La Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2022

Partie 3 Une transformation bleue pour réaliser le programme de développement durable à l’horizon 2030

Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable

Atouts de la science pour la gestion de la pêche et de l’aquaculture

La science est l’un des moyens d’action essentiels pour accélérer la transformation des systèmes alimentaires et la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) (Nations Unies, 2019), car des preuves scientifiques sont nécessaires pour créer des solutions durables. L’existence de liens solides entre science et politiques est essentielle pour aider à concevoir ces solutions et faire en sorte qu’au final les décisions, les accords et les actions reposent sur des éléments véritablement probants. Plusieurs manifestations récentes animées par la FAO portent spécifiquement et se fondent sur la science. Le Colloque international de la FAO sur la gestion durable des pêches (qui s’est tenu à Rome du 18 au 21 novembre 2019) avait pour objectif de déterminer les pistes à suivre pour renforcer l’interaction science-politiques dans la production, la gestion et le commerce halieutiques, sur la base de principes de durabilité solides, afin d’améliorer les résultats dans la pratique. Le Colloque a réuni des experts et des participants très divers venus du monde entier (1 000 personnes environ représentant plus de 100 pays) et a permis un dialogue ouvert et une compréhension mutuelle favorisant des stratégies fondées sur la science, pour des actions en synergie et des politiques solidaires, à tous les niveaux. Les débats ont abouti à la formulation d’un ensemble de recommandations et d’actions générales basées sur des faits scientifiques, qui contribueront à mettre sur pied des systèmes des produits alimentaires d'origine aquatique4 durables, équitables et résilients, tout en renforçant une productivité soutenable, afin de consolider la sécurité alimentaire et la nutrition et de favoriser la croissance économique, en améliorant les conditions de vie et en donnant aux femmes, aux jeunes et aux communautés vulnérables les moyens d’agir (FAO, 2020h).

La Conférence mondiale sur l’aquaculture – Millénaire+20 était la quatrième d’une série de conférences décennales à caractère scientifique et tournées vers le développement, qui ont façonné l’aquaculture mondiale. Elle a attiré plus de 1 700 délégués venus de plus de 100 pays et d’une diversité de secteurs. La conférence a recensé les politiques et les innovations technologiques clés, les recherches scientifiques, les possibilités d’investissement et les domaines de coopération susceptibles de favoriser le développement à venir d’une aquaculture durable. Des éclairages étaient apportés par neuf analyses thématiques à caractère scientifique, six synthèses régionales et une synthèse mondiale, complétés par plus de 100 posters scientifiques. La Déclaration de Shanghai, l’un des résultats essentiels, a pris pleinement en compte les informations scientifiques qui émergeaient des analyses thématiques et de la conférence afin d’exposer une vision commune, des priorités clés et un appel à l’action pour une aquaculture durable.

Les produits alimentaires d'origine aquatique étant de plus en plus considérés comme essentiels, il devient nécessaire d’affiner les connaissances scientifiques sur leur valeur nutritionnelle et sur leur contribution globale à l’alimentation d’une population croissante et à la réalisation des objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (encadré 24). Les conclusions des manifestations citées plus haut, ainsi que le dialogue sur les nouveaux travaux de recherche nécessaires sur les aliments aquatiques, devraient déboucher sur des actions prioritaires qui définiront les contributions de la science à la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030) et, au final, amélioreront la durabilité à long terme de la pêche et de l’aquaculture.

Encadré 24Des produits alimentaires d’origine aquatique pour nourrir les peuples d’ici à 2030 et au-delà1

Les produits alimentaires d’origine aquatique ont été considérés par le groupe scientifique du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires comme l’une des sept priorités qui sont nécessaires au regard de la science pour accélérer la transformation qui doit aboutir à des systèmes alimentaires plus sains, plus durables, plus équitables et plus résilients. Ils sont également apparus comme un ensemble de solutions qui permettra d’atteindre des cibles spécifiques des objectifs de développement durable (ODD) et de contribuer à des possibilités de transformation des systèmes alimentaires.

