La présente section porte sur les cadres normatifs mondiaux, la gestion des ressources génétiques aquatiques, la biosécurité et la lutte contre les maladies, les innovations et les technologies à mettre en place afin de soutenir l’intensification et l’expansion durables de l’aquaculture et de satisfaire ainsi la demande croissante de produits alimentaires d’origine aquatique.
Progrès accomplis dans l’élaboration des Directives de la FAO pour une aquaculture durable
Introduction
À partir de 2017, la FAO a collaboré avec ses membres pour élaborer ses premières Directives pour une aquaculture durable (ci-après, les «Directives»). Cette démarche a donné lieu à sept consultations régionales qui ont réuni 120 membres, ainsi qu’à deux consultations d’experts. Les Directives ont été approuvées sur le plan technique en mai 2023 lors de la 12e session du Sous-Comité de l’aquaculture du Comité des pêches, et seront présentées pour adoption en 2024 à l’occasion de la 36e session du Comité des pêches.
Les Directives visent à donner aux membres des orientations relatives au développement durable de l’aquaculture – secteur de la production alimentaire dont la croissance est la plus rapide –, dans le respect du Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable de 1995 et de la Feuille de route de l’Organisation sur la transformation bleue et conformément au Cadre stratégique de la FAO pour 2022–2031.
Présentation des Directives
Les Directives comprennent trois sections.
La section A décrit les objectifs et les principes directeurs:
- Objectifs: fournir des orientations normatives pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques en faveur d’une aquaculture durable; renforcer la sécurité alimentaire et la nutrition; améliorer les conditions socioéconomiques des communautés vivant de l’aquaculture; et promouvoir l’utilisation durable des ressources aquatiques.
- Principes constituant le socle des Directives: durabilité; gestion responsable de l’environnement; primauté du droit; non-discrimination; équité et égalité; consultation et participation; transparence et redevabilité; et approches globales et intégrées.
La section B donne des orientations s’agissant de la promotion de l’aquaculture durable, et s’intéresse aux acteurs, aux conditions à réunir et à la marche à suivre pour atteindre les objectifs ci-après:
- élaborer et mettre en œuvre des politiques et des plans efficaces ainsi que des cadres juridiques et institutionnels, et intégrer l’aquaculture dans les politiques publiques relatives aux systèmes alimentaires et au développement économique, en abordant l’aquaculture sous l’angle des écosystèmes (encadré 9)ag;
- gérer les ressources naturelles et les activités aquacoles de manière durable, en tenant compte des écosystèmes et des répercussions du changement climatique et des catastrophes naturelles, en conservant la biodiversité aquatique, en gérant les ressources génétiques de façon à assurer un approvisionnement durable en matériel de reproduction, en fournissant une alimentation animale durable, et en améliorant la biosécurité et le bien-être des animaux;
- renforcer la responsabilité sociale, le travail décent, l’emploi des jeunes et l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment l’autonomisation des femmes dans l’aquaculture;
- mettre en place des chaînes de valeur aquacoles durables, faciliter l’accès à un marché transparent et prévisible et favoriser les échanges, tout en réduisant les pertes et le gaspillage de produits alimentaires aquatiques.
La section C donne des indications pour l’appui et le suivi de l’utilisation et de la mise en œuvre des Directives, et s’intéresse aux acteurs, aux conditions à réunir et à la marche à suivre pour atteindre les objectifs ci-après:
- mettre en place les mécanismes et les services nécessaires pour soutenir le développement d’une aquaculture durable, ce qui comprend le financement, la recherche et l’innovation, la communication et le renforcement des capacités;
- définir les modalités d’exécution à appliquer et l’appui technique à apporter;
- assurer le suivi de la mise en œuvre des Directives et établir les rapports correspondants, et collecter et analyser les données relatives au développement de l’aquaculture et aux résultats du secteur.
ENCADRÉ 9ALART: UN OUTIL DE LA FAO POUR RÉFORMER LES LÉGISLATIONS NATIONALES SUR L’AQUACULTURE
Dans le cadre d’un processus pluridisciplinaire et participatif, la FAO a élaboré l’Outil d’évaluation et de révision juridique dans le secteur aquacole (ALART)*, une méthode en deux étapes visant à évaluer le cadre juridique national sous-tendant le secteur aquacole. Compte tenu de l’hétérogénéité et de la complexité de ce secteur, qui se caractérise par une diversité d’espèces, de milieux aquatiques, de systèmes et de technologies, la première étape de la méthode ALART consiste à délimiter le secteur du pays concerné, et à déterminer les types d’espèces élevées, les zones où l’aquaculture est pratiquée ainsi que l’échelle socioéconomique à laquelle le secteur opère.
La seconde étape offre aux utilisateurs la possibilité de communiquer des observations sur la législation ou les politiques existantes relatives à l’aquaculture. L’ensemble de 142 questions est structuré en neuf sections: questions de politique générale; dispositifs institutionnels; régimes fonciers; planification et approbation; production (intrants); production (gestion des installations); post-production; prophylaxie et lutte contre les maladies; et inspection et application. L’outil ALART est utile pour déceler les déficits d’information et les lacunes normatives du secteur aquacole d’un pays, de façon à mettre en lumière la nécessité d’une réforme législative ou à déterminer les domaines appelant de nouvelles activités de recherche-développement.
En complément de l’outil ALART, on peut se reporter à l’étude législative de la FAO intitulée «Legal frameworks for sustainable aquaculture»**, qui fournit des informations mais aussi des analyses des cadres normatifs applicables à l’aquaculture aux niveaux international et national, et répertorie les principaux éléments constitutifs d’un cadre juridique adapté au développement d’une aquaculture durable. L’étude précise les questions à aborder, qu’il s’agisse des lois concernant spécifiquement l’aquaculture ou de la législation portant sur d’autres domaines (agriculture ou environnement, par exemple). Pour optimiser l’évaluation du cadre juridique relatif à l’aquaculture dans un pays donné, il convient d’utiliser l’outil ALART en conjonction avec l’étude législative susmentionnée. Le portail ALART*** offre la possibilité d’utiliser l’outil et l’étude en ligne de manière interactive.
** Voir: www.fao.org/family-farming/detail/fr/c/1640760.
*** Disponible dans la version bêta du site web ALART en cours de révision (à mettre à jour lorsque le site sera en ligne): https://alart.review.fao.org/en.
Actions à entreprendre pour mettre en œuvre les Directives
Une fois adoptées, les Directives devraient jouer un rôle essentiel en permettant d’aborder les défis et les possibilités de manière à accélérer la mise en place d’une production aquacole durable et à renforcer la contribution de cette production à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté, tout en protégeant la fonction et la biodiversité des écosystèmes aquatiques. Les mécanismes de suivi et d’établissement de rapports mis en œuvre par la FAO et par les pays devraient également aider à répertorier les problèmes et à diffuser les pratiques optimales. Dans ce contexte, la FAO entend en particulier:
- aider les membres à mettre au point des instruments permettant de superviser l’application des Directives, notamment des systèmes améliorés de collecte de données, des cadres d’action relatifs à l’aquaculture et la création de plans d’action nationaux;
- aider les membres à actualiser leurs méthodes de collecte de données, à élaborer des indicateurs de mesure des résultats, à surveiller et à évaluer le développement de l’aquaculture durable et à communiquer des informations sur le sujet;
- fournir un appui technique spécifique aux membres pour renforcer les capacités des aquaculteurs exerçant des activités à petite ou moyenne échelle de façon à porter à leur maximum les avantages économiques et sociaux et à réduire le plus possible les effets sur l’environnement (encadré 10);
- collaborer avec ses membres et partenaires pour mobiliser des ressources afin d’aider les pays à mettre en œuvre les Directives, de soutenir l’application de la Feuille de route sur la transformation bleue, d’examiner régulièrement les progrès accomplis et de diffuser les conclusions et les pratiques optimales;
- apporter un soutien au Partenariat mondial en faveur de l’aquaculture durable (encadré 19, p. 153), en tant que mécanisme et processus destinés à aider les membres à mettre en œuvre les Directives, notamment en échangeant leurs expériences et en diffusant les technologies innovatrices;
- promouvoir la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire et d’autres dispositifs de collaboration et partenariats afin de faciliter l’application des Directives;
- établir des rapports intérimaires sur la mise en œuvre des Directives, pour examen par le Sous-Comité de l’aquaculture du Comité des pêches;
- aider les membres à élaborer des plans stratégiques visant à développer l’emploi des femmes et des jeunes dans l’aquaculture.
