Les décideurs publics doivent, au-delà des politiques, de la législation et des investissements d’ordre général, viser le secteur agricole afin de promouvoir plus directement l’automatisation. Les pouvoirs publics ont à leur disposition un éventail de politiques, de mesures législatives, d’investissements et d’autres interventions pour cibler le secteur, et en particulier les petits producteurs, en vue de favoriser l’adoption des technologies d’automatisation. Il s’agit, entre autres, des politiques foncières, des investissements dans le renforcement des capacités, de la législation sur l’assurance qualité, de la recherche appliquée et des financements ciblés. L’ordre de priorité de ces différents instruments dépend largement du contexte, et notamment du niveau de développement global du pays ou de la région ainsi que des caractéristiques agroclimatiques et topographiques de l’agriculture. Des stratégies nationales en matière d’automatisation de l’agriculture sont nécessaires pour orienter des actions, des politiques et des investissements plus spécifiques. Elles sont essentielles dans les domaines où l’automatisation est inexistante ou encore à ses prémices. Ce type de stratégies nationales doit reposer sur des enquêtes et des études de terrain qui tiennent compte de l’expérience des chercheurs, des producteurs agricoles, des prestataires de services et des fabricants. L’adoption de machines et de matériel numérique spécifiques doit résulter des conditions dans lesquelles les producteurs travaillent ainsi que de leurs besoins, qui varient d’un pays à l’autre et à l’intérieur d’un même pays. En Afrique, où l’automatisation de l’agriculture est encore limitée, les pouvoirs publics sont convenus d’accélérer son adoption, conscients des avantages de la révolution numérique (voir l’encadré 27).
Encadré 27STRATÉGIES NATIONALES EN FAVEUR D’UNE ADOPTION PLUS LARGE DES OUTILS NUMÉRIQUES DANS LE SECTEUR AGRICOLE AFRICAIN
L’Union africaine (UA) et plusieurs États africains ont entrepris d’accélérer les mesures visant à mettre en place un environnement propice à l’utilisation efficace des outils numériques pour transformer les systèmes agroalimentaires. L’une des principales mesures prises récemment est la Stratégie en matière d’agriculture numérique de l’UA, placée sous la direction du Département de l’économie rurale et de l’agriculture de la Commission de l’Union africaine. Elle fait suite à la Stratégie de transformation numérique de l’Afrique (2020-2030), qui concerne notamment l’agriculture16. La Stratégie en matière d’agriculture numérique, qui n’a pas encore été officiellement adoptée, encourage les pouvoirs publics à mieux tirer profit de la puissance des innovations numériques pour stimuler la performance, l’inclusion et la durabilité de l’agriculture et d’autres secteurs ruraux, en appelant à mettre en place des stratégies en faveur de l’agriculture numérique et à utiliser la transformation numérique pour renforcer les services de mécanisation.
Par ailleurs, Smart Africa, un organisme intergouvernemental créé par des chefs d’État et de gouvernement africains, a élaboré un schéma directeur des technologies agricoles pour l’Afrique, AgriTech Blueprint for Africa17; quelques années auparavant, la FAO et l’Union internationale des télécommunications avaient proposé aux pays un guide pour l’élaboration de stratégies en matière d’agriculture numérique18. En Afrique, de nombreux ministères de l’agriculture tirent parti de ces différentes initiatives pour élaborer de nouvelles politiques qui leur permettront de mieux exploiter les possibilités offertes par la transformation numérique.
Les sections suivantes présentent les politiques, les investissements et la législation sur lesquels les pouvoirs publics peuvent s’appuyer, en fonction de la situation et des besoins des producteurs, pour exploiter le potentiel des technologies d’automatisation et établir l’intérêt économique de celles-ci pour un éventail de producteurs aussi large que possible.
