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KENYA. Des légumes frais en vente au marché aux légumes de Limuru – S’attaquer aux causes profondes de la migration en créant des possibilités d’emploi dans le secteur agroalimentaire.
©FAO/Luis Tato

L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023

Chapitre 2 LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET LA NUTRITION DANS LE MONDE

L’évaluation mondiale de l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition en 2022 qui est exposée dans la présente édition du rapport brosse le tableau d’un monde qui peine à se remettre de la pandémie planétaire et qui est maintenant aux prises avec les conséquences de la guerre en Ukraine, laquelle a ébranlé encore un peu plus les marchés des produits alimentaires et de l’énergie. Les répercussions de la pandémie de covid-19 sur la vie et les moyens d’existence des populations ont été dévastatrices: elles ont entraîné une récession économique mondiale qui a mis un terme à trois décennies de progrès dans la réduction de la pauvreté et ont contribué, d’après les estimations, à une augmentation du nombre de personnes souffrant de la faim de près de 90 millions en l’espace d’une année seulement (de 2019 à 2020). L’année 2021 a marqué un relâchement partiel des contractions liées à la pandémie, qui a été très inégal d’un pays à l’autre et à l’intérieur même des pays. Le redressement a été bien plus lent dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et, partout dans le monde, les segments de population défavorisés éprouvaient encore de grandes difficultés après les pertes de revenus subies lors du pic de la pandémie, l’année précédente. Cette situation a contribué à une nouvelle augmentation de 38 millions environ du nombre de personnes souffrant de la faim en 2021. En février 2022, alors que la pression de la pandémie commençait tout juste à retomber, la guerre en Ukraine a éclaté entre deux des principaux producteurs agricoles mondiaux, ce qui a provoqué des ondes de choc sur les marchés des produits et de l’énergie, freiné le redressement et ajouté une incertitude plus grande encore1.

C’est dans ce contexte de redressement lent et inégal après la pandémie et de répercussions mondiales de la guerre en Ukraine que s’inscrit la présente évaluation de l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition en 2022. La hausse des prix des denrées alimentaires, des intrants agricoles et de l’énergie est venue tempérer les signes encourageants de reprise économique au sortir de la pandémie et les projections indiquant un recul de la pauvreté et de la faim.

Ce chapitre fait un point annuel sur la sécurité alimentaire et la nutrition en 2022 et décrit les progrès accomplis dans la réalisation de l’ODD 2, en accordant une attention particulière aux cibles 2.1 et 2.2: éliminer la faim et faire en sorte que chacun ait accès tout au long de l’année à une alimentation sans danger pour la santé, nutritive et en quantité suffisante, et mettre fin à la malnutrition sous toutes ses formes d’ici à 2030.

La section 2.1 présente une évaluation des progrès enregistrés en vue d’atteindre les cibles associées à l’ODD 2 concernant la faim et l’insécurité alimentaire. Elle comprend des informations actualisées sur la situation aux niveaux mondial, régional et sous-régional des deux indicateurs de la cible 2.1: la prévalence de la sous-alimentation et la prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave évaluée selon l’échelle de mesure de l’insécurité alimentaire vécue (échelle FIES), révisées pour 2022 à partir des données les plus récentes dont disposait la FAO au moment de la rédaction de ce rapport. Des projections actualisées de la prévalence mondiale de la sous-alimentation à l’horizon 2030 sont également fournies. Une comparaison de l’insécurité alimentaire des femmes et des hommes est proposée, ainsi que, pour la première fois, un aperçu des différences observées en matière d’insécurité alimentaire entre les populations rurales, périurbaines et urbaines.

La section 2.2 donne des estimations actualisées des indicateurs relatifs au coût et à l’abordabilité (accessibilité économique) d’une alimentation saine. Ces indicateurs fournissent des données factuelles sur l’accès économique des populations à des aliments nutritifs et diversifiés, qui est l’un des aspects indispensables pour parvenir à une alimentation saine. Dans la présente édition du rapport, les indicateurs concernant le coût et l’abordabilité d’une alimentation saine sont actualisés jusqu’en 2021. Faute de données récentes sur l’estimation de la répartition des revenus, les parités de pouvoir d’achat et les prix des produits alimentaires au niveau des pays, il n’a pas été possible d’effectuer la mise à jour jusqu’en 2022.

La section 2.3 présente une évaluation de l’état de la nutrition et des progrès accomplis vers les cibles mondiales en matière de nutrition établies par l’Assemblée mondiale de la Santé en 2012 et dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (cible 2.2 des ODD). Des données actualisées sont fournies pour cinq cibles relatives à la nutrition: insuffisance pondérale à la naissance, allaitement maternel exclusif, retard de croissance, émaciation et excès pondéral chez les enfants de moins de 5 ans.

2.1 Indicateurs de la sécurité alimentaire: dernières données en date et progrès vers l’élimination de la faim et la sécurité alimentaire