En 2021, deux propositions scientifiques majeures ont mis en avant l’importance des produits alimentaires d’origine aquatique pour la réalisation des ODD: le document de travail d’ONU Nutrition intitulé Le rôle des produits alimentaires d’origine aquatique dans une alimentation saine et durable 2 et l’article révisé par des pairs Aquatic foods to nourish nations (Des produits alimentaires d’origine aquatique pour nourrir les peuples)3, élaboré par Blue Food Assessment. Ces documents montrent l’étendue des éléments probants dont on dispose à l’heure actuelle et recommandent des orientations en matière de politiques, d’investissement et de recherche pour augmenter la contribution des produits alimentaires aquatiques à l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle à l’échelle mondiale.

Il faut faire évoluer la vision globale de la notion d’alimentation à la notion de nutrition afin que tous les bénéfices des produits alimentaires aquatiques, en tant que «super-aliments»4, puissent être reconnus. L’apport de multiples micronutriments biodisponibles (calcium, fer, zinc, vitamine B12 et vitamine A) et acides gras essentiels, ainsi que de protéines, par les divers produits alimentaires aquatiques – animaux, plantes et micro-organismes – doit être mieux pris en compte, et davantage de données doivent être générées sur ce sujet. Par ailleurs, des recherches seront nécessaires pour élaborer des produits alimentaires d’origine aquatique diversifiés, culturellement acceptables, abordables et adaptés pour une utilisation au cours des 1 000 premiers jours de la vie, qui pourront contribuer à améliorer la santé et la nutrition des femmes ainsi que la cognition, le développement et la croissance des jeunes enfants.

Les lacunes considérables dans les données désagrégées relatives aux différents produits alimentaires aquatiques (modes de consommation, diversité et abondance, empreinte écologique et systèmes de production durable) ne favorisent pas le débat ni la compréhension des problématiques, et entravent l’intégration de ces produits dans la transformation des systèmes alimentaires. Il faut donner la priorité aux recherches pluridisciplinaires sur les bénéfices des produits alimentaires aquatiques pour différents groupes de population – au regard de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, de la résilience environnementale et de la durabilité – et pour le développement socioéconomique, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Il convient d’appliquer une approche tenant compte de la nutrition aux systèmes alimentaires aquatiques pour définir le programme scientifique qui permettra de mettre en avant les produits alimentaires aquatiques en tant que super-aliments pouvant contribuer à nourrir les peuples. Les recherches à mener dans le cadre de cette approche comprennent:

  • l’analyse de la composition en nutriments et de la sécurité sanitaire de divers produits alimentaires aquatiques (provenant des pêches continentales et marines et de l’aquaculture);
  • la mise au point d’innovations pour réduire les pertes et le gaspillage;
  • le développement de systèmes de production intégrés qui couvrent divers produits alimentaires aquatiques ainsi que des aliments nutritifs d’origine végétale;
  • la génération d’une base scientifique pour intégrer divers produits alimentaires aquatiques dans les recommandations nutritionnelles nationales fondées sur le choix des aliments.

Il faut en outre veiller à intégrer des produits alimentaires aquatiques provenant de niveaux trophiques inférieurs, comme les algues marines, les méduses et les concombres de mer.

Les perturbations et les risques engendrés par la crise climatique qui ne cesse de prendre de l’ampleur constituent une menace de plus en plus importante pour les systèmes alimentaires aquatiques. La pandémie de covid-19 a rendu la fragilité de ces systèmes encore plus visible, et a amplifié les effets négatifs sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, les revenus et les moyens d’existence, en particulier pour les acteurs opérant à petite échelle. Des études sur l’ampleur des perturbations et des faiblesses pour les différents groupes d’acteurs (consommateurs et populations pauvres et vulnérables, notamment) seront nécessaires pour assurer la durabilité des systèmes alimentaires aquatiques.

