Estimation et répartition régionale de la flotte mondiale
En 2020, le nombre total de navires de pêche dans le monde était estimé à 4,1 millions. On observe une tendance à la diminution au cours des deux dernières décennies, principalement en raison de programmes de réduction de la flotte en Europe et en Chine, lancés respectivement en 2000 et en 2013, et pris en compte lors d’une récente révision des données de la FAO. La flotte mondiale a été réduite d’un peu moins de 10 pour cent entre 2015 et 2020 et d’un peu moins de 4 pour cent entre 2019 et 2020. L’Asie possède la plus grande flotte, estimée à 2,68 millions de navires, soit deux tiers environ de la flotte mondiale en 2020 (figure 27). Cette part a diminué de 8 pour cent entre 2015 et 2020. La flotte africaine a augmenté par rapport à celle du reste du monde, et comprend maintenant 23,5 pour cent des navires de pêche de la planète, ce qui représente une progression de 10 pour cent depuis 2015. Les Amériques possèdent désormais moins de 9 pour cent de la flotte mondiale, soit une diminution de 1,5 pour cent depuis 2015. L’Europe et l’Océanie ont conservé une part stable de 2 pour cent et de moins de 1 pour cent, respectivement, du total mondial.
Figure 27Répartition des navires de pêche par continent, 2020
Avec un nombre de navires estimé à 564 000, la Chine possède la plus grande flotte de pêche du monde. Elle est en train de la réduire, et l’a déjà diminuée de quelque 47 pour cent depuis 2013, date à laquelle elle comptait 1 072 000 navires. Cette stratégie s’inscrit dans l’objectif défini de longue date de réduction de la taille du secteur chinois de la pêche (FAO, 2022a). L’Union européenne, dont la flotte comptait 74 000 navires en 2020 – soit une baisse de 28 pour cent par rapport à 2000 – a mis en place des programmes similaires dans le cadre de sa politique commune de la pêche au cours des deux dernières décennies. La figure 28 et la figure 29 illustrent l’évolution de la taille des flottes de la Chine et de l’Union européenne. Cependant, la seule réduction de la taille de la flotte n’est pas nécessairement un gage de résultats plus durables, car l’évolution de l’efficience des pêches peut neutraliser les gains en matière de durabilité offerts par la diminution du nombre de navires, comme en témoignent Di Cintio et al. (2022) en Italie. Une tendance à utiliser des navires plus grands et plus puissants (encadré 5) et des engins de pêche plus efficients peut ainsi compromettre la durabilité de la pêche, et ce malgré la diminution de la taille de la flotte.
Figure 28Taille de la flotte de pêche, navires motorisés et non motorisés, Chine, 2000-2020
Figure 29Taille de la flotte de pêche, navires motorisés et non motorisés, UE-27, 2000-2020
On dénombre quelque 2,5 millions de navires de pêche équipés de moteurs dans le monde, soit 62 pour cent de la flotte. La figure 30 illustre la répartition des navires motorisés et non motorisés selon les continents. Elle montre une répartition inégale des deux types de navires, l’Asie possédant presque les trois quarts (1,9 million) des navires motorisés du monde en 2020. La grande majorité des navires non motorisés du monde (quelque 97 pour cent) se répartissent entre l’Asie et l’Afrique, soit 815 000 et 702 000 bateaux, respectivement. Ils entrent pour la plupart dans la classe des navires ayant une longueur hors-tout (LHT) de moins de 12 mètres, mais de nombreux pays ne communiquent toujours pas d’informations sur la classification selon la longueur, la motorisation et le type de navire. Il est important de noter que ces pays possèdent certaines des plus grandes flottes de pêche du monde, ce qui constitue une limite considérable des données.
Figure 30Pourcentage de la flotte mondiale par continent, navires motorisés et non motorisés, 2020
Répartition des navires par taille et importance des petits bateaux
En 2020, à l’échelle mondiale, 81 pour cent environ des navires de pêche motorisés dont la classe de longueur était connue étaient des bateaux de moins de 12 mètres (LHT), en majorité non pontés. La figure 31 montre que les petits bateaux constituent la plus grande part des navires motorisés sur tous les continents. En chiffres absolus, l’Asie comptait le plus grand nombre de bateaux de cette catégorie, suivie des Amériques (Amérique latine et Caraïbes, en particulier) et de l’Afrique. On dénombrait quelque 45 000 grands navires (LHT de 24 mètres ou plus, et jauge brute généralement supérieure à 100) dans le monde, soit 5 pour cent des navires motorisés. C’est dans les Amériques, en Océanie et en Asie que la part de ces grands bateaux était la plus importante en 2020. Il est intéressant de rappeler que les grands navires, bien que peu nombreux, représentent d’après les estimations un tiers de la puissance motrice totale de la flotte de pêche mondiale (Rousseau et al., 2019).
