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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO. Un homme emportant des sacs de choux au marché à vélo.
©FAO/Olivier Asselin

L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023

Chapitre 4 INTERACTIONS ENTRE L’OFFRE ET LA DEMANDE D’ALIMENTS, ET COÛT ET ACCESSIBILITÉ ÉCONOMIQUE D’UNE ALIMENTATION SAINE LE LONG DU CONTINUUM RURAL-URBAIN

Comme nous l’avons mis en évidence au chapitre 3, comprendre véritablement la manière dont l’urbanisation modifie les systèmes agroalimentaires, qui influent sur la disponibilité et l’accessibilité économique des aliments sains, n’est possible que sous l’angle du continuum rural-urbain. Nous avons vu au chapitre 3, comme l’illustre la figure 20, que les environnements alimentaires sont le reflet d’interactions complexes entre divers facteurs, d’une part du côté de l’offre (notamment le prix des denrées alimentaires, ainsi que la commercialisation et la promotion des produits) et d’autre part du côté de la demande (notamment les préférences des consommateurs et leur pouvoir d’achat).

Ces interactions complexes entre offre et demande au sein des systèmes agroalimentaires représentent un élément clé pour comprendre comment l’urbanisation influe sur l’accès à une alimentation saine, à un coût abordable, le long du continuum rural-urbain. Une cartographie géoréférencée plus nuancée de la connectivité spatiale et fonctionnelle le long de ce continuum, établie sur la base du nouvel ensemble de données géospatiales mondiales de la FAO sur les zones URCA (voir le chapitre 3 et l’encadré 2), devient ainsi indispensable à une compréhension approfondie.

Le présent chapitre apporte de nouveaux éléments pour éclairer la manière dont l’urbanisation modifie l’offre et la demande alimentaires le long du continuum rural-urbain, en s’appuyant sur une analyse des données URCA associées aux données géoréférencées issues d’enquêtes menées auprès des ménages (section 4.1). Est ensuite proposée en complément une autre analyse des pays sélectionnés, portant sur les différences observables le long du continuum rural-urbain, selon la définition de la classification URCA, en ce qui concerne le coût et l’accessibilité économique des aliments sains, l’insécurité alimentaire et diverses formes de malnutrition (section 4.2).

4.1 Comprendre l’offre et la demande d’aliments le long du continuum rural-urbain

MESSAGES CLÉS
  • De nouvelles données concernant 11 pays d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe montrent que, si les aliments achetés représentent une part importante de la consommation des ménages urbains (78 à 97 pour cent), comme l’on pourrait s’y attendre, cet indicateur est étonnamment élevé sur l’ensemble du continuum rural-urbain. C’est également le cas pour les ménages ruraux qui vivent à 1 ou 2 heures (56 pour cent) et à plus de 2 heures (52 pour cent) d’un centre urbain.
  • L’autoproduction n’est pas la principale source de nourriture dans les zones rurales des 11 pays africains considérés. En effet, elle ne représente en moyenne que 37 et 33 pour cent de la consommation alimentaire totale des ménages dans les pays à budget alimentaire élevé et ceux à budget alimentaire faible, respectivement, ce qui réfute l’idée selon laquelle les populations rurales africaines dépendent principalement de l’agriculture de subsistance.
  • Compte tenu du fait que les ménages ruraux des 11 pays ne produisent pas la majeure partie (en valeur) des produits alimentaires qu’ils consomment, la question de l’accessibilité économique d’une alimentation saine se pose avec la même acuité tout le long du continuum rural-urbain.
  • Déjà bien avancée dans les pays d’Asie et d’Amérique latine, la diffusion des aliments transformés, voire hautement transformés, progresse vite en Afrique également. Dans les 11 pays, les ménages ruraux consomment des aliments transformés, y compris des aliments hautement transformés, sur l’ensemble du continuum rural-urbain, même dans les zones rurales reculées.
  • Les aliments hautement transformés représentent une faible part des achats totaux et sont plus largement consommés dans les zones urbaines; cependant, les résultats montrent qu’ils gagnent du terrain dans les zones rurales, même dans celles situées à 1 heure ou plus d’une ville, quelle qu’en soit la taille.
  • Dans ces pays, lorsqu’on se déplace des zones urbaines vers les zones rurales le long du continuum, on constate une augmentation de la part (en valeur) des aliments de base et des légumineuses, graines et fruits à coque dans la consommation alimentaire des ménages, et une diminution de la part des aliments d’origine animale et des aliments consommés hors domicile. En revanche, la part des legumes, des fruits et des graisses et huiles est uniforme tout au long du continuum rural-urbain.
  • Tandis que la part en valeur de la consommation d’aliments d’origine animale est fortement déterminée par le revenu le long du continuum rural-urbain, la part de la consommation de fruits et de légumes dépend davantage de l’accessibilité et de la disponibilité de ces produits.

Comme nous l’avons vu au chapitre 3, l’urbanisation, conjuguée à la hausse des revenus, à l’augmentation du coût d’opportunité du temps consacré au travail, à l’évolution des modes de vie et aux changements démographiques, transforme la demande alimentaire. Tous ces éléments, auxquels s’ajoutent de nombreuses considérations liées à l’offre, notamment la fixation des prix, la commercialisation et la promotion des produits alimentaires, modifient à leur tour les systèmes agroalimentaires, engendrant ainsi une amplification des effets sur les aliments produits, distribués et consommés.

Le développement rapide de l’urbanisation se traduit surtout par une augmentation et une évolution de la demande alimentaire, ainsi que par des changements dans les modes d’approvisionnement alimentaire1, 2, en particulier en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, les deux sous-régions qui affichent les taux d’urbanisation les plus élevés. D’après les projections, d’ici à 2050, les dépenses alimentaires globales seront multipliées par 2,5 en Afrique subsaharienne et par 1,7 en Asie du Sud1, 3, 4.

Afin d’éclairer les responsables de l’élaboration des politiques, il est essentiel de parvenir, sur la base de données empiriques, à une compréhension des changements à l’œuvre en matière d’offre et de demande alimentaires. De telles connaissances sont en effet nécessaires si l’on veut concevoir des politiques adaptées dans les domaines alimentaire, agricole et nutritionnel, ainsi que dans les secteurs connexes de la santé, de l’aménagement du territoire (aux niveaux municipal et régional) et de l’éducation. Ce n’est qu’au moyen de toutes ces politiques que les systèmes agroalimentaires peuvent être mis à profit afin de fournir à tous une alimentation saine et abordable tout le long du continuum rural-urbain.

Si la littérature abonde au sujet des effets de l’urbanisation sur la demande alimentaire5, il y a pénurie de données empiriques solides portant sur l’ensemble du continuum rural-urbain. À ce jour, la majorité des travaux de recherche existants s’appuient sur une comparaison descriptive de la demande alimentaire entre les zones rurales et les zones urbaines. Ces travaux ont leur importance, mais une simple comparaison ne reflète pas la réalité de l’évolution des modes d’habitat ni des changements démographiques le long du continuum rural-urbain.

De nouveaux travaux suggèrent que les différences entre les centres urbains et les zones rurales en matière de demande alimentaire ne sont peut-être pas aussi marquées qu’on le pensait (voir chapitre 3). Ces travaux ne permettent toutefois pas de prendre toute la mesure de ces différences sur l’ensemble du continuum rural-urbain, et n’éclairent pas sur certains facteurs liés à l’emplacement géographique (c’est-à-dire au lieu où vivent les ménages par rapport à divers points du continuum rural-urbain), ni sur d’autres facteurs liés aux ménages (facteurs socioéconomiques par exemple) ou à l’environnement alimentaire, qui seraient susceptibles d’expliquer ces différences.

Pour y remédier, la présente section offre une analyse de la demande alimentaire – définie comme la consommation alimentaire des ménages (au prix du marché) – le long du continuum rural-urbain dans les pays sélectionnés, en utilisant le nouvel ensemble de données géospatiales sur les zones URCA. Par rapport à la classification DEGURBA utilisée dans le chapitre 2, qui est une méthode officielle de délimitation entre zones urbaines et zones rurales employée à des fins de comparaisons statistiques internationales et régionales, la classification URCA permet d’examiner plus en détail les interactions entre l’offre et la demande d’aliments sur l’ensemble du continuum rural-urbain.

Selon la méthode URCA, les centres urbains sont définis par un gradient lié à la taille et à la densité de la population, l’ampleur d’une ville étant un moyen d’évaluer l’éventail de services et de possibilités offerts par le centre urbain en question. Les ensembles de données établis selon cette méthode définissent par ailleurs les sites ruraux de manière originale, à savoir en fonction du temps de trajet jusqu’à un centre urbain, variable indicatrice du coût d’accès aux biens, services et possibilités d’emploi (voir le chapitre 3 et l’encadré 2). On distingue au total 30 catégories URCA; pour les besoins de l’analyse du présent chapitre, elles ont été regroupées en 10 catégories (tableau 9). Pour les données plus complexes, afin de faciliter la présentation et les débats, une partie de l’analyse synthétise encore cette nomenclature en distinguant les trois catégories agrégées que sont les centres urbains, les zones périurbaines et les zones rurales (voir le tableau 9).

