FAO

La situation mondiale des peches et de l’aquaculture 2024

Partie 3 PERSPECTIVES ET ENJEUX CONTEMPORAINS

Projections relatives aux pêches et à l’aquaculture, 2022-2032

La présente sectionbv décrit l’évolution et les perspectives à moyen terme déterminées grâce au modèle de projection élaboré par la FAO pour le poisson (FAO, 2012, p. 216 à 223). Conçu en 2010 pour donner un éclairage sur l’évolution possible du secteur des pêches et de l’aquaculture, ce modèle est lié, sans y être intégré, au modèle Aglink-Cosimo, qui sert à établir chaque année les projections agricoles à dix ans, établies conjointement par l’OCDE et la FAO et publiées dans leurs Perspectives agricolesbw. Le modèle de la FAO pour le poisson s’appuie sur les hypothèses macroéconomiques et les prix utilisés pour établir les projections agricoles, ainsi que sur des hypothèses et des données ayant trait spécifiquement aux secteurs des pêches et de l’aquaculture. Les projections relatives aux pêches et à l’aquaculture décrites ci-après ont été déterminées au moyen d’une analyse ad hoc réalisée par la FAO pour la période 2022-2032.

Ces projections donnent un aperçu des perspectives à dix ans dans les secteurs des pêches et de l’aquaculture sur le plan de la production, de l’utilisation, du commerce et des prix, et mettent en évidence les principaux facteurs susceptibles d’influencer l’offre et la demande futures de produits aquatiques. Il ne s’agit pas de prévisions, mais de scénarios plausibles qui donnent des indications sur la façon dont ces secteurs pourraient évoluer au vu d’un ensemble d’hypothèses portant sur l’environnement macroéconomique, les politiques et l’évolution démographique. Ces hypothèses portent sur l’amélioration de la gestion des pêches et de l’aquaculture (y compris le plafonnement des captures), mais ne tiennent pas compte de la survenue d’aléas graves, tels que des tsunamis, des tempêtes tropicales (cyclones, ouragans et typhons), des inondations, de nouvelles maladies touchant les espèces aquatiques ou des perturbations des marchés. Les projections ont été établies en partant du postulat que les préférences des consommateurs et les technologies vont continuer d’évoluer et que les politiques actuelles resteront en place, notamment celle mise en œuvre depuis 2016 par la Chine pour promouvoir une pêche et une aquaculture durables et respectueuses de l’environnement (FAO, 2018c). On s’attend à ce que la croissance démographique et économique, l’urbanisation, les progrès technologiques et la diversification de l’alimentation renforcent la demande d’aliments aquatiques.

Production

La production mondiale d’animaux aquatiques dans les secteurs des pêches et de l’aquaculture devrait s’élever à 205 millions de tonnes (en équivalent poids vif) en 2032 (figure 64), soit un volume supplémentaire de 19 millions de tonnes et une progression de 10 pour cent par rapport à 2022 (tableau 14). Les projections indiquent un tassement de la croissance, en pourcentage comme en valeur absolue, par rapport aux chiffres enregistrés durant la période 2012-2022 (22 pour cent et 33 millions de tonnes). La majeure partie de l’augmentation viendra du secteur de l’aquaculture, dont la production devrait franchir le cap des 100 millions de tonnes pour la première fois en 2027, puis atteindre 111 millions de tonnes en 2032, soit une croissance globale de 17 pour cent (près de 16 millions de tonnes) par rapport à 2022.

FIGURE 64PRODUCTION MONDIALE D’ANIMAUX AQUATIQUES (PÊCHES ET AQUACULTURE), 1980-2032

NOTES: Animaux aquatiques, à l’exclusion des mammifères aquatiques, des crocodiles, des alligators, des caïmans, des produits aquatiques (coraux, perles, coquillages et éponges) et des algues. Données exprimées en équivalent poids vif.
SOURCE: Estimations de la FAO.

TABLEAU 14PROJECTION DE LA PRODUCTION D’ANIMAUX AQUATIQUES DANS LES SECTEURS DE LA PÊCHE ET DE L’AQUACULTURE JUSQU’EN 2032

NOTES: Animaux aquatiques, à l’exclusion des mammifères aquatiques, des crocodiles, des alligators, des caïmans, des produits aquatiques (coraux, perles, coquillages et éponges) et des algues.
* Chypre est comprise à la fois dans l’Asie et dans l’Union européenne.
** Pour 2022, le total inclut également 40 498 tonnes produites par des pays non cités, ces données n’étant comprises dans aucun autre total.
SOURCE: Estimations de la FAO.