Amélioration de l’accès aux technologies d’automatisation, en particulier pour les petits producteurs
Comme indiqué plus haut, le fonctionnement des marchés du crédit a des incidences notables sur l’accès aux financements qui permettent d’utiliser des technologies coûteuses telles que l’automatisation. Les agriculteurs peuvent puiser dans leur épargne pour acheter des machines, mais s’ils n’ont pas suffisamment de ressources, ils doivent recourir au crédit. Les pouvoirs publics peuvent influer sur le processus par des mesures relatives au crédit qui visent directement l’automatisation de l’agriculture. Les prêts à l’investissement sont la solution la plus couramment utilisée pour financer l’automatisation, mais ils peuvent être limités par le manque de garanties ou être très coûteux. Les différentes solutions possibles sont les garanties contractuelles, les dispositifs de garantie des emprunts, les groupes de caution solidaire et les systèmes de location avec option d’achat. Dans le cas des systèmes de location avec option d’achat, différentes mesures d’incitation peuvent être utilisées, notamment des subventions de contrepartie ou des subventions ciblées (qui ne faussent pas les marchés)26. Ces outils sont utilisés dans certains pays asiatiques pour renforcer l’accès des agriculteurs au crédit13. Les autres pistes comprennent le financement des chaînes de valeur, le crédit coopératif (en Inde, par exemple27) et les produits d’épargne et d’assurance, notamment pour le plus gros matériel26. Parallèlement aux producteurs et aux prestataires de services, les fabricants locaux et les ateliers d’entretien et de réparation peuvent également avoir besoin de recourir à l’emprunt5, 22.
Les éléments fournis par les 27 études de cas examinées au chapitre 3 montrent que, lorsque les producteurs agricoles – notamment les petits exploitants – ont des capacités financières insuffisantes, les prestataires de services peuvent se tourner vers d’autres modèles d’activité pour rendre leurs solutions rentables. Dans certains cas, les services sont liés à un crédit, à une assurance ou à des contrats agricoles, tels que des accords d’agriculture contractuelle qui garantissent l’achat de la production et un prix fixe pour les matières premières. Ces dispositifs contribuent à réduire les risques liés à la production, augmentent la capacité d’investissement et débouchent sur des rendements plus élevés et des produits de meilleure qualité. En l’absence de législation sur l’agriculture contractuelle ou les chaînes d’approvisionnement qui renforce la capacité contractuelle des petits producteurs, ces modèles d’activité peuvent engendrer des verrouillages technologiques (obliger les agriculteurs à utiliser des services spécifiques) ou des liens de dépendance non souhaités et des rapports de force déséquilibrés qui ont des conséquences socioéconomiques indésirables. Ces solutions peuvent en outre contraindre les agriculteurs, les acheteurs et les prestataires de services à adopter les comportements et les pratiques agronomiques attendus par les acteurs qui détiennent une puissance plus importante sur les marchés. Par ailleurs, elles font entrer les agriculteurs dans un système privé fermé25. Les services structurés plus organisés aident à réduire les risques associés à la production, mais peuvent également restreindre les options qui s’offrent aux agriculteurs. Il faut une législation qui protège les petits producteurs des contrats coercitifs.
Un autre domaine dans lequel les pouvoirs publics peuvent intervenir pour faciliter l’accès au financement est celui des régimes fonciers. La précarité foncière dissuade les producteurs agricoles d’investir dans des technologies agricoles – et dans leurs exploitations de manière générale – du fait de la grande incertitude qu’elle suscite quant à la possibilité de tirer un jour parti des investissements réalisés. Elle restreint l’accès au crédit, car les agriculteurs ne peuvent pas utiliser leurs titres de propriété en tant que garantie. Elle est particulièrement problématique si l’investissement en question est d’un montant élevé et doit être remboursé sur plusieurs années (une machine motorisée, par exemple). Une plus grande sécurité foncière facilite l’accès au crédit, notamment pour les petits producteurs, et incite à investir dans des machines. Au Myanmar, par exemple, les réformes des régimes fonciers ont considérablement augmenté la probabilité d’obtenir un prêt bancaire pour l’achat de machines agricoles23. Les agriculteurs peuvent utiliser les fonds empruntés pour acheter des intrants, comme des engrais ou des semences améliorées – les synergies entre ces intrants et le recours à des machines et du matériel numérique contribuent à augmenter la productivité et l’efficience d’utilisation des ressources. Le crédit à l’automatisation doit être à l’initiative des acteurs des marchés et obéir à une logique de viabilité commerciale. Les initiatives publiques visant à financer directement l’automatisation se heurtent souvent à des problèmes majeurs de gouvernance26, 28.
