On suppose souvent qu’une quatrième révolution agricole a commencé, qui donnera aux technologies numériques un rôle essentiel dans la transformation de la production agricole, notamment les cultures, l’élevage, l’aquaculture et la sylviculture, dans une optique d’efficacité et de durabilité accrues. Parmi ces technologies figurent l’intelligence artificielle (IA), les drones, la robotique, les capteurs et les systèmes mondiaux de navigation par satellite (GNSS), ainsi que d’autres outils numériques qui aident à automatiser l’analyse, la prise de décision et l’exécution de divers travaux agricoles, ce qui en améliore la précision et l’efficacité2. Certaines de ces technologies sont déjà commercialisées, et d’autres seront bientôt prêtes26.
Selon divers scénarios concernant l’évolution de l’agriculture dans les années et les décennies à venir, il est probable que le recours à différentes technologies numériques et d’automatisation augmentera27, 28. Ces dernières années, la multiplication fulgurante des appareils portatifs (par exemple, les smartphones et autres téléphones mobiles, les capteurs, ou encore les appareils utilisant l’internet des objets [IdO]) est évidente et s’explique en grande partie par l’amélioration de l’accès aux réseaux mobiles et par l’extension de la couverture internet, même dans les régions les plus reculées du monde. En 2020, par exemple, 69 pour cent de la population en Amérique latine et dans les Caraïbes, 64 pour cent en Asie-Pacifique et 45 pour cent en Afrique subsaharienne disposaient d’un smartphone et, d’ici à 2025, ces taux devraient atteindre respectivement 81 pour cent, 79 pour cent et 67 pour cent29. Cette progression est le résultat d’investissements massifs dans les infrastructures, tant par les pouvoirs publics que par le secteur privé. Google, par exemple, investit dans le premier câble internet sous-marin d’Afrique dans le cadre de son programme Equiano30.
On trouvera ci-dessous une présentation et une analyse de la capacité de ces technologies s’agissant de transformer la mécanisation motorisée et les travaux agricoles en général.
Les technologies numériques sont en train de transformer les machines agricoles classiques
Les décideurs publics et les organisations internationales considèrent de plus en plus que le passage au numérique va révolutionner le secteur agricole. Au cœur de la plupart des technologies numériques se trouve la possibilité de recueillir et d’échanger des données afin d’aider les producteurs agricoles ou d’autres parties prenantes à prendre des décisions et, en définitive, d’améliorer l’efficacité et l’efficience31, 32. Ces dernières années, les technologies et services numériques ont fait l’objet d’une attention considérable de la part des donateurs, des centres de recherche et des organismes de développement29, 33, 34, 35. De plus en plus souvent, ils sont intégrés aux machines motorisées, et pourraient ainsi transformer leur utilisation: les travaux agricoles sont effectués avec plus d’efficacité et de précision, et les machines agricoles deviennent accessibles dans de nouvelles régions ou à de nouveaux groupes socioéconomiques, comme les petits producteurs.
Ces technologies, pour bon nombre d’entre elles, reposent sur des applications accessibles depuis un téléphone portable, ou bien par l’intermédiaire d’un service d’appel ou de messagerie. Les services d’actifs partagés sont une sous-catégorie de services numériques, qui peuvent véritablement élargir l’accès à la mécanisation motorisée, en mettant en relation des propriétaires de matériel (tracteurs ou drones, par exemple), et parfois aussi des opérateurs, avec des producteurs agricoles qui en ont besoin. Les producteurs agricoles paient le propriétaire à l’heure ou à la superficie, et l’intermédiaire perçoit un pourcentage ou un montant fixe. Le service de biens partagés le plus connu est Hello Tractor (en activité dans sept pays d’Afrique ainsi qu’au Bangladesh, en Inde et au Pakistan)1. L’encadré 3 présente deux exemples de réussite concernant plusieurs pays africains et le Myanmar.
Encadré 3DES OUTILS NUMÉRIQUES POUR AMÉLIORER L’ACCÈS AUX SERVICES DE MÉCANISATION
Les outils numériques inspirés du modèle de transport privé Uber sont en plein essor et promettent de réduire les coûts de transaction des services en lien avec les tracteurs. TROTRO Tractor, au Ghana, et Tun Yat, au Myanmar, proposent la location de machines et le partage de services par l’intermédiaire d’une plateforme numérique et de services de téléphonie mobile. Ces outils peuvent véritablement rendre la mécanisation agricole inclusive.
