Chaque jour les individus, les entreprises et les gouvernements prennent des décisions dont ils ne connaissent pas toujours les conséquences – qu’elles soient bonnes ou mauvaises – sur la durabilité des systèmes agroalimentaires. D’une part, les systèmes agroalimentaires présentent pour la société des avantages vitaux, ne serait-ce que parce qu’ils produisent les aliments qui nous nourrissent et qu’ils procurent des emplois et des moyens d’existence à plus d’un milliard de personnes. Leur valeur pour la société va donc probablement bien au-delà de ce qui est mesuré dans le produit intérieur brut (PIB). D’autre part, les défaillances des marchés, des politiques et des institutions dont dépendent les systèmes agroalimentaires contribuent à créer des coûts cachés, liés notamment au changement climatique, à la dégradation des ressources naturelles et à l’inaccessibilité économique d’une alimentation saine. La question qui se pose est donc celle-ci: comment transformer les systèmes agroalimentaires de sorte qu'ils apportent une valeur encore plus grande à la société? En d’autres termes, comment réduire les coûts cachés et accroître les avantages cachés des systèmes agroalimentaires?
La présente édition de La Situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture s’intéresse précisément au coût véritable des systèmes agroalimentaires. En introduisant la notion de coûts et d’avantages cachés des systèmes agroalimentaires et en proposant un cadre qui permette de les évaluer, le présent rapport vise à enclencher un processus par lequel les décideurs seront mieux préparés à prendre les décisions qui orienteront ces systèmes vers la durabilité environnementale, sociale et économique.
Tenir compte des coûts et des avantages des systèmes agroalimentaires dans les décisions qui sont prises
Prendre en considération les coûts et les avantages des systèmes agroalimentaires pour réaliser les objectifs de développement durable
L’idée de transformer les systèmes agroalimentaires pour les rendre plus efficaces, plus résilients, plus inclusifs et plus durables, en tant que condition essentielle de la réalisation du Programme 2030 pour le développement durable, fait de plus en plus l’unanimité au niveau international. À cet égard, le fait d’intégrer une évaluation globale des systèmes agroalimentaires dans le processus de prise de décision est essentiel pour atteindre un grand nombre, voire la totalité, des objectifs de développement durable (ODD).
Au final, les interactions entre les systèmes agroalimentaires et l’environnement, l’économie, la santé et la société sont liées aux ODD. Les incidences que peut avoir la transformation de ces systèmes sur l’ODD 1 (Pas de pauvreté), l’ODD 2 (Faim zéro) et l’ODD 3 (Bonne santé et bien-être) sont particulièrement pertinentes en raison de l’importance des systèmes agroalimentaires pour la productivité agricole, les moyens de subsistance ruraux, la santé, la sécurité alimentaire et la nutrition. La transition vers des systèmes durables résultant d’une meilleure prise de décision implique également des progrès dans la réalisation de l’ODD 6 (Eau propre et assainissement), de l’ODD 7 (Énergie propre et d’un coût abordable), de l’ODD 12 (Consommation et production durables) et des ODD 13, 14 et 15, qui concernent l’action pour le climat, la vie aquatique et la vie terrestre. Cette transition s’appuiera sur de nouvelles technologies qui peuvent aider à progresser vers l’ODD 9 (Industrie, innovation et infrastructure). En évaluant la formation de capital humain et la manière dont ce capital est traité, on peut également contribuer à favoriser un travail décent et la croissance économique (ODD 8) et à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes (ODD 5).
La comptabilisation du coût complet: un moyen de favoriser la transformation des systèmes agroalimentaires
La comptabilisation du coût complet (CCC) – une approche globale et systémique qui vise à mesurer et à évaluer les coûts et les avantages environnementaux, sociaux, sanitaires et économiques engendrés par les systèmes agroalimentaires, afin d’aider les décideurs, les entreprises, les agriculteurs, les investisseurs et les consommateurs à prendre de meilleures décisions – offre une possibilité sans précédent de réaliser de telles évaluations globales.
La définition de la comptabilisation du coût complet est large et diverses méthodes peuvent être adoptées en fonction des ressources, des données, des capacités et des systèmes d’information des pays. Il ne s’agit pas d’un nouveau concept, mais plutôt d’une approche améliorée et développée qui va au-delà des échanges commerciaux pour englober tous les flux en provenance et à destination des systèmes agroalimentaires, y compris ceux qui ne sont pas pris en compte dans les transactions commerciales.
L’approche CCC est certes ambitieuse, car pour couvrir tous les coûts et avantages cachés des systèmes agroalimentaires, il faut énormément de ressources et de données, mais le but est de faire en sorte que les décideurs et autres parties prenantes ne prennent pas de décisions sans avoir tout examiné. À cet égard, la comptabilisation du coût complet permet concrètement aux décideurs de tirer parti des données et informations déjà disponibles afin de commencer à mieux cerner les systèmes agroalimentaires, et notamment de repérer les principales lacunes dans les données, pour mieux guider les interventions.