D’après les projections, la production aquacole augmentera de manière continue sur la période 2022-2032, mais enregistrera un taux moyen annuel de croissance de 1,6 pour cent, soit moins de la moitié du taux de 4,0 pour cent observé sur la période 2012-2022 (figure 65)bx. Ce ralentissement de la croissance sera lié à un certain nombre de facteurs, notamment une plus large adoption et mise en application des règlements environnementaux, une réduction de la disponibilité (à la fois qualitative et quantitative) des ressources en eau et du nombre de sites se prêtant à l’aquaculture, les incidences accrues des maladies touchant les animaux aquatiques dans le secteur de l’aquaculture intensive, et une diminution des gains de productivité. Les politiques de la Chine devraient contribuer considérablement au fléchissement global de la croissance. Amorcées en 2016, ce politiquesby visent à poursuivre l’intégration des aspects environnementaux dans la production aquacole, afin d’en renforcer la durabilité en encourageant les innovations technologiques écologiques et le recyclage de l’eau, en s’opposant à l’augmentation des surfaces consacrées à l’aquaculture et en réduisant l’utilisation d’antibiotiques dans la production. Ces mesures entraîneront dans un premier temps une baisse de la capacité mais elles permettront ensuite une croissance plus soutenue. La Chine n’en demeurera pas moins le premier producteur aquacole mondial, malgré une croissance attendue de 14 pour cent (8 millions de tonnes environ) d’ici à 2032, presque la moitié de celle qu’elle enregistrait sur la période 2012-2022 (15 millions de tonnes, soit 39 pour cent). La contribution de la Chine à la production aquacole mondiale devrait être de 55 pour cent en 2032 (contre 56 pour cent en 2022). L’aquaculture représentera cependant 83 pour cent de la production halieutique et aquacole totale de la Chine, contre 80 pour cent en 2022. La taxe sur la rente des ressources des élevages de saumons et de truites introduite en 2023 par la Norvège – premier pays producteur mondial de saumon de l’Atlantique – pourra diminuer la rentabilité des élevages de ces espèces et avoir des conséquences sur les niveaux de production futurs. La projection décennale repose sur l’hypothèse que cette taxe sera supprimée en 2026, et que la production aquacole de la Norvège augmentera de 7 pour cent d’ici à 2032. En cas de maintien de la taxe, la production aquacole norvégienne diminuera de quelque 9 pour cent d’ici à 2032.

FIGURE 65CROISSANCE ANNUELLE DE LA PRODUCTION AQUACOLE MONDIALE EN VOLUME, 1980-2032

NOTES: Animaux aquatiques, à l’exclusion des mammifères aquatiques, des crocodiles, des alligators, des caïmans, des produits aquatiques (coraux, perles, coquillages et éponges) et des algues. Données fondées sur l’équivalent poids vif.
SOURCE: Estimations de la FAO.

Le ralentissement de la production aquacole chinoise qui ressort des projections sera partiellement compensé par une augmentation de la production dans d’autres pays. Les projections indiquent une croissance de la production aquacole sur tous les continents, excepté en Europe (recul de 1 pour cent), avec des variations dans l’éventail d’espèces et de produits selon les pays et les régions. D’ici à 2032, le secteur devrait connaître son plus fort développement en Afrique (jusqu’à 21 pour cent de croissance par rapport à 2022), en Asie (jusqu’à 18 pour cent), en Océanie (jusqu’à 17 pour cent) et en Amérique latine et dans les Caraïbes (jusqu’à 14 pour cent). En Afrique, la croissance de la production aquacole résultera de la capacité d’élevage supplémentaire mise en place ces dernières années à la faveur de politiques nationales de promotion de l’aquaculture et d’une hausse de la demande locale. Cependant, cette augmentation de la production de l’aquaculture africaine restera limitée: à peine plus de 2,8 millions de tonnes seront produites en 2032, dont une grande partie (1,9 million de tonnes) en Égypte. Les pays asiatiques devraient conserver leur position dominante dans le secteur aquacole. En 2032, ils représenteront 89 pour cent de la production mondiale d’animaux aquatiques (contre 88 pour cent en 2022) et seront à l’origine de plus de 91 pour cent de l’accroissement de la production à l’horizon 2032.