La proclamation de l’année 2022 «Année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales» offre une tribune importante pour renforcer les activités de recherche et mieux établir le rôle de divers produits alimentaires aquatiques en tant que super-aliments pouvant contribuer à nourrir les peuples.

Soucieux de favoriser l’intégration des avancées scientifiques et prenant acte des réalisations du secteur depuis l’approbation du Code de conduite pour une pêche responsable et des défis qu’il reste à relever, le Comité des pêches a adopté à l’unanimité, à sa trente-quatrième session en février 2021, sa Déclaration sur la durabilité de la pêche et de l’aquaculture (FAO, 2021b). Dans cette déclaration, le Comité des pêches convient que les problèmes à résoudre pour mettre en œuvre de façon efficace les mesures de gestion de la pêche sont complexes, spécifiques à chaque région et multidimensionnels, que le changement climatique et l’acidification des océans ajoutent encore à leur complexité, et qu’ils sont souvent dus à l’insuffisance des données censées étayer les décisions scientifiques. Face à cela, il juge nécessaire d’adopter des mesures de gestion des pêches qui soient à la fois innovantes, inclusives et adaptatives, conçues sur la base des meilleures informations scientifiques disponibles, et effectivement mises à exécution. Il apprécie en outre le rôle essentiel de l’approche écosystémique, qui constitue un cadre utile d’intégration des objectifs de conservation et d’utilisation durable, et juge nécessaire de renforcer la base scientifique sur laquelle sont prises les décisions de gestion de la pêche et de l’aquaculture. Cela suppose d’utiliser de nouvelles technologies de l’information et des communications, intégrant les dernières avancées, telles que les systèmes interopérables d’information sur la pêche, qui ouvrent de nouvelles voies d’amélioration du suivi de cette activité et génèrent des données et des informations pluridisciplinaires complètes que la science peut exploiter pour éclairer les politiques de gestion, tout en impliquant une grande diversité de parties prenantes (encadré 25). La promotion de la coopération scientifique internationale, le renforcement des capacités, l’éducation et la formation sont également primordiaux. Enfin, le Comité des pêches reconnaît que le secteur aquacole possède encore un potentiel de croissance et qu’il est nécessaire d’adopter des pratiques innovantes favorisant une gestion responsable de l’environnement, en prêtant une attention particulière aux régions en déficit vivrier. La Déclaration donne une orientation stratégique visant à renforcer les liens entre science et politiques qui soutiennent la gestion des pêches, sous la direction du Comité des pêches, celui-ci étant, à l’échelle mondiale, la principale instance où débattre et prendre des décisions sur les questions afférentes à la pêche et à l’aquaculture, afin de continuer à développer des solutions participatives et fondées sur la science5.

Encadré 25L’innovation numérique au service de l’identification des espèces

Les innovations technologiques transforment la manière dont les informations et les connaissances sur les espèces aquatiques vivantes sont recueillies, diffusées et mises à la disposition des décideurs. Pour la première fois, il est possible, grâce à l’apprentissage automatique et aux appareils portables connectés à internet, d’apporter les compétences des taxonomistes et des scientifiques spécialisés dans la pêche aux acteurs de ce secteur et au grand public.

Parmi les progrès scientifiques décisifs pour le développement durable, on peut citer des innovations dans l’identification des organismes marins qui intéressent ou sont susceptibles d’intéresser le secteur de la pêche et de l’aquaculture. Ces avancées facilitent l’accès aux outils d’identification des espèces, et améliorent de ce fait la qualité des données dans les chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture.