MESSAGES CLÉS
  • La faim dans le monde – mesurée par la prévalence de la sous-alimentation (indicateur 2.1.1 des ODD) – est demeurée relativement stable entre 2021 et 2022, mais se maintient à un niveau bien supérieur à celui enregistré avant la pandémie de covid-19: elle touchait quelque 9,2 pour cent de la population mondiale en 2022, contre 7,9 pour cent en 2019.
  • On estime qu’entre 691 millions et 783 millions de personnes dans le monde ont souffert de la faim en 2022. Si l’on prend la moyenne (735 millions environ), cela représente près de 122 millions de personnes de plus qu’en 2019, avant la pandémie.
  • La reprise économique observée au sortir de la pandémie en 2021 a ralenti en 2022. Du fait de la hausse des prix des denrées alimentaires, des intrants agricoles et de l’énergie, amplifiée par les répercussions de la guerre en Ukraine, les personnes les plus vulnérables ont eu du mal à retrouver un emploi et un revenu, ce qui a freiné le recul de la faim.
  • L’absence relative d’évolution de la faim à l’échelle mondiale entre 2021 et 2022 masque des différences considérables aux niveaux régional et sous-régional. En Asie et en Amérique latine, des progrès ont été accomplis en matière de réduction de la faim, mais cette dernière a continué d’augmenter en Asie de l’Ouest, dans les Caraïbes et dans toutes les sous-régions d’Afrique.
  • En Afrique, la prévalence de la sous-alimentation est passée de 19,4 pour cent en 2021 à 19,7 pour cent en 2022, sous l’effet principalement des augmentations enregistrées en Afrique australe et en Afrique du Nord. Le nombre de personnes souffrant de la faim en Afrique a augmenté de 11 millions depuis 2021, et de plus de 57 millions depuis le début de la pandémie de covid-19.
  • En Asie, la prévalence de la sous-alimentation a reculé, passant de 8,8 pour cent en 2021 à 8,5 pour cent en 2022, soit une diminution de plus de 12 millions de personnes, en Asie du Sud pour la plupart. Toutefois, cela représente encore 58 millions de personnes de plus qu’avant la pandémie. Des améliorations ont été constatées dans toutes les sous-régions à l’exception de l’Asie de l’Ouest, où la prévalence de la sous-alimentation est passée de 10,2 pour cent en 2021 à 10,8 pour cent en 2022.
  • Une inversion de tendance s’est également produite dans la région Amérique latine et Caraïbes, où la prévalence de la sous-alimentation a régressé, passant de 7,0 pour cent en 2021 à 6,5 pour cent en 2022, soit une diminution de plus de 2,4 millions du nombre de personnes souffrant de la faim, bien que cela représente toujours 7,2 millions de personnes de plus qu’en 2019. L’amélioration s’explique par les progrès accomplis en Amérique du Sud, et masque une nette augmentation de la prévalence de la sous-alimentation dans les Caraïbes, où elle est passée de 14,7 pour cent en 2021 à 16,3 pour cent en 2022.
  • La proportion de la population qui souffre de la faim est bien plus importante en Afrique que dans les autres régions du monde – près de 20 pour cent, contre 8,5 pour cent en Asie, 6,5 pour cent en Amérique latine et dans les Caraïbes et 7,0 pour cent en Océanie.
  • D’après les projections, près de 600 millions de personnes seront en situation de sous-alimentation chronique en 2030, ce qui souligne l’immense défi que représente la cible des ODD visant l’éradication de la faim. Dans un scénario sans pandémie ni guerre en Ukraine, ce chiffre serait inférieur de 119 millions – et de 23 millions environ dans un scénario où seule la guerre en Ukraine est écartée. La plupart des progrès devraient intervenir en Asie, tandis qu’aucune amélioration n’est prévue en Amérique latine et dans les Caraïbes, et que la faim devrait augmenter considérablement en Afrique d’ici à 2030.
  • Après une nette augmentation de 2019 à 2020, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave à l’échelle mondiale (indicateur 2.1.2 des ODD) est demeurée stable pour la deuxième année consécutive, mais est restée bien supérieure au niveau enregistré avant la pandémie, soit 25,3 pour cent. Quelque 29,6 pour cent de la population mondiale (2,4 milliards de personnes) étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2022, soit 391 millions de personnes de plus qu’en 2019.
  • La prévalence de l’insécurité alimentaire grave à l’échelle mondiale a légèrement diminué, passant de 11,7 pour cent en 2021 à 11,3 pour cent en 2022, soit l’équivalent de 27 millions de personnes en moins. Le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire grave est toutefois demeuré autour de 900 millions en 2022, soit 180 millions de personnes de plus qu’en 2019.
  • La prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave a connu une légère hausse en Afrique ainsi qu’en Amérique du Nord et en Europe, et a baissé faiblement en Asie entre 2021 et 2022. La seule région affichant des progrès encourageants est l’Amérique latine et les Caraïbes, où la proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave a baissé, passant de 40,3 pour cent en 2021 à 37,5 pour cent en 2022, soit l’équivalent de 16,5 millions de personnes en moins en un an, principalement en Amérique du Sud.
  • Il ressort d’une comparaison de l’insécurité alimentaire des populations rurales, périurbaines et urbaines que l’insécurité alimentaire mondiale, aux deux niveaux de gravité, est plus faible dans les zones urbaines. En 2022, l’insécurité alimentaire modérée ou grave concernait 33,3 pour cent des adultes en milieu rural, contre 28,8 pour cent dans les zones périurbaines et 26,0 pour cent dans les zones urbaines.
  • L’insécurité alimentaire touche davantage les femmes que les hommes dans toutes les régions du monde. Cela étant, l’écart entre les femmes et les hommes en matière d’insécurité alimentaire à l’échelle mondiale, qui s’est creusé dans le sillage de la pandémie de covid-19, est passé de 3,8 points en 2021 à 2,4 points en 2022, ce qui laisse penser que les répercussions disproportionnées de la pandémie sur l’insécurité alimentaire des femmes se sont atténuées au niveau mondial et dans certaines régions. L’écart entre les femmes et les hommes s’est réduit tout particulièrement en Asie ainsi qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes, mais s’est accentué en Afrique ainsi qu’en Amérique du Nord et en Europe.

Les estimations du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde sont toujours les meilleures approximations possibles compte tenu des informations disponibles. La pandémie de covid-19 a perturbé les activités habituelles de collecte de données en 2020 et 2021, ce qui a compliqué l’évaluation de l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde et accentué l’incertitude autour des estimations. Bien que les principaux effets de la pandémie se soient estompés et que les activités de collecte de données aient commencé à se normaliser, la communication d’informations par les pays n’était pas encore entièrement revenue à son niveau antérieur en 2022. Les estimations de la prévalence de la sous-alimentation (indicateur 2.1.1 des ODD) sont donc présentées sous la forme de fourchettes débutant en 2020 pour tenir compte de l’incertitude accrue constatée depuis la pandémie.

Comme toujours, les estimations de la prévalence de la sous-alimentation pour l’année la plus récente (2022) sont obtenues en établissant des prévisions immédiates des valeurs des trois paramètres nécessaires en fonction des toutes dernières informations dont dispose la FAO au sujet de l’offre de produits alimentaires et à partir d’hypothèses raisonnables quant à l’étendue des inégalités d’accès à la nourriture (annexe 2, section A).

Les évaluations de la prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave qui reposent sur l’échelle FIES (indicateur 2.1.2 des ODD) sont réalisées, chaque fois que possible, sur la base des estimations officielles communiquées par les pays, ainsi qu’à partir des estimations que la FAO effectue au moyen des données qu’elle collecte tous les ans par l’intermédiaire de prestataires de services dans plus de 140 pays (voir l’annexe 1B).

Indicateur 2.1.1 des ODD Prévalence de la sous-alimentation

Il ressort de l’évaluation de la faim dans le monde en 2022 – mesurée par la prévalence de la sous-alimentation (indicateur 2.1.1 des ODD) – que la faim s’est maintenue à un niveau bien supérieur à celui enregistré avant la pandémie de covid-19. La proportion de la population mondiale souffrant de faim chronique en 2022 était de 9,2 pour cent environ, contre 7,9 pour cent en 2019 (figure 1). Après une hausse importante en 2020, en pleine pandémie mondiale, puis moins rapide en 2021, qui l’a portée à 9,3 pour cent, la prévalence de la sous-alimentation a cessé d’augmenter entre 2021 et 2022, donnant quelques raisons d’espérer une possible inversion de tendanceb.

Figure 1 LA FAIM DANS LE MONDE EST DÉMEURÉE RELATIVEMENT STABLE ENTRE 2021 ET 2022, MAIS SE MAINTIENT À UN NIVEAU BIEN SUPÉRIEUR À CELUI ENREGISTRÉ AVANT LA PANDÉMIE DE COVID-19

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
NOTES: * Les projections fondées sur des prévisions immédiates pour 2022 sont indiquées par des traits en pointillé. Les barres correspondent aux limites inférieure et supérieure de la fourchette.
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

On estime qu’entre 691 millions et 783 millions de personnes dans le monde ont souffert de la faim en 2022. Si l’on prend la moyenne des projections (735 millions environ en 2022), cela représente 122 millions de personnes de plus qu’en 2019, avant la pandémie.