Les projections indiquent que la part des espèces d’élevage dans la production d’animaux aquatiques des secteurs des pêches et de l’aquaculture mondiales passera de 51 pour cent en 2022 à 54 pour cent en 2032 (figure 66). Si l’on exclut la Chine, la proportion à l’échelle mondiale passera de 35 pour cent en 2022 à 38 pour cent en 2032. La part de l’aquaculture dans la production halieutique et aquacole totale progressera sur tous les continents, à l’exception de l’Amérique du Nord, où elle restera à environ 11 pour cent, soit la part la plus faible de toutes les grandes régions. En 2032, elle atteindra 15 pour cent en Océanie (contre 13 pour cent en 2022), 22 pour cent en Afrique (contre 18 pour cent), 21 pour cent en Europe (contre 20 pour cent), 26 pour cent en Amérique latine et dans les Caraïbes (contre 25 pour cent) et 67 pour cent en Asie (contre 64 pour cent) – si l’on exclut la Chine, elle passera de 47 pour cent à 52 pour cent sur ce continent (figure 67).

FIGURE 66IMPORTANCE CROISSANTE DE L’AQUACULTURE

NOTE: Animaux aquatiques, à l’exclusion des mammifères aquatiques, des crocodiles, des alligators, des caïmans, des produits aquatiques (coraux, perles, coquillages et éponges) et des algues.
SOURCE: Estimations de la FAO.

FIGURE 67PART DE L’AQUACULTURE DANS LA PRODUCTION TOTALE D’ANIMAUX AQUATIQUES DES SECTEURS DE LA PÊCHE ET DE L’AQUACULTURE, PAR RÉGION ET EN VOLUME, 2022 COMPARÉ À 2032

NOTES: Animaux aquatiques, à l’exclusion des mammifères aquatiques, des crocodiles, des alligators, des caïmans, des produits aquatiques (coraux, perles, coquillages et éponges) et des algues. Données fondées sur l’équivalent poids vif.
SOURCE: Estimations de la FAO.

La production continuera de progresser pour tous les groupes d’espèces d’élevage mais selon des taux de croissance différents et cela modifiera l’importance qu’aura chaque espèce. De façon générale, la production des espèces dont la ration alimentaire contient une grande proportion de farine et d’huile de poisson devrait progresser plus lentement, sachant que les projections indiquent une réduction des disponibilités en farine de poisson et une augmentation du prix de cet intrant. Le groupe des carpes devrait rester le principal groupe d’espèces produites en 2032, mais sa part dans le volume total de la production diminuera. La taxe mise en place par la Norvège entraînera probablement un recul des salmonidés dans la production totale.

D’après les projections, la production de la pêche de capture augmentera de 3 millions de tonnes, pour atteindre 94 millions de tonnes en 2032, soit une progression globale de 3 pour cent par rapport à 2022bz. On s’attend au cours de la prochaine décennie à quelques fluctuations liées au phénomène El Niño, qui entraînera une réduction des captures en Amérique du Sud, notamment d’anchois du Pérou, et donc une diminution de la production halieutique mondiale de 2 pour cent environ durant les années où il se fera sentir. L’augmentation globale de la production de la pêche de capture à l’horizon 2032 devrait résulter de différents facteurs, notamment: i) des captures plus importantes dans certaines zones de pêche, où une meilleure gestion des ressources permet la reconstitution des stocks de différentes espèces; ii) un accroissement des prises dans les eaux des quelques pays dont les ressources sont encore sous-exploitées, qui disposent de nouvelles possibilités de pêche ou dont les mesures de gestion des pêches sont moins restrictives, notamment s’agissant des espèces qui ne font pas l’objet de quotas de production stricts; iii) des progrès technologiques et iv) une réduction des rejets en mer et des captures accessoires, induite par des modifications de la législation ou par une hausse des prix du marché (y compris de la farine et de l’huile de poisson). La Chine devrait demeurer le principal producteur du secteur de la pêche de capture, tout comme elle le restera aussi pour l’aquaculture. Cependant, sa production globale devrait reculer de 4 pour cent d’ici à 2032 du fait de la poursuite des politiques environnementales du pays au cours de la prochaine décennie; la réduction du volume des captures sera la conséquence de la mise en place de contrôles des licences, d’une diminution du nombre de pêcheurs et de navires de pêche et de l’adoption de mesures de contrôle de la production. Parmi les autres mesures prévues, figurent la modernisation des engins, des navires et des infrastructures, la réduction régulière des subventions au carburant, l’élimination de la pêche INDNR, et la reconstitution des stocks de poissons nationaux grâce à des repeuplements, à la création de récifs artificiels et à des fermetures saisonnières. La baisse attendue des captures nationales devrait toutefois être compensée par une augmentation des prises des flottes opérant en eaux lointaines.