TABLEAU 9CATÉGORIES URCA UTILISÉES AU CHAPITRE 4

SOURCE: Dolislager, M.J, Holleman, C., Liverpool-Tasie, L.S.O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
SOURCE: Dolislager, M.J, Holleman, C., Liverpool-Tasie, L.S.O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

L’ensemble de données géospatiales mondiales établi selon la classification URCA s’appuie sur les données transversales et longitudinales relatives aux ménages provenant de l’Étude sur la mesure des niveaux de vie de la Banque mondiale, ce qui permet de travailler avec différentes catégories de zones d’influence le long du continuum rural-urbain – tel que défini à l’encadré 3 du chapitre 3.

La disponibilité de données géoréférencées provenant d’enquêtes menées auprès des ménages a été un facteur déterminant dans le choix des pays retenus pour l’analyse, car les ensembles de données transversales et longitudinales issus des études de mesure des niveaux de vie sont rarement en accès librer. Tous ceux qui le sont concernent l’Afrique, aussi, l’analyse présentée dans cette section se limite-t-elle à des études de cas de pays africains. Cette analyse de la demande alimentaire le long du continuum rural-urbain, tel que défini dans la classification URCA, est toutefois la première du genre, et montre tout l’intérêt de la perspective du continuum rural-urbain, qui pourra servir dans l’analyse d’autres régions. Dans la mesure où c’est en Afrique que l’on trouve la plus grande part de la population (77,5 pour cent en 2021) dont les moyens financiers sont insuffisants pour accéder à une alimentation saine (voir le chapitre 2), ainsi que la situation la moins avancée en matière de sécurité alimentaire et de nutrition, il est intéressant en soi de mettre l’accent sur les pays de ce continent, d’autant plus que celui-ci affiche l’un des taux d’urbanisation les plus élevés au monde. L’analyse présentée ci-dessous permet aussi de faire ressortir la nécessité d’une étude plus approfondie, qui couvrirait d’autres régions, sous réserve de disposer de davantage de données d’enquêtes géoréférencées.

Le comportement des ménages en matière de consommation alimentaire a été évalué à l’aide de données géoréférencées issues d’enquêtes de mesure du niveau de vie représentatives à l’échelle nationale, portant sur les périodes 2018-2019 (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal et Togo) et 2019-2020 (Malawi)s. L’enquête de mesure du niveau de vie rend compte de la consommation alimentaire des ménages sur la base d’une période de rappel de sept jours. Pour les besoins de l’analyse, les aliments visés ont été répartis en différentes catégories en fonction de la source et du degré de transformation des aliments, ainsi que du groupe d’aliments. Les sources d’aliments se divisent en quatre catégories, les trois premières étant entendues pour une consommation à domicile (aliments autoproduits, aliments achetés, et aliments reçus en cadeau ou comme paiement en nature pour un travail effectué). La valeur de la consommation alimentaire des aliments autoproduits ainsi que des aliments reçus en cadeau ou comme paiement en nature a été calculée au prix que les ménages auraient payé s’ils avaient dû acheter ces aliments en même quantité sur le marché27. La quatrième catégorie regroupe tous les aliments consommés hors domicile (par exemple auprès d’un vendeur de rue ou dans un restaurant).

La classification des aliments par degré de transformation a été adaptée du système de classification des aliments NOVA6, 7, l’accent étant mis uniquement sur les aliments faiblement transformés («transformés» selon la classification NOVA) et hautement transformés. Voir l’annexe 5 pour une description complète des ensembles de données et des définitions utilisés (notamment pour une description des groupes d’aliments) et de plus amples détails sur la transformation des aliments.

Dans l’analyse de la demande alimentaire qui suit, les 11 pays ont été classés en deux groupes en fonction de leur budget alimentaire, c’est-à-dire de la valeur (aux prix du marché) de la consommation alimentaire totale par habitant et par jour. Ces deux catégories sont les pays à budget alimentaire élevé (2,3 USD en PPA par habitant et par jour en moyenne) et les pays à budget alimentaire faible (1,6 USD en PPA par habitant et par jour en moyenne) (tableau 10). Les pays ont d’abord été classés dans l’ordre en fonction de leur budget alimentaire moyen, puis ont été désignés comme appartenant à l’une ou l’autre des deux catégories – non pas sur la base d’une valeur de référence, mais d’une distinction entre les divers pays africains opérée en fonction de leurs niveaux de développement, eux-mêmes déterminés à partir de la consommation alimentaire moyenne totale des ménages, laquelle est plus ou moins liée aux dépenses moyennes totales de ceux-ci, ces deux variables étant indicatrices du revenu des ménages (tableau 10). Le point de bascule s’est établi à un budget alimentaire d’environ 2 USD en PPA par habitant et par jourt, u.

Tableau 10ANALYSE DES BUDGETS ALIMENTAIRES, DES NIVEAUX DE REVENU ET DE LA PART DE LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE DANS LES DÉPENSES TOTALES DES MÉNAGES, DANS LES PAYS À BUDGET ALIMENTAIRE ÉLEVÉ ET LES PAYS À BUDGET ALIMENTAIRE FAIBLE

SOURCE: Dolislager, M.J, Holleman, C., Liverpool-Tasie, L.S.O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
NOTES: Toutes les enquêtes portent sur 2018-2019, sauf l’enquête au Malawi, qui porte sur 2019-2020. PPA = parité de pouvoir d’achat.
SOURCE: Dolislager, M.J, Holleman, C., Liverpool-Tasie, L.S.O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

L’analyse se fonde par ailleurs sur l’hypothèse que des budgets alimentaires différents se traduisent par des modes de consommation différents. Cette hypothèse repose sur une loi économique bien établie, appelée «inégalité de Bennett»v, 8, qui énonce que les régimes alimentaires se diversifient à mesure que les niveaux de consommation alimentaire, de revenu et d’emploi augmentent. Ainsi, si l’on observe les variations de la consommation alimentaire, on constate que des budgets alimentaires plus élevés laissent suffisamment de «marge de manœuvre» pour acheter des denrées en plus des aliments de base, ce qui porte à la hausse les dépenses en produits non essentiels (selon l’inégalité de Bennett) et en aliments transformés industriels (plutôt que faits maison), qui réduisent le coût d’opportunité du temps des femmes et des hommes exerçant un emploi (voir le chapitre 3). Généralement, des budgets alimentaires plus élevés vont de pair avec ces deux évolutions de la consommation, et les deux groupes de pays classés par budget alimentaire permettent de vérifier cette corrélation. Ces informations sont particulièrement pertinentes lorsque l’on cherche à comprendre de quelle manière l’urbanisation modifie les systèmes agroalimentaires et comment elle risque d’influer sur la demande alimentaire et l’accès à une alimentation saine, comme nous le verrons plus loin.

Les deux groupes de pays (par budget alimentaire) ajoutent une dimension supplémentaire à l’analyse, en lien avec une question qui fait actuellement débat, à savoir ce qui se passe dans les pays dont la consommation alimentaire par habitant est élevée ou au contraire faible: les pays à faible consommation alimentaire s’inscrivent-ils simplement dans une certaine tradition, ou sont-ils eux aussi en train d’évoluer? On s’attend à trouver, dans les zones urbaines et partout où les niveaux de consommation alimentaire par habitant sont plus élevés, une alimentation plus diversifiée et davantage d’aliments transformés, mais comme nous le verrons ci-dessous, si l’on examine la demande alimentaire tout le long du continuum rural-urbain et si l’on compare les pays à budget alimentaire élevé aux pays à budget alimentaire faible, on s’aperçoit que ce n’est pas toujours le cas. Or, si la demande alimentaire répond aux mêmes schémas, que l’on soit indifféremment en zone urbaine, périurbaine ou rurale, ou dans un pays à budget alimentaire élevé ou à budget alimentaire faible, il s’agit déjà d’une découverte importante en soi. En effet, les observations et les messages ont plus de poids si l’on constate qu’ils se vérifient tout à la fois le long du continuum rural-urbain et en contexte de budget alimentaire aussi bien élevé que faible.

Pour chacun des 11 pays africains analysés, la figure 22 montre la répartition de la population dans les 10 catégories (URCA) du continuum rural-urbain (voir le tableau 9 pour le regroupement spécifique des catégories). Si certains pays font exception dans chaque groupe, en règle générale, la part de la population vivant dans des métropoles et des grandes villes et dans leurs zones périurbaines est plus importante dans les pays à budget alimentaire élevé (41,5 pour cent) que dans les pays à budget alimentaire faible (34,2 pour cent).

Figure 22 RÉPARTITION DE LA POPULATION ENTRE LES 10 CATÉGORIES URCA LE LONG DU CONTINUUM RURAL-URBAIN DANS LES PAYS RETENUS POUR L’ANALYSE, 2020

SOURCE: Estimation de la FAO, sur la base de l’ensemble de données GHS-POP 2020 et de l’ensemble de données URCA de la FAO.
NOTE: Les pays sont classés, au sein de chaque groupe de budget alimentaire, en fonction du pourcentage de la population rurale. Le tableau 10 contient une définition et une liste des pays à budget alimentaire élevé et des pays à budget alimentaire faible.
SOURCE: Estimation de la FAO, sur la base de l’ensemble de données GHS-POP 2020 et de l’ensemble de données URCA de la FAO.

En outre, les pays à budget alimentaire élevé se caractérisent le plus souvent par des schémas d’urbanisation dense autour d’une métropole, tandis que les schémas d’urbanisation des pays à budget alimentaire faible s’organisent de manière plus éparse autour de villes petites ou moyennes. La figure 23 est constituée de deux cartes qui illustrent ces deux schémas d’urbanisation contrastés: une urbanisation dense autour d’une métropole (exemple du Nigéria) et une urbanisation éparse constituée de villes petites et moyennes (exemple du Burkina Faso). Ces cartes offrent un moyen de «déployer» visuellement les 10 catégories URCA (voir l’annexe 6 pour une analyse des cartes d’autres pays).