ENCADRÉ 10PARCS AQUACOLES: UN MODÈLE POUR UNE PRODUCTION AQUACOLE DURABLE
Dans le domaine de l’aquaculture, le parc aquacole, également appelé «aquaparc», «groupement aquacole» ou «village aquacole», désigne un modèle organisationnel élaboré pour soutenir les petits aquaculteurs le long de l’ensemble de la chaîne de valeur. Les parcs aquacoles nécessitent une infrastructure spécialisée, bien organisée et à finalité commerciale ainsi que des procédures opérationnelles efficientes et approuvées. En général, ils comprennent l’ensemble des installations d’approvisionnement en intrants et tous les moyens logistiques nécessaires pour fournir le matériel de reproduction, les aliments aquacoles, les services techniques, les facteurs de production (travailleurs et moyens de production) ainsi que les maillons de transformation, de distribution et de commercialisation (négociants, transformateurs, entreposage frigorifique, équipements de transport, moyens de commercialisation et logistique). Certains parcs aquacoles intègrent d’autres activités telles que l’écotourisme ou des manifestations culturelles pour consolider leur modèle commercial.
Des parcs aquacoles ont été installés partout dans le monde, mais leur modèle varie selon les conditions locales et les objectifs commerciaux. Un parc aquacole peut se présenter sous différentes formes: «entreprises + aquaculteurs» (stade élémentaire); «entreprises + coopératives + aquaculteurs» (stade intermédiaire); ou «grandes entreprises + sites de démonstration + coopératives + aquaculteurs» (stade avancé).
Les parcs aquacoles sont gérés selon une approche communautaire afin de coordonner les activités et l’accompagnement professionnel. Généralement, une équipe de gestion est chargée de coordonner et de superviser les activités de production et les services d’appui. Cette approche permet de réduire les coûts, de créer des synergies et de favoriser le développement. Les autorités locales ou nationales guident souvent la planification; elles fournissent un soutien technique, financier et stratégique et mettent en place des incitations, à la fois pour attirer des investissements publics et privés en faveur des infrastructures et de l’accès aux intrants et aux ressources et pour faciliter un développement à finalité commerciale de l’aquaculture durable.
Parc aquacole de Maonan pour l’élevage de tilapias
Le parc aquacole de Maonan, qui se trouve dans le district de Maonan rattaché à la ville de Maoming dans la province chinoise de Guangdong, couvre une superficie de 30 100 hectares (voir la figure). En décembre 2022, il faisait vivre 3 983 ménages et employait 12 617 travailleurs, soit 73,45 pour cent de la main-d’œuvre du secteur aquacole du district (Zhang et al., 2024). Le parc, qui se consacre principalement à l’élevage de tilapias, est devenu une base de l’industrie de l’aquaculture dans la province et produit 800 millions d’alevins de qualité par an. Le volume annuel d’aliments aquacoles est de 286 000 tonnes, pour une production de tilapias de près de 220 000 tonnes par an et un revenu annuel moyen de plus de 4 615 USD par personne sur l’ensemble de la chaîne de valeur. En outre, 1 800 pisciculteurs ont reçu une formation technique sur l’élevage de tilapias et sont devenus des acteurs clés des sites de démonstration. Parallèlement, près de 10 pour cent de la superficie aquacole totale est affectée au traitement et à la purification de l’eau, et diverses plantes aquatiques et filtreurs ont été stockés et cultivés dans des pièces d’eau situées à proximité de façon à procurer des avantages environnementaux supplémentaires. De surcroît, de bonnes pratiques de gestion des bassins (augmentation de l’oxygène dissous dans l’eau et échanges d’eau réguliers) contribuent à l’instauration de l’environnement aquatique sain nécessaire pour parvenir à une production efficiente.
LE CONCEPT DE PARC AQUACOLE

CRÉDITS PHOTOS: Bassin d’alevinage, Bassin de grossissement, Tilapia transformé, Atelier de transformation et Écloserie © FFRC/Jun Qiang; Bassin à reproducteurs © FAO/Anton Ellenbroek.
La création et l’exploitation du parc aquacole ont bénéficié d’un partenariat public-privé financé à hauteur de 60 pour cent par des exploitants privés, le financement restant ayant été apporté par le gouvernement de la province (25 pour cent) et les collectivités locales (15 pour cent). Le parc a adopté le modèle de développement «grandes entreprises + sites de démonstration + coopératives + aquaculteurs». Le secteur public a aussi soutenu plusieurs grandes entreprises gérant chacune la mise en place et l’exploitation de 10 à 20 sites de démonstration. Ces entreprises fournissent les alevins et les aliments et assurent une formation technique et d’autres services pour permettre aux aquaculteurs de mener des activités d’élevage de grossissement de tilapias, tandis que les coopératives sont chargées d’attirer des investissements en amont de la production, de sélectionner les technologies de production et de développer les ventes.
Les Directives seront intégrées de manière systématique dans les programmes de la FAO, et contribueront à la mise en œuvre de la Feuille de route sur la transformation bleue de façon à accélérer la production durable de produits alimentaires aquatiques.
Conclusion
Dans les Directives, il est pleinement reconnu que les pays doivent faire face à toutes sortes de problèmes et ont des besoins ainsi que des moyens différents concernant le développement de l’aquaculture, mais qu’ils ont en commun des défis à relever et des possibilités à exploiter au regard de l’investissement et du financement, des capacités techniques, de l’accès aux ressources aquatiques, des services, des marchés, et de la santé animale. Dans le cadre de son projet de transformation bleue, la FAO, en collaboration avec ses membres et partenaires, mettra à profit les ressources et les moyens à sa disposition pour s’attaquer à ces défis et soutenir les stratégies nationales de développement d’une aquaculture durable, dans le respect des objectifs, des principes et des recommandations énoncés dans les Directives pour une aquaculture durable.
Approvisionnement en matériel de reproduction de qualité pour l’aquaculture
Pour être efficaces et durables, les systèmes aquacoles doivent disposer de matériel de reproduction en quantité suffisante et de qualité adéquate. Les aspects essentiels des systèmes d’approvisionnement en matériel de reproduction sont les suivants: i) sélection et diversification des espèces; ii) gestion et mise en valeur efficaces et durables des ressources génétiques aquatiques; iii) technologies de sélection améliorées; et iv) efficience des chaînes d’approvisionnement.
Il est important de trouver un équilibre entre l’utilisation de nouvelles espèces pour l’aquaculture (diversification) et l’expansion et le développement des organismes d’élevage existants (concentration). Concernant ce second point, il est à l’évidence nécessaire d’appliquer les principes élémentaires de la gestion génétique et d’accélérer l’amélioration génétique de manière appropriée. La sélection d’espèces optimales et la gestion génétique ne peuvent toutefois pas à elles seules garantir la réussite de l’entreprise; il est fondamental de disposer également de chaînes d’approvisionnement efficientes pour satisfaire la demande de matériel de reproduction de qualité.