À l’horizon 2032, la production de farine et d’huile de poisson devrait avoir augmenté de 9 pour cent et 12 pour cent respectivement par rapport à 2022, mais la part de la production halieutique utilisée à cette fin devrait rester stable (environ 19 pour cent). Ces augmentations de la production de farine et d’huile de poisson résulteront de l’utilisation de poissons entiers (permise par l’accroissement de la production de la pêche de capture en 2032 par rapport à 2022) ainsi que de la valorisation des sous-produits (voir la section Produits: farine et huile de poisson, p. 72) dans le secteur de la transformation (figure 68). D’après les projections, entre 2022 et 2032, la proportion de farine de poisson obtenue à partir de sous-produits devrait passer de 27 pour cent à 30 pour cent, tandis que celle de l’huile de poisson devrait se stabiliser autour de 57 pour cent. Le Pérou et le Chili resteront, respectivement, les principaux producteurs de farine de poisson et d’huile de poisson.

FIGURE 68PRODUCTION MONDIALE DE FARINE DE POISSON, 1990-2032

NOTE: Données exprimées en poids produit.
SOURCE: Estimations de la FAO.

Consommation apparente de produits alimentaires aquatiques

La production aquatique reste principalement utilisée pour l’alimentation. La part de la production d’animaux aquatiques dans les secteurs des pêches et de l’aquaculture destinée à la consommation humaineca devrait passer de 89 pour cent en 2022 à 90 pour cent en 2032. Les projections indiquent que, d’ici à 2032, la quantité de produits alimentaires d’origine aquatique destinés à la consommation humaine augmentera de 19 millions de tonnes par rapport à 2022, pour atteindre 184 millions de tonnes, mais que sa progression sera moins rapide que pendant la décennie précédente. La hausse globale sera d’environ 12 pour cent, contre 24 pour cent sur la période 2012-2022. Ce tassement s’explique essentiellement par une réduction de la production supplémentaire disponible dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, les prix plus élevés des aliments aquatiques en valeur nominale, un ralentissement de la croissance démographique et la saturation de la demande dans certains pays, en particulier dans les pays à revenu élevé, où la consommation d’aliments aquatiques ne devrait guère progresser d’après les projections. En 2032, l’aquaculture devrait fournir 60 pour cent environ des aliments aquatiques destinés à la consommation humaine, contre 57 pour cent en 2022 (figure 66).

Les tendances de la consommation varieront selon les pays et les régions sous l’effet de leurs propres dynamiques – population, revenus, préférences des consommateurs et urbanisation rapide dans de nombreuses économies émergentes. Dans les pays à revenu faible où la nourriture représente une part importante des dépenses des ménages, l’évolution des revenus et des prix des produits alimentaires aura une incidence plus marquée que dans les pays à revenu élevé. La demande sera également stimulée par l’évolution des tendances alimentaires, lesquelles s’orientent vers une plus grande variété des aliments consommés et une attention plus marquée portée à l’amélioration de la santé, de la nutrition et de l’alimentation, les aliments aquatiques jouant un rôle clé à cet égard. D’une manière générale, la croissance de la demande viendra essentiellement des pays asiatiques, qui, à l’horizon 2032, devraient être à l’origine de 78 pour cent de l’augmentation de la consommation, et absorber 73 pour cent des aliments aquatiques disponibles (contre 72 pour cent en 2022). Entre 2022 et 2032, la consommation apparente totale de produits alimentaires d’origine aquatique devrait augmenter dans toutes les régions, sauf en Europe, les taux de croissance les plus élevés étant attendus en Afrique (23 pour cent), en Asie (13 pour cent), en Amérique latine et dans les Caraïbes (10 pour cent), en Océanie (9 pour cent) et en Amérique du Nord (8 pour cent). Ces tendances régionales masquent le fait que l’évolution globale de la quantité et de la diversité des aliments aquatiques consommés sera variable d’un pays à l’autre et à l’intérieur d’un même pays.