Les politiques commerciales peuvent favoriser l’accès aux technologies d’automatisation de l’agriculture. Les droits élevés à l’importation, les formalités douanières complexes et les barrières non tarifaires, telles que les mesures sanitaires, peuvent entraver l’achat de matériel d’automatisation. En Asie, la suppression des restrictions relatives aux importations a grandement facilité la mécanisation13; de nombreux pays d’Afrique ont exonéré les machines de droits à l’importation, mais d’autres ont conservé certains droits en place12, 13. Dans d’autres pays encore, les machines sont exonérées la plupart du temps de droits à l’importation, mais de nombreuses pièces détachées font l’objet de droits de douane élevés, ce qui compromet la pérennité de la mécanisation. Il est possible de favoriser une baisse des coûts de transaction des technologies d’automatisation et de stimuler l’adoption de celles-ci en réduisant les droits de douane sur les machines, le matériel numérique et les pièces détachées, et en allégeant les formalités douanières. Les pouvoirs publics doivent s’attacher en priorité à exonérer de droits et de taxes les machines et le matériel qui sont les plus adaptés aux conditions locales et qui permettent de relever les principaux défis au regard des objectifs nationaux qui concernent l’amélioration de la productivité et le renforcement de la durabilité et de la résilience.
Renforcement des connaissances et des compétences
Les fabricants, les propriétaires, les opérateurs et les techniciens des machines, ainsi que les producteurs agricoles, doivent tous acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour concevoir, gérer, utiliser, entretenir et réparer le matériel d’automatisation agricole. L’absence de ces connaissances spécialisées peut compromettre la rentabilité et la durabilité des technologies d’automatisation; or souvent, leur acquisition n’est guère favorisée5. C’est notamment le cas au Ghana, où 86 pour cent des tracteurs subissent des pannes fréquentes et de longue durée en raison d’un mauvais entretien et d’un manque d’opérateurs et de mécaniciens qualifiés19. Les initiatives publiques visant à renforcer les connaissances et les compétences jouent un rôle clé depuis le début du processus de mécanisation dans le monde entier20. Les centres de formation professionnelle, qui associent théorie et travaux pratiques, peuvent être particulièrement utiles pour apporter les connaissances et les compétences nécessaires. La formation des personnes qui supervisent l’automatisation numérique est également essentielle. En Australie, le code d’usages élaboré à l’intention des utilisateurs de machines dotées de fonctions autonomes met l’accent sur la marche à suivre pour alerter les responsables et signaler les incidents21.
Le manque de compétences numériques et de compétences en matière de supervision, d’entretien et de réparation des technologies d’automatisation constitue un autre obstacle majeur à l’automatisation numérique dans le monde entier, en particulier pour les petits producteurs (voir le chapitre 3). Il est essentiel d’accroître le capital humain, et un programme de renforcement des capacités est nécessaire, parallèlement à des investissements pour mettre à niveau les compétences numériques. Ce programme doit cibler non seulement les producteurs agricoles, mais aussi d’autres acteurs, à tous les stades des chaînes de valeur, de la fourniture d’intrants et de services aux activités menées plus en aval (transformation et commercialisation, par exemple). Ce type de programme est indispensable pour permettre aux travailleurs de passer d’emplois peu qualifiés à des emplois très qualifiés, et il est particulièrement important pour les jeunes – souvent considérés comme les principaux moteurs de la transition de l’agriculture familiale vers l’automatisation, car ils ont tendance à adhérer plus facilement que leurs parents à ces technologies. Les politiques et les investissements publics doivent par conséquent cibler les jeunes travailleurs ruraux.
