- ➔ L’intérêt économique de la mécanisation motorisée repose sur les possibilités que celle-ci offre en matière de réduction des coûts de production, d’expansion et d’intensification de la production et d’amélioration de la productivité. Parmi les principaux obstacles à son adoption figurent un accès insuffisant aux services nécessaires (financement et services de vulgarisation, par exemple) – en particulier pour les personnes vulnérables, exclues et marginalisées, parmi lesquelles les petits producteurs et les femmes –, l’absence d’environnement commercial favorable, le manque de technologies adaptées à la petite agriculture et la précarité des infrastructures.
- ➔ La mécanisation motorisée peut encore offrir des avantages à de nombreux pays à faible revenu et pays à revenu intermédiaire peu avancés sur la voie de son adoption. Ces pays devraient mettre à profit la vaste gamme de machines existantes et leurs multiples utilisations possibles, en les adaptant aux besoins locaux, en particulier à ceux des petits producteurs, qui exploitent généralement de petites surfaces ou travaillent sur des terrains irréguliers.
- ➔ Les technologies numériques peuvent contribuer à ce que les travaux agricoles soient menés avec davantage de précision et plus rapidement, améliorer l’efficacité des services de conseil agricole et apporter des solutions aux problèmes environnementaux hérités de la mécanisation passée (érosion des sols, par exemple), tout en renforçant la résilience face aux chocs et aux facteurs de stress.
- ➔ Les technologies numériques permettent de proposer des services de location de machines, y compris dans les pays à faible revenu, et ce faisant facilitent l’accès aux technologies pour les groupes qui en sont habituellement exclus, tels que les petits agriculteurs et les agricultrices. Les jeunes agriculteurs, en particulier, sont des agents clés de la conversion de l’agriculture familiale à l’automatisation.
- ➔ L’intérêt économique des technologies d’automatisation numérique reste minime, en particulier dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, qui pâtissent d’une connectivité et d’un approvisionnement en électricité médiocres et d’un accès limité aux services (financement, assurance et éducation, par exemple). Le constat est encore plus criant pour la robotique associée à l’intelligence artificielle (IA), dont l’adoption devrait s’accélérer surtout parmi les grands producteurs des pays à revenu élevé.
- ➔ Pour exploiter le potentiel des technologies d’automatisation numérique, il est nécessaire de s’attaquer aux facteurs qui freinent leur adoption – précarité des infrastructures, manque de compétences numériques, coût élevé des technologies et absence d’environnement porteur – et, parallèlement, d’investir dans la recherche et l’expérimentation à l’échelle planétaire, de manière à élaborer des technologies adaptées au contexte.
Le chapitre 2 a présenté les évolutions et les facteurs de l’automatisation de l’agriculture, et notamment de la mécanisation motorisée et des technologies d’automatisation numérique plus récentes associées à l’agriculture de précision. La mécanisation motorisée a été largement adoptée dans le monde, quoique les taux d’adoption varient entre les pays et en leur sein. La plupart des pays d’Afrique subsaharienne sont en retard de ce point de vue. Dans d’autres régions, l’accès à la mécanisation se révèle inégal, et généralement plus limité pour les groupes vulnérables tels que les petits producteurs et les femmes. Nous vivons actuellement les prémices d’une vague d’automatisation numérique de l’agriculture, caractérisée par l’utilisation de capteurs, de robots, de l’IA et d’autres outils numériques aux fins de l’automatisation d’une ou de plusieurs composantes des tâches agricoles – analyse, prise de décision et exécution. Tandis que la mécanisation motorisée a été adoptée à grande échelle dans de nombreux pays, les producteurs agricoles et les entreprises agroalimentaires cherchent encore à déterminer quelles technologies d’automatisation numérique sont avantageuses et adaptées à leurs besoins, compte tenu des conditions locales et des techniques qu’ils utilisent actuellement. L’un des principaux obstacles à l’adoption de ces technologies réside dans le fait que les investissements requis ne sont pas perçus comme rentables, les coûts d’achat et de fonctionnement étant élevés par rapport aux coûts de main-d’œuvre associés aux systèmes actuels. D’autres facteurs entravent aussi l’adoption: manque de technologies adaptées à la production à petite échelle, accès insuffisant aux services d’entretien et de réparation, compétences numériques limitées, faible connectivité ou encore méfiance à l’égard des innovations. Dans le présent chapitre, les auteurs examinent l’incidence de ces facteurs sur l’intérêt économique que présente l’automatisation de l’agriculture et les moyens d’améliorer celui-ci.