D’après les données de la FAO, l’aquaculture utilise actuellement quelque 730 espèces aquatiques dans le monde, et ce chiffre est en constante augmentation (voir Espèces aquatiques d’élevage et diversité des espèces, p. 24). Cependant, il apparaît également que la production se concentre de plus en plus sur un groupe limité d’espèces. Les 17 espèces les plus élevées en volume représentent ainsi environ 60 pour cent de la production aquacole mondiale, et 46 espèces contribuent à environ 90 pour cent de la production. Dernièrement, Cai et al. (2023) ont évalué la diversité des espèces dans le secteur aquacole à l’échelle mondiale. Ils ont répertorié les facteurs de diversification (demande des marchés/prix sur les marchés ou initiatives entrepreneuriales, par exemple) et révélé des niveaux de diversité relativement faibles dans les pays, la tendance générale étant au ralentissement de la diversification.
Du fait de la multiplicité des facteurs de diversification comme de concentration sur un nombre limité d’espèces, il est toutefois difficile de prédire comment évoluera la diversité des espèces dans l’aquaculture, en particulier dans le contexte du changement climatique. Dans le cadre des politiques et des stratégies nationales relatives à l’aquaculture, il conviendrait de suivre une approche globale et équilibrée en matière de diversification et de tenir compte de ces multiples facteurs, notamment la disponibilité et l’allocation de ressources, le changement climatique, les effets sur la biodiversité aquatique, le développement des systèmes aquacoles, la demande des marchés et les aspects institutionnels. L’encadré 11 présente le Système mondial d’information sur les ressources génétiques aquatiques (AquaGRIS), mis en place par la FAO, tandis que l’encadré 12 décrit un nouveau domaine en matière de gestion et d’amélioration des ressources génétiques.
ENCADRÉ 11AQUAGRIS: FAIRE ÉVOLUER LA BASE DE CONNAISSANCES SUR LES RESSOURCES GÉNÉTIQUES DANS L’AQUACULTURE
Le Système mondial d’information sur les ressources génétiques aquatiques (AquaGRIS), qui a été élaboré par la FAO, est la toute première base de données mondiale utilisée pour recueillir et conserver des renseignements détaillés sur les organismes d’élevage et les stocks sauvages d’espèces aquacoles existants. Le terme «organisme d’élevage» désigne tout organisme faisant l’objet d’un élevage à un niveau inférieur à celui de l’espèce, y compris les souches, les variétés, les organismes hybrides, triploïdes ou monosexes, toute autre forme d’organisme génétiquement modifié et les organismes sauvages. La principale application d’AquaGRIS est de permettre aux pays d’élaborer leur propre registre de ressources génétiques aquatiques destinées à l’aquaculture et de surveiller la conservation, l’utilisation durable et la mise en valeur de ces ressources. Les registres nationaux créés au moyen d’AquaGRIS offrent aux pays une présentation détaillée des ressources génétiques aquatiques disponibles, de leurs caractéristiques et de leur gestion, qui peut être utilisée pour élaborer ou réviser les stratégies nationales en matière d’aquaculture.
On trouvera à la figure des exemples illustrant les informations recueillies à différents niveaux: espèces, organismes d’élevage, unités de gestion/d’évaluation des pêches et stocks génétiques. Une fois ces données validées par les coordonnateurs nationaux, elles peuvent être consultées au moyen d’une interface de diffusion en accès libre sous différents formats.
Les indicateurs intégrés dans AquaGRIS, appelés indicateurs de ressources, ont été élaborés par la FAO en concertation avec les pays. Ils sont reliés aux domaines prioritaires et aux priorités stratégiques énoncés dans le Plan d’action mondial*. AquaGRIS est donc un outil indispensable pour surveiller l’avancement de la mise en œuvre du Plan d’action mondial à l’échelle nationale et mondiale. La mise à disposition des indicateurs relatifs aux ressources génétiques aquatiques constitue une avancée majeure, et ces indicateurs peuvent se révéler utiles dans le cadre d’activités autres que le suivi de la mise en œuvre du Plan d’action mondial. La cible 5 de l’ODD 2, par exemple, fait appel à des indicateurs relatifs à l’état des ressources génétiques végétales et animales, qui ne portent pas actuellement sur la biodiversité aquatique dans les élevages aquacoles. À l’avenir, les éventuelles révisions des indicateurs actuels relatifs aux ODD ainsi que les travaux menés en continu pour mettre en œuvre le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal de la Convention sur la diversité biologique (en particulier la cible 4) pourront utiliser les indicateurs de ressources AquaGRIS.
Les pays sont encouragés à créer leur propre registre au moyen d’AquaGRIS, avec l’appui de la FAO, en particulier dans la perspective de la prochaine évaluation mondiale prévue en 2029. Une fois que les registres initiaux auront été élaborés, les informations relatives aux ressources génétiques aquatiques seront actualisées tous les deux ans. Certains pays ont déjà commencé à utiliser AquaGRIS pour établir leur registre national. La collecte de données incombe aux coordonnateurs nationaux chargés des ressources génétiques aquatiques, qui font appel à diverses parties prenantes nationales pour obtenir des informations actualisées. L’ensemble du processus présente l’avantage d’améliorer la transmission et la circulation des informations entre les acteurs du secteur aquacole, et ouvre la voie à la mise en place de mécanismes plus harmonisés de communication à l’échelle nationale et mondiale.
EXEMPLES D’INFORMATIONS RECUEILLIES AUX NIVEAUX DES ESPÈCES, ORGANISMES D’ÉLEVAGE, UNITÉS DE GESTION DES PÊCHES ET STOCKS GÉNÉTIQUES DANS AQUAGRIS

ENCADRÉ 12DÉFIS À RELEVER EN MATIÈRE DE GESTION GÉNÉTIQUE ET D’AMÉLIORATION DE L’ALGOCULTURE
Plus de 56 pays à travers le monde produisent des algues marines (Cottier-Cook et al., 2023), et cette production profite notamment à l’économie des communautés rurales vivant dans les zones littorales de pays à faible revenu et à revenu intermédiaire (encadré 21, p. 155). La très grande majorité (97 pour cent) de cette production provient de l’aquaculture, mais sa viabilité est fragilisée par la méconnaissance de la diversité génétique et phénotypique des espèces cultivées, l’insuffisance des investissements dans les programmes d’amélioration et l’efficacité limitée de nombreux cadres réglementaires (Brakel et al., 2021). Il est urgent de combler ces lacunes, en particulier si l’on tient compte du fait que la surexploitation liée à l’algoculture, conjuguée à d’autres facteurs tels que les organismes nuisibles, les maladies et le changement climatique, contribue actuellement au déclin des stocks d’algues marines en milieu naturel partout dans le monde.
Les cycles biologiques des algues marines étant complexes, très divers et mal compris, il est difficile de les boucler à des fins de culture et d’élaboration de programmes d’amélioration génétique. En outre, l’élevage de certaines espèces (Eucheuma spp. ou Kappaphycus spp., par exemple) repose sur la reproduction asexuée ou végétative et n’utilise que rarement des individus qui se reproduisent sexuellement. Les cultivars d’algues marines existants sont souvent le résultat d’une sélection naturelle ou d’une domestication sans stratégie d’amélioration génétique, et les aquaculteurs jouent un rôle déterminant dans le maintien de la diversité des variétés cultivées. Bien que certains de ces cultivars soient facilement reconnaissables par les aquaculteurs à partir de caractères agronomiques, le manque d’informations génétiques ou de marqueurs génétiques bien documentés fait qu’il est difficile de classer de manière fiable les espèces et les cultivars et de comprendre leur distribution. Les algues marines peuvent aussi avoir une plasticité morphologique, ce qui complique leur classement ou leur description en l’absence de caractérisation génétique. La prise en compte des savoirs traditionnels des aquaculteurs dans l’information génétique peut aider à déterminer quels stocks et cultivars d’algues marines sont des candidats idéaux pour les programmes d’amélioration génétique et les plus susceptibles de s’adapter à des conditions spécifiques (Dumilag et al., 2023).