L’absence relative d’évolution de la faim au niveau mondial entre 2021 et 2022 masque des différences considérables au niveau régional (tableau 1, tableau 2 et figure 2). De graves crises alimentaires continuent de sévir à un grand nombre d’endroits dans le monde (encadré 1). En Afrique, la faim progresse depuis 2010; elle s’est fortement aggravée dans toutes les sous-régions en 2020, puis a enregistré une augmentation plus modérée en 2021. En 2022, la prévalence de la sous-alimentation en Afrique a continué d’augmenter, passant de 19,4 pour cent en 2021 à 19,7 pour cent, ce qui équivaut à 11 millions de personnes supplémentaires en un an et près de 57 millions de plus depuis le début de la pandémie. En outre, la faim a progressé dans toutes les sous-régions du continent en 2022. En Afrique du Nord, la prévalence de la sous-alimentation est passée de 6,9 pour cent à 7,5 pour cent, ce qui signifie que près de 2 millions de personnes supplémentaires ont souffert de la faim en 2022. En Afrique subsaharienne, la faim est passée de 22,2 pour cent à 22,5 pour cent, ce qui correspond à 9 millions de personnes de plus par rapport à 2021. L’augmentation la plus forte de la prévalence de la sous-alimentation, soit 1,1 point, s’est produite en Afrique australe; l’Afrique centrale, qui a connu une progression de 0,6 point, occupe la deuxième place. Des augmentations minimes, de 0,1 point, ont eu lieu en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est entre 2021 et 2022. Ces augmentations correspondent à environ 1 million de personnes supplémentaires en Afrique australe, à 3 millions en Afrique centrale ainsi qu’en Afrique de l’Est et à 2 millions en Afrique de l’Ouest. Dans toutes les sous-régions d’Afrique, la prévalence de la sous-alimentation ou le nombre de personnes sous-alimentées a largement dépassé les niveaux enregistrés avant la pandémie.

Tableau 1PRÉVALENCE DE LA SOUS-ALIMENTATION, 2005-2022

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023]. www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
NOTES: * Les valeurs indiquées correspondent au milieu de la fourchette des projections. On trouvera à l’annexe 2 tous les chiffres de 2020, 2021 et 2022. Pour consulter la liste des pays composant chaque agrégat régional/sous-régional, voir les Notes relatives aux régions géographiques dans les tableaux statistiques, à la fin du rapport.
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023]. www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

Tableau 2NOMBRE DE PERSONNES SOUS-ALIMENTÉES, 2005-2022

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023]. www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
NOTES: * Les valeurs indiquées correspondent au milieu de la fourchette des projections. On trouvera à l’annexe 2 tous les chiffres de 2020, 2021 et 2022. n.c. = non communiqué, car la prévalence est inférieure à 2,5 pour cent. Les totaux régionaux peuvent différer de la somme des totaux des sous-régions en raison des arrondis et des valeurs non communiquées. Pour consulter la liste des pays composant chaque agrégat régional/sous-régional, voir les Notes relatives aux régions géographiques dans les tableaux statistiques, à la fin du rapport.
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023]. www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

Figure 2 DANS LA PLUPART DES SOUS-RÉGIONS D’ASIE ET D’AMÉRIQUE LATINE, DES PROGRÈS ONT ÉTÉ ACCOMPLIS EN MATIÈRE DE RÉDUCTION DE LA FAIM, MAIS CETTE DERNIÈRE CONTINUE D’AUGMENTER EN ASIE DE L’OUEST, DANS LES CARAÏBES ET DANS TOUTES LES SOUS-RÉGIONS D’AFRIQUE

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] http://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
NOTES: L’Asie de l’Est n’est pas représentée, car la prévalence de la sous-alimentation y a été constamment inférieure à 2,5 pour cent depuis 2010. * Les valeurs indiquées correspondent au milieu de la fourchette des projections. On trouvera à l’annexe 2 tous les chiffres de 2020, 2021 et 2022.
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

ENCADRÉ 1QUEL EST LE LIEN ENTRE LES DONNÉES SUR L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE CHRONIQUE ET CELLES SUR L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE AIGUË DANS LES PAYS CONNAISSANT UNE CRISE ALIMENTAIRE?

Il ressort des données fournies dans le présent rapport que, bien que la prévalence de la sous-alimentation au niveau mondial soit demeurée relativement stable entre 2021 et 2022, la faim s’est aggravée dans de nombreuses régions du monde. Les répercussions négatives de la guerre en Ukraine (et d’autres conflits) sur la sécurité alimentaire, la flambée des prix des denrées alimentaires et les phénomènes météorologiques extrêmes ont été ressentis plus durement dans certains endroits que dans d’autres. La dernière édition en date du Rapport mondial sur les crises alimentaires2 confirme d’ailleurs ces conclusions.

Le Rapport mondial sur les crises alimentaires et le présent rapport sont tous deux des initiatives multipartites qui font état des évaluations internationales de la sécurité alimentaire. Ils diffèrent toutefois par leurs objectifs et leur portée géographique, et reposent sur des données et des méthodes distinctes. Le présent rapport a pour objectif général de permettre un suivi régulier de l’insécurité alimentaire chronique dans le monde entier en rendant compte des indicateurs 2.1.1 et 2.1.2 des ODD. L’insécurité alimentaire chronique est définie comme étant une situation structurelle et prolongée de privation de nourriture. La prévalence de la sous-alimentation, par exemple, mesure la faim (sous-alimentation chronique), qui est définie comme étant une incapacité prolongée ou persistante de satisfaire ses besoins énergétiques alimentaires minimaux et, à l’échelle d’un pays, on estime que cette prévalence est représentative de la situation de l’ensemble de la population. Le Rapport mondial sur les crises alimentaires porte quant à lui plus précisément sur l’insécurité alimentaire aiguë dans les pays connaissant des crises alimentaires, et vise à guider les interventions humanitaires immédiates. L’insécurité alimentaire aiguë désigne une incapacité ponctuelle (éventuellement temporaire) de satisfaire ses besoins énergétiques alimentaires en raison de crises sporadiques qui peuvent se prolonger et constituent, de par leur gravité, une menace pour la vie et les moyens d’existence des populations. Les évaluations de l’insécurité alimentaire privilégient l’utilisation du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire/Cadre harmonisé (IPC/CH), qui est appliqué à un ensemble de pays exposés aux crises alimentaires et donc susceptibles d’avoir besoin d’une assistance humanitaire*. Ces évaluations ne sont pas des mesures statistiques, mais le résultat d’une démarche consistant à faire la synthèse de données recueillies par une équipe de pays composée d’analystes, sur la base des informations les plus récentes issues de diverses sources. À l’échelle des pays, des estimations approximatives du nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë à un niveau de crise sont communiquées. Elles portent sur les populations spécifiquement couvertes par l’analyse, qui ne correspondent pas nécessairement à l’ensemble de la population nationale.

Du fait de ces différences de conception et de mesure, il n’est pas possible de comparer directement les chiffres figurant dans les deux rapports. L’insécurité alimentaire aiguë et l’insécurité alimentaire chronique ne sont toutefois pas des phénomènes sans lien entre eux. La répétition des chocs et la persistance des crises peuvent entraîner des situations d’insécurité alimentaire chronique. En conséquence, on pourrait s’attendre à l’existence de certains liens, au moins dans les tendances, entre les résultats des deux rapports.

À cet égard, le Rapport mondial sur les crises alimentaires 20232 fait état d’une augmentation de 37 millions du nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire aiguë (phase 3 ou supérieure de l’IPC/CH) entre 2021 et 2022 dans les 48 pays analysés au cours de ces deux années**. Cette évolution équivaut à une augmentation de la prévalence de l’insécurité alimentaire aiguë, laquelle est passée de 21,8 pour cent à 22,5 pour cent de la population analysée. Une analyse de la faim (prévalence de la sous-alimentation) limitée au même groupe de 48 pays analysés dans le Rapport mondial sur les crises alimentaires fait apparaître une hausse de 14 millions du nombre de personnes souffrant de sous-alimentation chronique, la prévalence de la sous-alimentation passant ainsi de 20,8 pour cent à 21,3 pour cent des populations cumulées de ces 48 pays (figure A). Cela révèle une convergence entre les évaluations tendancielles, appelle l’attention sur l’existence de crises alimentaires persistantes dans de nombreuses régions du monde et renforce la nécessité de mieux comprendre le lien entre insécurité alimentaire aiguë et insécurité alimentaire chronique, en particulier dans les pays connaissant des crises alimentaires.