L’intérêt économique des investissements dans les technologies agricoles repose sur les gains qu’elles peuvent offrir aux producteurs agricoles, ainsi qu’aux acteurs chargés de la production, de l’installation, de l’entretien ou de la réparation desdites technologies. L’hypothèse de départ est que les acteurs concernés – producteurs, distributeurs et prestataires de services d’entretien et autres – prennent des décisions rationnelles pour maximiser leurs bénéfices et leur bien-être. Investir dans les technologies d’automatisation entraîne des coûts, qui ont tendance à croître si les technologies considérées sont peu accessibles à l’échelon local. Les producteurs et les fournisseurs de technologies ne passeront à l’automatisation que si les avantages surpassent les coûts.
Pour certaines technologies et dans certaines conditions, le coût des investissements est supérieur aux avantages qu’ils peuvent procurer, tout au moins à court terme, ce qui peut décourager l’investissement en dépit de ses retombées positives pour la société en général. Une intervention des pouvoirs publics est donc nécessaire pour faire coïncider les avantages privés et les intérêts de la société dans son ensemble, et ainsi rendre l’automatisation plus attractive. Ce chapitre porte également sur les problèmes (essentiellement de nature environnementale) liés à la mécanisation motorisée et sur les solutions que peuvent apporter les nouvelles technologies d’automatisation numérique, dont certaines sont encore à l’étude, pour y remédier (au moins partiellement). Ce point concerne tout particulièrement certains pays à faible revenu et pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure où la mécanisation motorisée, encore peu diffusée, peut désormais être mise en œuvre d’une façon durable, efficace et inclusive.
S’appuyant sur les études de cas réalisées pour ce rapport et les études plus générales existantes, ce chapitre présente et résume les données factuelles attestant l’intérêt économique de la mécanisation motorisée et des technologies d’automatisation numérique. Les auteurs s’intéressent ensuite à la façon dont les politiques et les investissements peuvent influer sur l’intérêt économique et orienter les incitations à l’adoption des technologies d’automatisation. Ils analysent en dernier lieu les trajectoires futures d’une vaste gamme de technologies et leur capacité de transformer l’agriculture et de la rendre plus durable, à la lumière des défis divers auxquels sont confrontés les producteurs à l’échelon local.
La mécanisation motorisée peut effectivement présenter un intérêt économique dans de nombreux contextes
Un corpus d’études foisonnant s’est attaché à décrire les avantages de la mécanisation et la contribution qu’elle peut encore apporter au développement agricole et rural. En permettant aux producteurs d’effectuer les travaux agricoles plus rapidement et avec une efficacité accrue, elle peut conduire à une augmentation de la productivité agricole et des revenus, à des économies de main-d’œuvre et de coûts, ainsi qu’à une réduction de la pénibilité du travail, entre autres avantages. Dans les systèmes de riziculture intensive en zone humide d’Asie, par exemple, le passage de la charrue à traction animale au motoculteur a entraîné des économies financières considérables en réduisant la quantité de main-d’œuvre nécessaire pour préparer les terres. L’intensité et la productivité des récoltes de riz ont également augmenté grâce au recours à la mécanisation partagée pour la préparation des terres et le battage1. L’emploi de petits moulins mécaniques pour les tâches extrêmement laborieuses et pénibles, telles que le décorticage du riz paddy ou la réduction des grains en farine, a par ailleurs engendré des gains de temps libre considérables, en particulier pour les femmes1. La mécanisation a réduit les dommages causés aux cultures et les pertes de récoltes, comme on a pu l’observer en Inde, où l’utilisation de moissonneuses-batteuses a abaissé les pertes de riz et amélioré les rendements de 24 pour cent2. S’appuyant sur deux études de cas récentes, l’encadré 8 présente des données factuelles démontrant l’intérêt économique des investissements dans la mécanisation motorisée en Éthiopie et au Népal.