Investissement dans les activités de recherche-développement appliquées
Les technologies d’automatisation sont en grande partie le fruit d’activités de recherche-développement privées. Les pouvoirs publics peuvent apporter un appui général par l’intermédiaire des institutions compétentes et mener ou financer des recherches portant sur des solutions techniques, agronomiques et économiques pour favoriser une automatisation durable et adaptée aux conditions locales. Le programme de recherche doit également comprendre des études sur l’impact de solutions d’agriculture de précision spécifiques en matière de rentabilité, de durabilité environnementale (notamment les empreintes carbone, hydrique et énergétique), de sécurité au travail et d’inclusion des femmes, des jeunes et des autres groupes vulnérables. Un autre domaine important concerne les différents types d’agriculture pratiqués dans des environnements protégés ou contrôlés (agriculture verticale ou serriculture, par exemple), qui ne sont pas toujours bien perçus par les consommateurs ni les décideurs publics. Il est également essentiel d’élaborer et de valider des modèles agronomiques spécifiques afin de mieux comprendre la réaction des cultures à certaines technologies d’agriculture de précision, comme la technologie à taux variable (TTV). Les pouvoirs publics peuvent appuyer les systèmes nationaux de recherche et d’innovation – privés ou publics – en vue d’adapter et de mettre à niveau les machines et le matériel numérique existants en fonction des besoins des producteurs, à mesure que les systèmes agricoles évoluent.
Des recherches doivent être menées sur l’utilisation des mégadonnées et des analyses agricoles en tant que bien public permettant d’offrir des services consultatifs gratuits aux petits producteurs. Il est également recommandé de se tourner vers la recherche appliquée pour étudier l’adaptation des solutions automatisées selon les régions, les pays, les conditions agroécologiques, les orientations en matière de production et les types d’exploitation (voir l’encadré 28). Des idées qui ont fonctionné à certains endroits ne seront peut-être pas envisageables ailleurs. Pour encourager le développement d’une agriculture autonome présentant les caractéristiques requises, il faut des cadres de recherche-développement qui réunissent innovateurs et agriculteurs pour concevoir des solutions et les adapter à l’échelle adéquate. On peut citer comme exemple le programme Science and Technology into Practice de l’organisme Innovate UK, au Royaume-Uni. Ce programme est financé par des fonds publics et exige des innovateurs qu’ils collaborent avec les utilisateurs finaux tout au long des projets, organisent des démonstrations, recueillent les observations des agriculteurs et y donnent suite.
Encadré 28ADAPTATION DE L’AUTOMATISATION NUMÉRIQUE À DIFFÉRENTS CONTEXTES: ÉLÉMENTS FACTUELS ISSUS DE 27 ÉTUDES DE CAS
Les 27 études de cas exposées dans le présent rapport montrent comment adapter l’automatisation numérique aux besoins locaux selon le système de production, le pays et le type d’exploitation. S’agissant de la production végétale, par exemple, on dispose d’éléments indiquant la mise au point de petites machines automatisées dans des pays à faible revenu – cueilleuse de thé en Ouganda, par exemple, ou engins de récolte automatisée du coton (tâche qu’il est difficile d’automatiser, comme cela a été mentionné au chapitre 3) en Afrique de l’Ouest et en Inde. Ces technologies sont actuellement à la disposition des petits et moyens producteurs, et leur utilisation devrait se répandre (par l’intermédiaire d’organisations de producteurs dans le cadre de centres de recrutement).
Dans l’élevage de précision, les modèles d’activité et les modèles de services relatifs aux robots de traite offrent des enseignements précieux sur l’application des technologies aux différents types d’exploitations. Les robots de traite sont principalement utilisés dans des exploitations de taille moyenne ou grande dans les pays à revenu élevé, mais d’autres technologies sont adaptées aux petites exploitations en intérieur ainsi qu’aux systèmes fondés sur le pâturage et la libre circulation des vaches dans les pays à revenu intermédiaire.