FIGURE A COMPARAISON ENTRE L’ESTIMATION DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE AIGUË ISSUE DU RAPPORT MONDIAL SUR LES CRISES ALIMENTAIRES ET L’ESTIMATION DE LA SOUS-ALIMENTATION CHRONIQUE ÉTABLIE À PARTIR DE LA PRÉVALENCE DE LA SOUS-ALIMENTATION POUR LES 48 MÊMES PAYS, FAISANT APPARAÎTRE DES TENDANCES SIMILAIRES ENTRE 2021 ET 2022

SOURCES: Réseau d’information sur la sécurité alimentaire et Réseau mondial contre les crises alimentaires. 2023. Global Report on Food Crises 2023. Rome. www.fsinplatform.org/global-report-food-crises-2023; FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
SOURCES: Réseau d’information sur la sécurité alimentaire et Réseau mondial contre les crises alimentaires. 2023. Global Report on Food Crises 2023. Rome. www.fsinplatform.org/global-report-food-crises-2023; FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

L’estimation de la prévalence de la sous-alimentation en Asie pour 2022 fait apparaître une inversion de tendance concernant la faim, laquelle était en augmentation dans la région depuis 2017. La prévalence de la sous-alimentation a reculé, passant de 8,8 pour cent en 2021 à 8,5 pour cent en 2022, soit une diminution de plus de 12 millions de personnes, en Asie du Sud pour la plupart. Toutefois, cela représente encore 58 millions de personnes de plus qu’avant la pandémie. À l’exception de l’Asie de l’Ouest, toutes les sous-régions ont enregistré une inversion de tendance, l’amélioration la plus importante ayant été constatée en Asie du Sud, qui est la sous-région où la prévalence de la sous-alimentation est la plus élevée (15,6 pour cent en 2022). En Asie de l’Ouest, plus de 2 millions de personnes supplémentaires souffraient de la faim en 2022 par rapport à 2021, soit une augmentation de 0,6 point (de 10,2 pour cent à 10,8 pour cent).

Une inversion de tendance s’est également produite dans la région Amérique latine et Caraïbes, où la prévalence de la sous-alimentation a régressé, passant de 7,0 pour cent en 2021 à 6,5 pour cent en 2022, soit une diminution de plus de 2,4 millions du nombre de personnes souffrant de la faim, bien que cela représente toujours 7,2 millions de personnes de plus qu’en 2019. Une forte augmentation a été enregistrée dans la sous-région Caraïbes, où la prévalence de la sous-alimentation est passée de 14,7 pour cent en 2021 à 16,3 pour cent en 2022. De nettes améliorations ont toutefois été observées en Amérique du Sud au cours de la même période, la prévalence de la sous-alimentation étant passée de 7,0 pour cent à 6,1 pour cent, soit l’équivalent de 3,5 millions de personnes de moins, bien que l’on dénombre toujours 6 millions de personnes sous-alimentées de plus qu’en 2019.

La proportion de la population qui souffre de la faim est bien plus importante en Afrique que dans les autres régions du monde – près de 20 pour cent, contre 8,5 pour cent en Asie, 6,5 pour cent en Amérique latine et dans les Caraïbes et 7,0 pour cent en Océanie (tableau 1).

Si les estimations de la prévalence régionale nous renseignent sur l’ampleur du fardeau que constitue la faim dans chaque région, les chiffres absolus indiquent les régions où se trouvent la majorité des personnes souffrant de ce fléau dans le monde (tableau 2 et figure 3). Bien que la prévalence de la sous-alimentation en Asie soit deux fois moins élevée qu’en Afrique, c’est en Asie que l’on trouve la majorité des personnes souffrant de la faim, soit 402 millions de personnes, ce qui représente 55 pour cent du nombre total de personnes sous-alimentées en 2022. Environ 38 pour cent (282 millions) de personnes sous-alimentées vivent en Afrique et approximativement 6 pour cent (43 millions) en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Figure 3 EN 2022, 55 POUR CENT (402 MILLIONS) DES PERSONNES TOUCHÉES PAR LA FAIM DANS LE MONDE SE TROUVAIENT EN ASIE ET 38 POUR CENT (282 MILLIONS) EN AFRIQUE

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] http://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
NOTES: Les valeurs indiquées correspondent au milieu de la fourchette des projections. On trouvera à l’annexe 2 les chiffres de 2022. n.c. = non communiqué, car la prévalence est inférieure à 2,5 pour cent.
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

Redressement économique freiné par de nouveaux défis en matière de sécurité alimentaire

À la fin de 2021, la sécurité alimentaire mondiale a atteint un niveau alarmant à cause des effets persistants de la pandémie de covid-19 et en raison de conflits nouveaux ou prolongés et de chocs météorologiques. La conjonction entre, d’une part, le redressement économique inégal qui s’est produit après la contraction spectaculaire de l’activité constatée en 2020 et, d’autre part, l’augmentation des prix des produits alimentaires, des combustibles et du transport due à ce même redressement, a entravé les progrès dans le domaine de la sécurité alimentaire.

Alors même que les conditions économiques apparaissaient plus favorables pour 2022 et qu’une réduction de la faim et de l’insécurité alimentaire aux niveaux d’avant la pandémie semblait possible, la guerre en Ukraine a envoyé une nouvelle onde de choc par l’intermédiaire de l’économie mondiale. En conséquence, le redressement observé en 2021 a ralenti en 2022, et le produit intérieur brut (PIB) mondial a progressé en 2022 de 3,4 pour cent, soit un point de moins que le rythme prévu au début de 20233.

Les bouleversements dus à la guerre se sont propagés principalement par les marchés alimentaires et agricoles mondiaux, car ils concernaient deux grands producteurs mondiaux de produits agricoles, à savoir la Fédération de Russie et l’Ukraine. En 2021, l’un ou l’autre de ces pays, voire les deux, figuraient parmi les trois premiers exportateurs mondiaux de blé, de maïs, de colza, de tourteaux de tournesol et d’huile de tournesolc, 4. La Fédération de Russie compte également parmi les grands exportateurs d’engrais. Dans ce contexte, l’une des principales répercussions de la guerre a été la hausse des cours internationaux des produits alimentaires. Même si ces prix augmentaient déjà régulièrement avant la guerre, l’incertitude supplémentaire suscitée par le conflit a contribué à leur flambée. L’indice FAO des prix des produits alimentaires a bondi pour atteindre un niveau record en mars 2022 et, bien qu’il ait reculé ensuite de manière constante jusqu’à la fin de l’année, il s’est maintenu à un niveau bien supérieur à celui enregistré avant la pandémie5. Les prix élevés sur les marchés alimentaires internationaux ont entraîné une augmentation des coûts d’importation, dont ont notamment pâti les pays fortement tributaires des importations de produits alimentaires. À l’échelle mondiale, la facture des importations alimentaires aurait atteint, en 2022, le niveau record de près de 2 000 milliards d’USD d’après les estimations, soit une augmentation de 10 pour cent (près de 181 milliards d’USD) par rapport au niveau de 2021, sous l’effet principalement de la hausse des prix6. Les prix mondiaux des engrais se sont également envolés, en grande partie à cause de l’augmentation des prix de l’énergie et notamment du gaz naturel. La facture mondiale des importations d’intrants agricoles se serait accrue de 48 pour cent en 2022 d’après les estimations, pour atteindre 424 milliards d’USD7. Tous ces facteurs ont contribué à la hausse des prix des denrées alimentaires aux niveaux local et national, ce qui a ensuite fortement participé à l’inflation générale. En 2022, l’inflation a progressé dans la quasi-totalité des économies, et l’inflation globale a dépassé 9 pour cent au deuxième semestre à l’échelle mondiale, s’établissant à son niveau le plus élevé depuis 19958.