Pour attirer l’attention sur ces progrès et mettre en relation les innovateurs qui travaillent dans ce domaine, la FAO a réuni lors du colloque mondial «Artificial Intelligence for a Digital Blue Planet» (L’intelligence artificielle au service d’une planète bleue numérique) des spécialistes de la science des données et des analystes issus d’établissements de recherche marine, d’universités et du secteur privé pour leur permettre d’échanger leurs connaissances, leurs compétences et leurs idées novatrices. Les participants à ce colloque se sont penchés sur l’utilisation de l’intelligence artificielle pour analyser des images de milliers d’espèces et déterminer la taille, le nombre et le stade de développement des formes de vie aquatique. D’autres sujets de discussion ont porté sur les possibilités de faire collaborer des spécialistes du monde entier dans un environnement virtuel pour chercher des solutions qui pourront ensuite être développées et déployées1.

Après ce colloque mondial, les participants à un webinaire se sont intéressés à l’utilisation de l’imagerie fixe et de la vidéo aux fins d’enregistrement des prises de requins pélagiques et d’animaux d’écosystèmes marins vulnérables2, ce qui montre le stade de développement avancé des technologies reposant sur des caméras mises à la disposition des observateurs à bord des navires de pêche, notamment pour la classification taxonomique des espèces rares que les chercheurs ont du mal à identifier.

La FAO continuera de jouer un rôle important en réunissant les divers acteurs qui travaillent sur des innovations numériques dans le domaine de l’identification des espèces et appuient l’utilisation de systèmes de caméra associés à un apprentissage automatique dans un large éventail de pêches dans le monde. En donnant des orientations et des conseils techniques en matière d’identification des espèces cibles ou accessoires importantes, la FAO permet des interventions de gestion et de conservation ciblées dans les chaînes de valeur des pêches et de l’aquaculture.

Qu’est-ce que la Décennie de l’océan?

La proclamation par l’Assemblée générale des Nations Unies, en décembre 2017, de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030) met en relief la priorité que les États Membres des Nations Unies accordent au fait de parvenir à une gestion durable des océans et leur conviction que la science doit jouer un rôle central dans ce processus.

La Décennie de l’océan s’efforce de dynamiser «la science dont nous avons besoin pour l’océan que nous voulons», afin de «stimuler la recherche de solutions transformatrices issues des sciences océaniques au service du développement durable, tissant ainsi un lien entre les populations et notre océan » (UNESCO-COI, 2021, p. 17); elle cherche en outre à ce que les sciences océaniques soutiennent pleinement les mesures prises par les pays pour gérer l’océan de façon durable et réaliser le Programme 2030.

La Décennie de l’océan sera mise en œuvre en suivant un plan (UNESCO-COI, 2021), qui a été établi selon un processus extrêmement participatif et inclusif conduit par la Commission océanographique intergouvernementale et auquel ont été associées plus de 1 900 parties prenantes, dont des États Membres, des spécialistes de différentes disciplines et des représentants de la société civile et d’organismes des Nations Unies, qui ont tous apporté des contributions notables.

Le Plan de mise en œuvre de la Décennie donne un cadre non prescriptif aux actions transformatrices qui prolongeront les réalisations existantes et répondront aux attentes quels que soient la zone géographique, le secteur, la discipline ou la génération. Il concentre les efforts sur 10 défis, qui énoncent les priorités immédiates de la Décennie et visent à unir les partenaires de celle-ci dans une action collective, de sorte que l’ensemble de la Décennie soit supérieur à la somme de ses parties.

Le défi n° 3 de la Décennie de l'océan est particulièrement utile au secteur de la pêche et de l’aquaculture puisqu’il aspire à produire les connaissances, soutenir l’innovation et trouver les solutions qui permettront d’optimiser le rôle de l’océan dans l’alimentation de la population mondiale, et ce durablement, dans des conditions environnementales, sociales et climatiques en pleine évolution.