Figure 23 DEUX SCHÉMAS D’URBANISATION CONTRASTÉS: URBANISATION DENSE AUTOUR D’UNE METROPOLE (NIGÉRIA) ET URBANISATION ÉPARSE CONSTITUÉE DE PETITES ET MOYENNES VILLES (BURKINA FASO)

SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

Comme nous l’avons souligné au chapitre 3, les schémas de répartition spatiale et le degré de connectivité entre les différentes zones de la classification URCA déterminent l’incidence de l’urbanisation sur les systèmes agroalimentaires. L’analyse présentée ci-dessous tente de montrer, par des preuves empiriques, que l’emplacement le long du continuum rural-urbain n’est pas sans effet; autrement dit, elle se propose de vérifier si l’endroit où l’on se trouve dans les différentes zones URCA du continuum rural-urbain a une incidence déterminante sur la demande alimentaire. L’une des limites principales de cette analyse est cependant qu’elle ne fait pas entièrement la distinction entre l’influence exercée par cet emplacement et celle exercée par d’autres facteurs, tels que l’environnement alimentaire, et en particulier la commercialisation et la promotion des produits par l’industrie.

Dans les sections qui suivent, nous allons étudier trois aspects de la consommation alimentaire, en nous interrogeant sur les différents modes de consommation et leurs moteurs le long du continuum rural-urbain, dans les pays à budget alimentaire élevé et les pays à budget alimentaire faible. Dans un premier temps, les modes de consommation alimentaire sont analysés en fonction du mode d’approvisionnement des ménages (aliments achetés, autoproduits, offerts en cadeau ou comme paiement en nature, ou aliments achetés sous forme de repas préparés qui sont consommés hors domicile). L’ampleur de la consommation d’aliments achetés révèle l’importance et la portée des chaînes d’approvisionnement alimentaire, à mesure que l’on avance le long du continuum rural-urbain, hors des zones urbaines et vers des zones rurales plus reculées. On pense généralement que les ménages qui vivent dans des centres urbains ou en proche banlieue achètent la plupart de leurs aliments, tandis que les ménages des zones rurales produisent en grande partie leur propre nourriture. L’idée persiste en particulier dans le contexte de l’Afrique subsaharienne, où les ménages des zones rurales seraient des agriculteurs de subsistance qui produisent leurs propres aliments, à l’exception des pauvres dépourvus de terres qui dépendraient de la main-d’œuvre agricole et recourraient à l’achat ou au troc pour répondre à une partie de leurs besoins alimentaires.

Dans un deuxième temps, les modes de consommation alimentaire sont analysés en fonction de la part des aliments faiblement transformés et des aliments hautement transformés dans la consommation alimentaire totale des ménages. Une telle analyse peut apporter un éclairage sur l’ampleur et la portée des segments intermédiaires des chaînes de valeur alimentaires, ainsi que sur l’emploi que ce secteur génère (voir le chapitre 3), en lien avec les aliments faiblement transformés et hautement transformésw. De plus, les aliments faiblement transformés peuvent offrir de nombreux avantages aux ménages: durée de conservation prolongée, sécurité sanitaire, praticité et, dans certains cas, enrichissement nutritionnel (fortification). D’un autre côté, de nombreux aliments hautement transformés ont une densité énergétique élevée et sont riches en graisses, en sucres et/ou en sel; la recherche montre en outre qu’ils peuvent contribuer au surpoids et à l’obésité, ainsi qu’à certaines maladies non transmissibles (voir le chapitre 3). Comme nous l’avons déjà souligné, il est prévisible que la consommation d’aliments aussi bien faiblement transformés qu’hautement transformés soit plus élevée lorsque le niveau de consommation alimentaire est lui-même plus élevé, et en particulier lorsque les niveaux de revenu et d’emploi sont plus importants.

Dans un troisième temps, les modes de consommation alimentaire des ménages sont analysés à l’aune de la valeur marchande des aliments consommés, par groupe d’aliments, ce qui donne à voir à quel point l’alimentation consommée par les ménages est diversifiée le long du continuum rural-urbain. L’urbanisation est généralement associée à une modification des modes de consommation, les ménages des centres urbains consommant généralement une alimentation plus diversifiée, comportant davantage d’aliments onéreux tels que les aliments d’origine animale et les fruits (voir le chapitre 3). Cependant, certaines études suggèrent que c’est le niveau de revenus plus élevé, et non l’urbanisation elle-même, qui entraînerait ces changements en matière d’alimentation.

Les achats d’aliments représentent une grande partie de la consommation alimentaire des ménages le long du continuum rural-urbain, même chez les ménages pauvres des zones rurales

Dans les 11 pays africains considérés, à budget alimentaire élevé comme faible, les achats d’aliments représentent la majeure partie (en valeur) de la consommation alimentaire des ménages, qu’il s’agisse d’aliments destinés à être consommés au domicile ou hors domicile (figure 24). Si la part des achats d’aliments dans les zones urbaines est importante (78 à 97 pour cent), comme l’on pourrait s’y attendre, elle est étonnamment élevée sur d’autres segments du continuum rural-urbain, y compris parmi les ménages ruraux qui vivent à 1 ou 2 heures d’une ville petite ou moyenne (56 pour cent en moyenne), et ceux qui vivent à plus de 2 heures de tout centre urbain (52 pour cent en moyenne). L’observation selon laquelle, dans la plupart des pays analysés, la «majeure partie» de la consommation alimentaire des ménages ruraux est composée d’aliments achetés (56 pour cent en moyenne dans les 11 pays analysés) contraste fortement avec la représentation traditionnelle du ménage rural vivant de l’agriculture de subsistance (encadré 5).

Figure 24 SI LES ALIMENTS ACHETÉS REPRéSENTENT UNE PART IMPORTANTE DE LA CONSOMMATION DES MÉNAGES URBAINS, COMME L’ON POURRAIT S’Y ATTENDRE, CET INDICATEUR EST ÉTONNAMMENT ÉLEVÉ SUR L’ENSEMBLE DU CONTINUUM RURAL-URBAIN, MÊME PARMI LES MÉNAGES RURAUX

SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
NOTES: Cette figure indique le pourcentage des achats d’aliments des ménages par rapport à la consommation alimentaire totale (à la valeur du marché) tout le long du continuum rural-urbain (URCA), par pays ainsi que dans les pays à budget alimentaire élevé et ceux à budget alimentaire faible. Bien que l’URCA soit une variable fondée sur des catégories, elle est conceptualisée comme un continuum spatial, d’où l’utilisation d’un graphique linéaire, qui facilite en outre la présentation des résultats. Toutes les enquêtes portent sur 2018-2019, sauf l’enquête au Malawi, qui porte sur 2019-2020. On trouvera les définitions complètes des variables à l’annexe 5. Le tableau 10 contient une définition et une liste des pays à budget alimentaire élevé et des pays à budget alimentaire faible.
SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

ENCADRÉ 5LE MYTHE DE L’AGRICULTURE DE SUBSISTANCE EN MILIEU RURAL EN AFRIQUE

L’idée persiste, particulièrement dans le contexte de l’Afrique subsaharienne, que les ménages vivant dans les zones rurales seraient des agriculteurs de subsistance produisant leur propre nourriture, mais l’analyse présentée dans ce rapport montre que ce n’est pas le cas. La valeur de la consommation alimentaire issue de l’autoproduction des ménages, c’est-à-dire ce que les ménages devraient payer pour acquérir la même quantité de nourriture sur le marché, est évaluée ici aux prix du marché. Les données montrent que la part de la consommation alimentaire des ménages provenant de l’autoproduction augmente à mesure que l’on s’éloigne des centres urbains pour aller vers les zones rurales le long du continuum rural-urbain, une forte hausse étant observée à partir des zones situées à moins d’une heure d’une métropole (figure A1).

Toutefois, l’autoproduction ne devient jamais la principale source de nourriture, pas même dans les zones rurales, où elle ne représente que 37 pour cent de la consommation totale dans les pays à budget alimentaire élevé et 33 pour cent dans les pays à budget alimentaire faible, en moyenne, sachant que la part de l’autoproduction dans la consommation alimentaire totale varie dans une fourchette comprise entre 8 et 50 pour cent dans les pays à budget alimentaire élevé, et entre 18 et 47 pour cent dans les pays à budget alimentaire faible (figure A1).

Ces découvertes étonnantes se vérifient même chez les ménages ruraux pauvres (figure A2), dont la production alimentaire couvre en moyenne 40 pour cent (pays à budget alimentaire élevé) et 36 pour cent (pays à budget alimentaire faible) de la consommation alimentaire totale. En outre, la part de l’autoproduction alimentaire chez les ménages ruraux n’est pas beaucoup plus élevée que chez les ménages des zones périurbaines (34 pour cent en moyenne dans les pays à budget alimentaire élevé et les pays à budget alimentaire faible). Étant donné que les ménages ruraux ne produisent pas la majeure partie des produits alimentaires qu’ils consomment (en valeur), la question de l’accessibilité économique d’une alimentation saine est un facteur essentiel à prendre en compte dans leur consommation d’aliments nutritifs.