Figure 31Répartition par taille et par continent des navires de pêche motorisés, 2020
La figure 31 montre un nombre majeur de navires de taille moyenne ou grande en 2020 par rapport aux années précédentes, principalement en Afrique, dans les Amériques et en Asie. Ces données confirment les résultats de l’étude exposée à l’encadré 5, qui mettent en évidence une augmentation générale des jauges et longueurs dans les flottes à l’échelle mondiale. S’agissant des Amériques, une actualisation majeure des données du Brésil – l’un des acteurs clés du continent – a abouti à une flotte comprenant un nombre de grands navires supérieur à celui précédemment déclaré. Cela explique en partie pourquoi les Amériques représentent désormais la plus petite part de navires motorisés de moins de 12 mètres.
Encadré 5Performance des flottilles de pêche mondiales
La FAO a réalisé un examen des performances technico-économiques des principales flottilles de pêche en mer dans le monde à partir des 20 premiers pays de ce secteur en Afrique, Asie, Europe, Amérique du Nord et Amérique du Sud1. Des informations financières, socioéconomiques et techniques ont été collectées sur 103 segments de flotte importants, représentant 240 000 navires de pêche environ. Globalement, on estime que ces flottilles ont réalisé 39 pour cent de la production mondiale des pêches de capture durant la période 2016-2019.
L’analyse des caractéristiques des navires fait apparaître des différences notables de capacité de pêche en mer entre les segments de flotte (mesurée à la longueur, au tonnage et à la puissance des bâtiments). La comparaison de 16 segments de flotte qui figuraient également dans l’examen précédent, en 2000, met en évidence une augmentation du tonnage brut moyen des navires sur tous ces segments. Des accroissements substantiels de la longueur et de la puissance moyennes des navires sont également observés dans plusieurs flottilles asiatiques. De façon générale, la structure par âge des flottes de pêche semi-industrielles et industrielles d’Amérique du Nord, d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie indique une tendance au vieillissement, tandis que celle de la plupart des segments de flotte d’Asie témoigne d’une flotte plus jeune, du fait du rajeunissement des flottilles de pêche en Chine, au Bangladesh, en Inde et en Indonésie.
L’analyse des données relatives aux coûts et aux recettes de 98 segments de flotte montre que les deux principales natures de coûts sont les dépenses de personnel et les frais de fonctionnement. Les senneurs à senne coulissante et les chalutiers ciblant des espèces pélagiques présentent les recettes et les coûts les plus élevés.
L’examen permet de constater que les investissements dans des navires et des opérations de pêche industrielle ou semi-industrielle sont généralement rentables, et que la pêche en mer demeure une activité économique financièrement viable dans les 20 pays examinés. La plupart des flottilles de pêche retenues pour l’enquête réalisent un chiffre d’affaires suffisant pour couvrir le coût de l’amortissement, le paiement des intérêts et le remboursement des prêts, et dégager les ressources financières nécessaires au réinvestissement. Sur les 97 segments en majorité industriels ou semi-industriels, 92 pour cent déclarent une marge nette d’autofinancement positive sur les années sur lesquelles ils sont interrogés, entre 2016 et 2019. En moyenne, les navires de 73 pour cent des segments réalisent une marge bénéficiaire nette (MBN) de 10 pour cent au minimum, tandis que 88 pour cent font état de résultats positifs sur le plan de la productivité du capital, affichant un rendement positif de leurs immobilisations corporelles (RIC). Pour 61 pour cent des segments de flotte, le retour sur investissement (ROI) est de 10 pour cent ou plus2.
La rentabilité est variable selon les navires, les segments de flotte et les années. Le tableau montre les performances moyennes cumulées des segments de flotte, par type d’engin et par taille de navire (pour les chalutiers de fond) sur la période examinée. En moyenne, les senneurs à senne coulissante, les navires pêchant au filet maillant et ceux armés pour la pêche à la turlutte affichent de très bons résultats pour les trois grands indicateurs de rentabilité (MBN, RIC et ROI). Les chalutiers pélagiques et les chalutiers de fond de moyenne et grande tailles font également état de pourcentages témoignant d’opérations de pêche rentables ou très rentables. Quatre des dix segments palangriers présentent des résultats négatifs, ce qui fait baisser la performance moyenne cumulée du groupe.