Le monde comptera deux milliards de personnes supplémentaires à nourrir dans les 30 prochaines années. Aujourd’hui, l’océan contribue de façon notable à la sécurité alimentaire et à la nutrition et il a les moyens de jouer un rôle encore plus important dans le système alimentaire mondial. La Décennie de l’océan offre l’occasion de renforcer le lien pêche-science-politiques et d’appuyer la création des réseaux et des partenariats nécessaires à la traduction sur le plan opérationnel des recommandations formulées dans la Déclaration de 2021 du Comité des pêches.

La FAO et les actions de la Décennie

Les actions de la Décennie de l’océan sont l’un des principaux moyens de participer à celle-ci; ce sont des initiatives concrètes qui seront menées dans le monde au cours des 10 prochaines années pour relever les défis énoncés dans le Plan de mise en œuvre de la Décennie. Ces actions viseront en priorité à faire avancer la connaissance et sa mise en application pour soutenir la recherche de solutions et lutter contre les inégalités de moyens et de capacités en matière de sciences océaniques.

Des actions entrant dans le cadre de la Décennie peuvent être proposées et menées par un large éventail de personnes morales et physiques, parmi lesquelles des institutions de recherche, des administrations, des organismes des Nations Unies, des organisations intergouvernementales, d’autres organisations internationales ou régionales, des entreprises et des secteurs, des fondations philanthropiques et des fondations d’entreprises, des organisations non gouvernementales, des éducateurs, des groupes communautaires et des individus (via les initiatives de science pilotées par les communautés, par exemple) (figure 64).

Figure 64Découvrir, rejoindre, agir: la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030)

SOURCE: FAO.
SOURCE: FAO.

La FAO travaille avec des partenaires pour mener des actions ciblées et faire en sorte que la science et l’innovation contribuent à nourrir la population mondiale et à éliminer la pauvreté par des moyens durables, en favorisant le développement de la pêche et de l’aquaculture et en éclairant les mesures prises par les pouvoirs publics pour faire face à l’évolution des conditions environnementales, sociales et climatiques. Deux des actions menées par la FAO et approuvées par la Décennie de l’océan sont exposées brièvement ci-après.

Programme AEP-Nansen

Le programme AEP-Nansen (FAO, 2021h) est un partenariat de longue date entre la Norvège6 et la FAO. Il compte déjà plus de 45 ans d’expérience et fonctionne actuellement avec la collaboration de 32 pays partenaires d’Afrique et d’Asie du Sud-Est, d’organisations régionales des pêches et d’autres entités et institutions. Le programme favorise une utilisation durable des ressources marines par l’amélioration de la gouvernance, la production de faits scientifiques et de connaissances et le renforcement des capacités dans les pays partenaires, qui sont au cœur de l’initiative de la Décennie. L’autre aspect important, en rapport avec les principes du développement durable, est la mise en œuvre de l’approche écosystémique des pêches (AEP) (FAO, 2003), qui défend, entre autres, la prise en compte des dimensions écologique, sociale et économique de la durabilité.

Il vise à contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), en particulier l’ODD 14 (Vie aquatique), et à promouvoir l’équité entre femmes et hommes pour aider à concrétiser, entre autres, l’ODD 5 (Égalité entre les sexes).

Le programme comprend trois domaines d’activité principaux:

  1. Améliorer les connaissances sur les pêches et les écosystèmes marins pour les utiliser dans la prise de décisions et l’élaboration des politiques.
  2. Soutenir une gestion durable des pêches en apportant aux pays et aux régions une aide spécifique à la mise en œuvre de l’AEP.
  3. Développer les capacités des pays partenaires à améliorer leur base de connaissances utiles à la gestion de la pêche, en organisant des ateliers et des programmes de formation spécifiques.

L’une des caractéristiques essentielles du programme, en rapport étroit avec la Décennie de l’océan, est sa contribution à la collecte de données scientifiques, effectuée lors des missions du navire de recherche Dr Fridtjof Nansen (FAO, 2019c). C’est actuellement le seul navire de recherche marine à battre pavillon des Nations Unies et à se consacrer exclusivement au développement international. Des données et des informations sont collectées sur les écosystèmes marins, y compris sur les ressources halieutiques, la biodiversité, les qualités nutritionnelles des produits alimentaires aquatiques, les effets du changement climatique et de la pollution, au cours de prospections de recherche effectuées dans les eaux d’Afrique et d’Asie du Sud-Est et en haute mer.