Figure A L’AUTOPRODUCTION REPRÉSENTE MOINS DE 50 POUR CENT DE LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE TOTALE DE L’ENSEMBLE DES MÉNAGES TOUT LE LONG DU CONTINUUM RURAL-URBAIN

SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO. SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
NOTES: Ces figures montrent la part de l’autoproduction en pourcentage de la consommation alimentaire totale des ménages (aux prix du marché) le long du continuum rural–urbain (URCA) (figure A1), ainsi qu’en fonction des zones rurales et périurbaines et par groupe de revenu des ménages (figure A2). Bien que les zones d’influence rurales et urbaines constituent une variable catégorielle, ces zones sont conceptualisées en un continuum spatial, d’où l’utilisation d’un graphique linéaire à la figure A1, qui facilite par ailleurs la présentation des résultats. Toutes les enquêtes portent sur 2018-2019, sauf l’enquête au Malawi, qui porte sur 2019-2020. On trouvera les définitions complètes des variables à l’annexe 5. Le tableau 10 contient une définition et une liste des pays à budget alimentaire élevé et des pays à budget alimentaire faible.
SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

En effet, la part que représentent les achats d’aliments tout le long du continuum rural-urbain (figure 24) confirme que les marchés et les chaînes d’approvisionnement alimentaires jouent un rôle important dans les zones rurales, que le budget alimentaire des pays soit élevé ou faible. De plus, la part moyenne des achats d’aliments au sein des populations des zones rurales n’est que légèrement plus faible dans les pays à budget alimentaire élevé (55 pour cent) que dans les pays à budget alimentaire faible (57 pour cent), ce qui montre une convergence des niveaux d’urbanisation et de revenu entre différents schémas d’urbanisation.

Sans surprise, la part des achats d’aliments diminue le long du continuum à mesure que l’on quitte les centres urbains pour se diriger vers les zones rurales. Dans les pays à budget alimentaire faible, lorsque l’on passe des zones périurbaines aux zones rurales, le phénomène est légèrement plus prononcé (baisse de 32 pour cent, contre 27 pour cent pour les pays à budget alimentaire élevé), tandis que lorsque l’on passe des zones périurbaines aux zones rurales, il est nettement plus marqué dans les pays à budget alimentaire élevé (18 pour cent en moyenne) que dans les pays à budget alimentaire faible (6 pour cent).

Si cette constatation peut généralement être faite tout le long du continuum rural-urbain, il existe des variations entre les pays en fonction des schémas d’urbanisation. La part des achats est par exemple nettement plus élevée dans les zones situées à moins d’une heure d’une ville en Éthiopie, en Guinée-Bissau, au Nigéria et au Togo (figure 24).

Une autre découverte frappante est que, dans quatre pays, les zones rurales les plus reculées (situées à plus de 2 heures de toute ville, quelle que soit sa taille) connaissent une hausse des achats alimentaires: il s’agit du Mali et du Nigéria (pays à budget alimentaire élevé), ainsi que du Bénin et du Togo (pays à budget alimentaire faible). La hausse du recours à l’achat dans ces régions s’explique de plusieurs manières. Tout d’abord, les agriculteurs des zones reculées sont généralement plus pauvres, ce qui veut dire que les ménages ont souvent besoin de recourir aux achats pour «équilibrer la consommation» ou compenser les mauvaises récoltes. De plus, dans les zones rurales les plus reculées (situées à plus de 2 heures d’une ville, quelle qu’en soit la taille), l’emploi local dans des secteurs autres que l’agriculture est rare, tout comme les services, aussi les ménages centrent-ils davantage leurs efforts sur la migration, en vue de rapporter de l’argent qui pourra être utilisé pour acheter de la nourriture. Ce schéma concerne à la fois les pays à budget alimentaire faible et les pays à budget alimentaire élevé.

Cette vision traditionnelle d’une fracture entre zones rurales et zones urbaines remonte à quelques décennies, à une époque où la plupart des zones rurales d’Afrique étaient bien plus pauvres et bien moins connectées aux centres urbains. Cependant, plus récemment, l’urbanisation qui opère dans de nombreux pays africains est éparse, et prend la forme de réseaux croissants de petites et moyennes villes interconnectées, et d’une connectivité accrue avec les zones rurales. Ce phénomène se traduit directement par une forte croissance des possibilités d’emploi en dehors du secteur de l’agriculture, ainsi que par l’interconnexion des marchés de l’alimentation et des chaînes d’approvisionnement. Les modes de vie s’en trouvent transformés, ce qui se répercute ensuite sur la manière dont les ménages s’approvisionnent en nourriture, et sur les aliments qu’ils consomment (voir le chapitre 3).

Si l’on se penche sur d’autres régions, par exemple l’Asie, diverses études (menées notamment au Bangladesh, en Indonésie, au Népal et au Viet Nam9, 10 ) font état de nombreuses données factuelles révélant une forte consommation d’aliments achetés dans les zones rurales. Si ces études mettent en évidence des tendances en matière d’achats alimentaires en zone rurale similaires à celles observées en zone urbaine, cette convergence est plus avancée qu’en Afrique.

Lorsque l’on considère les niveaux de revenu des ménages, l’idée selon laquelle les ménages ruraux d’Afrique subsaharienne dépendraient principalement de l’agriculture de subsistance pour se nourrir n’est toujours pas valable. On a découvert que les achats d’aliments couvraient 50 pour cent au minimum de la consommation alimentaire totale des ménages (autoproduction comprise, aux prix du marché), quelle que soit la catégorie de revenu, dans les zones rurales de la plupart des pays, ce qui est loin d’être négligeable. La principale exception est l’Éthiopie, qui fait baisser la part moyenne des achats alimentaires des pays à budget alimentaire élevé (figure 24). L’Éthiopie est un cas à part parmi les pays de ce groupe, étant donné que son schéma d’urbanisation «chevauche» la limite entre l’«urbanisation dense autour d’une métropole» et l’«urbanisation éparse constituée de petites et moyennes villes» (voir la figure A6.1 à l’annexe 6), les zones rurales marginales plus pauvres n’étant pas bien connectées du fait d’une infrastructure routière très mauvaise ou limitée11.

La part des achats dans l’alimentation des ménages à revenu faible ou moyen est globalement inférieure à celle des ménages à revenu élevé tout le long du continuum rural-urbain (figure 25). Les écarts sont minimes dans les centres urbains, mais deviennent beaucoup plus prononcés dans les zones périurbaines situées à moins d’une heure d’une métropole ou d’une grande ville. Si ces ménages dépendent toujours des achats alimentaires, il semblerait donc que leur propre production alimentaire soit aussi importante (encadré 5). Ce schéma se vérifie aussi bien dans les pays à budget alimentaire élevé que dans ceux à budget alimentaire faible, bien que la part d’aliments achetés dans la consommation alimentaire soit légèrement inférieure dans ces derniers.

Figure 25 ON OBSERVE, LE LONG DU CONTINUUM RURAL-URBAIN, UNE NETTE CHUTE DE LA PART DES ALIMENTS ACHETÉS, QUI ATTEINT DES NIVEAUX SIMILAIRES À CEUX DES MÉNAGES RURAUX, DANS LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE DES MÉNAGES À FAIBLE REVENU ET DES MÉNAGES À REVENU MOYEN VIVANT DANS LES ZONES PÉRIURBAINES, TANT DANS LES PAYS À BUDGET ALIMENTAIRE ÉLEVÉ QUE DANS LES PAYS À BUDGET ALIMENTAIRE FAIBLE

SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
NOTES: Cette figure montre la part des aliments achetés par les ménages en pourcentage de leur consommation alimentaire totale (aux prix du marché) le long du continuum rural-urbain (URCA), par catégorie de revenu des ménages, par pays, et par groupe de pays classés en fonction de leur budget alimentaire. Les niveaux de revenu sont calculés en utilisant les terciles de dépenses totales des ménages (par équivalent-adulte) comme variable indicatrice. Bien que l’URCA soit une variable fondée sur des catégories, elle est conceptualisée comme un continuum spatial, d’où l’utilisation d’un graphique linéaire, qui facilite en outre la présentation des résultats. Toutes les enquêtes portent sur 2018-2019, sauf l’enquête au Malawi, qui porte sur 2019-2020. On trouvera les définitions complètes des variables à l’annexe 5. Le tableau 10 contient une définition et une liste des pays à budget alimentaire élevé et des pays à budget alimentaire faible.
SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

Dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, la part des achats d'aliments dans la consommation des ménages est assez homogène quel que soit le niveau de revenu de ceux-ci. Cela indique que la part des achats alimentaires n'est pas étroitement liée au revenu des ménages, tant urbains que ruraux. Seule exception, les ménages pauvres des zones rurales plus reculées (situées à plus de deux heures d’une ville, quelle qu’en soit la taille), dont la part des achats alimentaires est inférieure à celle des ménages à revenu élevé des mêmes zones (de 31 pour cent dans les pays à budget alimentaire élevé et de 15 pour cent dans les pays à budget alimentaire faible).

L’analyse descriptive présentée jusqu’ici est appuyée par une analyse économétrique qui s’intéresse aux facteurs déterminants de la part d’aliments achetés dans la consommation alimentaire totale dans les pays à budget alimentaire élevé et les pays à budget alimentaire faible. Ces facteurs incluent l’emplacement le long du continuum rural-urbain, le revenu du ménage, l’emploi dans le secteur non agricole, les prix alimentairesx, l’âge, le niveau d’instruction, la situation matrimoniale et le sexe du chef de famille, la taille du ménage, la superficie des terres cultivées, et la possession de biens et d’animaux d’élevage. Le tableau A7.1, à l’annexe 7, présente l’ensemble des résultats économétriques. Nous mettons en lumière ici certains des principaux résultats de cette analyse.