Des programmes d’amélioration, principalement fondés sur l’élevage de sélection et l’hybridation, qui font parfois appel à l’induction de mutations, ont été mis en place ces dernières décennies (pour Pyropia spp., Saccharina japonica et Undaria spp., par exemple) et ont permis de produire des organismes d’élevage à grande échelle (Hwang et al., 2019). La mise en valeur d’organismes d’élevage stables dans des conditions environnementales différentes demeure toutefois un défi majeur.
Bien que l’importance des algues marines soit reconnue, leur production et leur gestion ne sont toujours pas soutenues par des cadres réglementaires nationaux et internationaux efficaces. S’agissant de la conservation des stocks, par exemple, la législation sur les algues marines est insuffisante, et on ne trouve presque pas de zones créées spécifiquement pour protéger les algues et leur habitat (Cottier-Cook et al., 2023). La réglementation régissant l’accès et le partage des avantages liés aux algues marines est, de même, peu développée par rapport à celle concernant les plantes terrestres. Les algues marines relèvent du Protocole de Nagoya, mais elles ne sont pas incluses dans le champ d’application du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, ce qui pourrait pourtant simplifier et normaliser les mécanismes de transfert de matériel (pour la recherche, l’éducation et le commerce) et réduire les coûts (Brakel et al., 2021). Compte tenu du volume croissant de la production d’algues marines, il est nécessaire d’élaborer des cadres réglementaires spécifiques ou d’améliorer ceux qui existent, et de sensibiliser davantage aux problèmes particuliers posés par l’algoculture, qui peuvent appeler des approches spécialisées et ciblées en matière de gestion génétique.
Cottier-Cook, E.J., Lim, P., Mallinson., S., Yahya, N., Poong, S., Wilbraham, J. Nagabhatla, N. et Brodie, J. 2023. Striking a Balance: Wild Stock Protection and the Future of Our Seaweed Industries. Document d'orientation, n° 06. UNU Institute on Comparative Regional Integration Studies. https://cris.unu.edu/sites/cris.unu.edu/files/UNU-CRIS_Policy-Brief_CottierCook_Et.al_23.06.pdf
Dumilag, R.V., Crisostomo, B.A., Aguinaldo, Z-Z.A., Hinaloc, L.A.R., Liao, L.M., Roa-Quiaoit, H.A., Dangan-Galon, F. et al. 2023. The Diversity of Eucheumatoid Seaweed Cultivars in the Philippines. Reviews in Fisheries Science & Aquaculture, 31(1): 47–65. www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23308249.2022.2060038
Hwang, E.K., Yotsukura, N., Pang, S.J., Su, L. et Shan, T.F. 2019. Seaweed breeding programs and progress in Eastern Asian countries. Phycologia, 58: 484–495. https://doi.org/10.1080/00318884.2019.1639436
Concernant la mise en valeur des espèces, à l’exception d’un petit nombre de secteurs ayant bien progressé tels que ceux du saumon de l’Atlantique ou de la crevette à pattes blanches, la gestion et l’amélioration génétiques dans l’aquaculture en sont encore à leurs balbutiements. La gestion génétique est bien souvent inefficace, voire inexistante, ce qui peut entraîner des pertes de variation génétique, une baisse des résultats en raison de problèmes de dépression consanguine ou d’introgression par hybridation et une réduction du potentiel de mise en valeur de futurs organismes d’élevage. Il est indispensable d’adopter de bonnes pratiques de gestion génétique dans les systèmes d’élevage pour préserver au fil des années la variation génétique, qui constitue la base du potentiel d’adaptation des espèces au changement et sur laquelle il est possible de s’appuyer pour bâtir des programmes de sélection. Si elle est efficace, la gestion génétique permettra, même en l’absence d’amélioration génétique, de réaliser des gains génétiques à l’avenir, ce qui différerait sensiblement de ce qui s’est produit avec les ressources génétiques dans l’agriculture terrestre, qui ont perdu une grande partie de leur diversité lors de la domestication. Les gains potentiels qu’offre l’élevage d’espèces aquatiques sélectionnées sont donc particulièrement importants, et les programmes d’amélioration peuvent par conséquent augmenter l’efficacité de la production dans les années à venir, et apporter une contribution non négligeable à l’intensification durable de la production aquacole.
Le développement de l’aquaculture doit pouvoir s’appuyer sur une chaîne d’approvisionnement performante pour garantir une offre constante de matériel de reproduction de qualité en phase avec les systèmes de production aquacole existants, mais également susceptible de s’adapter au changement climatique. Dans le domaine de l’aquaculture, seules quelques espèces ont été «entièrement domestiquées» (l’ensemble de leur cycle biologique se déroulant en captivité). Une grande partie de l’aquaculture repose toujours sur des alevins sauvages, et l’on trouve très peu de cas de cycles de production entièrement fermés et encore moins de programmes de sélection axés sur des objectifs d’amélioration précis. L’utilisation de matériel de reproduction prélevé dans le milieu naturel devrait garantir un haut niveau de diversité génétique dans les stocks d’élevage et limiter les risques pour les populations d’espèces sauvages (dans le cas où des animaux s’échapperaient des fermes), et réduire aussi les dépenses d’exploitation des producteurs de matériel de reproduction. Elle risque toutefois également d’augmenter la pression exercée sur les stocks sauvages mal gérés et d’entraîner leur surexploitation, et de ne pas offrir un approvisionnement sûr en matériel de reproduction. En outre, le matériel de reproduction prélevé dans la nature n’est guère adapté aux conditions de l’aquaculture en captivité, ce qui peut avoir des répercussions négatives sur la productivité. Diverses mesures peuvent être prises pour garantir la production de matériel de reproduction de qualitéah ainsi que la disponibilité de ce matériel.
Lorsque la production d’œufs et d’alevins se fait en écloseries, la généralisation des programmes de gestion génétique et d’élevage de sélection peut aider à améliorer la qualité du matériel de reproduction et à surmonter les problèmes rencontrés lors de la production, tels que les maladies infectieuses et les effets du changement climatique. Cela exige d’adopter des cadres juridiques et institutionnels ainsi que des systèmes de certification efficaces garantissant la qualité du stock de géniteurs utilisé pour produire le matériel de reproduction (Varadi et al., 2002). La qualité de ce matériel dépend également du système de diffusion, lequel doit être adapté aux espèces et à la technologie de production, correspondre à l’échelle géographique (locale, nationale, transnationale, etc.) et être ouvert à la participation du secteur privé afin de favoriser la viabilité économique à long terme de la chaîne d’approvisionnement (Shikuku, Ochenje et Muthini, 2021).
La FAO aide les pays à améliorer la gestion génétique des espèces aquacoles en mettant en œuvre le Plan d’action mondial pour la conservation, l’utilisation durable et la mise en valeur des ressources génétiques aquatiques pour l’alimentation et l’agriculture (ci-après, le «Plan d’action mondial») (FAO, 2022c), un cadre d’action au service d’une gestion rationnelle et efficace des ressources génétiques aquatiques. Pour élaborer des stratégies adéquates de diversification et de concentration des espèces, les pays devraient mettre en œuvre les principaux éléments du Plan d’action mondial et promouvoir des chaînes d’approvisionnement en matériel de reproduction efficientes. Cela leur permettrait d’accroître l’efficience de leur secteur aquacole, et les aiderait à atteindre les objectifs et les cibles en matière de productivité énoncés dans la Feuille de route sur la transformation bleue à l’horizon 2030 et à concrétiser les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies ainsi que les cibles définis dans le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.