Au cours d’une année normale, le navire de recherche passe 270 jours environ à effectuer des prospections; en 2019, ce sont 215 scientifiques venus de 19 pays partenaires qui ont participé aux travaux, contribuant de façon importante à l’intensification de la coopération scientifique et de la collaboration autour du développement à l’échelle internationale. Les priorités de recherche qui sous-tendent les activités du Dr Fridtjof Nansen reposent sur le Plan scientifique du programme (FAO, 2020i) et sur les besoins des partenaires nationaux et régionaux compte tenu de leurs priorités de gestion des pêches.

Le programme soutient l’analyse et l’utilisation des données et informations pour la prise de décisions aux niveaux national et régional, par exemple, par le biais d’organes régionaux des pêches partenaires, tels que l’Organisation des pêches de l’Atlantique du Sud-Est, le Comité des pêches pour l’Atlantique Centre-Est, la Commission des pêches pour le Sud-Ouest de l’océan Indien, et la Commission intersectorielle du courant de Benguela. Les pays reçoivent une assistance pour élaborer, mettre en œuvre et suivre des lois, des politiques et des plans de gestion des pêches conformes à une AEP, et mettre en place des cycles de gestion des pêches. Enfin, des efforts substantiels sont déployés pour régler les problèmes d’égalité des genres et promouvoir une participation égale des femmes et des hommes à la gouvernance de la pêche.

Innovation numérique Main dans la main avec le suivi scientifique des pêches et des écosystèmes

Ce programme (FAO, 2021i) vise à créer un atlas utilisant des données ouvertes et la science ouverte pour décrire les écosystèmes (y compris les pêches) et, s’il y a lieu, faciliter le suivi des cibles des ODD et des résultats obtenus dans le cadre de la Décennie de l'océan. Il s’inspire, en l’amplifiant, de l’Initiative Main dans la main de la FAO, un dispositif fondé sur des éléments probants et dirigé et détenu par les pays, qui a pour objet d’accélérer le développement rural durable et d’éliminer ainsi la pauvreté, ainsi que la faim et la malnutrition sous toutes ses formes. L’Initiative Main dans la main vise en priorité les pays dont les capacités nationales et l’aide internationale dont ils bénéficient sont très limitées et ceux où les difficultés d’ordre opérationnel, dues notamment à des crises d’origine naturelle ou humaine, sont les plus grandes. L’Initiative fait appel à une modélisation géospatiale et à une analytique de pointe afin de déterminer les voies les plus prometteuses pour augmenter les revenus des populations rurales pauvres, qui constituent l’écrasante majorité des pauvres dans le monde, et réduire les inégalités et les facteurs de vulnérabilité auxquels ces populations sont confrontées (encadré 26).

Encadré 26Analyse des décisions en fonction de plusieurs critères spatiaux dans le cadre de l’Initiative Main dans la main au Nigéria

L’Initiative Main dans la main de la FAO soutient des projets dans plus de 35 pays. L’un de ces projets a permis d’évaluer le potentiel du poisson-chat africain et du tilapia du Nil au Nigéria1. Il s’agissait d’une étude pilote sur des systèmes d’information géographique (SIG) pour l’aquaculture qui appliquent la technique d’analyse des décisions en fonction de plusieurs critères.