Analyser les incidences et les dépendances des systèmes agroalimentaires en ce qui concerne la société et l’environnement naturel
Les systèmes agroalimentaires sont influencés par le choix des politiques et par les décisions des entreprises et des consommateurs. Leurs activités dépendent des capitaux naturel, humain, social et produit, et ont une incidence sur ces mêmes capitaux, qui constituent le fondement du bien-être humain, de la réussite économique et de la viabilité écologique. Par exemple, le capital naturel contribue aux systèmes agroalimentaires par la croissance de la biomasse et l’apport d’eau douce. En retour, les systèmes agroalimentaires peuvent avoir un effet négatif sur le capital naturel du fait des gaz à effet de serre (GES) et de la pollution qu’ils engendrent. En revanche, en cas d’agriculture régénératrice, les pratiques de production peuvent contribuer à la restauration des écosystèmes. Le capital social peut contribuer aux systèmes agroalimentaires par le biais des connaissances et façonner l’accès à des ressources telles que la terre, tandis que les systèmes agroalimentaires produisent en retour de la sécurité alimentaire et de la nutrition (ou de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition), selon leur degré d’efficacité, de résilience et d’inclusivité. Le capital produit contribue sous forme de recherche-développement et les systèmes agroalimentaires génèrent en retour des revenus, des bénéfices, des loyers et des taxes.
Ces flux semblent intuitifs, mais à l’exception du capital produit, peu a été fait pour les mesurer et gérer leurs effets. Les données couramment incluses dans les évaluations économiques concernent les flux de capital produit et leurs effets et, dans une certaine mesure, le capital humain (par exemple la main-d’œuvre et les salaires). Ces flux de capitaux sont échangés par le biais des mécanismes de marché et sont par conséquent facilement observables, mesurables et quantifiables. En revanche, les flux et les incidences liés au capital naturel, social et (en partie) humain ne le sont pas, de sorte que leur prise en compte dans les évaluations économiques est largement partielle et non systématique. Par exemple, alors que les intrants en provenance du marché sont directement reflétés dans les coûts de production privés des producteurs, ceux des services écosystémiques (l’eau douce et la pollinisation, par exemple) ne le sont pas, alors même qu’ils sont fondamentaux pour la productivité agricole.
Or, lorsque les décideurs ne disposent pas d’une évaluation complète des activités des systèmes agroalimentaires qui ont une incidence sur les stocks et les flux de capitaux – en ce qui concerne les services écosystémiques par exemple –, le manque de connaissances qui en résulte peut empêcher de progresser vers des systèmes agroalimentaires plus durables. La raison, en particulier, en est que si des progrès ont été faits vers une plus grande sécurité alimentaire et une meilleure nutrition, les incidences négatives des systèmes agroalimentaires ont un poids croissant. Les incidences négatives qui ne sont pas reflétées dans le prix d’un produit ou d’un service sur le marché, c’est ce que l’on appelle, dans le présent rapport, les coûts cachés. Par souci de simplicité – et sachant que la plupart des avantages ont toutes les chances d’être internalisés par les marchés –, l’expression «coûts cachés» se rapporte dans le présent rapport aux coûts cachés nets, qui comprennent aussi les avantages cachés, exprimés en tant que coûts cachés négatifs. Un exemple de coût caché négatif serait la conversion par un agriculteur de pâturages ou de terres cultivées en terres forestières: cette conversion a pour effet de réduire les émissions de GES, mais l’agriculteur n’est pas indemnisé.
Obstacles à l’intégration des effets cachés des systèmes agroalimentaires dans le processus décisionnel
Étant donné le large éventail d’effets associés aux activités économiques des systèmes agroalimentaires et les nombreuses parties concernées, il n’est pas facile d’intégrer tous les coûts et avantages cachés dans les processus de prise de décision. Les décideurs font face à des objectifs contradictoires et il pourrait être nécessaire, pour prendre en compte les coûts cachés des systèmes agroalimentaires, de modifier en profondeur les pratiques de production et de consommation actuelles. Cette évolution pourrait se heurter à la résistance des gouvernements, des entreprises, des producteurs et des consommateurs, qui peuvent préférer le statu quo par crainte de coûts de transition élevés ou de changements dans leurs habitudes, leur culture ou leurs traditions.
Une autre raison de la résistance au changement tient aux arbitrages qui doivent parfois être faits. Par exemple, on peut, en utilisant des produits agrochimiques pour accroître la productivité, réduire la pauvreté, mais non sans dégrader l’environnement au fil du temps. Cela complique encore la prise de décisions. Il y a aussi une disparité importante entre ceux qui, globalement, reçoivent les avantages des systèmes agroalimentaires et ceux qui en supportent les coûts, ce qui pose la question de l’impact distributif de la transition vers de nouveaux modes de production et de consommation. Ainsi il se pourrait, si l’on transforme les systèmes agroalimentaires pour faire face aux principaux stress environnementaux et aux grands problèmes de santé, qu’il faille arbitrer avec l’amélioration de l’égalité sociale.