Dans ce contexte, l’évolution mondiale de la faim est le résultat de la conjonction de deux facteurs qui interagissent au niveau des ménages. Premièrement, un effet de revenu résultant de la reprise économique en 2022 a probablement contribué à augmenter le revenu disponible des ménages et facilité l’accès à la nourriture, en particulier des ménages les plus pauvres qui ont subi d’importantes pertes de revenu pendant la pandémie. À l’échelle mondiale, l’emploi a progressé de 2,3 pour cent en 2022, après la légère augmentation annuelle de 0,2 pour cent enregistrée entre 2020 et 20219. La croissance de l’emploi a été plus rapide dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure que dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et les pays à revenu élevé. Dans le même temps, le chômage a considérablement reculé à l’échelle mondiale: en 2022, on dénombrait 205 millions de chômeurs, contre 216 millions en 2021 et 235 millions en 2020, mais ce niveau était encore supérieur à celui de 20199.

Le second facteur qui a influé sur l’évolution de la faim est l’effet de prix. La hausse des prix des produits alimentaires et l’inflation générale peuvent amenuiser les gains de revenus et rendre plus difficile l’accès à la nourriture. À court terme, cela est particulièrement vrai pour les segments les plus pauvres de la population, qui consacrent une plus grande part de leur revenu à l’achat de nourriture. À long terme, toutefois, certains ménages peuvent parvenir à adapter leurs habitudes de consommation pour atténuer les répercussions, et les populations rurales pauvres travaillant dans l’agriculture peuvent même bénéficier des prix plus élevés de leurs produitsd, 10.

La stagnation de la situation de la faim dans le monde en 2022 résulte donc de l’interaction entre ces deux facteurs. La reprise économique a contribué à endiguer la progression de la faim, du moins au niveau mondial. Cependant, cet effet favorable aurait pu être encore plus important s’il n’avait pas été freiné par les répercussions mondiales de la guerre en Ukraine et la hausse des prix des produits alimentaires, des intrants agricoles et de l’énergie, conjuguées à d’autres facteurs d’insécurité alimentaire, tels que les conflits et les phénomènes météorologiques. La faim se maintient donc à un niveau bien plus élevé que celui constaté avant la pandémie, aussi bien à l’échelle mondiale que dans les différentes régions.

Au niveau régional, cette interaction entre l’effet de revenu et l’effet de prix se manifeste dans plusieurs sous-régions, avec des résultats variables. En Afrique australe, par exemple, l’aggravation de la faim en 2022 découlait, d’une part, de l’augmentation de l’inflation à la suite de la flambée des prix internationaux des produits et, d’autre part, de problèmes intérieurs tels que la persistance d’un fort taux de chômage et d’un niveau élevé de vulnérabilité face aux crises11. Malgré une croissance régulière du PIB en 2022, la situation socioéconomique de la plupart des pauvres ne s’est pas améliorée. Dans le même temps, la production agricole a souffert des graves sécheresses et des fortes inondations ainsi que de l’envolée des prix internationaux des engrais. En Afrique centrale, l’aggravation de la faim a découlé principalement de l’inflation des prix des aliments, de l’augmentation de la facture des importations alimentaires et de phénomènes climatiques extrêmes, autant de facteurs qui ont amenuisé les effets positifs de la croissance économique, laquelle a été stimulée par les recettes importantes liées aux exportations de pétrole de certains pays11.

En Asie de l’Ouest, de nombreux pays ont bénéficié de l’augmentation des recettes pétrolières, mais cela ne s’est pas toujours traduit par un recul de la faim en 2022. Dans certains pays, l’instabilité politique et les conflits ont continué de perturber les approvisionnements alimentaires, les marchés et les systèmes de distribution, et abouti à une hausse des prix des denrées alimentaires et à des pénuries de nourriture. En outre, l’inflation s’est envolée dans plusieurs pays, rendant plus difficile l’accès à la nourriture12. En Asie du Sud, en revanche, les effets positifs de la croissance économique soutenue, en particulier dans l’agriculture, ont probablement pris le pas sur l’inflation, et contribué ainsi à une amélioration générale de la sécurité alimentaire. Plusieurs pays de la région ont également pris des mesures qui ont participé à cette amélioration générale, comme la fourniture d’engrais aux agriculteurs, l’octroi de subventions sur les céréales en faveur des groupes de population vulnérables et la réduction des droits de douane sur les céréales importées13.

Dans les Caraïbes, plusieurs petits États insulaires en développement ont pâti de la forte inflation des prix des aliments et de l’augmentation de la facture des importations en raison de la grande dépendance de la sous-région à l’égard des produits alimentaires et agricoles importés. Parallèlement, les recettes tirées des exportations ont baissé dans des secteurs clés, tels que le tourisme, et entraîné une réduction du revenu disponible et une accentuation de l’insécurité alimentaire14. À l’inverse, le recul de la faim observé en 2022 en Amérique du Sud, exportateur net de produits alimentaires et agricoles, a tenu en grande partie au développement du marché du travail, qui a contrebalancé le regain d’inflation, ainsi qu’aux politiques de protection sociale14. En outre, certains pays de la région ont bénéficié de la flambée des prix du pétrole et du gaz, qui a donné un coup de fouet aux recettes liées aux exportations. Ces hausses ont entraîné une augmentation des ressources budgétaires publiques (susceptibles d’être utilisées pour financer des programmes de protection sociale) et des investissements dans l’agriculture et les systèmes de distribution des produits alimentaires.

Ces facteurs positifs ont agi de diverses façons et eu des effets inégaux sur l’évolution de la faim selon les pays. Il ressort d’une comparaison de l’évolution, entre 2019 et 2022, de la prévalence de la sous-alimentation enregistrée dans les différentes catégories de pays classés par niveau de revenu que les pays à faible revenu continuent d’avoir le plus de difficultés à se redresser. À l’échelle mondiale, 58 pour cent des pays ont connu, en 2022, une prévalence de la sous-alimentation qui était encore supérieure à celle d’avant la pandémie. La proportion est toutefois bien supérieure dans les pays à faible revenu: 77 pour cent d’entre eux n’ont pas retrouvé leur niveau de 2019, contre 47 pour cent des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (figure 4).