L’Initiative Main dans la main a appuyé des méthodes de zonage pour recenser les zones du pays ayant un potentiel aquacole intéressant, mais probablement non exploité. L’équipe du programme a également coordonné les contributions de différents spécialistes au sein de la FAO et des cellules techniques dans le pays, notamment dans le cadre de tables rondes, pour aider à définir les priorités. À partir de la méthode de modélisation définie précédemment par la FAO, on a utilisé la technique d’analyse des décisions en fonction de plusieurs critères avec un SIG pour délimiter des systèmes agricoles en pondérant différents facteurs et en excluant – selon le système en question – les zones protégées ou les zones fortement urbanisées, les masses d’eau importantes et les zones trop éloignées des grandes routes.

L’étude a permis d’établir un ensemble de cartes indiquant les zones adaptées à l’élevage intensif des deux espèces visées et de proposer des zones, à l’échelle des régions et des États, qui pourraient être réservées à des systèmes intégrés de pisciculture non intensive en bassins ouverts, associés à un potentiel élevé de réduction de la pauvreté, d’amélioration de la nutrition et de renforcement de la sécurité alimentaire.

Les résultats de l’étude, qui sont basés sur des conditions naturelles optimales et un accès aux marchés urbains, indiquent un potentiel de croissance important des systèmes de pisciculture intensive dans le sud-ouest, le sud-est et le centre-nord du Nigéria, mais font également ressortir que l’approvisionnement insuffisant (ou peu fiable) en énergie et les infrastructures de transport médiocres sont des limitations majeures pour toute la chaîne de valeur dans ces régions. Cependant, le potentiel de production d’énergie alternative photovoltaïque va croissant du sud au nord, ce qui offre des possibilités d’intensification dans les sites de la région du centre-nord. Les sites les plus prometteurs restent cependant ceux des États du sud-est.

La modélisation de systèmes d’élevage intensif en cage de tilapia dans les grands plans d’eau indique un important potentiel aquacole non exploité, susceptible d’offrir des taux élevés de rendement des investissements dans le sudouest, le centre et le nord (figure A). Les actions de développement axées sur des systèmes d'élevage intégrés non intensifs (figure B) susceptibles de contribuer à plusieurs objectifs de développement durable ouvrent de vastes perspectives, et ne rencontrent des limitations que dans les régions arides du nord et du nord-est. Malgré la contrainte de la pauvreté, le potentiel de la ceinture centrale et de certaines parties de la région du nord et du nord-est est important; ces zones pourraient être considérées comme prioritaires pour le développement de l’aquaculture.

FIGURE A Lieux favorables modélisés pour l’élevage intensif de tilapia en cage (grands plans d’eau), Nigéria

SOURCE: Adapté de la figure 16 dans Ribeiro, N. 2021. GIS Multicriteria Decision Analysis – Nigeria Fresh water fish farming. Document de travail de la FAO. Rome. https ://sdlc.review.fao.org/confluence/download/attachments/4752761/MCDA_NGA_FishFarming_V1.4.pdf?api=v2 (page web consultée le 13 avril 2022).
NOTES: Le score des lieux est le résultat d’une somme arithmétique pondérée du facteur de localisation quadrillé (critère) normé par des valeurs allant de 0 à 100, où 100 correspond au lieu idéal pour des systèmes d’élevage intensif de tilapia en cage. Les lieux inadéquats sont indiqués en rose et ceux adéquats en bleu. L’identification des lieux les plus adéquats permet d’établir ensuite une liste des barrages ou réservoirs recommandés qui offrent les meilleures conditions pour l’élevage intensif de tilapia en cage (la liste n’est pas reprise ici).
SOURCE: Adapté de la figure 16 dans Ribeiro, N. 2021. GIS Multicriteria Decision Analysis – Nigeria Fresh water fish farming. Document de travail de la FAO. Rome. https ://sdlc.review.fao.org/confluence/download/attachments/4752761/MCDA_NGA_FishFarming_V1.4.pdf?api=v2 (page web consultée le 13 avril 2022).

