE DU CAP-OCCIDENTAL, EN AFRIQUE DU SUD

En 2016, les autorités de la province du Cap-Occidental, en Afrique du Sud, ont publié une stratégie de sécurité alimentaire et de nutrition, «Nourish to Flourish», qui donne un aperçu de la gouvernance intégrée, transversale et multiniveaux des systèmes agroalimentaires. Cette stratégie est codirigée par les services du Premier ministre de la province et le Ministère provincial de l’agriculture. S’appuyant sur le mandat de ces deux institutions, elle couvre le continuum rural-urbain, y compris les zones rurales, les villes de toutes tailles, ainsi que les systèmes agroalimentaires intégrés au système provincial. Son élaboration et sa mise en œuvre se sont appuyées sur un processus vaste et innovant de consultation et de conservation qui a rassemblé de nombreux acteurs, y compris des voix souvent ignorées, pour améliorer les systèmes agroalimentaires. La stratégie fait participer de multiples entités gouvernementales, dont beaucoup ne sont pas censées s’occuper des questions alimentaires et nutritionnelles (services chargés de l’aménagement du territoire, de l’éducation, du développement économique et de l’environnement, par exemple), tout en appuyant les programmes existants dans le domaine de la sécurité alimentaire. Évitant les processus habituels de formulation de politiques, elle adopte une approche de gouvernance ouverte dans laquelle les responsables publics innovent et s’adaptent en permanence en fonction des enseignements tirés de l’expérience et des retours d’information. Actuellement, alors que s’élabore le plan national de sécurité alimentaire et nutritionnelle de l’Afrique du Sud pour l’après-2023, la présidence étudie comment le gouvernement central pourrait appuyer cette stratégie des autorités de la province du Cap-Occidental, mais aussi comment de telles stratégies pourraient être appliquées dans d’autres régions et quels types de mécanismes pourraient être créés pour combler le fossé entre gouvernance nationale et gouvernance locale.

Les cadres politiques propices à une gouvernance multiniveaux ne sont pas encore très répandus, même s’il en existe dans quelques pays. Une perspective régionale de la gouvernance des systèmes agroalimentaires peut devenir l’occasion d’engager la mise en place de mécanismes de gouvernance multiniveaux pour ces systèmes, comme dans la région de Catalogne, en Espagne (encadré 20). En outre, certains pays ont lancé des processus qui portent sur des points d’entrée spécifiques. Le Danemark, par exemple, a utilisé comme point d’entrée les marchés publics (encadré 21). La création de réseaux nationaux associant différents niveaux de gouvernement semble être un point de départ important pour mettre en place de tels mécanismes de gouvernance multiniveaux.

ENCADRÉ 20PLAN STRATÉGIQUE RÉGIONAL D’ALIMENTATION DE LA CATALOGNE 2021-2026 ET CONSEIL RÉGIONAL CATALAN DE L’ALIMENTATION (Espagne)

Le Plan stratégique régional d’alimentation de la Catalogne 2021-2026 (Plan estratégico de la alimentación de Cataluña 2021-2026) a été promu par le Département régional de l’action climatique, de l’alimentation et de la ruralité de la Catalogne (Espagne). Il s'agit d'un outil régional interdépartemental et intersectoriel qui définit la vision, les objectifs et les initiatives prioritaires et établit les bases de l'accord national pour la transition énergétique en Catalogne qui servira à orienter les futures politiques publiques régionales relatives aux systèmes agroalimentaires. Il est le produit d’un processus participatif de plus d’un an réunissant les acteurs des systèmes agroalimentaires régionaux, y compris les producteurs primaires, l’industrie alimentaire, les distributeurs, les restaurants et la restauration collective, les institutions de recherche et les universités, ainsi que les entités locales régionales et nationales actives dans le secteur de l’alimentation.