TROTRO Tractor met en relation des petits producteurs et des propriétaires de machines agricoles, principalement de tracteurs, au moyen d’une plateforme numérique accessible depuis des applications mobiles, ainsi qu’à partir de données de services supplémentaires non structurées (USSD) pour les utilisateurs ne disposant pas d’un smartphone. TROTRO Tractor compte actuellement 75 000 agriculteurs inscrits au Bénin, au Ghana, au Nigéria, au Togo, en Zambie et au Zimbabwe. Cette société utilise à la fois un modèle d’entreprise à client et un modèle d’entreprise à entreprise, et prélève une commission correspondant à un pourcentage du coût du service.
Outre les tracteurs (qui servent à réaliser différents types de tâches, du labourage au hersage, en passant par la plantation, le semis et la pulvérisation) et les moissonneuses-batteuses, la plateforme TROTRO Tractor met également en relation des producteurs avec des propriétaires de drones qui proposent leurs services pour la cartographie et la pulvérisation d’herbicides. La cartographie par drone est de plus en plus demandée, car les agriculteurs mesurent l’importance des régimes fonciers et comprennent que des données foncières précises peuvent être cruciales lorsqu’ils sollicitent des services financiers auprès de banques ou de compagnies d’assurance.
Tun Yat prête des services analogues pour les tracteurs, au moyen d’une application pour smartphones, qui cible spécifiquement les petits et moyens agriculteurs, et donne la priorité aux femmes (qui représentent 30 pour cent des clients) et aux jeunes (25 à 30 pour cent des clients sont âgés de moins de 30 ans). Tun Yat possède cinq tracteurs et cinq moissonneuses-batteuses. L’entreprise propose sa gamme de services de mécanisation et de mise en relation à plus de 20 000 clients. Les activités concernées sont les suivantes: labourage, préparation des terres, ensemencement, récolte par moissonneuse-batteuse avec différents organes de coupe en fonction du type de récolte (haricots mungo ou maïs, par exemple) et cueillette (sésame ou arachide, par exemple). La plupart des clients sont des petits producteurs qui possèdent moins de 2 hectares de terres et qui ont particulièrement besoin de services de mécanisation fiables et abordables.
Le modèle commercial de Tun Yat fait la part belle à la diversification, puisque figurent parmi ses services la revente d’intrants (engrais, par exemple), le courtage en crédit et le nivellement au laser pour aider les agriculteurs des zones sujettes aux inondations à niveler leurs parcelles et à développer le drainage. L’entreprise propose également l’achat direct de matières premières auprès de groupements d’agriculteurs, lesquelles sont ensuite transformées en collations vendues dans des magasins de proximité.
En somme, le modèle commercial inspiré d’Uber profite aux agriculteurs qui ne possèdent pas de tracteurs et aux propriétaires de matériel. Ces derniers peuvent maximiser, surveiller de près et planifier l’utilisation des machines et la consommation de carburant, en proposant des tarifs compétitifs à une clientèle plus large.
SOURCE: Ceccarelli et al., 20222
Les services d’actifs partagés ont pour premier intérêt de présenter un meilleur rapport coûts-avantages: les agriculteurs ont accès au matériel dont ils ont besoin sans avoir à l’acheter, et les sommes versées rendent celui-ci moins coûteux pour le propriétaire. Ces services sont particulièrement importants en Afrique subsaharienne, où extrêmement peu d’agriculteurs possèdent du matériel (voir l’encadré 2).
Un autre groupe de services numériques comprend les solutions de suivi du matériel, autrement dit des applications simples qui automatisent le fonctionnement d’outils tels que les pompes d’irrigation36, 37, ou les dispositifs GNSS pour suivre les déplacements, par exemple, du matériel ou des animaux. Ces types de services sont considérés comme les premières solutions d’agriculture intelligente à se faire jour pour les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire38. Parmi les services plus avancés, citons les solutions IdO qui servent, par exemple, à surveiller et parfois à automatiser (en partie) les décisions concernant la gestion des cultures, et les soins prodigués au bétail ou aux poissons afin d’améliorer l’analyse, la prise de décision et l’exécution. On obtient ainsi une précision accrue, une meilleure efficacité et une augmentation de la productivité, tout en réduisant la pénibilité. Un exemple concret d’utilisation de l’IdO pour l’agriculture de précision nous vient de Chine, où il prend en charge un système intégré de télédétection automatique, d’alerte rapide et d’irrigation par micropulvérisation pour la production de thé; les variations des conditions environnementales sont détectées, des avertissements sont diffusés en temps utile et l’irrigation est mise en route automatiquement, en fonction des besoins, ce qui permet d’éviter les dégâts causés par la chaleur, le froid ou la sécheresse39.