Les projections indiquent que la consommation apparente d’aliments aquatiques d’origine animale par habitant atteindra 21,3 kilogrammes en 2032, contre environ 20,7 kilogrammes en 2022. Elle progressera dans toutes les régions, à l’exception de l’Afrique et de l’Europe. En Afrique – qui a vu la consommation par habitant passer de 9,9 kilogrammes à 9,4 kilogrammes entre 2019 et 2022 du fait de la pandémie de covid-19 –, l’augmentation attendue de l’offre totale de produits alimentaires d’origine aquatique à l’horizon 2032 ne sera pas suffisante pour compenser la croissance démographique, qui devrait être supérieure à 25 pour cent sur la période 2022-2032. La consommation par habitant baissera principalement en Afrique subsaharienne, tandis qu’elle augmentera dans des proportions infimes en Afrique du Nord. L’une des rares exceptions sera l’Égypte, où la production aquacole devrait progresser de 21 pour cent entre 2022 et 2032. Le recul de la consommation par habitant en Afrique (en particulier en Afrique subsaharienne) qui ressort des projections suscite des inquiétudes pour la sécurité alimentaire des populations, vu la forte prévalence de la sous-alimentation dans cette région et la part importante des produits aquatiques dans l’apport total en protéines d’origine animale dans de nombreux pays africains (voir la section Consommation apparente de produits alimentaires aquatiques, p. 231). Ce recul affaiblit la capacité des pays les plus dépendants à l’égard des produits aquatiques à atteindre les cibles nutritionnelles (2.1 et 2.2) de l’ODD 2 (Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable). Seule une augmentation sensible de l’offre de produits alimentaires d’origine aquatique, par un accroissement de la production et des importations, pourra infléchir cette tendance (encadré 48).

ENCADRÉ 48RELEVER LE DÉFI LIÉ À LA CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE: INCIDENCES SUR L’OFFRE D’ALIMENTS AQUATIQUES D’ORIGINE ANIMALE

La population mondiale devrait atteindre 9,7 milliards d’individus d’ici à 2050, soit une augmentation de 1,7 milliard par rapport à 2022. Cette croissance démographique aura des incidences importantes sur l’offre d’aliments aquatiques d’origine animale. Pour maintenir jusqu’en 2050 le niveau de la consommation apparente d’aliments aquatiques d’origine animale par habitant enregistré en 2022, estimé à 20,7 kilogrammes, il faudrait augmenter l’offre totale de ces produits de 36 millions de tonnes en équivalent poids vif, ce qui représenterait une hausse de 22 pour cent. C’est en Asie que la plus forte progression serait nécessaire – 14 millions de tonnes, soit une augmentation de 12 pour cent – suivie de l’Afrique (10 millions de tonnes, +74 pour cent), de l’Amérique du Nord (1,0 million de tonnes, +12 pour cent), de l’Amérique latine et des Caraïbes (0,9 million de tonnes, +13 pour cent) et de l’Océanie (0,3 million de tonnes, +28 pour cent). En revanche, en Europe, où la population devrait diminuer d’ici à 2050, l’offre d’aliments aquatiques d’origine animale nécessaire pour maintenir le niveau de consommation par habitant serait inférieure de 0,9 million de tonnes (-5 pour cent).