La résistance au changement peut également être due à un manque de données et d’informations. Une difficulté connexe consiste à quantifier les coûts d’un changement de politique (autrement dit, à estimer le coût des mesures de réduction) pour les comparer aux avantages d’une réduction des coûts cachés, afin d’aider à orienter les politiques. Il s’agira d’évaluer les coûts de manière pratique. Il n’y aura guère de progrès dans la transformation des systèmes agroalimentaires si on n’améliore pas les méthodes utilisées pour calculer le coût des mesures de réduction. Il faudra également privilégier l’investissement de ressources dans la communication d’informations pertinentes.
La comptabilisation du coût complet: pour mieux comprendre le système agroalimentaire
La comptabilisation du coût complet s’appuie sur l’ensemble des travaux de mesure qui existent déjà et qu’on retrouve dans les normes statistiques internationales. En ce qui concerne le capital produit et le capital naturel, et les flux associés, les normes utiles sont le système de comptabilité nationale (SCN), pour mesurer les actifs produits et les flux de production, de revenu et de consommation connexes, et le système de comptabilité économique et environnementale (SEEA), pour mesurer les flux et les actifs environnementaux.
Compte tenu des difficultés qu’il y a à recueillir les données nécessaires et à quantifier tous les flux dans les quatre capitaux, il faut en priorité utiliser, pour une première compréhension des systèmes agroalimentaires, les données et informations déjà disponibles. Cette analyse initiale peut servir à engager un dialogue avec les parties concernées sur les problèmes les plus importants et sur les lacunes les plus urgentes à combler en matière de données pour mieux orienter les interventions. À cet égard, le principe de l’importance relative – défini comme mesurant l’importance d’un élément d’information lors d’une prise de décision – sera essentiel. Ce principe aide à centrer les évaluations fondées sur l’approche CCC sur les effets et les flux qui peuvent jouer dans la prise de décision. On peut alors déterminer quelles sont les données importantes qui font défaut et qui doivent être recueillies.
Une évaluation en deux phases fondée sur la comptabilisation du coût complet
Dans ce contexte, le présent rapport propose une évaluation en deux phases, qui utilise l’approche CCC pour fournir aux décideurs une connaissance globale des systèmes agroalimentaires et des domaines dans lesquels il faudrait intervenir pour améliorer leur durabilité. La première phase consiste à entreprendre au niveau national des évaluations initiales qui quantifient et analysent autant que possible les coûts cachés des systèmes agroalimentaires dans les différents capitaux en utilisant les données déjà disponibles. Le but principal de la première phase est de sensibiliser à l’ampleur des défis.
La seconde phase consiste en une évaluation approfondie de composantes, chaînes de valeur ou secteurs spécifiques des systèmes agroalimentaires, le but étant d’orienter les politiques et les investissements de transformation dans un pays donné. Les choix à faire peuvent s’inspirer des résultats de la première phase, mais également être guidés par les priorités que le pays aura définies à l’issue de consultations menées avec les parties concernées. Les parties prenantes pourront varier d’un contexte à l’autre, mais il s’agira généralement de décideurs, d’institutions de recherche et d’institutions spécialisées dans la comptabilité (en particulier celles qui ont une bonne connaissance des principaux problèmes des systèmes agroalimentaires du pays), ainsi que de représentants des principaux acteurs des systèmes agroalimentaires, comme les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.
Évaluation préliminaire des coûts cachés des systèmes agroalimentaires dans 154 pays
Les coûts cachés sont sans nul doute considérables, même si on tient compte de la marge d’incertitude
Il y a déjà eu plusieurs tentatives d’estimation des coûts cachés associés aux systèmes agroalimentaires mondiaux. Deux études, notamment (Food and Land use Coalition, 2019 et Hendricks et al., 2023), parviennent à la conclusion que l’ampleur des coûts cachés est loin d’être négligeable comparée à la valeur des produits alimentaires échangés sur les marchés. Toutefois, ces deux études, certes étendues, présentent des données qui sont par nature agrégées et ne donnent pas d’estimations au niveau national.
Dans ce contexte, et comme point de départ de la première phase du processus en deux phases, une analyse préliminaire fondée sur l’approche CCC a été réalisée pour le présent rapport en vue de quantifier les coûts cachés des systèmes agroalimentaires dans 154 pays. Cette analyse fait appel à des données au niveau national (tirées de différentes bases de données mondiales) pour créer des modèles d’impact, et elle associe des estimations monétaires à la modélisation des incidences, pour évaluer (monétiser) les coûts cachés. Les résultats peuvent ainsi être agrégés et comparés dans différentes dimensions et à différentes échelles géographiques, et servir de base à un dialogue avec les décideurs. Dans ce processus, les coûts cachés comme les avantages cachés sont pris en compte dans la mesure du possible, et les avantages cachés (le boisement, par exemple) sont exprimés en tant que coûts cachés négatifs.
Toutefois, en raison de la valeur intangible de l’alimentation – par exemple l’identité culturelle associée aux systèmes agroalimentaires –, certains avantages ne peuvent être monétisés et sont donc exclus de l’analyse malgré l’importance qu’ils revêtent. En outre, certains coûts cachés ont été omis du fait qu’on ne disposait pas de suffisamment de données pour tous les pays considérés – par exemple, le retard de croissance chez les enfants, l’exposition aux pesticides, la dégradation des terres, la résistance aux antimicrobiens ou encore les maladies causées par des aliments présentant un danger pour la santé.