Enfin, en ce qui concerne l’agriculture en milieu contrôlé, on constate que les serres sont de plus en plus courantes dans les pays à revenu élevé et les pays à revenu intermédiaire où l’on trouve un certain niveau d’automatisation (climatisation, par exemple). On voit ces solutions apparaître dans le monde entier, de l’Arabie saoudite au Chili, en passant notamment par le Mexique. L’agriculture en milieu contrôlé, et en particulier les serres, offre des possibilités importantes d’association de la robotique à l’IA.
SOURCE: Ceccarelli et al., 202225.
Le dernier domaine de recherche est celui de l’évolution des rapports de force dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire du fait de la dépendance croissante à l’égard des technologies de transformation numérique et d’automatisation. Il est nécessaire de comprendre les intérêts commerciaux des grands acteurs des secteurs de l’élaboration de technologies et de la prestation de services technologiques, et les répercussions qu’ils peuvent avoir sur les petits producteurs, notamment en ce qui concerne la concentration du pouvoir, la redistribution des terres et des richesses, et la perte ou la création de connaissances et de compétences, ainsi que les incidences sur la main-d’œuvre et l’emploi.
Assurance qualité et élaboration de normes de sécurité
Une insuffisance de l’assurance qualité (essais et certification des machines, du matériel et des pièces détachées) peut dissuader de recourir à diverses technologies d’automatisation de l’agriculture, car elle accroît l’incertitude et les risques associés à leur achat13. Au Ghana, par exemple, un décortiqueur de maïs à atteler à un tracteur est moins cher lorsqu’il est produit localement que lorsqu’il est importé, mais sa qualité est difficile à évaluer avant l’achat en raison de l’absence de normes et de systèmes de certification. De nombreux agriculteurs optent donc pour des marques étrangères5. Il peut être matériellement impossible, pour des fabricants de petite ou moyenne envergure qui ne disposent pas de chaînes de montage, de réaliser des essais; de plus, ceux-ci ne sont pas incités à le faire si les marchés locaux n’exigent pas de certification officielle. Cela étant, l’État, les marchés et des organisations du secteur associatif peuvent procéder à des essais afin de réduire concrètement l’asymétrie de l’information sans pour autant augmenter notablement le coût des machines. L’existence d’un service public de validation qui évalue le rapport coût-efficience, l’efficacité et la facilité d’utilisation des technologies peut favoriser leur adoption. De la même façon, le renforcement des institutions qui définissent les normes peut stimuler la fabrication et la commercialisation de technologies d’automatisation22.
Les décideurs publics doivent veiller à la sécurité dans le domaine de l’automatisation de l’agriculture au moyen d’un ensemble équilibré de lois et de règlements. Il faut couvrir tous les aspects, positifs comme négatifs, et s’appuyer sur des consultations ouvertes et des échanges avec l’ensemble des parties prenantes, avant et après la mise en place de la réglementation. Au Royaume-Uni, par exemple, les pouvoirs publics ont, pour des questions de sécurité, limité de manière drastique l’utilisation de drones pour l’épandage d’intrants, et ce malgré ses avantages notables pour l’environnement et la sécurité des personnes. Cette législation exige également qu’une personne chargée de la supervision des machines autonomes soit constamment présente sur place pour s’assurer que celles-ci ne causent pas d’accidents. Les analyses ont montré qu’une telle législation réduisait à néant les avantages économiques liés au matériel autonome pour les producteurs de petite taille ou de taille moyenne et ne permettait de réaliser des économies qu’à plus grande échelle, rendant ces technologies rentables uniquement sur les grandes exploitations24. Dans le cadre d’un processus d’élaboration des politiques transparent et inclusif, ce type de constatations pourrait amener à revoir la stratégie.