Les technologies utilisées pour pêcher continuent d’évoluer. Les principaux moteurs des évolutions technologiques ayant concerné les opérations, les navires et les engins de pêche semi-industrielle ont été le souhait de réduire le coût du carburant et celui d’économiser l’énergie. Des développements majeurs ont également permis d’accroître l’efficience de la pêche, de réduire l’impact de cette activité sur l’environnement et d’améliorer la manutention et la qualité des produits, à quoi s’est ajoutée l’amélioration de la sécurité en mer et des conditions de travail des pêcheurs à bord des navires. Ces évolutions – conjuguées à une augmentation générale des prix des produits aquatiques, une gestion efficace de la pêche dans certaines zones et une meilleure gestion de la capacité de la flotte en Europe et en Amérique du Nord – ont contribué aux performances financières et économiques positives des principales flottilles de pêche du monde au cours des dernières années avant la pandémie de covid-19.
- 1 Van Anrooy, R., Carvalho, N., Kitts, A., Mukherjee, R., Van Eijs, S., Japp, D. et Ndao, S. 2021. Review of the techno-economic performance of the main global fishing fleets. FAO Document technique sur les pêches et l’aquaculture no 654. Rome. https://doi.org/10.4060/cb4900en
- 2 MBN = résultat net avant impôt/chiffre d’affaires total; RIC = résultat net avant impôt/valeur des immobilisations corporelles; ROI = résultat net avant impôt/(valeur des immobilisations corporelles + incorporelles).
Le tableau 11 donne le nombre de navires, motorisés et non motorisés, par classe de longueur (LHT), pour un échantillon de pays représentatifs des tendances régionales. Cet échantillon confirme la tendance mondiale mise en évidence préalablement, à savoir que la plus grande partie des navires sont de petite longueur, et montre que la plupart des bateaux non motorisés se trouvent dans des pays d’Asie et d’Afrique, et que seulement 8 des 27 pays et territoires figurant dans le tableau 11 possèdent au moins 200 navires de plus de 24 mètres (LHT). Les navires non motorisés ne sont majoritaires que dans les flottes du Bénin et du Malawi et – dans une moindre mesure – d’Angola, de Tunisie, du Bangladesh et de Sri Lanka, où ils représentent environ la moitié du total.
TABLEAU 11NOMBRE DÉCLARÉ DE NAVIRES, MOTORISÉS ET NON MOTORISÉS, PAR CLASSE DE LONGUEUR (LHT), DANS LES FLOTTES DE PÊCHE D’UN ÉCHANTILLON DE PAYS ET DE TERRITOIRES, 2020
Les petits bateaux constituent la majeure partie des flottes du monde, mais leur nombre est particulièrement difficile à estimer. En effet, si les navires de pêche industrielle font généralement l’objet d’une licence et d’un enregistrement, c’est moins souvent le cas pour les petits bateaux. Par ailleurs, les petits bateaux ne sont pas toujours inclus dans les statistiques nationales, même lorsqu’il existe des registres. Les flottilles de pêche continentale posent un autre défi, car les procédures de déclaration et la disponibilité de données dans les registres locaux et nationaux sont rarement adéquates, ce qui complique encore la ventilation et la comparaison des informations entre les flottes marines et continentales. Cela met en lumière la nécessité pour la FAO de redoubler d’efforts pour améliorer la qualité des données et la communication d’informations dans le secteur de la pêche, en accordant une attention particulière à la pêche artisanale dans le monde entier, notamment dans le cadre d’activités spécifiques de renforcement des capacités en matière de statistiques sur les pêches. Les informations sur les navires (recueillies de préférence au moyen de registres) sont en effet indispensables aux pays, car elles permettent d’évaluer la taille de leur flotte, facilitent la gestion des pêcheries et constituent une première condition essentielle pour prendre en compte et officialiser les activités de la pêche artisanale et ses acteurs.
La révision exhaustive des données réalisée par la FAO au cours des dernières années a amélioré les informations dont elle dispose sur les flottes pour la période 1995-2020, et a permis des ajustements des totaux nationaux et régionaux par rapport aux éditions précédentes de La Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture. Elle a également permis d’élaborer une présentation plus détaillée de plus de 20 ans de données historiques, en travaillant en étroite collaboration avec les Membres pour les réviser, mettre en évidence de nouvelles sources de données, corriger les erreurs et procéder aux imputations nécessaires. Ce travail d’amélioration de la collecte et de l’analyse des informations sera élargi aux données historiques de la période comprise entre 1950 et 1995.