Figure 4 LA PRÉVALENCE DE LA SOUS-ALIMENTATION DEMEURE PLUS ÉLEVÉE EN 2022 QU’AVANT LA PANDÉMIE DANS 58 POUR CENT DES PAYS, ET LA SITUATION EST PLUS GRAVE ENCORE DANS LES PAYS À FAIBLE REVENU (77 POUR CENT)

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] http://www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

L’arrêt de l’augmentation de la faim en 2022 est également conforme aux prévisions immédiates de la pauvreté disponibles pour 202210. Malgré la réduction attendue de la pauvreté entre 2021 et 2022, les projections indiquent, pour 2022, un ralentissement du rythme de ce recul compte tenu de la révision à la baisse des perspectives de croissance à l’échelle mondiale en 2022 et de la hausse des prix des produits alimentaires, des intrants agricoles et de l’énergie. À partir d’un scénario qui intègre le fait que la forte inflation des prix des aliments se répercute comparativement plus durement sur les populations pauvres, on estime que, entre 2021 et 2022, 5 millions de personnes en moins seront en situation de pauvreté extrême.

Vers l’élimination de la faim (cible 2.1 des ODD): projections à l’horizon 2030

Comme dans les précédentes éditions du rapport, des projections ont été réalisées à partir des prévisions relatives aux variables démographiques et économiques fondamentales pour déterminer le nombre de personnes risquant de souffrir de la faim en 2030. L’opération a consisté à effectuer des projections séparées pour chacun des paramètres du modèle servant à estimer la prévalence de la sous-alimentation (voir l’annexe 2, section B).

Les trajectoires sont présentées selon trois scénarios: le scénario «perspectives actuelles» vise à prendre en compte les projections actuelles de la prévalence de la sous-alimentation en 2030, établies à partir des perspectives économiques mondiales qui sont présentées dans l’édition d’avril 2023 de la base de données Perspectives de l’économie mondiale du Fonds monétaire international3; le scénario «projections avant la covid-19» reflète la situation de l’économie mondiale avant la pandémie, telle qu’elle est décrite dans les Perspectives de l’économie mondiale publiées en octobre 201915; et le scénario «projections avant la guerre en Ukraine» repose sur l’édition d’octobre 2021 de cette même publication16, parue avant le début de la guerre.

Selon le scénario fondé sur les perspectives actuelles, près de 600 millions de personnes seront en situation de sous-alimentation chronique en 2030, ce qui souligne l’immense défi que représente la cible des ODD visant l’éradication de la faim (figure 5). C’est environ 119 millions de personnes sous-alimentées de plus que dans le scénario où ni la pandémie ni la guerre en Ukraine n’ont eu lieu (scénario «projections avant la covid-19») et approximativement 23 millions de plus que dans le scénario où la guerre n’a pas éclaté (scénario «projections avant la guerre en Ukraine»). Ce dernier scénario donne une indication du recul supplémentaire que la guerre pourrait avoir entraîné dans la lutte mondiale contre la faim.

Figure 5 LE NOMBRE DE PERSONNES SOUS-ALIMENTÉES SELON LES PROJECTIONS INDIQUE QUE LE MONDE EST LOIN D’ÊTRE SUR LA BONNE VOIE POUR ATTEINDRE L’OBJECTIF FAIM ZÉRO D’ICI À 2030

SOURCE: Auteurs du présent document (FAO).
NOTE: *Les valeurs de 2020, 2021 et 2022 correspondent au milieu de la fourchette des projections indiquées à l’annexe 2.
SOURCE: Auteurs du présent document (FAO).

La figure 5 illustre également la façon dont on pense actuellement que la situation évoluera en Asie, en Afrique ainsi qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes. Les trajectoires sont clairement différentes, et montrent que la quasi-totalité des progrès dans la lutte contre la faim devraient être accomplis en Asie, où le nombre de personnes sous-alimentées devrait diminuer d’après les projections, passant de 402 millions actuellement à 242 millions d’ici à 2030. Le nombre de personnes sous-alimentées devrait se maintenir au même niveau en Amérique latine et dans les Caraïbes et augmenter considérablement en Afrique, où les projections indiquent que près de 300 millions de personnes risquent de souffrir de la faim en 2030. Il faut redoubler d’efforts pour s’attaquer aux problèmes structurels fondamentaux qui touchent le continent africain.

Indicateur 2.1.2 des ODD Prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave dans la population, évaluée selon l’échelle de mesure de l’insécurité alimentaire vécue

La cible 2.1 des ODD appelle la communauté internationale à ne pas se contenter d’éliminer la faim, et à donner accès à une nourriture sans danger pour la santé, nutritive et en quantité suffisante à tous, tout au long de l’année. L’indicateur 2.1.2 des ODD – Prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave dans la population, évaluée selon l’échelle FIES – est utilisé pour suivre les progrès accomplis au regard de cet objectif ambitieux.

Les nouvelles estimations de la prévalence de l’insécurité alimentaire selon l’échelle FIES confirment que l’insécurité alimentaire n’a pas reculé au niveau mondial en 2022. Après une forte augmentation entre 2019 et 2020, la prévalence mondiale de l’insécurité alimentaire modérée ou grave est demeurée stable pour la deuxième année consécutive, mais est restée bien supérieure au niveau enregistré avant la pandémie de covid-19 (figure 6 et tableau 3). On estime qu’en 2022, l’insécurité alimentaire modérée ou grave touchait 29,6 pour cent de la population mondiale, autrement dit 2,4 milliards de personnes n’avaient pas accès à une nourriture adéquate (tableau 3 et tableau 4). Cela représente toujours 391 millions de personnes de plus qu’en 2019, avant la pandémie, et 745 millions de personnes supplémentaires par rapport à 2015, année où le Programme de développement durable à l’horizon 2030 a été mis en place.

Figure 6 L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE MODÉRÉE OU GRAVE EST DEMEURÉE STABLE AU NIVEAU MONDIAL ENTRE 2021 ET 2022, MAIS A EMPIRÉ EN AFRIQUE AINSI QU’EN AMÉRIQUE DU NORD ET EN EUROPE, ET A RECULÉ EN ASIE AINSI QU’EN AMÉRIQUE LATINE ET DANS LES CARAÏBES

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
NOTE: Les chiffres ont été arrondis à la valeur décimale la plus proche, ce qui peut entraîner des différences dans les totaux.
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

Tableau 3PRÉVALENCE DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE GRAVE UNIQUEMENT ET DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE MODÉRÉE OU GRAVE, ÉVALUÉE SELON L’ÉCHELLE FIES, 2015-2022

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023]. www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
NOTES: n.d. = non disponible, à savoir que les données disponibles portent sur un nombre restreint de pays représentant moins de 50 pour cent de la population de la région. Les estimations pour l’Amérique latine et les Caraïbes concernant la période 2014-2019 comprennent des pays des Caraïbes dont les populations cumulées ne représentent que 30 pour cent de la population de la sous-région. Les estimations pour 2020, 2021 et 2022 portent sur des pays des Caraïbes dont les populations cumulées représentent entre 60 pour cent et 65 pour cent de la population de la sous-région. Les pays pris en compte dans l’estimation de 2022 pour la sous-région Caraïbes sont les suivants: Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Dominique, Grenade, Haïti, Jamaïque, République dominicaine, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Trinité-et-Tobago.
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023]. www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

Tableau 4NOMBRE DE PERSONNES EN SITUATION D’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE GRAVE UNIQUEMENT ET EN SITUATION D’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE MODÉRÉE OU GRAVE, ÉVALUÉ SELON L’ÉCHELLE FIES, 2015-2022