Vers des pratiques efficaces en matière de biosécurité et de lutte contre les maladies dans l’aquaculture
Les agents pathogènes et les maladies qu’ils provoquent restent un défi de taille à relever si l’on veut développer un secteur aquacole durable, capable d’atteindre son plein potentiel. Une étude récente (Subasinghe et al., 2023) a décrit de vastes difficultés multifactorielles liées à la gestion des pratiques de biosécurité dans l’aquaculture. Plus précisément, elle a relevé 12 questions dont il faut tenir compte pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies et des protocoles de biosécurité efficients et efficaces, à savoir: i) matériel de reproduction sain; ii) préparation aux situations d’urgence et intervention en cas de crise; iii) diagnostics; iv) gestion des microbes au niveau de la production; v) surveillance des maladies et des agents pathogènes; vi) échanges commerciaux; vii) politiques et cadre réglementaire; viii) bien-être; ix) recherche et développement de technologies; x) résistance aux antimicrobiens; xi) voies non courantes de transmission d’agents pathogènes; et xii) approche de gestion progressive pour l’amélioration de la biosécurité aquacole.
Pour exploiter le plein potentiel de l’aquaculture en tant qu’important système alimentaire aquatique, il faut de nouvelles approches reposant sur les connaissances et capacités existantes au niveau des entreprises et aux niveaux local, national et régional. L’approche de gestion progressive pour l’amélioration de la biosécurité aquacole est une initiative de ce type, qui traite les problèmes liés aux maladies en s’appuyant sur une approche par chaîne de valeur fondée sur les risques. Elle offre aux pays participants, quels que soient le stade de développement de leur aquaculture ou leur situation sur le plan de la biosécurité aquatique, un moyen efficace de mettre en place cette dernière. Elle offre également la possibilité de tracer un produit aquacole tout au long de sa chaîne de valeur, des populations sauvages et des écloseries, aux stades du grossissement, de la transformation et de la commercialisation, jusqu’au consommateur.
Un ensemble complet de directives d’application ont été publiées depuis la mise en place de l’approche de gestion progressive pour l’amélioration de la biosécurité aquacole en 2018 (FAO, 2023b). Elles permettent aux pays de déterminer comment parvenir au niveau de biosécurité souhaité. L’un des principaux éléments dont un pays a besoin pour mettre en œuvre cette approche est une stratégie nationale ou régionale relative à la santé des organismes aquatiques permettant de répertorier et de gérer les domaines de la biosécurité qu’il convient de développer ou de renforcer. Avec la participation de 15 pays, la FAO a récemment aidé le Réseau de centres d’aquaculture pour la région Asie et Pacifique (RCAAP) à élaborer sa stratégie régionale relative à la santé des organismes aquatiques, laquelle a été officiellement adoptée lors de la 32e réunion du Conseil des gouverneurs du Réseau, en août 2023, en tant que document d’orientation pour la mise en œuvre harmonisée de la biosécurité aquatique dans la région. Cette initiative va renforcer la coopération et le partage de connaissances et de compétences entre les 19 membres du RCAAP, ainsi que l’harmonisation de la politique en matière de biosécurité aquatique applicable aux échanges internationaux d’organismes aquatiques vivants et de leurs produits, et faciliter de ce fait le commerce entre les membres du Réseau tout en limitant la propagation de maladies graves touchant les organismes aquatiques. Les membres du RCAAP étant les principaux producteurs aquacoles mondiaux, cette stratégie régionale relative à la santé des organismes aquatiques marque une étape importante au niveau régional et mondial.
L’approche de gestion progressive pour l’amélioration de la biosécurité aquacole offre les avantages suivants aux pays et à leurs secteur, fermes et entreprises aquacoles:
- amélioration de la gouvernance de la biosécurité – favoriser une production aquacole capable de s’adapter aux défis engendrés par les maladies liées à l’environnement ou aux activités humaines;
- partenariats, appropriation et responsabilités partagées – constituer une solide plateforme de partenariats public-privé reposant sur des stratégies de biosécurité et des plans de mise en œuvre multipartites élaborés conjointement, assurant l’adhésion et une meilleure adéquation aux objectifs visés;
- avantages tangibles pour les parties prenantes à tous les stades – adopter des principes de cogestion pour s’assurer que les problèmes sont clairement définis et que des solutions de gestion sont élaborées;
- engagement à l’égard de la gestion des risques – établir les responsabilités en matière de risques et encourager une participation active à leur gestion et un engagement à long terme à cet égard;
- santé durable des animaux aquatiques – résultat des éléments précédents, qui reflète une collaboration entre les principales parties prenantes caractérisée par des actions coordonnées de diverses institutions et de différents experts, des ressources mises en commun, et un partage des connaissances, des compétences techniques et des expériences pour renforcer la biosécurité dans l’aquaculture.
L’approche de gestion progressive est désormais utilisée pour lutter contre la résistance aux antimicrobiensai et pour renforcer la biosécurité s’agissant des animaux terrestresaj. Elle nécessite une bonne compréhension des liens entre l’hôte, l’agent pathogène et l’environnement et de l’effet des activités humaines. Les ingrédients nécessaires pour améliorer la biosécurité aquacole sont ainsi l’espèce hôte, l’agent pathogène, l’environnement et la gestion humaine, avec l’appui de la recherche, de l’innovation et de politiques favorables.
On notera également qu’il est tout aussi important, pour réduire les pertes liées aux maladies dans l’aquaculture, de détecter rapidement la présence d’une maladie, d’en diagnostiquer correctement la cause et d’appliquer une mesure de gestion, un moyen de lutte ou un traitement appropriés. L’approche de gestion progressive pour l’amélioration de la biosécurité aquacole traite ces questions en permettant aux aquaculteurs de mieux détecter les maladies et en renforçant les capacités et les infrastructures de diagnostic. De bonnes capacités de diagnostic sont essentielles pour protéger le territoire contre l’introduction d’agents pathogènes lors de l’importation d’organismes aquatiques vivants et de leurs produits, et pour appuyer les systèmes et programmes de surveillance, de suivi et de déclaration des maladies qui permettent de déterminer l’état d’un agent pathogène et d’une maladie, de détecter l’apparition de nouvelles maladies et d’établir leur répartition géographique dans le pays concerné.
Les bonnes pratiques d’aquaculture améliorent le bien-être des organismes aquatiques d’élevage, en assurant des conditions environnementales optimales, une alimentation correcte et des manipulations réduisant au minimum le risque de stress ou de souffrance. Le bien-être est directement corrélé à la réduction des pertes engendrées par les maladies et à l’accroissement de la rentabilité des entreprises aquacoles; c’est également une exigence croissante des consommateurs.
Les directives FAO-RCAAP relatives à la transformation de l’aquaculture (FAO et RCAAP, 2023) comprennent un domaine d’action axé sur la mise en œuvre de l’approche de gestion progressive pour l’amélioration de la biosécurité aquacole et de ses boîtes à outils, ainsi que sur l’élaboration et l’application des stratégies nationales et régionales relatives à la santé des organismes aquatiques. Elles soulignent en outre l’importance du Plan d’action de la FAO contre la résistance aux antimicrobiens (2021-2025) (FAO, 2021b) pour atteindre les objectifs de l’approche «Une seule santé», notamment au regard de l’élaboration de plans d’action nationaux contre la résistance aux antimicrobiens. Il est essentiel, dans le cadre de l’approche «Une seule santé», de contribuer à la prévention des maladies qui se transmettent de l’animal à l’être humain et à la lutte contre celles-ci, de s’attaquer à la résistance aux antimicrobiens, et de veiller à la sécurité sanitaire des aliments, à la santé des animaux aquatiques et à l’application des normes internationales en matière de mesures sanitaires et phytosanitaires dans l’aquaculture.