Encadré 8ANALYSE COMPARATIVE COÛTS-AVANTAGES DE LA MÉCANISATION ET DE LA TRACTION MANUELLE ET/OU ANIMALE DANS LA PRODUCTION DE BLÉ: ÉLÉMENTS RECUEILLIS EN ÉTHIOPIE ET AU NÉPAL
En Éthiopie, le coût des principales tâches liées à la culture du blé, à savoir l’ensemencement, la récolte et le battage, a baissé de 46 pour cent, 65 pour cent et 48 pour cent respectivement parmi les agriculteurs qui utilisaient un tracteur à deux roues en comparaison de ceux qui s’en tenaient à des technologies traditionnelles – outils manuels ou traction animale (voir la figure correspondante). Le coût du transport a également diminué. Les recettes totales moyennes ont augmenté, passant de 1 964 USD pour les pratiques traditionnelles à 2 567 USD pour les tâches mécanisées. Les coûts variables totaux se sont établis en moyenne à 526 USD pour les systèmes mécanisés et à 818 USD pour les systèmes traditionnels.
FIGUREANALYSE COMPARATIVE DU COÛT DES TÂCHES AGRICOLES RELATIVES À LA PRODUCTION DE BLÉ, AVEC ET SANS MATERIEL MOTORISÉ: LE CAS DE L’ÉTHIOPIE

Par conséquent, les systèmes mécanisés ont dégagé une marge bénéficiaire brute de 2 041 USD, soit 78 pour cent de plus que les systèmes traditionnels. Ces résultats indiquent que la production mécanisée du blé est beaucoup plus productive et rentable que la production non mécanisée.
De même, au Népal, le recours à la mécanisation motorisée dans la culture du blé – avec l’emploi d’un fertiliseur, d’une moissonneuse et d’une batteuse montée sur un tracteur – a fait baisser les coûts d’exploitation totaux de presque moitié et élevé la marge bénéficiaire brute de 81 pour cent, pour la porter à 514 USD (voir le tableau).
TABLEAUANALYSE COMPARATIVE DU COÛT DES TÂCHES AGRICOLES DANS LA PRODUCTION DE BLÉ AVEC ET SANS MATERIEL MOTORISÉ: LE CAS DU NÉPAL

SOURCE: FAO, 202216.
Même en Afrique subsaharienne, où la mécanisation n’est pas généralisée (voir le chapitre 2), des données montrent qu’elle a été source d’avantages importants. En Côte d’Ivoire, l’utilisation du tracteur a favorisé l’application d’intrants modernes et l’amélioration de la gestion des cultures, d’où une augmentation de la productivité des terres et de la main-d’œuvre. Il ressort d’une étude menée dans 11 pays africains que l’utilisation du tracteur a amélioré le rendement du maïs d’environ 0,5 tonne par hectare3. En Éthiopie et au Ghana, les ménages qui utilisent des tracteurs ont augmenté leur production en mettant en culture davantage de terres plutôt qu’en cherchant à améliorer leurs rendements4, 5. En Zambie, les ménages agricoles disposant de tracteurs ont pratiquement doublé leurs revenus en mettant en culture une part beaucoup plus élevée de leurs terres et ont dégagé une marge bénéficiaire brute par heure de travail agricole deux fois plus élevée que celle des autres ménages6. Bien que les besoins en main-d’œuvre par hectare aient diminué de moitié, la demande de main-d’œuvre non familiale a augmenté pour l’ensemble des activités non mécanisées sous l’effet de la hausse de la production. Le recours à des travailleurs salariés en lieu et place de la main-d’œuvre familiale a également allégé le fardeau supporté par les femmes et les enfants et favorisé la scolarisation de ces derniers.