D’après les estimations du présent rapport, les coûts cachés quantifiés des systèmes agroalimentaires étaient d’environ 12 700 milliards d’USD en parité de pouvoir d’achat (PPA) de 2020, à l’échelle mondiale. Ces coûts comprenaient les coûts cachés environnementaux liés aux émissions de GES et d’azote, à l’utilisation de l’eau et aux changements dans l’affectation des terres; les coûts cachés sanitaires liés aux pertes de productivité dues à une mauvaise alimentation; et les coûts cachés sociaux liés à la pauvreté et aux pertes de productivité dues à la sous-alimentation. Les mauvaises habitudes alimentaires et la sous-alimentation se traduisent toutes deux par des pertes de productivité dommageables aux économies nationales. Mais parce que les facteurs sous-jacents sont très différents – la sous-alimentation est le résultat d’une situation de dénuement extrême tandis que les mauvaises habitudes alimentaires sont liées à la surconsommation – les coûts cachés d’une mauvaise alimentation relèvent de la dimension sanitaire, tandis que les coûts cachés de la sous-alimentation se rapportent à la dimension sociale, tout comme la pauvreté.
L’analyse est limitée par le fait que tous les coûts et les avantages n’ont pas été monétisés, mais cela n’empêche pas qu’elle puisse servir de guide à une amélioration des systèmes agroalimentaires. Les coûts cachés couverts par l’analyse sont plus que suffisants pour mettre en évidence la nécessité d’agir. Rapportés à la valeur de l’économie mondiale, ces coûts sont équivalents à presque 10 pour cent du PIB mondial en PPA de 2020. Par jour, ces coûts représentent 35 milliards d’USD en PPA de 2020.
Les estimations s’appuient sur des distributions de probabilité pour prendre en compte le haut degré d’incertitude dans le calcul des coûts, incertitude qui est due à des lacunes de données sur différents coûts cachés et pour un certain nombre de pays et de régions. L’une des caractéristiques intéressantes de l’analyse est qu’elle permet de calculer des intervalles de confiance qui reflètent cette incertitude: on estime que les coûts cachés, à l’échelle mondiale, ont une probabilité de 95 pour cent de s’établir à au moins 10 800 milliards d’USD en PPA de 2020. Le degré d’incertitude le plus élevé concerne les coûts cachés environnementaux. Il tient au fait qu’on n’en sait pas suffisamment sur les incidences des émissions d’azote sur les services écosystémiques. Cela étant, la limite inférieure des résultats révèle déjà l’urgente nécessité de transformer les systèmes agroalimentaires. En d’autres termes, l’incertitude ne doit pas servir de prétexte pour différer les mesures qui doivent être prises.
Les coûts cachés des systèmes agroalimentaires varient considérablement, par leur ampleur et leur composition, selon le niveau de revenu des pays
L’agrégation des coûts cachés quantifiés des systèmes agroalimentaires au niveau mondial masque des écarts importants selon le niveau de revenu des pays, qui sont des décideurs clés en ce qui concerne les mesures visant à réduire ces coûts. La majorité des coûts cachés sont générés dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (5 000 milliards d’USD en PPA de 2020, soit 39 pour cent de l’ensemble des coûts cachés quantifiés) et par les pays à revenu élevé (4 600 milliards d’USD en PPA de 2020, soit 36 pour cent des coûts totaux). Les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure représentent 22 pour cent du total, et les pays à faible revenu 3 pour cent.
Selon le niveau de revenu, les coûts cachés varient non seulement dans leur ampleur, mais aussi dans leur composition. Dans tous les groupes de pays, à l’exception de ceux à faible revenu, les pertes de productivité dues à des modes d’alimentation entraînant des maladies non transmissibles (MNT) sont le principal facteur à l’origine des dommages causés par les systèmes agroalimentaires. Viennent ensuite les coûts environnementaux. Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, les coûts cachés sociaux liés à la pauvreté et à la sous-alimentation sont relativement plus importants (12 pour cent en moyenne de l’ensemble des coûts cachés quantifiés). Sans surprise, ces coûts cachés sociaux sont le problème majeur dans les pays à faible revenu (plus de 50 pour cent de l’ensemble des coûts cachés quantifiés).
Si on présente les coûts cachés en part de PIB, on peut mieux juger de la charge qu’ils représentent pour les économies nationales, ce qui aide à déterminer où diriger en priorité les ressources internationales pour remédier à ces coûts. À l’échelle mondiale, les coûts cachés quantifiés correspondent, en moyenne, à presque 10 pour cent du PIB en PPA de 2020. Ce pourcentage est cependant bien plus élevé dans les pays à faible revenu, où il atteint en moyenne 27 pour cent. Cela signifie que l’amélioration des systèmes agroalimentaires dans les pays à faible revenu sera décisive pour remédier aux coûts cachés, notamment ceux liés à la pauvreté et à la sous-alimentation, qui à eux seuls représentent 14 pour cent du PIB. Le rapport entre les coûts cachés et le PIB est de 12 pour cent dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et de 11 pour cent dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Cependant, les coûts cachés sociaux n’ont d’importance notable que dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, les coûts cachés sont attribuables majoritairement aux mauvaises habitudes alimentaires. Il en va de même dans les pays à revenu élevé, où les coûts cachés quantifiés totaux ne représentent que 8 pour cent du PIB.