À l’échelle mondiale, il faudra augmenter la production pour répondre à la demande plus importante d’aliments aquatiques d’origine animale. Selon la région, l’augmentation nécessaire s’agissant de l’offre pourra provenir d’un accroissement de la production nationale, complété par des importations en tant que de besoin – dans les cas où cela sera possible. En Afrique, par exemple, atteindre par la seule production locale la hausse de 74 pour cent de l’offre d’aliments aquatiques d’origine animale nécessaire pour maintenir la consommation par habitant actuelle est un défi de taille. Cela demanderait des investissements majeurs et une transformation du secteur, ce qui, au vu des évolutions passées et récentes, serait probablement impossible en un court laps de temps. Un scénario plus vraisemblable pour l’Afrique consisterait à importer des produits d’autres régions, à supposer que l’offre supplémentaire nécessaire soit disponible et abordable. En cas d’impossibilité d’accéder à cette offre supplémentaire, la région risquerait de voir ses niveaux de consommation par habitant diminuer, alors qu’ils sont déjà bien inférieurs à la moyenne mondiale, et que les nutriments d’origine aquatique jouent un rôle essentiel dans de nombreux pays africains.

AUGMENTATION DES DISPONIBILITÉS EN ALIMENTS AQUATIQUES D’ORIGINE ANIMALE NÉCESSAIRE POUR MAINTENIR LES NIVEAUX DE CONSOMMATION PAR HABITANT DE 2021 JUSQU’EN 2050

SOURCE: Estimations de la FAO.

Une telle augmentation de l’offre d’aliments aquatiques d’origine animale en Afrique serait cependant à peine suffisante pour maintenir le niveau actuel de consommation de ces produits par habitant, niveau qui reste bien inférieur à celui des autres régions. Pour faire passer la consommation africaine annuelle de ces produits par habitant du niveau actuel de 9,4 kilogrammes à la moyenne mondiale pour 2022, établie à 20,7 kilogrammes, il faudrait augmenter l’offre de quelque 38 millions de tonnes sur le continent (soit +285 pour cent).

Chaque région devra faire face à des besoins et défis particuliers en fonction de ses projections de croissance démographique. Une planification stratégique est essentielle pour veiller à ce que l’offre de produits alimentaires réponde à la demande; elle supposera de développer l’aquaculture, d’améliorer les pratiques de pêche, d’investir dans la gestion durable des ressources et de moderniser les chaînes de valeur des produits aquatiques.

Les présentes données ne concernent que la croissance démographique, et ne prennent en compte aucun changement dans les volumes destinés à des usages non alimentaires, lesquels, d’après les projections, devraient rester à leurs niveaux actuels. Cette analyse ne donne pas de prévisions, mais une indication de l’offre nécessaire pour maintenir le niveau actuel de consommation d’aliments aquatiques d’origine animale par habitant à l’échelle mondiale.

Consciente de ces défis, la FAO a lancé la Feuille de route sur la transformation bleue en 2021 (FAO, 2022) pour appuyer le développement et l’intensification de l’aquaculture, parvenir à ce que les pêches mondiales soient gérées de manière efficace et optimiser les chaînes de valeur des produits alimentaires d’origine aquatique afin de réduire les pertes et le gaspillage et d’apporter une valeur ajoutée.

SOURCE: FAO. 2022. Blue Transformation – Roadmap 2022–2030: A vision for FAO’s work on aquatic food systems. Rome. https://doi.org/10.4060/cc0459en

Commerce

Le commerce des produits d’origine aquatique continuera de renforcer le rôle des pêches et de l’aquaculture dans le développement économique, l’offre alimentaire mondiale et la sécurité alimentaire. L’expansion des échanges de ces produits se poursuivra sur la période étudiée, sous l’effet d’améliorations dans les techniques post-récolte/capture et les canaux de distribution, qui faciliteront la commercialisation. Cependant, le volume de produits aquatiques échangés devrait augmenter à un rythme moins rapide que celui observé durant la décennie précédente, lequel reflétera le ralentissement de la croissance de la production, les prix plus élevés des produits halieutiques et aquacoles (qui limiteront la demande et la consommation globales d’espèces aquatiques) et une demande intérieure plus forte dans certains des principaux pays producteurs et exportateurs, comme la Chine. De ce fait, la part des produits aquatiques exportés par rapport à la production halieutique et aquacole totale passera de 38 pour cent en 2022 à 34 pour cent en 2032 (30 pour cent si l’on exclut les échanges intracommunautaires). En volume, l’essentiel de la croissance des exportations d’aliments aquatiques continuera de venir d’Asie, qui représentera 44 pour cent environ des exportations supplémentaires en 2032. La part de ce continent dans le total des exportations de produits aquatiques destinés à la consommation humaine restera stable, à 50 pour cent environ, en 2032 (figure 69). En volume, la Chine conservera sa place de premier exportateur de produits alimentaires d’origine aquatique, suivie par le Viet Nam et la Norvège. L’Union européenne, les États-Unis d’Amérique, la Chine et le Japon resteront les principaux importateurs, et absorberont 50 pour cent du total des importations de produits aquatiques destinés à la consommation humaine en 2032, contre 52 pour cent en 2022.