Par conséquent, les avantages de la mécanisation agricole sont loin de se limiter à l’augmentation de la productivité agricole. La mécanisation libère de la main-d’œuvre familiale, qui peut ainsi se consacrer à des tâches non agricoles telles que la préparation des repas – d’où une amélioration de la nutrition – ou à un travail non agricole susceptible de renforcer leurs moyens de subsistance7, 8, 9. Enfin, elle peut encourager la création d’emplois, par exemple de postes de mécaniciens affectés à l’entretien et à la réparation du matériel. La mécanisation peut créer des effets d’entraînement sur l’économie dans son ensemble en stimulant la demande de biens et de services non agricoles10, 11. Elle peut aussi améliorer la sécurité sanitaire des aliments grâce aux technologies de conservation et d’entreposage (séchoirs et entreposage frigorifique, par exemple), qui limitent la contamination12 lorsqu’elles sont correctement mises en œuvre. L’encadré 9 illustre la contribution de l’automatisation de l’agriculture à l’amélioration de la sécurité sanitaire des aliments.
Encadré 9TIRER PARTI DE L’AUTOMATISATION DE L’AGRICULTURE POUR AMÉLIORER LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS
L’introduction de technologies telles que le stockage et le transport réfrigérés des aliments et les innovations en matière de déshydratation et de fumage a grandement amélioré la conservation et la sécurité sanitaire des aliments. Dans le secteur de l’élevage, par exemple, le système de rail à viande vertical utilisé pour l’habillage des carcasses dans les abattoirs est un moyen simple mais néanmoins efficace de prévenir la contamination de la viande. L’automatisation des processus de récolte, de tri et d’emballage des aliments réduit considérablement les risques de transmission des agents pathogènes d’origine alimentaire du personnel aux aliments. Le tri mécanique des arachides, qui permet d’écarter les graines présentant une infection fongique importante, a été un moyen extrêmement efficace d’améliorer la santé publique. Il est cependant important de suivre des règles sanitaires et d’hygiène appropriées pour utiliser le matériel, afin de prévenir les risques d’origine alimentaire venant des machines elles-mêmes. Par exemple, si elles ne sont pas correctement nettoyées, les machines utilisées pour les récoltes sont susceptibles d’introduire des allergènes dans la chaîne d’approvisionnement. Les machines peuvent compromettre la sécurité sanitaire des aliments par d’autres manières également, telles que les fuites d’huile, les fluides hydrauliques et les gaz d’échappement.
Les progrès de l’automatisation numérique amènent d’autres améliorations encore: détection rapide des contaminants présents dans les aliments, possibilité d’enquêter rapidement sur les épidémies d’origine alimentaire grâce à des outils améliorés, et renforcement des systèmes de surveillance et de suivi. La télédétection appliquée à l’agriculture de précision permet de repérer rapidement les dégâts occasionnés par les organismes nuisibles et de procéder sans tarder à des applications ciblées de produits agrochimiques, évitant ainsi une utilisation excessive de ces produits. Les avantages ne sont pas systématiques, cependant: dans certains cas, l’automatisation peut nécessiter d’appliquer des quantités accrues de produits agrochimiques pour atteindre l’objectif recherché, ce qui peut être préjudiciable aux personnes comme à l’environnement. Il est également important d’assurer un accès équitable aux technologies et de traiter les problèmes liés à la confidentialité et à la propriété des données.
SOURCE: FAO, 202217.
Par ailleurs, la mécanisation est synonyme de résilience accrue. Elle améliore en particulier la résilience de la production agricole face aux aléas climatiques, tels que les sécheresses, en permettant aux agriculteurs d’effectuer plus rapidement leurs travaux agricoles et de s’adapter avec davantage de souplesse au changement des conditions météorologiques. Les pompes d’irrigation, par exemple, peuvent accroître ou stabiliser les rendements dans les régions où les pluies sont imprévisibles et les sécheresses fréquentes1, comme c’est souvent le cas au Proche-Orient et en Afrique du Nord13. La mécanisation renforce également la résilience face aux problèmes de santé qui peuvent toucher la main-d’œuvre familiale ou salariée et être lourds de conséquences pour la production agricole14.