Mieux vaut prévenir que guérir. L’accent mis sur la prévention, notamment de la résistance aux antimicrobiens (encadré 13 et encadré 14), indique que le secteur devient mature. Les mesures de base consistent à utiliser du matériel de reproduction de bonne qualité et à adopter de bonnes pratiques d’élevage et stratégies en matière de biosécurité, dans un environnement aquatique moins stressant et plus sain. La biosécurité doit être prise en compte dans tout développement de l’aquaculture, et une attention particulière doit être prêtée aux petits exploitants, qui sont potentiellement le maillon faible et présentent les plus grands risques s’ils ne bénéficient pas d’un soutien efficace dans ce domaine. Il faut des mesures efficaces de biosécurité, de bonnes pratiques d’élevage, une approche améliorée en matière de génétique et une nutrition de grande qualité pour produire des organismes aquatiques d’élevage sains, nutritifs et résilients (FAO, 2020, 2022b).
ENCADRÉ 13CENTRES DE RÉFÉRENCE DE LA FAO SUR LA RÉSISTANCE AUX ANTIMICROBIENS ET LA BIOSÉCURITÉ EN AQUACULTURE
La résistance aux antimicrobiens est une menace à l’échelle mondiale qui est liée à l’utilisation excessive ou à mauvais escient des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire, et qui peut nuire à l’efficacité de ces médicaments dans le traitement des maladies. Parmi les nombreuses questions abordées dans le cadre de l’approche de gestion progressive pour l’amélioration de la biosécurité aquacole et des stratégies nationales ou régionales relatives à la santé des organismes aquatiques figurent les mécanismes visant à réduire l’utilisation abusive d’antibiotiques lors de flambées épidémiques dans les populations d’organismes aquatiques d’élevage, et leur remplacement par des méthodes de prévention et de traitement qui ne reposent pas sur ces médicaments.
Les centres de référence de la FAO sur la résistance aux antimicrobiens et la biodiversité en aquaculture sont des institutions désignées par le Directeur général de la FAO qui fournissent des avis techniques et scientifiques spécifiques et indépendants sur des questions relevant du mandat de l’Organisation. Ces centres de référence apportent leur assistance pour l’application de la résolution 4/2015 de la FAO dans le cadre du Plan d’action de la FAO contre la résistance aux antimicrobiens 2021-2025, lequel guide les efforts déployés dans le monde entier par les secteurs de l’alimentation et l’agriculture pour résoudre ce problème. On trouvera ci-après des exemples de centres de référence de la FAO (voir la figure) et de leurs activités dans le domaine de l’aquaculture et de la prévention de la résistance aux antimicrobiens.
- L’Institut de recherche halieutique de la rivière des Perles (Académie chinoise des sciences halieutiques) est un institut de recherche fondamentale et appliquée qui s’emploie à développer la pêche dans la région de la rivière des Perles et les zones tropicales et subtropicales.
- L’Institut de recherche halieutique de la mer Jaune (Académie chinoise des sciences halieutiques), spécialisé dans la recherche sur le développement et l’utilisation durable des ressources biologiques marines, a apporté des contributions révolutionnaires à l’élevage marin de poissons, de crevettes, de crabes, de mollusques et crustacés, d’algues et d’holothuries en Chine.
- L’Université de Nitte (Inde) est un établissement pluridisciplinaire qui s’est donné pour vision d’atteindre l’excellence en matière d’éducation et de soins de santé; elle est dotée d’un hôpital, de centres de santé ruraux et de centres de recherche ultramodernes qui mènent des activités de recherche à la fois fondamentale et translationnelle.
- Le Centre pour les sciences de l’environnement, de la pêche et de l’aquaculture (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord) est l’organisme scientifique chargé des environnements marins et dulcicoles au sein du Département de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales du Gouvernement du Royaume-Uni.
- L’Université d’État du Mississippi (États-Unis d’Amérique) est une institution publique à vocation agricole qui rassemble des étudiants et des enseignants venant de l’ensemble du pays ainsi que du monde entier. Elle se consacre à trois grandes missions: l’apprentissage, la recherche et les services.
Les antibiotiques continueront d’être utilisés, car ils sont essentiels à la sécurité alimentaire, au bien-être des populations, et au bien-être des animaux et à la santé des végétaux, mais cette utilisation devra être responsable. Une utilisation à mauvais escient augmente en effet le risque de résistance aux antimicrobiens en entraînant l’apparition d’organismes résistants qui constituent une menace croissante pour la vie humaine, animale et végétale. Face à cette menace, les organisations de l’Alliance quadripartite (Organisation mondiale de la Santé [OMS], Organisation mondiale de la santé animale [OMSA], Programme des Nations Unies pour l’environnement [PNUE] et FAO) joignent leurs forces pour accélérer la mise en place d’une stratégie coordonnée eu égard à la santé des populations humaines, des animaux, des végétaux et des écosystèmes et à la réalisation des objectifs «Une seule santé». La désignation de centres de référence de la FAO en 2022 a marqué une étape vers une meilleure compréhension des moyens d’éviter l’accroissement de la résistance aux antimicrobiens et vers une meilleure collaboration dans ce domaine.
Exemples de centres de référence de la FAO sur la résistance aux antimicrobiens et la biosécurité en aquaculture

ENCADRÉ 14SOLUTIONS POUR RÉDUIRE LES BESOINS EN ANTIMICROBIENS ET PRÉVENIR LA RÉSISTANCE À CES PRODUITS
Le Plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens, élaboré avec le concours de la FAO et de l’OMSA, a été adopté lors de la 68e Assemblée mondiale de la Santé, en mai 2015. Durant une réunion de haut niveau tenue lors de la 71e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, en septembre 2016, une déclaration politique a été adoptée pour appuyer l’élaboration et la mise en œuvre de plans d’action nationaux contre la résistance aux antimicrobiens et d’activités connexes dans le cadre de la plateforme «Une seule santé».
L’OMS, la FAO et l’OMSA sont convenues d’intensifier leurs actions conjointes pour lutter contre les menaces sanitaires liées aux interactions entre les humains, les animaux et l’environnement.
En mai 2017, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) a convoqué le Groupe spécial de coordination interinstitutions sur la résistance aux antimicrobiens, après consultation de la FAO, de l’OMSA et de l’OMS (les membres de l’Alliance tripartite), en lui demandant de fournir des orientations sur les approches nécessaires pour mener une action mondiale à long terme contre la résistance aux antimicrobiens. Le Groupe spécial de coordination interinstitutions a recommandé que les États membres apportent leur appui pour faciliter l’accès à des solutions de remplacement des antimicrobiens offrant un bon rapport coût-efficacité (voir la figure), en particulier dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire (IACG, 2019). En effet, de nombreuses solutions de remplacement des antimicrobiens recèlent un grand potentiel en matière de lutte contre les maladies; certaines voient déjà leurs avantages reconnus, tandis que d’autres en sont encore au stade expérimental. La FAO (2019) a souligné le besoin de connaissances et de recherches supplémentaires pour mieux comprendre les raisons des réussites et des échecs, les coûts engendrés, l’efficacité, la facilité d’utilisation (notamment pour les petits exploitants), les effets néfastes sur l’environnement des exploitations aquacoles, et la manière dont ces solutions peuvent améliorer la santé et renforcer l’immunité des hôtes.
En 2022, l’Alliance tripartite a accueilli le PNUE, devenant ainsi officiellement l’Alliance quadripartite, un partenariat visant à accélérer la stratégie coordonnée en matière de santé des êtres humains, des animaux et des écosystèmes*.