FIGURE 69EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS D’ALIMENTS AQUATIQUES D’ORIGINE ANIMALE, PAR RÉGION ET EN VOLUME

NOTES: Animaux aquatiques, à l’exclusion des mammifères aquatiques, des crocodiles, des alligators, des caïmans, des grenouilles, des tortues, des produits aquatiques (coraux, perles, coquillages et éponges) et des algues. Données fondées sur l’équivalent poids vif.
SOURCE: Estimations de la FAO.

Les échanges de farine et d’huile de poisson devraient croître, respectivement, de 4 pour cent et 11 pour cent. Le Pérou et le Chili resteront les principaux exportateurs d’huile de poisson, la Norvège et l’Union européenne demeurant les premiers importateurs de cet intrant destiné notamment à la production aquacole de salmonidés. Le Pérou devrait aussi rester en tête des exportateurs de farine de poisson, suivi par l’Union européenne et le Chili, la Chine en étant le principal importateur.

Prix

Après leur flambée en 2022, les prix des produits halieutiques et aquacoles ont diminué en 2023, et devraient continuer de baisser légèrement, tant en valeur nominale que réelle, jusqu’en 2025-2027, avant de repartir à la hausse. Globalement, ils devraient augmenter de manière modérée en valeur nominale de 2022 à 2032, sous l’effet, du côté de la demande, de l’amélioration des revenus, de la croissance de la population et de la hausse des prix de la viande, et, du côté de l’offre, de la faible progression de la production de la pêche de capture, du ralentissement de la croissance de la production aquacole et d’une pression sur les coûts de certains intrants cruciaux, comme les aliments pour animaux, l’énergie et l’huile de poisson. La croissance du prix moyen des produits aquacoles (7 pour cent) sera supérieure à celle des produits halieutiques (hors produits aquatiques destinés à des utilisations non alimentaires), qui s’établira à 5 pour cent. Les prix des espèces aquatiques d’élevage augmenteront également du fait de la hausse des prix de la farine et de l’huile de poisson, qui devrait atteindre 12 pour cent à l’horizon 2032. Les prix élevés des aliments pour animaux pourraient aussi avoir une incidence sur la répartition des espèces d’élevage, et favoriser ainsi celles qui consomment moins d’aliments ou des aliments moins chers, voire qui n’ont pas besoin d’être nourries. Des prix plus élevés au niveau de la production, associés à une forte demande d’aliments aquatiques, entraîneront une hausse du prix moyen des produits aquatiques échangés sur les marchés internationaux estimée à 5 pour cent sur la période 2022-2032.

En valeur réelle, l’hypothèse retenue est que tous les prix diminueront sur la période de projection, tout en restant relativement élevés. Pour certains produits aquatiques, l’instabilité des prix pourrait être plus prononcée du fait de fluctuations de l’offre ou de la demande. En outre, les projections faisant ressortir que l’aquaculture représentera une part plus importante de l’offre mondiale de produits aquatiques, l’incidence de ce secteur sur la formation des prix sur les marchés nationaux et internationaux des produits aquatiques pourrait aussi être plus marquée. Les principales baisses attendues concernent la pêche de capture (à l’exclusion des produits aquatiques destinés à des utilisations non alimentaires) et les produits échangés (recul de 16 pour cent dans les deux cas), ainsi que l’aquaculture (15 pour cent). Les prix moyens de l’huile et de la farine de poisson devraient diminuer, respectivement, de 11 pour cent et 10 pour cent. Cependant, les prix de ces deux produits partant de niveaux historiquement élevés, les prix de la farine de poisson en 2032 seront encore supérieurs de 33 pour cent à ceux de 2005, l’année durant laquelle les hausses importantes ont commencé. Cette situation est encore plus marquée pour l’huile de poisson, dont le prix en valeur réelle devrait être 160 pour cent plus élevé en 2032 qu’en 2005. Considérées ensemble, et toutes choses étant égales par ailleurs, ces deux tendances permettent de penser que la fabrication de farine et d’huile de poisson à partir des prises de la pêche de capture et des déchets de poisson restera une activité lucrative sur la période étudiée.