La transformation de l’utilisation des machines motorisées comme les tracteurs et le matériel de récolte, grâce aux technologies numériques, est quelque peu limitée, surtout dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure1, 2. En revanche, les modèles organisationnels relatifs à l’utilisation de machines motorisées connaissent des changements importants. Les producteurs des pays à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire se tournent de plus en plus vers la propriété partagée, plutôt qu’individuelle, des machines. Le partage des actifs existe depuis longtemps, mais sans grand succès du fait, par exemple, de la méfiance qui existe entre les agriculteurs, les opérateurs et les propriétaires de machines, et des problèmes liés à l’entretien de celles-ci. Actuellement, les solutions IdO et GNSS, certes encore très rares chez les petits producteurs, sont en passe d’être largement adoptées par les prestataires de services (notamment ceux mentionnés dans l’encadré 3). En facilitant le suivi des machines, elles permettent de renforcer la transparence et la confiance entre les prestataires et les utilisateurs. Le changement le plus important vient peut-être de l’incorporation de dispositifs IdO au sein de matériel de mécanisation traditionnel (association d’un outil de récolte motorisé provenant d’un service de location, de données GNSS et d’un opérateur formé à la conduite d’un tracteur, par exemple), ce qui peut améliorer l’efficacité des machines et les rendements1.
Le potentiel des technologies numériques pour l’agriculture de précision non mécanisée
La section ci-dessus a montré comment les technologies numériques pouvaient transformer l’ensemble du paysage des machines agricoles, en améliorant la précision et l’accessibilité de la mécanisation. Néanmoins, l’adoption de la mécanisation agricole motorisée est encore limitée dans de nombreux pays à faible revenu et pays à revenu intermédiaire, particulièrement en Afrique subsaharienne. L’agriculture de précision pour la production non mécanisée et l’adoption de cette pratique font l’objet de travaux de recherche de plus en plus nombreux40, 41, 42. Des méthodes pour l’application manuelle d’engrais spécifique à chaque site ont été élaborées il y a longtemps (technologie à taux variable [TTV] pour les engrais utilisés dans la riziculture43, par exemple), et le scanner pour sols portatif AgroCares est disponible dans plusieurs pays à faible revenu d’Afrique et d’Asie44. Des exploitations agricoles non mécanisées d’Afrique et d’Asie ont entrepris de faire appel aux services d’aéronefs sans équipage à bord (UAV, aussi appelés drones), tandis que le GNSS peut servir à cartographier les limites des parcelles et à déterminer le régime foncier dans les exploitations agricoles non mécanisées45.
On manque toutefois d’informations sur les taux d’adoption: on ne sait pas exactement combien de producteurs agricoles utilisent réellement les technologies numériques46. Les résultats de deux études techniques commandées pour ce rapport1, 2 montrent que, sur le terrain, divers outils numériques et technologies de télédétection et de cartographie sont de plus en plus utilisés par les petits producteurs agricoles et les éleveurs pastoraux dans le monde entier (voir l’encadré 4). Les smartphones, dotés de divers capteurs et d’appareils photographiques intégrés à haute résolution, sont aujourd’hui l’outil le plus accessible à tous dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire. Grâce à des applications intégrées aux téléphones mobiles et à des interfaces adéquates, ils peuvent d’ores et déjà rendre accessibles des innovations très utiles et adaptées au contexte des pays à faible revenu, des pays à revenu intermédiaire et de l’agriculture à petite échelle: ils peuvent donner des résultats concrets. GoMicro en est un exemple. Grâce à une lentille microscopique fixée sur l’appareil photo du téléphone et à l’IA, cette solution permet de détecter rapidement les parasites et les maladies47 et de réaliser de manière efficace et précise un contrôle qualité et un classement des produits agricoles, comme les céréales et les grains, le poisson, les fruits et les légumes1. D’autres solutions numériques emploient des données obtenues par satellite ou par drone (sur les rendements, l’état des sols et la santé des plantes, par exemple) qu’un algorithme analyse ensuite; les résultats peuvent alors servir à valider les données communiquées par les producteurs agricoles (sur la base d’observations et de l’expérience) ou pour fournir des conseils aux producteurs1.