Quantifier les coûts cachés pour définir les points d’ancrage qui, en retour, peuvent aider à réduire ces coûts
Les coûts cachés décrits doivent aider à déterminer les points d’ancrage des interventions et investissements à privilégier. À cet égard, la première étape consiste à déterminer où, dans un système agroalimentaire donné, les coûts cachés sont les plus importants, et quelles sont les activités qui les génèrent. S’agissant tout d’abord de la dimension environnementale, les estimations indiquent que les coûts interviennent principalement dans le cadre de la production primaire, les coûts avant et après production représentant moins de 2 pour cent des coûts cachés quantifiés totaux. En d’autres termes, le secteur primaire doit être considéré comme le principal point d’ancrage des mesures visant à introduire des changements sur le plan environnemental. Au niveau mondial, les coûts cachés de l’agriculture – qui passent par le chemin d’impact environnemental – représentent presque un tiers de la valeur ajoutée agricole.
Pour certains pays, on s’intéressera aux acteurs vulnérables, et plus précisément à la manière dont les systèmes agroalimentaires contribuent à la pauvreté modérée – c’est-à-dire la défaillance globale de la répartition (situation où des revenus et une quantité de calories suffisants pour mener une vie productive ne sont pas assurés). D’après les constatations du rapport, pour éviter les coûts liés à la défaillance de la répartition dans les systèmes agroalimentaires, il faudrait faire progresser les revenus des personnes en situation de pauvreté modérée, en moyenne, de 57 pour cent dans les pays à faible revenu et de 27 pour cent dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.
Les pertes moyennes de productivité par personne liées aux aliments consommés sont un autre élément qui, clairement, s’avère important. À l’échelle mondiale, cette valeur équivaut à 7 pour cent du PIB en PPA de 2020; les pays à faible revenu affichent la valeur la moins élevée (4 pour cent), tandis que dans les autres catégories de revenu elle est de 7 pour cent ou plus.
Globalement, les résultats indiquent que les coûts cachés quantifiés liés aux systèmes agroalimentaires sont considérables dans tous les pays, même si on tient compte de l’incertitude. Ils montrent l’étendue de la transformation nécessaire mais ne permettent pas d’établir le coût des mesures visant à atténuer ou éliminer les différents problèmes, ni de déterminer si celles-ci sont réalisables. Ils indiquent en revanche les contributions relatives de différentes activités et de différents polluants, et mettent en lumière les domaines dans lesquels il faudrait mener un examen plus approfondi dans le cadre d’une évaluation ciblée afin de combler les lacunes de données et de déterminer le coût des mesures de réduction. Ce n’est qu’à l’aide de ces évaluations ciblées qu’il sera possible de guider les interventions des entités publiques et des entités privées, en vue de transformer les systèmes agroalimentaires de manière à les améliorer.
Pour des évaluations ciblées fondées sur le coût complet: la seconde phase d’un processus en deux phases
De l’estimation initiale des coûts cachés au choix de l’action
Les estimations nationales permettent de dresser un bilan préliminaire, qu’il s’agit de compléter avec des données plus précises et détaillées qu’on obtiendra au moyen d’évaluations ciblées. C’est la seconde phase du processus d’évaluation, à savoir la conduite d’évaluations ciblées à l’appui de la prise de décision, avec pour but d’améliorer la durabilité des systèmes agroalimentaires. L’objectif est d’identifier les mesures de transformation les plus souhaitables, en comparant les coûts et les avantages de chacune – au moyen par exemple d’une analyse de scénario –, afin d’allouer les ressources aux mesures les plus réalisables et les plus efficaces par rapport au coût, de comparer entre elles les options futures et de gérer les arbitrages et les synergies. Ce travail doit ensuite déboucher sur la mise en œuvre des leviers de réforme des politiques, des investissements et d’autres interventions visant à répondre aux problématiques recensées.
Définition du périmètre de l’évaluation ciblée
Lors du lancement d’une évaluation ciblée, il importe de définir les limites de l’analyse; en effet, le champ d’application de l’étude doit rester gérable, tout en permettant que l’évaluation atteigne son objectif dans une mesure suffisante. Pour commencer, il faut choisir l’unité d’analyse fonctionnelle, c’est-à-dire définir ce qui est évalué et mesuré. On distingue différentes unités d’analyse fonctionnelle: les systèmes agroalimentaires, les modes d’alimentation ou habitudes alimentaires, l’investissement, l’organisation et le produit. Le choix de l’unité fonctionnelle est guidé par le cadre d’action ou par la question à l’étude. En règle générale, les périmètres d’analyse qui englobent le niveau supérieur des systèmes agroalimentaires sont les plus adaptés pour l’élaboration des politiques, car ils sont de nature plus globale et prennent en compte les possibilités d’orienter les incidences systémiques.