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023]. www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
NOTES: n.d. = non disponible, à savoir que les données disponibles portent sur un nombre restreint de pays représentant moins de 50 pour cent de la population de la région. Les estimations pour l’Amérique latine et les Caraïbes concernant la période 2014-2019 comprennent des pays des Caraïbes dont les populations cumulées ne représentent que 30 pour cent de la population de la sous-région. Les estimations pour 2020, 2021 et 2022 portent sur des pays des Caraïbes dont les populations cumulées représentent entre 60 pour cent et 65 pour cent de la population de la sous-région. Les pays pris en compte dans l’estimation de 2022 pour la sous-région Caraïbes sont les suivants: Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Dominique, Grenade, Haïti, Jamaïque, République dominicaine, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Trinité-et-Tobago.
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023]. www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

Plus d’un tiers (38 pour cent) des personnes se trouvant en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave dans le monde en 2022, soit 900 millions de personnes, souffraient d’insécurité alimentaire grave, ce qui signifie qu’elles venaient à manquer de nourriture à certaines périodes de l’année et qu’il leur arrivait, dans le pire des cas, de passer une journée entière ou plus sans manger. La prévalence de l’insécurité alimentaire grave à l’échelle mondiale a connu un léger recul, de 11,7 pour cent en 2021 à 11,3 pour cent en 2022, soit l’équivalent de 27 millions de personnes en moins (figure 6, tableau 3 et tableau 4). S’il est encourageant que la tendance à la hausse de l’insécurité alimentaire grave constatée au cours de ces six dernières années ait cessé, la prévalence mondiale demeure bien supérieure au niveau enregistré avant la pandémie, et représente 180 millions de personnes de plus par rapport à 2019 (tableau 3 et tableau 4). Au niveau mondial, le léger recul de l’insécurité alimentaire grave et la stabilisation de la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave laissent penser qu’un certain nombre de personnes qui se trouvaient en situation d’insécurité grave en 2021 sont passées dans la catégorie des personnes en situation d’insécurité modérée en 2022.

Comme on pouvait s’y attendre, l’évolution de la prévalence de l’insécurité alimentaire grave est analogue à celle de la prévalence de la sous-alimentation (tableau 1). Les personnes en situation d’insécurité alimentaire grave ont en effet peu de chances de se procurer suffisamment de nourriture pour satisfaire en permanence leurs besoins énergétiques alimentaires, et risquent donc de souffrir de sous-alimentation chronique. Les deux indicateurs donnent des informations concernant la proportion de la population qui se heurte à de grandes difficultés pour accéder à la nourriture, même s’ils s’appuient sur des méthodes et des sources de données très différentes (voir l’annexe 1B).

En dépit de l’absence d’évolution de la prévalence de l’insécurité alimentaire à l’échelle mondiale, on observe des tendances divergentes selon les régions. Les améliorations enregistrées dans certaines régions ont été contrebalancées par l’aggravation de la situation dans d’autres (figure 6, tableau 3 et tableau 4).

En Afrique, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave a augmenté d’un point en un an, pour atteindre 60,9 pour cent en 2022. L’augmentation est bien inférieure à celle de l’année précédente, qui avait été de quatre points. En Afrique de l’Est, en Afrique centrale et en Afrique australe, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave a augmenté de 2,4 points, 3,0 points et 1,2 point respectivement entre 2021 et 2022. En 2022, elle était comprise entre 25,9 pour cent en Afrique australe et 78,4 pour cent en Afrique centrale. L’augmentation de l’insécurité alimentaire modérée ou grave en Afrique entre 2021 et 2022 s’explique principalement par le plus grand nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire modérée, car l’augmentation de l’insécurité alimentaire grave dans la région a été très faible. Néanmoins, près d’une personne sur quatre en Afrique (24,0 pour cent) se trouvait en situation d’insécurité alimentaire grave en 2022. En Afrique du Nord, en Afrique centrale, en Afrique australe et en Afrique de l’Ouest, la prévalence de l’insécurité alimentaire grave a augmenté de 0,8 point, 1,3 point, 1,5 point et 0,3 point respectivement entre 2021 et 2022. En Afrique du Nord, cela équivaut à 2,4 millions de personnes supplémentaires, en Afrique centrale, à 4,8 millions, en Afrique australe, à 1,1 million et, en Afrique de l’Ouest, à 3,6 millions.

Une baisse marginale de l’insécurité alimentaire a été enregistrée en Asie, où 24,2 pour cent de la population se trouvait en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave en 2022, contre 24,5 pour cent en 2021. La situation s’est quelque peu améliorée en Asie centrale et en Asie de l’Ouest, où la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave a reculé de 2,7 points et 3,2 points respectivement, bien que l’insécurité alimentaire grave ait légèrement augmenté en Asie de l’Ouest. Dans les autres sous-régions d’Asie, l’insécurité alimentaire modérée ou grave n’a presque pas évolué, bien que l’on constate de grandes différences de prévalence selon les sous-régions. La proportion de personnes se trouvant en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave allait de 6,2 pour cent en Asie de l’Est à 40,3 pour cent en Asie du Sud, qui abrite plus d’un tiers de la population en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave dans le monde, soit 809 millions de personnes environ. L’Asie du Sud connaît également la plus forte prévalence de l’insécurité alimentaire grave du continent, bien que cette prévalence ait diminué de 1,6 point entre 2021 et 2022, soit l’équivalent de 28,7 millions de personnes.

La région Amérique latine et Caraïbes a réalisé des avancées encourageantes en 2022: la proportion de la population en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave a baissé, passant de 40,3 pour cent en 2021 à 37,5 pour cent en 2022, soit l’équivalent de 16,5 millions de personnes de moins en un an. Cette amélioration s’explique par les progrès accomplis en Amérique du Sud, où ladite proportion est passée de 40,9 pour cent en 2021 à 36,4 pour cent en 2022. La prévalence de l’insécurité alimentaire grave a également reculé en Amérique du Sud, passant de 15,1 pour cent en 2021 à 12,7 pour cent en 2022. En Amérique centrale et dans les Caraïbes, en revanche, la situation de la sécurité alimentaire s’est dégradée entre 2021 et 2022. Dans les Caraïbes, sous-région la plus touchée par l’insécurité alimentaire, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave est passée de 59,5 pour cent à 60,6 pour cent, et l’insécurité alimentaire grave de 25,7 pour cent à 28,2 pour cent.

En Océanie, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave s’élevait à 13,0 pour cent en 2022. On estime que 3,4 pour cent de la population d’Océanie se trouvait en situation d’insécurité alimentaire grave en 2022, contre 4,5 pour cent en 2021.

En Amérique du Nord et en Europe, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave a légèrement augmenté en 2022 pour atteindre 8,0 pour cent, tandis que l’insécurité alimentaire grave est demeurée stable. En Europe du Nord, l’insécurité alimentaire modérée ou grave a augmenté de 2 points environ, atteignant 6,6 pour cent en 2022, tandis qu’en Europe du Sud elle a reculé de 1 point approximativement, passant à 7,5 pour cent.

Il est intéressant de comparer les résultats que les régions ont obtenus dans la lutte contre la faim depuis le début de la pandémie, à la fin de 2019. Trois ans plus tard, certaines sous-régions d’Asie et d’Amérique latine semblent rebondir, alors que l’Afrique peine encore à inverser la tendance. Quoi qu’il en soit, dans toutes les régions, les taux d’insécurité alimentaire restent bien supérieurs à ceux enregistrés avant la pandémie.