FIGURE B Lieux favorables modélisés pour des systèmes de pisciculture non intensive en bassins ouverts (petits plans d’eau), Nigéria

SOURCE: Adapté de la figure 5 dans Ribeiro, N. 2021. GIS Multicriteria Decision Analysis – Nigeria Fresh water fish farming. Document de travail de la FAO. Rome. https://sdlc.review.fao.org/confluence/download/attachments/4752761/MCDA_NGA_FishFarming_V1.4.pdf?api=v2 (page web consultée le 13 avril 2022).
1 SALB = limites administratives du deuxième niveau (Comité d’experts sur la gestion de l’information géospatiale à l’échelle mondiale: https://ggim.un.org).
NOTES: Le score des lieux est le résultat d’une somme arithmétique pondérée du facteur de localisation quadrillé (critère) normé par des valeurs allant de 0 à 100, où 100 correspond au lieu idéal pour des systèmes d’élevage intensif de tilapia en cage. Les lieux inadéquats sont indiqués en rose et ceux adéquats en bleu. L’identification des lieux les plus adéquats permet d’établir ensuite une liste des barrages ou réservoirs recommandés qui offrent les meilleures conditions pour l’élevage intensif de tilapia en cage (la liste n’est pas reprise ici).
SOURCE: Adapté de la figure 5 dans Ribeiro, N. 2021. GIS Multicriteria Decision Analysis – Nigeria Fresh water fish farming. Document de travail de la FAO. Rome. https://sdlc.review.fao.org/confluence/download/attachments/4752761/MCDA_NGA_FishFarming_V1.4.pdf?api=v2 (page web consultée le 13 avril 2022).

L’étude menée dans le cadre de l’Initiative Main dans la main fait ressortir un potentiel, mais l’ajout de critères supplémentaires permettrait d’offrir un panorama plus complet. L’étude pilote n’a pas intégré les aspects environnementaux, par exemple, lesquels pourront avoir une incidence sur la durabilité à long terme. De même, le suivi et la gestion des aspects sanitaires et des maladies sont susceptibles de prendre de l’importance à mesure que le secteur se développera. Ils devront être pris en compte à l’avenir, parallèlement aux indicateurs environnementaux (des risques d’inondation aux risques climatiques à plus long terme).

Dans les temps à venir, il conviendra de prendre également en considération dans toutes les activités d’aquaculture d’eau douce la diversité ethnique et culturelle ainsi que les problèmes préexistants de concurrence pour les ressources dans le pays. Il est important de noter que, plutôt que des solutions prêtes à l’emploi, les modèles évoqués ci-dessus donnent des axes de travail dans le cadre de l’Initiative Main dans la main. Un renforcement de la collaboration au niveau local pour traiter l’ajout éventuel d’éléments à la méthode – notamment des scénarios relatifs aux chaînes de valeur, aux conditions socioéconomiques et à la production de poissons d’élevage – permettrait d’étoffer encore cette étude.

Le programme exploitera la Plateforme géospatiale Main dans la main et donnera accès à des informations sur la pêche et à des cartes environnementales thématiques élaborées à partir d’une sélection de données générées par la FAO (notamment des catalogues de cartes des zones de compétence des organes régionaux des pêches, des aires de répartition des espèces, des stocks et des pêches) et par des partenaires de la Décennie de l'océan. Il permettra aux pays et aux organes régionaux des pêches de diffuser des données ouvertes complètes sur la situation, les effets et la gestion des pêches et des écosystèmes et d’aider au suivi des progrès réalisés dans la concrétisation des ODD et l’obtention des résultats de la Décennie de l'océan. Le programme permettra en outre: i) de favoriser la collaboration, car les pays et les régions doivent s’entendre sur les normes de diffusion des données ouvertes; et ii) d’aider à réduire la fracture numérique, car il prolongera les actions menées par la FAO pour faciliter la conception conjointe de produits d’information sur la pêche avec les États côtiers d’Afrique de l’Est et d’Afrique de l’Ouest, les États d’Asie du Sud-Est et des petits États insulaires en développement.

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