Des analyses plus fines sont généralement nécessaires, et plus efficaces, pour actionner les leviers du changement. Pour des décisions concrètes, le produit ou l’investissement pourraient être choisis comme unité fonctionnelle. Si l’objectif de politique est de promouvoir des régimes alimentaires sains, on aura plutôt intérêt à choisir les modes d’alimentation comme unité fonctionnelle. Le choix de l’organisation comme unité fonctionnelle peut également être envisagé dans certains cas. Quoique surtout utilisée pour le secteur privé, l’unité fonctionnelle organisation peut fournir des informations utiles si l’objectif est de recenser les domaines dans lesquels les entreprises ont besoin d’aide, soit pour réaliser elles-mêmes une évaluation fondée sur la CCC, soit pour réduire leurs incidences négatives.
Le rôle fondamental et complémentaire de l’analyse des politiques et de l’analyse de scénarios dans les évaluations ciblées fondées sur la CCC
L’analyse de scénarios est une composante essentielle de toute évaluation fondée sur la CCC, quelles que soient les limites fixées pour l’analyse. Que l’objet de l’évaluation soit les systèmes agroalimentaires nationaux, les modes d’alimentation locaux, un investissement public ou une chaîne de valeur, l’analyse de scénarios permet de comparer les trajectoires futures possibles et d’évaluer l’impact et l’efficacité de différentes politiques et de différentes options de gestion. Elle est essentielle pour déterminer les problèmes qui naissent de l’inaction, ainsi que les synergies et les arbitrages qui résultent de l’action. Il s’agit alors de jauger les arbitrages minutieusement, pour formuler des stratégies plus solides et évaluer l’efficacité des différentes actions possibles.
Ces scénarios peuvent aider à recadrer le problème, et ainsi permettre de définir un programme d’action plus efficace. En général, ils comportent des éléments qualitatifs et quantitatifs et sont souvent associés à des approches participatives faisant intervenir les parties prenantes locales et régionales. Par exemple, il est possible d’utiliser les projections de la croissance démographique pour obtenir une estimation des variations attendues du couvert végétal, dans le cadre de l’examen des tendances de l’expansion agricole ou de l’urbanisation.
Les résultats de l’analyse de scénarios peuvent être interprétés à l’aide d’une analyse coûts-avantages qui permettra de comparer les avantages et les coûts de différentes interventions et de déterminer leur viabilité économique et financière. L’approche coûts-efficacité, elle, compare les coûts induits par différents types d’intervention pour atteindre un objectif déterminé, par exemple le coût d’une tonne d’émissions évitées obtenue, respectivement, par l’amélioration de l’efficacité énergétique, l’utilisation d’énergies renouvelables et la réduction de la déforestation. Cette dernière approche est particulièrement utile pour examiner les options de réduction des coûts cachés qui n’ont pas été quantifiés en termes monétaires.
La comptabilisation du coût complet peut aider à orienter les entreprises et les investissements agroalimentaires vers la durabilité
On ne peut pas s’attendre à ce que les politiques, à elles seules, résolvent tous les problèmes. À la base, les systèmes agroalimentaires sont façonnés par les activités du secteur privé, qui devra faire sa part pour réduire les coûts cachés. La comptabilisation du coût complet (l’approche CCC) fournit aux entreprises un cadre qui leur permet d’évaluer et de gérer leurs incidences et leurs dépendances de manière plus complète et plus précise. En intégrant au quotidien l’approche CCC dans leurs prises de décision et leurs stratégies de gestion, les entreprises agroalimentaires peuvent surveiller et exploiter les possibilités qui se présentent aux différents stades de la chaîne d’approvisionnement, mettre en place une production durable, attirer les investissements privés et profiter des incitations proposées par l’État. Lorsqu’elle est adoptée dans le cadre des politiques publiques et soutenue par des lois et des règlements, l’approche CCC redéfinit les indicateurs de performance clés et modifie les critères décisifs de la réussite d’une entreprise, en intégrant le capital humain, le capital social et le capital naturel. En bref, elle redéfinit le concept de succès pour les entreprises.
De même, en utilisant l’approche CCC, les institutions financières telles que les banques et les compagnies d’assurance peuvent définir leurs conditions de crédit et d’assurance sur la base d’une meilleure évaluation des risques, et améliorer ainsi les conditions de crédit et d’assurance pour les entreprises durables. L’évaluation exhaustive de leurs coûts et avantages selon l’approche CCC peut également aider les entreprises à mobiliser des ressources financières à l’appui de leur transition vers la durabilité et, ce faisant, ouvrir la voie à de nouvelles perspectives d’investissement et de changement d’échelle. La CCC peut aussi permettre aux entreprises de mieux répondre aux exigences croissantes de transparence exprimées par les consommateurs, qui se montrent de plus en plus sensibles aux différents aspects de la production, notamment les conditions de travail et l’impact environnemental. À cet égard, elle peut aussi faciliter l’obtention d’une certification volontaire (commerce équitable par exemple) et aider les entreprises à bénéficier des mesures d’incitation mises en place par les pouvoirs publics.