Le Conseil catalan de l’alimentation (Consejo Catalán de la Alimentación), rattaché au Département régional de l'action climatique, de l'alimentation et de la ruralité de la Catalogne (Espagne), est la force motrice du Plan et sert d’enceinte d’analyse, de débat et de proposition sur les questions relatives aux politiques agroalimentaires régionales catalanes. Il fait également office d’observatoire des systèmes agroalimentaires pour les recommandations politiques, et comprend une large représentation d’associations et d’entités liées aux systèmes agroalimentaires de Catalogne (Espagne).

ENCADRÉ 21RÉSEAU MULTINIVEAUX D’ACHATS PUBLICS D’ALIMENTS AU DANEMARK: LES AUTORITÉS NATIONALES, RÉGIONALES ET LOCALES COLLABORENT POUR ENGAGER LA MISE EN PLACE D’UNE GOUVERNANCE MULTINIVEAUX DES SYSTÈMES AGROALIMENTAIRES

Les marchés publics alimentaires sont un important moyen de renforcer les liens entre les systèmes agroalimentaires le long du continuum rural-urbain, suscitant d’importants changements dans la production primaire, les habitudes alimentaires et l’éducation alimentaire. En 2018, lors de l’élaboration de lignes directrices sur les marchés publics écologiques pour les appels d’offres alimentaires au Danemark, le Ministère danois de l’environnement a officiellement créé, en collaboration avec le responsable des achats de la ville de Copenhague, le Réseau national d’achats alimentaires (Nationale Udbudsjuridiske Fødevarenetværk), réseau multiniveaux d’achats alimentaires pour le secteur public, le but étant de relier les différents niveaux de gouvernement et de renforcer l’efficacité des achats publics de denrées alimentaires. Cette collaboration formelle associe le Ministère, les maires et 44 fonctionnaires nationaux, régionaux et locaux, et constitue une importante étape vers la mise en place d’une gouvernance multiniveaux des systèmes agroalimentaires. Le Réseau a été créé en raison de la nécessité d’assurer une collaboration plus étroite et systémique entre l’État et la ville en ce qui concerne la mise en œuvre des règles et de la réglementation nationales. Sans cette collaboration, les décisions prises au niveau de l’État peuvent se révéler inapplicables au niveau local. S’appuyant sur le réseau danois de marchés publics, un autre réseau de marchés publics alimentaires a été mis en place aux niveaux européen et mondial pour partager les expériences et commencer à renforcer cette gouvernance à tous les niveaux.

Le Kenya a entamé la promotion d’une gouvernance multiniveaux des systèmes agroalimentaires en utilisant comme point d’entrée l’agriculture urbaine et périurbaine. Depuis 2011, la loi kényane sur les zones urbaines et les villes oblige les comtés à réglementer l’agriculture urbaine et périurbaine. Cependant, bien qu’un petit nombre de comtés aient élaboré (ou soient en train d’élaborer) des stratégies alimentaires globales, le passage du niveau sectoriel à l’échelon systémique pour l’établissement d’une gouvernance multiniveaux n’en est encore qu’à ses débuts: pour l’instant, seules des discussions préliminaires entre les autorités nationales et les autorités locales ont eu lieu.

En Indonésie, après le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, le gouvernement s’est engagé à promouvoir l’approche axée sur les systèmes agroalimentaires à tous les niveaux. Actuellement, les autorités nationales, provinciales et locales sont tenues d’élaborer tous les cinq ans un plan d’action relatif à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Au Viet Nam, en revanche, ce sont les villes qui sont chargées d’élaborer le plan d’action national pour les systèmes agroalimentaires. Les cadres susmentionnés stimulent sans aucun doute l’élaboration de politiques tout au long du continuum rural-urbain. Toutefois, il existe un risque que les localités se sentent obligées de traiter les priorités nationales plutôt que de répondre aux besoins locaux254. Néanmoins, la mise en place, entre les différents niveaux de gouvernement, de mécanismes institutionnels efficaces dans lesquels la voix des autorités infranationales alimente les programmes nationaux peut jeter des ponts entre les zones géographiques et renforcer la responsabilisation.

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