Pour garantir la sécurité, les pouvoirs publics doivent mettre en place des cadres transparents. Ces cadres comprennent essentiellement des inspections (pour vérifier le respect des obligations par les utilisateurs), des normes comprenant des instructions, et des mécanismes permettant une autoréglementation, par exemple par des systèmes d’assurance (systèmes volontaires qui établissent des normes de production concernant la sécurité sanitaire des aliments, le bien-être animal et la protection de l’environnement). Les normes peuvent être juridiquement contraignantes ou non. En Australie, un code d’usages régissant l’utilisation de machines autonomes dans le secteur agricole a été adopté21. Ce code donne les assurances nécessaires aux agriculteurs pour adopter des solutions autonomes et aux fabricants pour dimensionner ces dernières. Il vise à normaliser l’approche en matière d’automatisation des machines. Il couvre plusieurs domaines, notamment la gestion des risques d’ordre général et la préparation aux situations d’urgence, le transport des véhicules d’un champ à un autre, les obligations d’entretien et de réparation, la gestion des situations d’urgence et les normes et dispositions législatives. Une initiative similaire est actuellement déployée au Royaume-Uni pour les robots, y compris ceux utilisés dans l’agriculture9.
Exploitation du potentiel des technologies d’automatisation de l’agriculture à faible coût
Lorsqu’il n’y a pas d’intérêt économique à investir dans de grosses machines, en raison de contraintes financières ou de l’inadéquation de ce matériel aux conditions topographiques locales (terrain accidenté, par exemple) ou à la taille des exploitations (parcelles très petites ou fragmentées, par exemple), les petites machines peuvent apporter des avantages considérables aux cultivateurs, notamment ceux qui possèdent de petites parcelles dans des zones relativement marginales. Ce type de machines et de matériel comprend les tracteurs à deux roues et les motoculteurs, les semoirs à tambour, les plantoirs rotatifs et les désherbeuses mécaniques29. L’intérêt économique de l’adoption de petites machines a été établi (voir l’encadré 17). Ces technologies simples peuvent en effet réduire de manière notable la pénibilité du travail, tout en faisant gagner du temps et économiser des intrants, et permettent une amélioration de la productivité et un renforcement de la résilience en ajustant au mieux le calendrier des tâches. Elles sont également plus respectueuses de l’environnement, car elles ne nécessitent pas ou presque pas de combustibles fossiles pour fonctionner, et se prêtent pour un grand nombre d’entre elles aux approches agroécologiques, telles que les systèmes de rizipisciculture et les pratiques d’inondation et d’assèchement alternés (technologies qui permettent de réduire la quantité d’eau utilisée dans les rizières sans compromettre le rendement). Dans certains contextes, elles permettent une meilleure inclusion des femmes, lesquelles peuvent être tenues à l’écart de la mécanisation en raison des normes culturelles et des traditions29, 30.
Les technologies telles que la réponse vocale interactive (RVI), les données de services supplémentaires non structurées (USSD) et le service de messages courts (SMS), parallèlement aux centres d’appel, sont disponibles dans la plupart des pays à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire, et constituent ainsi les solutions les plus courantes – sinon les seules – pour les petits producteurs, en particulier en Afrique subsaharienne. Elles donnent accès à des offres groupées de services, car les agriculteurs peuvent les utiliser avec l’appareil de leur choix et quelles que soient leurs compétences numériques, sont peu onéreuses et nécessitent peu d’entretien. Les offres groupées, qui associent souvent divers services secondaires (fourniture d’informations sur les marchés et les conditions climatiques et météorologiques et de données de suivi des exploitations en temps réel, par exemple), permettent en outre de relier les acteurs entre eux. Du fait de leur accessibilité élevée, ces technologies peuvent réduire la fracture numérique. Elles sont moins sensibles aux dysfonctionnements des infrastructures, car elles requièrent peu d’énergie et des infrastructures de données plus simples que les technologies évoluées axées sur les données, et offrent une rentabilité maximale des investissements. Cependant, il est important que les solutions proposées répondent aux besoins locaux tout en offrant des conseils fiables25.