La figure 7 montre que, sur les 2,4 milliards de personnes qui étaient en situation d’insécurité alimentaire en 2022, près de la moitié (1,1 milliard) se trouvaient en Asie, 37 pour cent (868 millions) en Afrique, 10,5 pour cent (248 millions) en Amérique latine ou dans les Caraïbes, et approximativement 4 pour cent (90 millions) en Amérique du Nord ou en Europe. La figure illustre aussi le poids relatif de l’insécurité alimentaire grave dans la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave selon les régions. L’insécurité alimentaire grave représente une plus grande part de la somme de l’insécurité alimentaire modérée et de l’insécurité alimentaire grave en Afrique, en Asie ainsi qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes: 39,4 pour cent, 39,9 pour cent et 33,5 pour cent respectivement, contre 18,8 pour cent en Amérique du Nord et en Europe.

Figure 7 L’AMPLEUR ET LA RÉPARTITION DES DEUX NIVEAUX DE GRAVITÉ DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE VARIENT GRANDEMENT SELON LES RÉGIONS DU MONDE

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

Différences enregistrées entre les zones rurales, les zones périurbaines et les zones urbaines en matière d’insécurité alimentaire

Les données FIES géoréférencées que la FAO a recueillies en 2022 ont permis de présenter, pour la première fois, une comparaison de l’insécurité alimentaire des populations vivant dans les zones rurales, périurbaines et urbaines aux niveaux mondial, régional et sous-régionale. La classification selon le degré d’urbanisation (DEGURBA), une nouvelle norme internationale, a été utilisée à des fins de comparaison internationale pour distinguer les populations en fonction de leur densité et de leur taille, en définissant les zones suivantes: i) zones rurales; ii) petites villes et zones semi-denses (zones périurbaines); et iii) villes moyennes ou grandes (zones urbaines)f, 17. La prévalence de l’insécurité alimentaire chez les adultes de chaque groupe a ensuite été calculée.

Les résultats montrent qu’à l’échelle mondiale, la sécurité alimentaire s’améliore à mesure que le degré d’urbanisation augmente (figure 8)g. En 2022, l’insécurité alimentaire modérée ou grave concernait 33,3 pour cent des adultes en milieu rural, contre 28,8 pour cent dans les zones périurbaines et 26,0 pour cent dans les zones urbaines. La prévalence de l’insécurité alimentaire grave était de 12,8 pour cent dans les zones rurales, de 11,6 pour cent dans les zones périurbaines et de 9,4 pour cent dans les zones urbaines.

Figure 8 L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE, AUX DEUX NIVEAUX DE GRAVITÉ, EST PLUS ÉLEVÉE EN ZONE RURALE QU’EN ZONE URBAINE DANS TOUTES LES RÉGIONS, EXCEPTÉ L’AMÉRIQUE DU NORD ET L’EUROPE

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

À l’échelle régionale, les différences entre régions sont intéressantes. L’Afrique suit manifestement la tendance mondiale à la détérioration de la situation sur le plan de la sécurité alimentaire à mesure que l’on passe des zones urbaines aux zones périurbaines, puis aux zones rurales. En Asie ainsi qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes, l’insécurité alimentaire est nettement plus élevée dans les zones rurales que dans les zones urbaines aux deux niveaux de gravité, mais les différences entre les zones périurbaines et les zones rurales sont moins marquées. En Amérique du Nord et en Europe, en revanche, l’insécurité alimentaire est plus répandue en milieu urbain qu’en milieu rural aux deux niveaux de gravité.

Ces disparités entre les schémas régionaux peuvent s’expliquer en partie si l’on examine les différences d’insécurité alimentaire entre zones rurales et zones urbaines selon la classification DEGURBA sous l’angle des catégories de pays classés par niveau de revenu (figure 8). Dans les pays à faible revenu, les populations rurales et périurbaines souffrent davantage de l’insécurité alimentaire que les populations urbaines, alors que dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, c’est dans les zones rurales que l’insécurité alimentaire est la plus forte, mais elle est à peine plus élevée dans les zones périurbaines que dans les zones urbaines. La situation est nettement différente dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et les pays à revenu élevé. Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, c’est dans les zones rurales que la prévalence de l’insécurité alimentaire est la plus forte aux deux niveaux de gravité, et dans les zones périurbaines qu’elle est la plus faible. Dans les pays à revenu élevé, en revanche, c’est la population urbaine qui est la plus exposée à l’insécurité alimentaire modérée ou grave, sans véritable différence entre ces deux niveaux de gravité.

Différences entre les femmes et les hommes dans le domaine de l’insécurité alimentaire

Les nouvelles données FIES révèlent une persistance des inégalités entre les femmes et les hommes. La prévalence de l’insécurité alimentaire est plus élevée chez les femmes que chez les hommes dans toutes les régions du monde. À l’échelle mondiale, l’écart entre les femmes et les hommes en matière d’insécurité alimentaire s’est considérablement creusé en 2020 et 2021 à la suite de la pandémie de la covid-19, car les femmes ont été plus touchées par les pertes d’emploi et de revenu et ont assumé une plus grande part des soins supplémentaires non rémunérés18, 19. Les femmes vivant dans les zones rurales avaient une probabilité encore plus grande de se trouver en situation d’insécurité alimentaire20, car elles ont subi des pertes d’emploi et de revenu bien supérieures à celles des hommes, en particulier dans les systèmes agroalimentaires21. En 2021, l’écart entre les femmes et les hommes a atteint 3,8 points, 28,6 pour cent des femmes dans le monde ayant connu une insécurité alimentaire modérée ou grave, contre 24,8 pour cent des hommes (figure 9).

Figure 9 DANS LE MONDE ENTIER ET DANS CHAQUE RÉGION, LA PREVALENCE DE L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE EST PLUS ÉLEVÉE CHEZ LES FEMMES QUE CHEZ LES HOMMES

SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS
SOURCE: FAO. 2023. FAOSTAT: Données de la sécurité alimentaire. Dans: FAO. [Consulté le 12 juillet 2023] www.fao.org/faostat/fr/#data/FS

En 2022, les disparités entre les femmes et les hommes dans le domaine de l’insécurité alimentaire semblent s’être considérablement atténuées à l’échelle mondiale, ce qui peut s’expliquer en partie par le retour des femmes à la vie économique à mesure que les restrictions liées à la pandémie ont été assouplies et par l’amoindrissement des effets disproportionnés que la pandémie a eus sur l’insécurité alimentaire des femmes. En 2022, 27,8 pour cent des femmes étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave, contre 25,4 pour cent des hommes, et la proportion de femmes touchées par une insécurité alimentaire grave était de 10,6 pour cent, contre 9,5 pour cent pour les hommes. L’écart entre la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave des femmes et celle des hommes s’est réduit, passant de 3,8 points en 2021 à 2,4 points en 2022, et l’écart relatif à la seule insécurité alimentaire grave a, lui aussi, diminué, passant de 2,4 points à 1,1 point (figure 9)h.

Une réduction encourageante de l’écart entre les femmes et les hommes a été observée aussi bien en Asie qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes entre 2021 et 2022. L’écart s’est réduit de plus de 2 points pour l’insécurité alimentaire modérée ou grave dans les deux régions, et d’environ 2 points et 1,3 point s’agissant de l’insécurité alimentaire grave dans la région Asie et dans la région Amérique latine et Caraïbes, respectivement. En Afrique ainsi qu’en Amérique du Nord et en Europe, toutefois, l’écart a légèrement augmenté pour l’insécurité alimentaire modérée ou grave et n’a presque pas évolué s’agissant de l’insécurité alimentaire grave.

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