Pour les deux groupes de pays classés par budget alimentaire, l’effet de l’emplacement le long du continuum rural-urbain est statistiquement significatif; on constate en effet que, plus on s’éloigne d’une métropole, plus la part d’aliments achetés dans la consommation alimentaire totale des ménages est faible. Comme l’a montré l’analyse descriptive, ce schéma est relativement homogène et persistant.

Toutes choses égales par ailleurs, l’incidence du revenu sur la part des aliments achetés est positive dans les deux groupes de pays (sauf en Éthiopie, où cette incidence est négative), l’effet étant légèrement plus prononcé dans les pays à budget alimentaire faible – d’après l’analyse économétrique complémentaire. On pourrait en déduire que les ménages «commenceraient à acheter» à des niveaux de revenu inférieurs dans les pays à budget alimentaire élevé; c’est-à-dire que, dans ces pays, la transition vers une alimentation comportant une plus grande part d’aliments achetés serait davantage le fait des ménages à faible revenu, ce qui coïnciderait avec les conclusions d’autres études12.

De surcroît, dans les pays à budget alimentaire élevé comme dans les pays à budget alimentaire faible, plus l’emploi dans les secteurs non agricoles est important (et plus les revenus de ces secteurs sont importants), plus la part d’aliments achetés dans la consommation alimentaire est importante. Ce phénomène a été constaté de manière fiable dans tous les pays, si l’on met de côté les écarts entre les sexes (sauf en Guinée-Bissau). L’emploi rural des hommes dans les secteurs non agricoles a une incidence un peu plus marquée dans les pays à budget alimentaire faible (pour la raison mentionnée ci-dessus). Chez les femmes, l’effet est présent mais moins probant, tant dans les pays à budget alimentaire élevé que dans les pays à budget alimentaire faible.

Une autre conclusion importante est qu’il existe une corrélation entre le niveau d’instruction du chef de famille (en particulier en ce qui concerne l’enseignement secondaire, même en neutralisant la variable des revenus) et la part des achats dans l’alimentation des ménages. C’est particulièrement frappant dans les pays à budget alimentaire élevé. Cette corrélation peut s’expliquer par divers facteurs, par exemple par le fait que le type d’emploi exercé par les plus instruits est associé à un coût d’opportunité du temps plus élevé (pour la production domestique). En outre, si l’on tient compte du sexe, l’incidence est positive lorsque le chef de famille est une femme dans les pays à budget alimentaire élevé (sauf au Malawi). Ce phénomène pourrait à nouveau s’expliquer par le coût d’opportunité du temps que ces femmes consacreraient à cultiver leur propre nourriture et à transformer les aliments à domicile, alors qu’elles pourraient acheter des denrées alimentaires afin de se dégager du temps pour assurer les tâches ménagères et la gestion du foyer.

En outre, les résultats montrent que plus la taille du ménage est importante, plus la part des aliments achetés dans la consommation alimentaire diminue, tant dans les pays à budget alimentaire élevé que dans les pays à budget alimentaire faible. C’est probablement parce que disposer de leur propre main-d’œuvre permet à ces ménages de substituer leur production alimentaire (transformation et agriculture, par exemple) aux aliments achetés. Ce que vient étayer l’incidence négative, prévisible, de la possession de terres cultivables et d’animaux d’élevage sur les achats d’aliments.

Les aliments transformés et les aliments consommés hors domicile sont présents tout le long du continuum rural-urbain, mais ils sont plus courants dans les zones urbaines

Dans toutes les régions, on observe, dans les centres urbains comme dans les zones rurales, une diffusion des aliments transformés et des aliments consommés hors domicile (c’est-à-dire préparés par des vendeurs ou dans des restaurants). Au cours des siècles, la transformation à petite ou grande échelle des aliments de base (sous forme de riz poli, de farines de blé et de maïs, et d’huiles alimentaires, par exemple) a donné lieu à des innovations essentielles permettant d’économiser du temps et de l’énergie et offrant des possibilités d’améliorations nutritionnelles telles que la fortification des aliments. La transformation des aliments a continué de se développer et de se diversifier, jusqu’à aboutir aux plats préparés, aussi bien à petite échelle (souvent sans emballage ni marque) qu’à très grande échelle (avec emballage et marque). Si la diffusion des aliments transformés, y compris des aliments hautement transformés, est déjà avancée en Asie9 et en Amérique latine13, elle progresse rapidement en Afrique également14.

De plus en plus de femmes travaillent hors de chez elles, aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales, ce qui signifie que les hommes et les femmes se déplacent de plus en plus pour aller travailler dans les centres urbains et pour se rendre sur leur lieu d’activité non agricole dans les zones rurales. Ces facteurs sont susceptibles de favoriser l’achat d’aliments préparés auprès d’entreprises de services alimentaires, car le temps disponible pour assurer à domicile la transformation (pilonnage manuel des céréales, par exemple) et la préparation des repas devient restreint. La dynamique de l’offre et de la demande d’aliments transformés, cependant, est complexe. L’offre a explosé, les petites et moyennes entreprises comme les grandes sociétés privées effectuant des investissements groupés massifs dans tous types d’aliments transformés (minimalement transformés à hautement transformés) pour répondre à la demande14. Parallèlement, une commercialisation agressive et des prix relativement bas – voire des interférences avec les politiques visant à limiter la consommation de produits hautement transformés et de boissons sucrées – font grimper la consommation.

Les aliments minimalement ou faiblement transformés jouent un rôle essentiel dans une alimentation saine; en outre, ils constituent une source importante et croissante d’emplois le long du continuum rural-urbain (voir le chapitre 3). D’autre part, de plus en plus d’éléments tendent à montrer le rôle des aliments hautement transformés dans le développement du surpoids, de l’obésité et des maladies non transmissibles qui les accompagnent (voir encore le chapitre 3). De nombreux pays cherchent désormais à en réduire la consommation en conduisant des interventions ciblées (notamment des interdictions dans les écoles) et en mettant en place des politiques axées sur les populations (taxes et étiquetage à l’avant des emballages, par exemple) (voir le chapitre 5). Des études récentes menées en Afrique montrent que l’expansion des chaînes d’approvisionnement alimentaire dans le secteur de la transformation (transformation, vente en gros, transport et vente au détail) crée de nombreux emplois le long du continuum rural-urbain, en particulier pour les femmes et les jeunes12. Les dernières estimations indiquent que 20 pour cent des emplois ruraux et 25 pour cent des emplois urbains appartiennent au secteur des systèmes agroalimentaires, notamment dans la vente en gros et la transformation12. Malheureusement, peu de ces études fournissent des données suffisamment ventilées sur les portefeuilles de produits pour mettre en balance les avantages et les inconvénients potentiels au regard des objectifs d’une alimentation saine.

Étudier la consommation d’aliments faiblement transformés ou hautement transformés ainsi que la consommation d’aliments consommés hors domicile par les ménages renseigne sur la demande alimentaire le long du continuum rural-urbain. La demande africaine d’aliments transformés de tous types devrait continuer d’augmenter au cours des prochaines décennies, sous l’effet de l’urbanisation et du développement de l’emploi rural non agricole car ces deux phénomènes ont des conséquences du point de vue des économies réalisées sur le coût de préparation des aliments, ce qui se répercute sur la demande de plats cuisinés. La multiplication des trajets domicile-travail fait augmenter également le coût d’opportunité du temps pour les hommes et les femmes, et va de pair avec des repas et des collations achetés sur des étals en bord de route, au restaurant et à des points de vente sur le marché. Diverses données montrent que ce processus a déjà été observé dans d’autres régions en développement15, 16.

Dans l’analyse qui suit, tous les produits alimentaires ont été classés par niveau de transformation, sur la base des quatre principaux groupes du système de classification alimentaire NOVA. Les produits alimentaires non ou faiblement transformés (groupe 1) ont ensuite été exclus de l’analyse présentée ici. Les aliments des groupes 2 et 3 ont été rassemblés en un seul groupe, sous l’appellation «faiblement transformés», tandis que le groupe 4 a été maintenu sous l’appellation «hautement transformés». On trouvera à l’annexe 5 une explication et une description complète, ainsi que la liste des sources relatives aux catégories d'aliments transformés qui sont utilisées dans le présent document. Outre ces deux catégories, les aliments consommés hors domicile ont fait l’objet d’une catégorie à part, car, comme on dispose de trop peu d’éléments pour déterminer le niveau de transformation de tous les produits concernés, il est impossible de classer précisément ces aliments dans telle ou telle catégorie.

La diffusion des aliments transformés le long du continuum est aussi importante dans les pays à budget alimentaire élevé que dans les pays à budget alimentaire faible (figure 26A). Seule exception à cette règle, les zones situées à moins d’une heure d’une grande ville dans les pays à budget alimentaire faible, où ces aliments représentent une part bien moindre que dans les mêmes zones URCA des pays à budget alimentaire élevé. En moyenne, les aliments transformés et les aliments consommés hors domicile représente 29 pour cent de la consommation alimentaire dans les pays à budget alimentaire élevé, contre 25 pour cent dans les pays à budget alimentaire faible. Même les ménages vivant dans des zones rurales situées à au moins une heure d’une ville, quelle qu’en soit sa taille, consomment des aliments transformés et prennent des repas hors domicile.