Pour renforcer l’intérêt économique de la mécanisation motorisée, il est essentiel de concevoir des solutions adaptées aux besoins locaux
Les données présentées jusqu’ici montrent que toutes les possibilités d’utilisation de la mécanisation motorisée n’ont pas été épuisées, en particulier dans les contextes où son adoption est lente ou inexistante. Il peut être envisagé de sauter l’étape de la mécanisation et de passer directement à l’automatisation numérique et à la robotique associée à l’IA, mais cela n’est réellement possible que dans une poignée de pays à revenu élevé (voir le chapitre 2). Cela étant, il existe une large gamme de solutions de mécanisation motorisée à la portée des pays à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. L’intérêt économique de la mécanisation motorisée dépend en grande partie du contexte et des machines agricoles qu’il est envisagé d’adopter. Les grandes exploitations agricoles implantées sur des terrains plats peuvent utiliser avec profit de grandes machines telles que les moissonneuses-batteuses et les tracteurs à quatre roues. Pour leur part, les petits producteurs auront plutôt avantage à utiliser des machines de plus petite taille, comme les petits tracteurs à quatre ou deux roues, qui coûtent moins cher et sont plus respectueux de l’environnement18. Ces machines ont largement contribué à réduire la fracture en matière de mécanisation en Asie2, 19, 20. Capables de contourner les souches d’arbre et les pierres, elles conviennent mieux aux besoins des petites exploitations et sont aussi plus faciles à manier, à entretenir et à réparer, et plus adaptées au microcrédit. Elles peuvent aussi être utilisées pour tracter un ripper ou un semoir pour semis direct en agriculture de conservation mécanisée, contribuant ainsi à améliorer la résilience climatique21, 22. L’encadré 10 donne un exemple concret de la façon dont les petites machines améliorent la résilience des petits producteurs au Myanmar.
Encadré 10RENFORCER LA RÉSILIENCE DES PETITS PRODUCTEURS PAR LA PETITE MÉCANISATION MOTORISÉE
À la suite du cyclone de 2015 et de la sécheresse qui s’est abattue l’année suivante sur l’État de Rakhine, au Myanmar, la FAO a entamé, en collaboration avec le Gouvernement du Myanmar, un projet d’une année (2016-2017) qui a bénéficié de la contribution financière du Japon. L’objectif était d’améliorer la sécurité sanitaire des aliments consommés par les ménages et de renforcer la résilience des petits producteurs dans les zones sujettes aux conflits et aux catastrophes naturelles. Dans le cadre d’une des composantes du projet, la FAO a étendu l’accès à de petites machines agricoles, telles que des tracteurs à deux roues et des pompes à eau. Les activités de mécanisation ont été déployées dans sept townships et 73 villages de l’État de Rakhine touchés par les inondations et les conflits. Au total, le projet a permis la distribution de 55 tracteurs à deux roues et 94 pompes à eau, et l’organisation de formations sur l’utilisation et l’entretien des petites machines. En outre, 146 villageois ont reçu une formation de conducteur de tracteur.
Les résultats font apparaître des avantages substantiels pour les agriculteurs et la communauté en général, avec une diminution des coûts de préparation des sols (1,6 USD par hectare) et d’importantes économies de temps (les tracteurs à deux roues travaillant sept fois plus rapidement que les animaux de trait). Le fait de pouvoir préparer les sols rapidement a également eu un effet positif sur la résilience, les agriculteurs étant désormais mieux armés pour affronter les caprices du temps et les pénuries de main-d’œuvre, ainsi que d’autres aléas. L’amélioration des revenus et de la sécurité sanitaire des aliments est également provenue de la culture de légumes destinés à la consommation des ménages et à la vente, activité rendue possible par l’utilisation des pompes à eau installées pendant la saison sèche pour l’irrigation.
D’autres petites machines comme les séchoirs, les batteuses et les moissonneuses peuvent avoir un impact positif sur la résilience des petits producteurs et, en parallèle, favoriser la création d’emplois ruraux et alléger la charge de travail. Néanmoins, le choix d’une technologie de préférence à une autre doit être déterminé par le contexte local et l’évaluation des besoins. Il est par ailleurs essentiel qu’un soutien technique soit disponible et qu’il existe des ateliers de réparation et d’entretien ainsi que des techniciens dans les villages ou les zones environnantes, afin d’assurer les services liés à la mécanisation. Enfin, l’une des conclusions tirées du projet est que l’on aurait obtenu de bien meilleurs résultats en prêtant davantage d’attention aux femmes et aux jeunes.