Encadré 4OUTILS NUMÉRIQUES SANS LIEN AVEC LA MÉCANISATION: LES SOLUTIONS NON INCORPORÉES
Les solutions numériques non incorporées (voir le glossaire) ne sont pas liées à la mécanisation. Ce sont avant tout des solutions logicielles qui n’utilisent pas de machines agricoles. Au contraire, elles requièrent des ressources matérielles limitées, généralement un téléphone mobile, une tablette, un outil logiciel (applications de conseil, par exemple) et un logiciel ou une plateforme en ligne de gestion d’exploitation agricole. Cela les différencie des solutions numériques incorporées, qui associent des outils numériques à des machines afin d’interagir avec l’environnement.
La télédétection peut faire partie des solutions non incorporées, mais elle se limite aux données destinées à faciliter la prise de décision et la prospection. Comme le montrent les exemples ci-dessous, recueillis aux quatre coins du monde, ces solutions sont de plus en plus répandues. La société sud-africaine Aerobotics est implantée dans 18 pays. Elle propose des solutions non incorporées avec un système d’aéronef sans équipage à bord (UAS) et la télédétection pour aider les cultivateurs de fruits et de fruits à coque à prendre des décisions. Ces technologies permettent de détecter précocement les organismes nuisibles et les maladies, de suivre en temps utile les besoins en eau, en engrais et en nutriments, et de faciliter la gestion des rendements.
Au Maroc, SOWIT propose des solutions non incorporées utilisant la télédétection, les UAS pour la collecte d’images, et l’apprentissage automatique à partir d’informations issues de bases de données de terrain ou météorologiques. Ces technologies peuvent être utilisées pour les arbres fruitiers, les céréales et le colza. Elles permettent d’informer les agriculteurs des besoins en matière d’irrigation et de fertilisation, d’estimer les rendements, de surveiller la teneur en matière sèche du fourrage et d’inspecter les parcelles.
Au Népal, Seed Innovations propose une application Android permettant aux agriculteurs d’utiliser les analyses par satellite, les systèmes mondiaux de navigation par satellite (GNSS) et l’intelligence artificielle en vue de suivre les rendements des cultures (notamment en repérant les déficits ou les excès d’eau et de nutriments, et les risques liés aux organismes nuisibles et aux maladies) ainsi que d’accéder à des informations agronomiques et de les échanger.
TraSeable Solutions, dont le siège se trouve aux Fidji, compte 2 000 clients actifs dans sept petits États insulaires en développement du Pacifique. Cette entreprise propose deux solutions: la première est une application mobile qui renseigne les agriculteurs sur le secteur agricole, enregistre et gère les données des exploitations, et assure le suivi des ressources, des inventaires, des ventes et des dépenses. Cette application permet également de créer des liens commerciaux entre les acteurs de la chaîne de valeur agricole. La deuxième solution concerne la pêche, et plus particulièrement la pêche au thon. Elle consiste à suivre chaque thon, préalablement équipé d’un dispositif d’identification, sur l’intégralité de la chaîne de valeur, du débarquement à la distribution. Cette solution permet également de gérer les flottilles, puisqu’elle apporte des informations sur l’équipage et sur les coûts d’exploitation et d’entretien. Elle fournit aussi des renseignements sur la capture du thon, y compris des données sur les sorties, des registres de prises, des analyses des lieux de pêche et des services d’information.
Au Pérou, Coopecan propose des services numériques pour toute la chaîne de valeur de la fibre d’alpaga. Diverses technologies apportent des solutions numériques relatives, entre autres, à la gestion des pâturages (imagerie par satellite), à la santé animale (dispositifs d’identification des animaux) ainsi qu'au traitement des fibres et aux ventes à l’exportation (technologie des chaînes de blocs). En outre, une assistance technique est proposée aux éleveurs qui ont besoin d’aide pour gérer leur troupeau (état sanitaire des animaux, par exemple) ou les pâturages naturels (de plus en plus dégradés en raison d’un broutement excessif). Ces services sont complétés par un renforcement des capacités en ce qui concerne l’utilisation des solutions, et par un système de traçabilité qui permet de certifier la production sur les plans du bien-être animal, de la qualité des fibres et de la responsabilité environnementale et sociale, ce qui débouche sur de meilleures conditions de travail, une rémunération équitable et une amélioration du bien-être animal.