Solutions pour réduire le besoin d’antimicrobiens

SOURCES: FAO. 2019. Aquaculture development. 8. Recommendations for prudent and responsible use of veterinary medicines in aquaculture. FAO Directives techniques de la FAO pour une pêche responsable, n° 5. Suppl. 8. Rome. [Consulté le 24 novembre 2023]. www.fao.org/documents/card/en/c/ca7029en
IACG. 2019. Pas le temps d’attendre: assurer l’avenir contre les infections résistantes aux médicaments. Rapport au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. [Consulté le 24 novembre 2023]. www.who.int/docs/default-source/antimicrobial-resistance/amr-gcp-tjs/iacg-final-report-fr.pdf?sfvrsn=14e8012_6
La Feuille de route sur la transformation bleue (2022-2030) (FAO, 2022a) donne la primauté au renforcement des capacités en matière de biosécurité, de lutte contre les maladies et de gestion de la santé aquatique aux niveaux local, national et mondial. Elle souligne l’importance des actions prioritaires touchant la gestion de la santé des organismes aquatiques et la lutte contre les maladies, la biosécurité dans l’aquaculture, l’évaluation de la charge de morbidité, la prévention de la résistance aux antimicrobiens, ainsi que l’alerte rapide, l’évaluation des risques et la préparation aux situations d’urgence en matière de sécurité sanitaire des aliments et de santé animale.
Systèmes aquacoles innovateurs et solutions en matière d’aliments aquacoles
Systèmes aquacoles innovateurs
L’innovation dans les systèmes aquacoles est essentielle à toute intensification ou expansion de l’aquaculture durable et résiliente. Elle a stimulé la croissance de l’aquaculture au cours des dernières décennies, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire mondiale et au développement socioéconomique. Les principaux avantages des pratiques innovatrices sont l’optimisation de la production (meilleure sélection du matériel de reproduction et des aliments), la réduction des problèmes de ressources, l’amélioration de la gestion, et le renforcement des liens entre les parties prenantes tout au long des chaînes de valeur aquacoles.
Renouveau de technologies anciennes
Ces dernières décennies, les améliorations technologiques dans les systèmes aquacoles (bassins de type raceway et production alimentaire intégrée, par exemple) ont augmenté l’efficience ainsi que l’utilisation de pratiques optimales. Les systèmes de production alimentaire intégrée, tels que les systèmes d’aquaculture-agriculture et l’aquaculture multitrophique intégrée, connaissent un regain d’intérêt du fait de leur capacité à optimiser l’utilisation des ressources, à améliorer les revenus et à contribuer à la sécurité alimentaire.
Au Nigéria, des agriculteurs intègrent des activités d’aquaculture dans les exploitations rizicoles. L’Université d’Ibadan (Nigéria) et l’Université de Géorgie (États-Unis d’Amérique), en collaboration avec la FAO, aident les pisciculteurs en sélectionnant des espèces de poisson compatibles, en affinant les techniques de gestion des ressources, et en intégrant des ingrédients locaux dans les aliments pour poisson. Ce type d’innovations réduit le coût de revient et procure aux riziculteurs et à leurs communautés des protéines de poisson nutritives.
Solutions adaptées au contexte
En appuyant le transfert et l’utilisation de systèmes et de technologies innovateurs, la FAO apporte des solutions pour introduire l’aquaculture dans des régions où elle n’est pas encore pratiquée. Par exemple, des producteurs utilisent des systèmes aquacoles innovateurs dans des écosystèmes arides ou désertiques pour faire face à la pénurie d’eau (encadré 15). Des innovations telles que le système aquacole en recirculation et la technologie biofloc sont mises en pratique dans différentes régions pour améliorer l’efficience d’utilisation de l’eau et la biosécurité (Label et al., 2021). Les innovations doivent toutefois être adaptées aux spécificités et besoins de chaque région. Ces innovations adaptées au contexte ont des effets bénéfiques en cascade sur les populations locales, car elles font de l’aquaculture une solution efficace pour améliorer la sécurité alimentaire et les moyens d’existence de nombreuses communautés côtières.
ENCADRÉ 15INVESTIR DANS L’AQUACULTURE DANS LES ZONES DÉSERTIQUES ET ARIDES: UN RÊVE OU UNE PERSPECTIVE D’AVENIR?
La concurrence croissante pour l’utilisation des ressources en terres et en eau a conduit à examiner la possibilité de développer des pratiques agricoles et aquacoles dans des régions inhabituelles. Les terres arides font partie de ces endroits où l’on repousse les limites avec des pratiques aquacoles modernes pour ouvrir de nouvelles possibilités d’élevage piscicole. Les systèmes alimentaires intégrés agriculture-aquaculture durables et résilients qui peuvent être adaptés aux conditions arides aident à faire face à la pénurie de ressources et au changement climatique. Les ressources d’eau douce ou d’eau saumâtre disponibles peuvent offrir des moyens d’existence (production de plantes comestibles et de produits alimentaires aquatiques, notamment de poissons).
Sur la dernière décennie, la FAO a apporté une assistance technique à l’Algérie, à l’Égypte, à l’Éthiopie et à Oman dans le cadre de la mise en œuvre de projets de systèmes intégrés agriculture-aquaculture sur des terres arides. Ces projets, conjugués à des technologies innovatrices telles que l’aquaponie, ont montré que les systèmes intégrés pouvaient offrir un bon rapport coût-efficacité et permettre à la fois une autosuffisance alimentaire et des activités commerciales à petite échelle.
Depuis les années 2010, l’aquaculture en milieu désertique s’est développée grâce aux innovations technologiques et aux investissements du secteur privé, favorisés par des mesures d’incitation des pouvoirs publics. En Égypte, par exemple, la production de poisson issue de systèmes intégrés agriculture-aquaculture est passée de 700 tonnes à 2 200 tonnes entre 2010 et 2017 avec l’implantation de quelque 100 fermes dans des zones arides. De la même façon, le district d’Ouargla (Algérie) compte maintenant plusieurs exploitations piscicoles de diverses tailles dans le désert, avec une capacité de production annuelle de 2 000 tonnes (voir la photo).
L’intégration de l’aquaculture dans l’agriculture en environnement aride apporte des avantages supérieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle. Elle permet notamment de réduire notablement, et dans certains cas d’éliminer, l’utilisation d’engrais. Les cultures bénéficient des nutriments présents dans l’eau de l’exploitation aquacole, ce même volume d’eau permettant ainsi d’obtenir des rendements plus élevés. En Égypte, le tilapia du Nil (Oreochromis niloticus) représente près de 90 pour cent de la production aquacole en milieu désertique. Les exploitations utilisent des réserves d’eau saline souterraine, des installations de dessalement et/ou le drainage des terres agricoles. La salinité de l’eau varie entre 0,5 gramme et 26 grammes par litre, et sa température entre 22 °C et 26 °C. Le bar européen (Dicentrarchus labrax) et la dorade royale (Sparus aurata) sont également des espèces de poisson qui peuvent être élevées dans des milieux où le taux de salinité est important. La plupart des exploitations aquacoles commerciales utilisent des systèmes ouverts pour irriguer les terres agricoles, où sont produits des légumes, des fruits et des cultures arables, ainsi que du trèfle pour nourrir le bétail. L’aquaponie – qui intègre la production de poisson et de plantes cultivées hors sol dans des systèmes à recirculation – est une autre option.
Ces systèmes peuvent utiliser de l’eau saumâtre ou de l’eau de mer dessalée, de l’eau de pluie, ou des eaux usées industrielles et communales traitées ou non traitées, avec des espèces tolérantes à la salinité. Une utilisation efficiente de ces sources d’eau de remplacement pourrait de toute évidence contribuer à rendre les systèmes intégrés plus productifs et durables.
En 2013, la FAO a lancé l’initiative régionale sur la pénurie d’eau au Proche-Orient et en Afrique du Nord pour répondre aux défis de la gestion des ressources hydriques dans la région et promouvoir des systèmes intégrés agriculture-aquaculture durables. Une telle approche régionale coordonnée est essentielle pour augmenter la production halieutique et agricole, créer de l’emploi rural et permettre une gestion intégrée et durable des ressources en eau.
Ces efforts, conjugués aux investissements du secteur privé, à la recherche et aux initiatives en faveur du développement, ouvrent la voie à la transformation de ces régions apparemment inhospitalières en centres d’innovation dans les systèmes agriculture-aquaculture. Avec une approche de gestion intégrée des ressources hydriques et une utilisation efficiente de l’eau – un domaine de travail prioritaire de la FAO –, les terres désertiques et arides pourront en effet se transformer dans les années à venir en zones de production alimentaire et de croissance économique.