Figure 26 DANS LES 11 PAYS D’AFRIQUE CONSIDÉRÉS, LES MÉNAGES RURAUX CONSOMMENT DES ALIMENTS TRANSFORMÉS, Y COMPRIS DES ALIMENTS HAUTEMENT TRANSFORMÉS – MÊME CEUX QUI VIVENT À 1 HEURE OU PLUS D’UNE VILLE, QUELLE QU’EN SOIT LA TAILLE

SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
NOTES: Cette figure indique le pourcentage des aliments (hautement et faiblement) transformés et des aliments consommés hors domicile dans la consommation alimentaire totale des ménages (à la valeur du marché) le long du continuum rural-urbain (URCA). Toutes les enquêtes portent sur 2018-2019, sauf l’enquête au Malawi, qui porte sur 2019-2020. La classification des aliments par niveau de transformation est adaptée du système de classification alimentaire NOVA. On trouvera les définitions complètes des variables à l’annexe 5. Le tableau 10 contient une définition et une liste des pays à budget alimentaire élevé et des pays à budget alimentaire faible.
SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

Si la part de ces aliments dans la consommation alimentaire totale est plus élevée dans les villes de toutes tailles, en valeur, elle ne baisse que progressivement à mesure que l’on avance vers les zones périurbaines; toutefois, cette diminution est plus marquée dans les zones périurbaines des grandes villes dans les pays à budget alimentaire faible (figure 26A). Les données révélant une pente descendante douce et progressive de cette part le long du continuum réfutent l’idée d’une fracture nette entre les zones urbaines et les zones rurales en ce qui concerne la consommation d’aliments transformés.

Si l’on considère les aliments faiblement et hautement transformés séparément, il apparaît que dans les deux groupes de pays, les aliments hautement transformés représentent une faible proportion de la consommation totale (figure 26B). Néanmoins, leur part est légèrement plus importante dans les zones périurbaines des villes moyennes et des petites villes ainsi que dans les zones rurales des pays à budget alimentaire faible par rapport aux mêmes zones dans les pays à budget alimentaire élevé. La part des produits hautement transformés se révèle aussi plus importante dans les zones urbaines que dans les zones rurales, dans les deux groupes de pays. Ces résultats mettent en évidence la pénétration de ces aliments dans les zones rurales, même chez les ménages vivant à au moins une heure d’une ville, quelle que soit sa taille. Les aliments hautement transformés sont majoritairement des produits conditionnés à la durée de conservation prolongée17, ce qui est susceptible d’accroître leur diffusion vers des zones rurales plus reculées, étant donné qu’ils peuvent être stockés.

Dans les deux groupes de pays, la part (en valeur) des aliments faiblement transformés dans la consommation est plus élevée que celle des aliments hautement transformés, mais dans les zones urbaines et périurbaines des pays à budget alimentaire faible, la différence est encore plus marquée. Ce qui n’est pas sans rappeler le schéma observé dans d’autres pays où la pénétration des produits faiblement transformés a initialement été plus importante que celle des aliments hautement transformés14.

Toutefois, les parts des aliments faiblement transformés et des aliments hautement transformés ainsi que des aliments consommés hors domicile dans la consommation alimentaire (aux prix du marché) sont très différentes selon que l’on est dans un pays à budget alimentaire faible ou élevé. Afin de mieux se rendre compte de cette disparité, la figure 27 montre l’écart entre la part de la consommation de ces deux catégories d’aliments transformés et la part des aliments consommés hors domicile dans les pays à budget alimentaire élevé et dans les pays à budget alimentaire faible.

Figure 27 DANS LES 11 PAYS D’AFRIQUE CONSIDÉRÉS, LES PARTS DES ALIMENTS FAIBLEMENT TRANSFORMÉS ET DES ALIMENTS HAUTEMENT TRANSFORMÉS DANS LES DÉPENSES TOTALES DES MÉNAGES LE LONG DU CONTINUUM RURAL-URBAIN SONT PLUS ÉLEVÉES DANS LES PAYS À BUDGET ALIMENTAIRE FAIBLE, TANDIS QUE LA PART D’ALIMENTS CONSOMMÉS HORS DOMICILE EST PLUS IMPORTANTE DANS LES PAYS À BUDGET ALIMENTAIRE ÉLEVÉ

SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africam>. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
NOTES: Cette figure indique le pourcentage des aliments (hautement et faiblement) transformés et des aliments consommés hors domicile dans la consommation alimentaire totale des ménages (à la valeur du marché) le long du continuum rural-urbain (URCA), en comparant les pays à budget alimentaire élevé et les pays à budget alimentaire faible. La classification des aliments par niveau de transformation est adaptée du système de classification alimentaire NOVA. Toutes les enquêtes portent sur 2018-2019, sauf l’enquête au Malawi, qui porte sur 2019-2020. On trouvera les définitions complètes des variables à l’annexe 5. Le tableau 10 contient une définition et une liste des pays à budget alimentaire élevé et des pays à budget alimentaire faible.
SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

Dans les pays à budget alimentaire faible, la consommation d’aliments faiblement transformés dans les zones urbaines et périurbaines est plus importante que dans les pays à budget alimentaire élevé. La part des aliments hautement transformés, dans toutes les zones, sauf dans les métropoles et leurs environs, est moindre – mais elle reste plus élevée dans les pays à budget alimentaire faible. Ce phénomène est surprenant car, comme nous l’avons dit plus haut, on pourrait s’attendre à ce que les aliments hautement transformés soient plus présents dans les pays à budget alimentaire élevé. D’un autre côté, les aliments consommés hors domicile pèsent davantage dans la consommation alimentaire totale des ménages dans les pays à budget alimentaire élevé (figure 27). On pourrait en déduire que les zones rurales des pays à budget alimentaire élevé comptent plus d’emplois non agricoles. Ce serait logique dans la mesure où il existe une corrélation entre, d’une part, les aliments consommés hors domicile et, d’autre part, les emplois à l’extérieur du domicile et les trajets domicile-travail à l’intérieur des villes ou bien des zones rurales vers les zones urbaines ou d’autres zones rurales (voir le chapitre 3). De tels schémas d’emploi apparaissent avec le développement et l’urbanisation qui caractérisent les pays à budget alimentaire élevé.

Comme pour les achats d’aliments, une analyse économétrique a été réalisée afin d’étudier les facteurs (effet de l’emplacement géographique de chaque zone URCA, revenu du ménage, emploi non agricole, etc.) qui déterminent la part (en valeur) des achats d’aliments hautement transformés dans la consommation alimentaire totale des ménages. Le tableau A7.2, à l’annexe 7, présente les résultats statistiquement significatifs, dont les éléments essentiels sont mis en évidence ci-dessous.

Toutes choses égales par ailleurs, l’effet de l’emplacement le long du continuum rural-urbain rejoint les conclusions de l’analyse descriptive: plus on s’éloigne d’une métropole, plus la part des aliments hautement transformés dans la consommation alimentaire totale des ménages est faible dans les pays à budget alimentaire élevé, les régions les plus reculées des pays à budget alimentaire faible faisant exception à cette règle. Les conclusions quant à l’effet de l’emplacement sont similaires à ce qui a pu être observé en République-Unie de Tanzanie (pays non considéré dans notre analyse) dans le cadre d’une étude s’appuyant sur des données d’enquête détaillées relatives au budget des ménages qui distinguaient zones urbaines, zones périurbaines et zones rurales17. Elles rejoignent aussi ce qui a pu être constaté dans les zones rurales et les zones urbaines au Bangladesh, en Indonésie, au Népal et au Viet Nam9.

Si l’on considère le seul revenu, il fait grimper la part des aliments hautement transformés dans les deux groupes de pays classés par budget alimentaire, mais son incidence est plus marquée dans les pays à budget alimentaire faible (tableau A7.2, à l’annexe 7). Ce phénomène corrobore les conclusions d’autres études récentes menées en Afrique, par exemple en Ouganda et en République-Unie de Tanzanie17. Dans les pays à budget alimentaire élevé comme dans les pays à budget alimentaire faible, plus le nombre d’emplois non agricoles est important, plus la part des aliments hautement transformés dans la consommation alimentaire totale des ménages est élevée. Ce constat est particulièrement vrai pour l’emploi non agricole des hommes, puisque l’effet est statistiquement significatif dans 8 des 11 pays analysés. L’effet concernant l’emploi non agricole des femmes est similaire dans les pays à budget alimentaire élevé, mais il n’est pas statistiquement significatif dans les pays à budget alimentaire faible.

Toutes choses égales par ailleurs, le fait que le chef de famille ait suivi des études primaires est significativement corrélé avec une plus grande part (en valeur) d’aliments hautement transformés dans la consommation totale dans seulement trois pays, tandis que le fait que le chef de famille soit une femme s’accompagne d’une plus grande part d’aliments hautement transformés dans la consommation totale dans la plupart des pays à budget alimentaire élevé, sauf en Éthiopie, où l’effet est au contraire modérateur (tableau A7.2, à l’annexe 7). La première hypothèse est étayée par d’autres études montrant que les femmes substituent les aliments transformés à la préparation des repas afin de libérer du temps pour d’autres tâches ménagères, ainsi que pour le travail non agricole14. Mais dans les pays plus pauvres, il se peut que les femmes assurant seules la gestion du ménage disposent de moins de temps et donc d’un accès plus restreint à ces aliments. Cependant, ces résultats nécessiteraient une investigation plus approfondie. Enfin, la part des aliments hautement transformés dans la consommation totale des ménages comptant de nombreux membres est plus faible dans certains pays à budget alimentaire élevé, alors que l’effet est moins net dans les pays à budget alimentaire faible (tableau A7.2, à l’annexe 7). Plus le taux de dépendancey est élevé dans les deux groupes de pays classés par budget alimentaire, plus la part des achats d’aliments hautement transformés est élevée.