Résumé des principaux résultats des projections

Les grandes tendances qui se dégagent de l’analyse pour la période allant jusqu’en 2032 sont les suivantes:

  • À l’échelle mondiale, la production, la consommation et le commerce des produits de la pêche et de l’aquaculture devraient continuer d’augmenter, mais à un rythme qui ralentira au fil du temps.
  • La production globale devrait progresser de 10 pour cent, pour atteindre 205 millions de tonnes à l’horizon 2032.
  • L’aquaculture, avec un accroissement de 17 pour cent de sa production (contre 4 pour cent pour celle de la pêche de capture), devrait combler la majeure partie de l’écart entre l’offre et la demande.
  • Les tendances en matière de production de la pêche de capture devraient rester comparables à celles observées ces dernières décennies, avec une croissance modérée de la production globale, principalement dans les zones où les ressources sont correctement gérées.
  • L’offre de produits alimentaires d’origine aquatique augmentera dans toutes les régions, excepté en Europe, tandis que la consommation par habitant devrait baisser légèrement en Europe et en Afrique, notamment en Afrique subsaharienne, ce qui suscitera des inquiétudes quant à la sécurité alimentaire.
  • La progression du commerce des produits aquatiques devrait ralentir par rapport au rythme observé durant la décennie précédente, avec une diminution de la part de la production halieutique et aquacole exportée.
  • Tous les prix augmenteront en valeur nominale, mais devraient baisser en valeur réelle.

Principales incertitudes

Les projections détaillées dans la présente section reposent sur une série d’hypothèses économiques et environnementales et d’hypothèses concernant l’action publique. Tout écart par rapport à l’une de ces hypothèses viendrait modifier les projections. À court terme, les principales incertitudes sont liées à la situation économique et géopolitique globale, notamment aux récents conflits, aux changements majeurs dans l’environnement aquatique, aux ressources disponibles, aux conditions macroéconomiques, aux règles du commerce international et aux tarifs douaniers, ainsi qu’aux caractéristiques des marchés. Ces différents aspects pourraient influer sur la production, les marchés et le commerce à moyen terme. L’issue des négociations sur les pêches tenues dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce pourra également avoir une incidence sur la production de la pêche de capture. En outre, les conditions d’accès aux marchés liées aux normes de sécurité sanitaire, de qualité, de durabilité et de traçabilité des aliments et à la légalité des produits continueront de réguler le commerce international des produits de la pêche et de l’aquaculture.

La variabilité et le changement climatiques, notamment en ce qui concerne la fréquence et l’ampleur des phénomènes météorologiques extrêmes, devraient avoir des répercussions importantes et géographiquement différenciées sur les disponibilités en produits aquatiques et sur la transformation et le commerce de ces produits, et accentuer la vulnérabilité des pays face aux risques. Ces risques pourront être aggravés par: i) une mauvaise gouvernance, susceptible d’entraîner une dégradation de l’environnement et une destruction des habitats – et donc une accentuation de la pression sur les bases de ressources –, la surpêche, la pêche INDNR, les maladies et les invasions de fugitifs, échappés des exploitations aquacoles, et d’espèces allochtones et ii) différents problèmes touchant le secteur aquacole (d’accessibilité et de disponibilité de sites appropriés et de ressources en eau et d’accès au crédit, au matériel de reproduction et d’alevinage ou aux compétences) . Ces risques peuvent être atténués par la mise en place d’une gouvernance attentive et efficace favorisant des régimes rigoureux de gestion des pêches, un développement responsable de l’aquaculture et des progrès technologiques, des innovations et des travaux de recherche. À long terme, la mise en œuvre de ces améliorations et de politiques de gestion adaptées peut avoir des effets extrêmement bénéfiques sur l’ensemble de la production des pêches et de l’aquaculture, comme l’illustre le scénario ambitieux à l’horizon 2050 élaboré par la FAO (FAO, 2022a). La stratégie de transformation bleue de la FAO et la feuille de route y afférente proposent des approches de gestion progressive et efficace des ressources aquatiques vivantes, qui concilient la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté avec la durabilité environnementale.

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