SOURCE: FAO, 201924.
En matière d’adaptation des machines motorisées aux besoins locaux, les innovations récentes ne se limitent pas à l’adaptation de la taille des machines. Les pays du Proche-Orient et d’Afrique du Nord sont de plus en plus souvent confrontés à des pénuries d’eau qui limitent la croissance de la production agricole. L’encadré 11 traite de la plantation mécanisée sur plates-bandes surélevées en Égypte – exemple de synergies innovantes entre les instruments de mécanisation et l’amélioration des intrants et des pratiques culturales, qui accroissent les rendements tout en permettant d’économiser les maigres ressources naturelles disponibles.
Encadré 11EN ÉGYPTE, LA PLANTATION MÉCANISÉE SUR PLATES-BANDES SURÉLEVÉES CONTRIBUE À L’AMÉLIORATION DE LA PRODUCTIVITÉ ET À L’UTILISATION DURABLE DE L’EAU
La plantation mécanisée sur plates-bandes surélevées est un moyen efficace d’accroître la productivité et les rendements des cultures, d’économiser les maigres ressources en eau disponibles et de réduire l’engorgement grâce à un drainage amélioré. Appliquée à la production de blé en Égypte, cette technologie a entraîné une augmentation de 25 pour cent de la productivité, due à des rendements améliorés, une diminution de 50 pour cent des coûts des semences, une réduction de 25 pour cent de l’utilisation d’eau et une baisse des coûts de main-d’œuvre. En conséquence, un programme de plantation mécanisée sur plates-bandes surélevées a été mis en place dans le cadre de la campagne nationale de blé de l’Égypte, et selon les estimations, environ 800 000 hectares de blé devraient être plantés suivant cette technique d’ici à 2023. On estime par ailleurs que, 15 ans après son démarrage, le projet générera des gains de plus de 4 milliards d’USD, qui profiteront en majeure partie aux plus d’un million de producteurs de blé que compte l’Égypte. Les autres avantages comprennent une réduction de la dépendance vis-à-vis des importations de blé (de plus de 50 pour cent d’ici à 2025) et une amélioration de la productivité de l’eau sur plus de 200 000 hectares de terres pauvres en eau.
Pour donner de bons résultats, cette technologie doit impérativement être adaptée aux conditions locales et les composantes précises de la solution technologique doivent être dictées par le contexte. En Égypte, la solution technologique a été définie à l’issue d’une évaluation à long terme et se compose des éléments suivants: une variété de blé améliorée, semée à une densité de 108 kilogrammes par hectare; une période de semis allant du 15 au 30 novembre; l’utilisation d’une charrue et d’un semoir mécanisés pour la préparation des sols et la plantation; et l’application d’engrais azoté à une densité de 168 kilogrammes par hectare. Si elle est correctement adaptée à leurs besoins, cette technologie peut se révéler particulièrement intéressante pour les petites et moyennes exploitations. Elle est relativement abordable, peut être aisément mise en œuvre avec des tracteurs de petite taille, est adaptée aux cultures locales et se prête aussi bien à la monoculture (blé ou riz, par exemple) qu’à la polyculture intercalaire (maïs, betterave à sucre et fèves, par exemple).
La mécanisation agricole figure actuellement au premier rang des priorités d’un grand nombre de pays à faible revenu, en particulier en Afrique subsaharienne, où elle était passée un temps à l’arrière-plan après les premiers échecs des programmes de mécanisation menés par les États23. Il existe actuellement tout un débat sur la question de savoir quelles voies technologiques les pouvoirs publics et les partenaires de développement devraient privilégier, en particulier dans les régions qui ne sont pas encore passées à l’automatisation (la majeure partie de l’Afrique subsaharienne et de nombreuses régions montagneuses, notamment). Il n’existe pas de solution universelle, mais seulement des solutions optimales pour tel ou tel contexte18. Les décisions relatives à l’automatisation des tâches agricoles doivent tenir compte des conditions locales, notamment des possibilités et des obstacles, et de la demande du marché en matière de technologies de mécanisation.