Dernier exemple, Agrinapsis est une plateforme de réseau social spécialisée en agriculture qui est active en Bolivie (État plurinational de), au Costa Rica, en Équateur, au Guatemala et au Mexique. Gérée par l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture, cette entité facilite les échanges de connaissances entre petits producteurs. Des informations sont recueillies de façon participative puis vérifiées et notées par tous les clients et, si elles sont signalées comme étant suspectes ou de mauvaise qualité, une équipe technique les contrôle et les améliore. Agrinapsis permet un commerce électronique axé sur les petits producteurs, qui peuvent vendre leurs produits ou acheter des intrants répondant aux préoccupations environnementales.
Les solutions numériques méritent l’attention des décideurs politiques et des organisations internationales. Il faut mener plus d’études afin de les adapter aux besoins des petits producteurs des pays à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire, en particulier dans les pays les moins mécanisés, comme en Afrique subsaharienne1. Les travaux de recherche et l’expérience indiquent qu’elles permettent une gestion des cultures adaptée au lieu, ce qui peut améliorer les rendements et réduire la quantité d’intrants sur les exploitations non mécanisées. Soulignons néanmoins deux difficultés. Premièrement, les technologies numériques sont parfois trop chères pour les petits producteurs, compte tenu des coûts actuels du matériel. Par exemple, un capteur d’azote portatif coûte entre 300 et 600 USD, ce qui est trop élevé pour un petit agriculteur qui ne souhaite l’utiliser que quelques fois par an48. De même, le scanner AgroCares, qui est plus sophistiqué car il fournit des informations sur un plus large éventail d’éléments nutritifs du sol, se vend plus de 3 000 USD. Deuxièmement, les producteurs doivent apprendre à utiliser ces technologies; sans le savoir-faire, une mise en œuvre incorrecte peut conduire à des résultats indésirables, notamment une utilisation accrue d’intrants.
Il existe encore des endroits, principalement en Afrique subsaharienne, où les smartphones ne sont pas à la portée des petits producteurs ni des populations rurales1, 2. En outre, des données de 2020 révèlent une importante fracture entre les zones rurales et les zones urbaines des pays en développement en matière d’accès à internet: 65 pour cent de la population a accès à internet en zone urbaine, contre seulement 28 pour cent en milieu rural49. Les éléments recueillis pointent le coût élevé comme frein principal à l’adoption de ces technologies par les petits producteurs, malgré leur potentiel important d’amélioration de la productivité. Cela laisse à penser qu’un accès à faible coût aux technologies numériques par les petits producteurs, subventionné par les donateurs, n’est peut-être pas viable.
Il faut donc multiplier et diversifier les efforts afin de rendre ces outils plus accessibles. Les services d’actifs partagés, mentionnés ci-dessus, sont une solution et leurs fournisseurs proposent déjà une gamme de machines adaptées aux petites et aux grandes exploitations. Cependant, les faibles compétences numériques des producteurs agricoles peuvent aussi expliquer en grande partie la lenteur d’adoption des outils numériques. C’est pourquoi, dans de nombreux pays africains, les services de messages courts (SMS), de réponse vocale interactive (RVI) et de données de services supplémentaires non structurées (USSD) sont utilisés pour communiquer avec les petits producteurs. Par exemple, ICT4BXW et Justdiggit, deux services actifs en Afrique subsaharienne, avaient initialement adopté des technologies avancées, comme les smartphones, mais ont ensuite décidé d’utiliser des moyens plus simples (SMS, USSD et RVI) en raison du faible taux de pénétration de ces téléphones et des compétences numériques insuffisantes dans la région1.
Tant que les exploitants n’auront pas les compétences numériques nécessaires, il faudra prêter un appui technique intensif et continu, et fournir des informations sur les technologies numériques. Les téléphones mobiles rudimentaires sont désormais accessibles à presque tout le monde, mais les smartphones restent rares en Afrique subsaharienne. Par conséquent, les téléphones doivent être utilisés de concert avec des services de conseil reposant sur des données satellitaires adaptées aux besoins des producteurs (concernant, par exemple, les sources d’eau et les pâturages pour les éleveurs pastoraux, et les épidémies pour les cultivateurs de bananes)1.