La consommation des différents groupes d’aliments par les ménages varie le long du continuum rural-urbain en fonction des schémas d’urbanisation, des revenus et de l’emploi non agricole

L’urbanisation induit implicitement des changements dans la consommation alimentaire des ménages, dans la mesure où les ménages urbains ont un régime alimentaire plus diversifié, qui comprend moins d'aliments de base mais un plus large éventail d’aliments d’autres groupes, dont des aliments plus onéreux tels que la viande et les produits laitiers (voir le chapitre 3). Certaines études suggèrent cependant que ce sont les revenus plus élevés que l’on observe dans les zones urbaines, plutôt que l’urbanisation en soi, qui sont à l’origine de ces changements18. La présente section offre une analyse plus approfondie de ces questions.

L’ensemble des produits alimentaires sont classés en huit groupes: i) les aliments de base, notamment les céréales, les racines, les tubercules, les bananes plantains et leurs produits; ii) les légumineuses, les graines, les fruits à coque et leurs produits; iii) les aliments d’origine animale, notamment le lait, les œufs, la viande, le poisson, les crustacés, les insectes/vers et leurs produits; iv) les légumes et leurs produits; v) les fruits et leurs produits; vi) les graisses et les huiles; vii) les sucreries, les condiments et les boissons; et viii) les repas pris à l’extérieur de chez soi (aliments consommés hors domicile). On se reportera au tableau A5.6 de l’annexe 5 pour les définitions des groupes d’aliments. Compte tenu du nombre de groupes d’aliments à analyser, les 10 catégories de l’URCA sont regroupées en trois catégories – centres urbains, zones périurbaines et zones rurales – afin de faciliter la présentation de certains chiffres (voir le tableau 9).

Si l’on examine la répartition par groupe d’aliments (en parts de valeur) de la consommation alimentaire des ménages, une transition alimentaire est manifestement en train de s’opérer le long du continuum rural-urbain (tableau 11). Elle prend la forme d’une diversification des régimes alimentaires au niveau des ménages, et se caractérise notamment par la consommation d’aliments plus onéreux, tels que les aliments d’origine animale et les fruits. La transition se produirait semble-t-il également dans les zones rurales, bien qu’un peu plus tardivement et dans une moindre mesure que dans les zones urbaines et périurbaines.

Tableau 11DANS LES 11 PAYS D’AFRIQUE CONSIDÉRÉS, UNE TRANSITION ALIMENTAIRE À L’ÉCHELON DES MÉNAGES EST EN TRAIN DE S’OPÉRER LE LONG DU CONTINUUM RURAL-URBAIN, DANS LES PAYS À BUDGET ALIMENTAIRE ÉLEVÉ COMME DANS CEUX À BUDGET ALIMENTAIRE FAIBLE – CELA MÊME DANS LES ZONES RURALES, BIEN QUE LE PROCESSUS Y SOIT MOINS AVANCÉ ET MOINS MARQUÉ QUE DANS LES ZONES URBAINES ET PÉRIURBAINES

SOURCE: Dolislager, M.J, Holleman, C., Liverpool-Tasie, L.S.O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
NOTES: Ce tableau indique la part en pourcentage de différents groupes d’aliments dans la consommation alimentaire totale des ménages (à la valeur du marché) tout le long du continuum rural-urbain (URCA), pour les pays à budget alimentaire élevé et les pays à budget alimentaire faible. Toutes les enquêtes portent sur 2018-2019, sauf l’enquête au Malawi, qui porte sur 2019-2020. On trouvera les définitions complètes des variables à l’annexe 5. Le tableau 10 contient une définition et une liste des pays à budget alimentaire élevé et des pays à budget alimentaire faible.
SOURCE: Dolislager, M.J, Holleman, C., Liverpool-Tasie, L.S.O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

Il est intéressant de constater que, dans le petit groupe de pays africains étudiés, on n’observe pas de différences majeures entre les pays à budget alimentaire élevé et les pays à budget alimentaire faible. On pourrait en déduire une convergence de la transition alimentaire à l’œuvre dans l’ensemble des pays considérés. Le fait que la part (en valeur) d’aliments autres que les aliments de base dans la consommation se soit révélée similaire dans les deux groupes de pays classés par budget alimentaire est quelque peu paradoxal. L’une des explications pourrait être que, dans ces deux groupes de pays, les aliments qui ne sont pas répertoriés comme des aliments de base mais qui sont peu onéreux – par exemple les légumes ou les légumineuses – sont accessibles, mais aussi plébiscités, par les ménages. Une autre étude menée au Sénégal19 a montré que la répartition des dépenses des ménages était comparable dans les zones urbaines et les zones rurales, mais qu’en valeur absolue les niveaux de dépenses étaient inférieurs dans les zones rurales et parmi les pauvres. Cela pourrait revenir à dire que les légumineuses bon marché sont largement représentées dans l’alimentation des pauvres. Ces conclusions n’annulent pas l’inégalité de Bennettz, mais rendent sa pente plus progressive.

La part (en valeur) des aliments de base dans la consommation alimentaire totale des ménages s’établit en moyenne à 30 pour cent (pays à budget alimentaire élevé) et 28 pour cent (pays à budget alimentaire faible) dans les zones urbaines (figure 28). On notera que cette part est très légèrement au-dessus des 25 pour cent que l’on observe dans les villes asiatiques9.

Figure 28 DANS LES 11 PAYS D’AFRIQUE CONSIDÉRÉS, LA PART DES ALIMENTS DE BASE EST MINORITAIRE DANS LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE TOTALE DES MÉNAGES (EN VALEUR) ET AUGMENTE À MESURE QUE LE REVENU DIMINUE LE LONG DU CONTINUUM RURAL-URBAIN, TANT DANS LES PAYS À BUDGET ALIMENTAIRE FAIBLE QUE DANS LES PAYS À BUDGET ALIMENTAIRE ÉLEVÉ

SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
NOTES: Cette figure montre la consommation d’aliments de base par les ménages, en pourcentage de leur consommation alimentaire totale (aux prix du marché) dans les centres urbains, dans les zones périurbaines et dans les zones rurales (URCA), et par tercile de revenu (ménages à revenu faible, moyen ou élevé) dans chaque catégorie. Toutes les enquêtes portent sur 2018-2019, sauf l’enquête au Malawi, qui porte sur 2019-2020. On trouvera les définitions des catégories urbaine, périurbaine et rurale à l’annexe 5. Le tableau 10 contient une définition et une liste des pays à budget alimentaire élevé et des pays à budget alimentaire faible.
SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

La part (en valeur) des aliments de base dans la consommation, si l’on inclut les aliments de base autoproduits estimés aux prix du marché, est similaire dans les zones périurbaines et les zones rurales, et représente environ 12 points de plus que celle observée dans les centres urbains. La part moyenne des aliments de base dans la consommation alimentaire totale des ménages est du même ordre dans les pays à budget alimentaire élevé et dans les pays à budget alimentaire faible – elle s’établit respectivement à 41 pour cent et 40 pour cent dans les zones périurbaines, et respectivement à 42 pour cent et 43 pour cent dans les zones rurales.

Comme le laissait présager l’inégalité de Bennett, à mesure que le revenu des ménages augmente, la part des aliments de base dans leur consommation alimentaire totale diminue (figure 28). Ceci se vérifie sur l’ensemble du continuum rural-urbain, que l’on prenne les catégories agrégées des centres urbains, zones périurbaines et zones rurales (comme à la figure 28) ou les catégories URCA plus ventilées (non représenté).

Dans l’ensemble, la part (en valeur) des aliments de base est minoritaire dans la consommation alimentaire totale des ménages, non seulement en zone urbaine mais aussi sur tout le continuum rural-urbain. Il apparaît de manière frappante que la diversification de la consommation alimentaire des ménages, qui représente l’inverse de la dépendance aux aliments de base, est similaire dans les zones urbaines des pays à budget alimentaire élevé et des pays à budget alimentaire faible. En outre, le rapport entre la part des aliments de base dans les zones rurales et dans les zones urbaines est presque le même dans les pays à budget alimentaire élevé et les pays à budget alimentaire faible (1,4 et 1,5, respectivement), ce qui suggère une convergence entre les pays.

La part moins importante des aliments de base dans les zones urbaines est généralement compensée par des parts plus importantes des aliments d’origine animale et des aliments consommés hors domicile (figure 29A). Cela n’a rien d’étonnant, car l’urbanisation va généralement de pair avec l’achat par les ménages urbains d’aliments plus variés, notamment d’aliments plus onéreux comme la viande, et par une prise plus fréquente de repas à l’extérieur. Comme indiqué précédemment, il n’est néanmoins pas possible dans notre analyse d’évaluer quels types d’aliments sont consommés hors domicile, à quel point ces aliments contribuent à la diversité alimentaire, ou quel est leur degré de transformation.