Les outils à main et la traction animale conservent leur importance
En dépit des avantages de la mécanisation motorisée, des éléments indiquent que les technologies manuelles et la traction animale peuvent encore jouer un rôle important. La traction animale peut constituer une importante force motrice dans les exploitations de très petite taille et morcelées, en particulier s’il existe des pâturages et des points d’eau et si les maladies animales peuvent être contenues18. La traction animale permet d’associer élevage et cultures et d’optimiser l’utilisation des ressources; par exemple, le fumier peut être utilisé pour les cultures, et les résidus de récolte pour l’alimentation des animaux. Pour de nombreux producteurs, c’est aussi la meilleure stratégie immédiate pour faire face aux pénuries d’énergie avant de passer à la mécanisation motorisée21, 27. Pour la majorité des petits producteurs africains, le passage à la traction animale représenterait un réel progrès18.
Le même raisonnement s’applique aux outils à main évolués – c’est-à-dire les outils qui font principalement appel à la force humaine mais qui sont conçus intelligemment, de manière à produire un maximum de résultats pour un minimum d’efforts. Ces outils sont particulièrement adaptés aux exploitations sur lesquelles l’emploi de machines est difficile. Ils allègent le travail de la main-d’œuvre, libérant du temps pour le repos ou d’autres activités rémunératrices, réduisent les coûts et la pénibilité et améliorent la résilience. L’encadré 12 présente un exemple concret des avantages procurés par ces outils, décrivant l’impact de l’utilisation du semoir manuel à tambour sur la rentabilité, l’efficience, la durabilité environnementale et la résilience au Népal et en République démocratique populaire lao.
Encadré 12EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE POPULAIRE LAO, LES SEMOIRS À TAMBOUR FONT ÉCONOMISER DU TEMPS, DES EFFORTS ET DE L’ARGENT
Dans la province de Sayaboury, en République démocratique populaire lao, un semoir à tambour a été mis à l’essai sur le terrain dans le cadre d’un programme visant à encourager l’intensification durable de la riziculture, mis en œuvre par le Gouvernement et les petits producteurs avec le soutien de la FAO. Le semoir à tambour est un outil manuel utilisé pour planter des semences de riz prégermées. Il est plus avantageux que les méthodes de plantation traditionnelles, qui reposent sur le repiquage manuel et le semis à la volée. De fait, il réduit le temps de plantation de 90 pour cent, accroît la productivité de la main-d’œuvre de plus de 40 pour cent, réduit les coûts de production de 20 pour cent et permet de réaliser des économies de semences de plus de 60 pour cent. Le semoir à tambour est en outre un outil respectueux de l’environnement: il fonctionne sans combustibles fossiles et convient aux approches agroécologiques telles que les systèmes de rizipisciculture. Le semoir à tambour renforce la résilience des agriculteurs face au changement climatique, en leur laissant davantage de souplesse dans le choix de la période de plantation. En outre, dans l’éventualité où une catastrophe naturelle viendrait détruire le riz récemment planté, du riz pourra être replanté rapidement et sans difficulté avec le semoir à tambour.
SOURCE: Flores Rojas, 201828.
En résumé, la possibilité d’utiliser des animaux de trait et des outils à main évolués dépend du contexte. Si elles sont moins performantes que les tracteurs, ces solutions permettent de surmonter les goulets d’étranglement liés à la main-d’œuvre, d’élever les rendements des cultures et d’étendre la surface de terres agricoles. Dans de nombreux cas, les outils à main évolués et la traction animale sont sans doute les meilleures options possibles pour accroître la force motrice disponible. L’idée de trouver la solution la mieux adaptée peut aider les pouvoirs publics et les partenaires de développement à mieux cerner les voies technologiques à privilégier et les institutions et investissements qui leur sont associés, en tenant compte des caractéristiques agroécologiques et socioéconomiques des systèmes de production agricole de leurs pays respectifs. À mesure que les processus d’innovation liés à la mécanisation agricole avanceront en réponse à cette évolution du contexte, les voies technologiques devront être adaptées et ajustées.