Étant donné l’urgence de plus en plus pressante de quantifier les coûts cachés des entreprises, en particulier dans le secteur agroalimentaire, plusieurs initiatives ont commencé à montrer le chemin. Les initiatives existantes couvrent un vaste champ en ce qui concerne les applications de l’approche CCC dans les entreprises. Toutefois, dans certains domaines, des avancées sont encore nécessaires si l’on veut exploiter pleinement le potentiel de cette approche dans le secteur privé, à savoir notamment les cadres et les normes, les méthodes, la gouvernance et la stratégie d’entreprise, et les directives en matière de communication de l’information.
Intégrer l’approche de la comptabilisation du coût complet pour transformer les systèmes agroalimentaires: défis et possibilités
Lorsqu’ils sont fondés sur l’approche CCC, des leviers peuvent permettre d’améliorer la durabilité des systèmes agroalimentaires
Différents leviers peuvent influer sur le fonctionnement interne des systèmes agroalimentaires et peuvent être exploités stratégiquement pour accélérer la transition vers des systèmes durables. Ces leviers peuvent concerner le volet de l’offre (production et intermédiaires), le volet de la demande (consommation) et les biens publics qui soutiennent les systèmes agroalimentaires. Aucun de ces leviers n’est nouveau – l’innovation réside dans la façon dont ils sont utilisés. S’ils ont pour base une évaluation CCC, les leviers qui sont déjà utilisés dans les systèmes agroalimentaires, tels que les subventions agroalimentaires, peuvent être réorientés ou remaniés, pour soutenir ou étendre des stratégies nouvelles et prometteuses en termes de durabilité des entreprises et des investissements. Le choix du levier sera fonction des résultats des analyses de scénarios et de politiques, ainsi que des besoins, des priorités et des ressources disponibles, qui dépendent du contexte. Même si ce sont les pouvoirs publics qui disposent de la boîte à outils la plus fournie et la plus porteuse d’impact, d’autres acteurs – instituts de recherche, organisations de la société civile, entreprises et institutions financières – exercent également une influence importante sur la performance des systèmes agroalimentaires. En outre, d’autres secteurs en dehors des systèmes agroalimentaires (les secteurs de la santé et de l’énergie, par exemple) doivent être pris en considération dans l’intérim, et aussi compte tenu des synergies et des arbitrages, afin de créer des incitations qui soient cohérentes.
La prise en compte des coûts cachés va-t-elle pousser les prix alimentaires à la hausse?
On se demande souvent si la prise en compte des coûts cachés des systèmes agroalimentaires va faire grimper les prix des aliments. Les premiers éléments d’une réponse sont exposés dans le présent rapport. L’idée de base est que le résultat dépendra du coût caché considéré et des instruments utilisés. Il est utile d’établir des distinctions entre les différentes catégories de coûts cachés: les coûts cachés sociaux associés aux défaillances de la répartition, qui sont cause de pauvreté et de sous-alimentation; les coûts cachés environnementaux résultant des dommages liés aux externalités; et les coûts cachés sanitaires découlant des effets sur la santé des modes d’alimentation qui causent obésité et MNT. Les répercussions sur les revenus et sur le prix des aliments ne seront pas les mêmes selon la manière dont chacune de ces catégories sera traitée.
En abordant les coûts sociaux cachés sous l’angle des défaillances de la répartition, par exemple, on pourrait accroître la productivité dans le secteur de l’alimentation et de l’agriculture, et faire baisser le prix des denrées alimentaires, ce qui globalement profiterait aux consommateurs. À l’inverse, si on impose aux producteurs de financer des mesures (principe du pollueur-payeur) – par des prélèvement fiscaux ou par des règlements imposant des pratiques moins nocives pour l’environnement, par exemple – sans compléter celles-ci par des conseils sur les moyens de limiter les coûts au point d’origine du coût caché, alors le coût des mesures sera absorbé plus en aval de la chaîne de valeur ou sera répercuté sur les consommateurs sous forme de hausse des prix.
L’autre solution consiste à appliquer le principe du bénéficiaire-payeur, qui fait supporter aux bénéficiaires – généralement le public, mais aussi des groupes spécifiques particulièrement touchés par des activités auxquelles ils ne prennent pas part – le coût réel des activités des systèmes agroalimentaires. Ici, les politiques ne devraient pas entraîner d’augmentation des prix des produits alimentaires. Un exemple est celui de la rémunération des services environnementaux: le bénéficiaire rémunère les intervenants dont les activités peuvent nuire à l’environnement pour qu’ils modifient leur comportement.