Figure 29 DANS LES 11 PAYS D’AFRIQUE, LES ALIMENTS D’ORIGINE ANIMALE ET LES ALIMENTS CONSOMMÉS HORS DOMICILE REMPLACENT LES ALIMENTS DE BASE LORSQUE L’ON PASSE DES ZONES RURALES AUX ZONES URBAINES

SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.
NOTES: Ces figures montrent la répartition, en pourcentage, des différents groupes d’aliments dans la consommation alimentaire totale des ménages (aux prix du marché), d’abord en distinguant les centres urbains, les zones périurbaines et les zones rurales (URCA) (figure A), puis le long du continuum rural-urbain (URCA) (figure B). Toutes les enquêtes portent sur 2018-2019, sauf l’enquête au Malawi, qui porte sur 2019-2020. On trouvera les définitions des catégories urbaine, périurbaine et rurale à l’annexe 5. Le tableau 10 contient une définition et une liste des pays à budget alimentaire élevé et des pays à budget alimentaire faible.
SOURCE: Dolislager, M. J., Holleman, C., Liverpool-Tasie, L. S. O. et Reardon, T. 2023. Analysis of food demand and supply across the rural–urban continuum in selected countries in Africa. Document d’information établi pour servir de base au rapport sur L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023. Document de travail de la FAO sur l’économie du développement agricole 23-09. Rome, FAO.

Dans les zones urbaines des pays analysés, en moyenne, la part (en valeur) de la consommation d’aliments d’origine animale (dont le lait, les œufs, la viande, le poisson, les crustacés et les insectes) est 40 pour cent plus élevée que dans les zones périurbaines, et 44 pour cent plus élevée que dans les zones rurales. Si l’on considère les pays à faible budget alimentaire, toujours dans les zones urbaines, cette part est respectivement 1,5 fois et 1,6 fois plus élevée que dans les zones périurbaines et dans les zones rurales. Pour les pays à budget alimentaire élevé, l’écart est moins prononcé, puisque cette part est 1,4 fois plus élevée en zone urbaine qu’en zone périurbaine ou rurale (données non présentées ici, voir la figure A7.1A à l’annexe 7). En outre, dans les zones urbaines, la part (en valeur) des légumineuses, des graines et des fruits à coque est nettement plus faible que dans les zones périurbaines et les zones rurales (de 40 pour cent et 47 pour cent, respectivement) (figure 29A). C’est tout à fait logique, dans la mesure où ces aliments riches en nutriments, relativement bon marché, sont généralement supplantés par les aliments d’origine animale (ne serait-ce que par le lait dans les pays partiellement végétariens comme l’Inde) lorsque les revenus des ménages augmentent.

Les aliments d’origine animale et les aliments consommés hors domicile se substituent de plus en plus aux aliments de base à mesure que l’on s’éloigne des zones rurales et que l’on s’approche des zones urbaines le long du continuum.

Dans tous les pays, la part des aliments consommés hors domicile est plus élevée dans les zones urbaines et diminue fortement à mesure que l’on progresse vers les zones périurbaines et rurales (figure 29). En moyenne, dans les zones urbaines, cette part est 1,6 fois plus élevée que dans les zones périurbaines et 2,6 fois plus élevée que dans les zones rurales. Cette tendance est plus marquée dans les pays à budget alimentaire faible, avec une part respectivement 2,4 fois et 3,2 fois plus élevée dans les zones urbaines que dans les zones périurbaines et dans les zones rurales (voir la figure A7.1B à l’annexe 7).

Si l’on s’intéresse à la part (en valeur) de la consommation par groupe d’aliments de manière plus ventilée, on constate qu’en moyenne, dans tous les pays, il n’existe pas de clivage net entre les zones rurales et les zones urbaines le long de continuum (figure 29B). Une fois encore, c’est une surprise, car on suppose généralement qu’il existe une différence marquée entre les zones urbaines et les zones rurales. Lorsque l’on progresse des zones urbaines vers les zones rurales le long du continuum (figure 29B), on observe une part croissante d’aliments de base et de légumineuses, graines et fruits à coque, et une part décroissante d’aliments d’origine animale et d’aliments consommés hors domicile. En revanche, les parts des légumes, des fruits et des graisses et huiles sont à peu près les mêmes partout le long du continuum rural-urbain. À quelques variations près, il en va de même pour les sucreries, les condiments et les boissons (voir le tableau 11 pour les valeurs ventilées par groupe de pays, en fonction du budget alimentaire).

Une analyse économétrique des facteurs qui déterminent la consommation des différents groupes d’aliments apporte un éclairage supplémentaire. Par exemple, les facteurs qui déterminent la consommation d’aliments d’origine animale et la prise de repas hors domicile confirment les tendances dégagées de l’analyse descriptive. L’augmentation de la part de la consommation d’aliments d’origine animale dans la consommation alimentaire totale des ménages est principalement due à des hausses statistiquement significatives des revenus (voir le tableau A7.3 à l’annexe 7).

En ce qui concerne la part des aliments consommés hors domicile, l’effet du revenu n’est pas homogène selon qu’il s’agit d’un pays à budget alimentaire élevé ou faible, mais lorsque l’on considère l’ensemble des pays, cette part augmente à mesure que le revenu croît (voir le tableau A7.4 à l’annexe 7). En revanche, dans les deux groupes de pays classés par budget alimentaire, plus les emplois non agricoles des hommes sont nombreux, plus la part des aliments consommés hors domicile est importante, et cet effet est plus marqué dans les pays à budget alimentaire élevé que dans les pays à budget alimentaire faible. Ce constat reflète peut-être des emplois plus dispersés géographiquement ainsi que des trajets plus longs entre le domicile et le lieu de travail, qui expliqueraient le besoin accru d’aliments consommés hors domicile. Il se pourrait aussi que, dans certains pays à budget alimentaire élevé, les restaurants et les vendeurs (c’est-à-dire les services de restauration) qui préparent des repas (aliments consommés hors domicile) soient plus nombreux.

L’effet de l’emplacement le long du continuum rural-urbain est statistiquement significatif dans les pays à budget alimentaire faible, où la part (en valeur) des aliments consommés hors domicile est beaucoup plus élevée dans les métropoles que dans les petites villes, mais diminue progressivement dans les zones périurbaines à mesure que la taille de la ville la plus proche est importante; cette part diminue également à mesure que l’on quitte les centres urbains pour aller vers les zones rurales, la plus forte baisse étant observée dans les zones situées à 1 ou 2 heures de tout centre urbain. Dans les pays à budget alimentaire élevé, l’effet de l’emplacement le long du continuum rural-urbain est statistiquement significatif pour un plus petit nombre de catégories URCA. La consommation d’aliments hors domicile, plus importante dans les métropoles et les grandes villes que dans les petites villes, est moindre dans les zones rurales, et accuse la plus forte baisse dans les zones situées à plus de 2 heures de tout centre urbain. Ces résultats confirment ceux de l’analyse descriptive: plus le centre urbain est grand, plus la part des aliments consommés hors domicile dans la consommation totale est élevée, et cette part diminue à mesure que l’on s’éloigne d’une métropole (voir le tableau A7.4 à l’annexe 7). La consommation d’aliments hors domicile est souvent observée en lien avec les trajets entre le domicile et le lieu de travail; ces observations rendent donc compte de la distance supplémentaire que doivent parcourir les travailleurs des villes pour se rendre sur leur lieu d’activité par rapport à ceux des zones rurales.

Contrairement à ce que l’on observe pour les aliments d’origine animale et les aliments consommés hors domicile, les facteurs qui déterminent la part des légumes dans la consommation alimentaire totale des ménages suggèrent que la consommation de légumes est davantage déterminée par l’accessibilité et la disponibilité des produits que par le revenu. L’effet du revenu sur la consommation de légumes n’est pas net, mais il est globalement négatif et statistiquement significatif, et se traduit par une baisse de la part des légumes dans la consommation alimentaire totale à mesure que le revenu augmente (voir le tableau A7.5 à l’annexe 7).

Dans la consommation des ménages, la part des aliments d’origine animale est déterminée par le revenu, tandis que la part des fruits et des légumes est déterminée par l’accessibilité et la disponibilité des produits.

D’autre part, si l’on considère l’ensemble des pays, l’emplacement le long du continuum rural-urbain influe de manière statistiquement significative sur la part des légumes dans la consommation alimentaire totale des ménages – après neutralisation de l’effet du revenu. Dans les métropoles, les grandes villes et les villes moyennes, et dans les zones situées à moins d’une heure d’une métropole ou d’une grande ville, la part des légumes dans la consommation alimentaire est plus élevée que dans les petites villes (voir le tableau A7.5 à l’annexe 7). Dans les zones rurales des pays à faible budget alimentaire, on observe également une part nettement moindre des légumes dans la consommation alimentaire totale. Ces résultats pourraient s’expliquer par la présence, aussi bien dans les pays à budget alimentaire faible que dans ceux à budget alimentaire élevé, de vastes zones horticoles commerciales à proximité des villes ou dans des zones bien pourvues en eau proches de grands axes routiers et de cours d’eau.

Tant dans les pays à budget alimentaire élevé que dans les pays à budget alimentaire faible, l’effet de l’emploi non agricole est généralement non significatif (voir le tableau A7.5 à l’annexe 7). Cependant, si le chef de famille est une femme, on observe un effet positif sur la part des légumes dans la consommation alimentaire, et ce dans les deux groupes de pays classés par budget alimentaire. Étant donné que l’effet du revenu est pris en compte en même temps, on peut en déduire que les choix alimentaires des femmes font une différence pour les ménages, car celles-ci optent par exemple pour des aliments plus riches en nutriments et en vitamines.

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