Il est un ensemble de mesures qui combine le principe du pollueur-payeur et celui du bénéficiaire-payeur: la réorientation des subventions agricoles. La réorientation des subventions agricoles peu efficaces vers la protection et la remise en état des terres agricoles dégradées peut être une option plus utile pour les communautés locales et peut aider les pays à atteindre leurs objectifs en matière de climat, de biodiversité et de développement rural. Minutieusement conçue et correctement ciblée, elle peut aussi permettre d’accroître la disponibilité des aliments qui composent un mode d’alimentation sain et les rendre plus abordables. C’est vrai en particulier des aliments écologiquement viables. Toutefois, les dispositifs fondés sur des subventions grèvent les ressources budgétaires, qui sont déjà limitées, et des objectifs en concurrence pourraient conduire à des arbitrages. Le choix entre les instruments sera déterminé par les répercussions sur le plan de l’équité lesquelles, à leur tour, dépendent d’une autre considération, à savoir qui sont les bénéficiaires. La priorité doit être donnée aux situations où il y a des synergies.
Les évaluations ciblées fondées sur la CCC peuvent éclairer la conception des régimes de taxation et les réorienter vers des dispositifs qui modifient les prix relatifs des aliments en faveur d’options plus nutritives et plus durables. Si le régime fiscal est conçu de manière à promouvoir des modes d’alimentation sains et durables, le budget que les ménages consacrent à l’alimentation pourrait rester le même. Sur le long terme, une amélioration de la santé publique, qui se traduirait par un accroissement de la productivité, pourrait aboutir à une augmentation des revenus des ménages. Dans ce cas, même si une alimentation plus saine est plus coûteuse, l’augmentation des revenus pourrait contribuer à compenser la dépense supplémentaire. Des études plus poussées seraient toutefois nécessaires pour bien comprendre les coûts en jeu.
Créer un environnement favorable à une généralisation de l’approche CCC en vue de la transformation des systèmes agroalimentaires
La généralisation de l’adoption de la CCC n’est pas du ressort d’un seul groupe d’acteurs: elle nécessitera des contributions complémentaires de la part de différentes parties prenantes qui influencent le fonctionnement des entreprises agroalimentaires. À travers leurs politiques, leurs fonds, leurs investissements et les lois et règlements, les autorités publiques ont un rôle central à jouer dans la création d’un environnement favorable à une extension de la CCC à l’appui de la transformation des systèmes agroalimentaires. Les organismes de recherche et les entités de normalisation sont également essentiels pour faire progresser les méthodologies et définir les normes auxquelles doivent satisfaire les données collectées et utilisées dans les évaluations CCC. Cela est indispensable pour garantir la transparence des coûts et avantages réels des systèmes agroalimentaires. L’application des études CCC peut être grandement facilitée par les cabinets comptables et les sociétés de conseil aux entreprises, qui conseillent et accompagnent les producteurs et entreprises agroalimentaires et d’autres parties prenantes dans leur transition vers la durabilité. Les institutions financières et les agences de notation pourraient être d’une aide précieuse si elles favorisent la production, les entreprises et les investissements durables. En dernière analyse, ce sont les producteurs, les entreprises et les consommateurs – ainsi que les alliances qu’ils formeront entre eux – qui apporteront le changement et mettront en œuvre les nouvelles normes, en particulier les normes d’application volontaire.
Pour que cet objectif se réalise à grande échelle, en particulier dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire, il faudra surmonter deux grands obstacles: le manque de données et le manque de capacités.
Pour la première fois, la FAO consacrera deux éditions successives de La Situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture au même thème
En consacrant deux éditions à ce thème, la FAO investit dans la communication d’informations pertinentes, dans le but d’orienter vers la durabilité les décisions qui sont prises dans les systèmes agroalimentaires. Le rapport de cette année présente de nouvelles constatations suite aux évaluations nationales préliminaires, et crée une occasion sans précédent d’aider les décideurs dans le monde entier à déterminer très précisément les difficultés (cachées) auxquelles leurs systèmes sont confrontés et d’amorcer la définition d’une vision commune de la transformation des systèmes agroalimentaires. Ces résultats préliminaires, qui doivent être améliorés et mis à jour, soulignent qu’il est important de réorienter l’appui public actuel, ainsi que les lois, règlements et normes qui ont une incidence sur le comportement des autres acteurs, notamment des consommateurs. Les capitaux privés – qui représentent 14 fois environ le montant du soutien public au niveau mondial – jouent aussi un rôle important dans l’évolution du secteur vers la durabilité, de même que les institutions financières, en influençant, conseillant et soutenant les acteurs dans leur mue vers la durabilité.
Le rapport de l’année prochaine montrera que les évaluations ciblées peuvent être adaptées en fonction des priorités des décideurs dans des contextes spécifiques et mettra en évidence la souplesse de l’approche CCC, qui peut couvrir aussi bien un système agroalimentaire tout entier que tel produit en particulier. Quel que soit le périmètre de l’analyse, la comptabilisation du coût complet peut être utilisée pour comparer différentes politiques et options. Dans la continuité du travail commencé dans le présent rapport, l’approche CCC s’appuiera sur des analyses de scénarios et de politiques, qui examineront un ensemble de futurs plausibles en comparant notamment les résultats et l’efficacité de diverses politiques et options, afin de guider la transformation des systèmes agroalimentaires vers une amélioration.