Pour en savoir plus les systèmes d’agriculture-aquaculture, veuillez vous reporter aux ressources suivantes:
- www.fao.org/3/ca8610en/CA8610EN.pdf (en anglais)
- www.fao.org/fileadmin/user_upload/rne/docs/WSI-Pamphlet-fr.pdf
- https://hdl.handle.net/10568/134559 (en anglais)

© FAO/Valerio Crespi
Amélioration de la performance grâce aux avancées technologiques
Les technologies qui favorisent l’aquaculture de précision et appuient la prise de décisions améliorent notablement les performances de divers systèmes aquacoles. Parmi les récentes avancées, on peut citer l’utilisation des systèmes d’information géographique (SIG) pour la planification et la surveillance des activités aquacoles, les détecteurs, la robotique, la bio-informatique, les équipements commandés à distance et les systèmes de nourrissage automatisés. La révolution numérique transforme également l’aquaculture en renforçant les liens entre les parties prenantes, en donnant accès aux connaissances et aux services, et en facilitant la collecte et l’analyse des données (encadré 16).
ENCADRÉ 16LA FAO ET LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE DE L’AQUACULTURE
La transformation numérique de l’aquaculture est un processus qui repose sur l’utilisation des technologies numériques tout au long du cycle de production pour améliorer les activités et créer de la valeur. Elle augmente la quantité de données collectées et leur qualité; en outre, le fait que des données soient disponibles tout au long du cycle facilite les analyses destinées à éclairer la prise de décisions en matière de gestion et de contrôle.
Les technologies numériques relient les exploitants, les fournisseurs d’intrants, les prestataires de services et les négociants, en renforçant et en accélérant les liaisons au sein des chaînes de valeur et en aplanissant de nombreuses difficultés rencontrées dans le secteur. Les technologies non agricoles – applications pour téléphones mobiles, informations en ligne et technologies de communications, plateformes de commerce électronique, réseaux de surveillance intelligents, détecteurs générateurs de données (internet des objets), analyse de mégadonnées, apprentissage automatique, intelligence artificielle, et systèmes de paiement numériques, par exemple – peuvent faciliter la commercialisation et réduire le coût des transactions.
Les technologies numériques peuvent également accélérer la transformation de l’aquaculture dans les pays en développement en supprimant les obstacles à la collecte, à la diffusion et à l’utilisation des données et des technologies. La transformation numérique de l’aquaculture nécessite un renforcement inclusif des capacités pour améliorer l’alphabétisation numérique et les compétences dans ce domaine, notamment parmi les jeunes professionnels. La Feuille de route de la FAO sur la transformation bleue définit des cibles en matière de gestion et de technologies innovatrices pour soutenir l’expansion et l’intensification de l’aquaculture en favorisant des mesures qui facilitent l’investissement dans les innovations dans le domaine du numérique, des technologies et de la gestion.
Cependant, l’utilisation des technologies numériques doit être réglementée de manière adéquate afin de limiter les éventuelles atteintes aux droits individuels et collectifs. La FAO ouvre la voie à la transformation numérique de l’aquaculture avec un large éventail d’initiatives. On peut notamment citer le projet Smart Aquaculture Biosecurity*, qui aide des pays dans le monde entier à mettre en œuvre une gouvernance et des pratiques optimales en matière de biosécurité au moyen d’outils numériques intelligents, et le Système mondial d’information sur les ressources génétiques aquatiques (AquaGRIS), qui collecte, valide, suit et restitue des informations à un niveau inférieur à celui de l’espèce (voir Approvisionnement en matériel de reproduction de qualité pour l’aquaculture, p. 132 et Vers des pratiques efficaces en matière de biosécurité et de lutte contre les maladies dans l’aquaculture, p. 139).
Amélioration de la gestion de l’aquaculture en Afrique grâce au numérique
Au cours des deux dernières décennies, l’aquaculture africaine est passée d’un modèle d’aquaculture de subsistance à une production commerciale à but lucratif. Cette transition nécessite un appui technique et la fourniture d’informations, d’intrants et de services en temps réel. Pour répondre aux besoins des aquaculteurs africains, l’Université Rhodes (Afrique du Sud) a élaboré la plateforme en ligne Buna Africa, qui vise à accompagner le développement et la gestion du secteur aquacole sur le continent. Sur cette plateforme, les aquaculteurs peuvent transmettre des données sur leur production, lesquelles sont nécessaires pour éclairer l’élaboration des politiques et établir les plans de gestion et de développement. La FAO contribue également au déploiement de la plateforme Buna Africa en Ouganda et au Rwanda, en apportant aux aquaculteurs un appui et des services techniques pour leur permettre d’augmenter leur production et leur efficience. Buna Africa est aussi un moyen pour les prestataires de services du secteur aquacole d’entrer en contact avec les aquaculteurs et les services publics, et d’effectuer un suivi des données relatives à la production dans leur domaine pour éclairer les décisions en matière de politiques et de gestion.
L’utilisation et le développement des plateformes et des applications numériques accélèrent la transformation de l’aquaculture dans ces pays en développement, en levant les obstacles qui entravent l’accès de toutes les parties prenantes aux technologies, en réduisant le coût des transactions, et en augmentant la disponibilité de données ainsi que leur qualité.

© FAO-GFCM/Claudia Amico
AQUACULTURE NUMÉRIQUE – SOURCES ET FLUX DE DONNÉES

SOURCE: D’après Lan, H.-Y., Ubina, N.A., Cheng, S.-C., Lin, S.-S. et Huang, C.-T. 2023. Digital Twin Architecture Evaluation for Intelligent Fish Farm Management Using Modified Analytic Hierarchy Process. Applied Sciences, 13: 141. https://doi.org/10.3390/app13010141
Les technologies d’avant-garde, telles que les systèmes de cages flottantes, submersibles ou amarrées à une plateforme, la télédétection et les machines commandées à distance, permettent de surmonter les difficultés que pose l’aquaculture en haute mer. Une étude menée par la FAO et les Émirats arabes unis réalise, au moyen d’un SIG, une analyse d’adéquation de sites en haute mer et dans les eaux littorales dans le cadre du déploiement d’une série de cages flottantes de diverses conceptions, en vue d’optimiser les systèmes aquacoles dans chaque configuration.
Les innovations technologiques améliorent la gestion des exploitations et permettent la mise en place et le renforcement de processus réglementaires et institutionnels qui encouragent la participation d’un large éventail de parties prenantes tout au long de la filière afin de promouvoir des systèmes aquacoles innovateurs en tant que solutions porteuses de durabilité. Au Chili, par exemple, une collaboration entre des organisations nationales et la FAO s’appuie sur un SIG dans le cadre de la planification spatiale marine et de la gouvernance des côtes.
Solutions en matière d’aliments aquacoles
Les innovations en matière d’aliments aquacoles ont joué un rôle essentiel en faveur d’une intensification et d’une expansion durables de l’aquaculture ces derniers temps. L’aquaculture avec apport de nourriture représente encore près des deux tiers des activités aquacoles au niveau mondial. De manière générale, les aliments constituent le principal poste de dépenses et peuvent représenter jusqu’à 70 pour cent du coût de revient. Pour une productivité optimale, il faut des aliments qui répondent aux besoins nutritionnels des espèces élevées et une utilisation appropriée de la gestion de l’alimentation sur le lieu d’exploitation.
Une part notable de la croissance de l’aquaculture est venue d’une meilleure compréhension des besoins nutritionnels des espèces d’élevage, qui a débouché sur une amélioration significative du taux moyen de conversion alimentaire (de 1,8-3 à 1,2-1,8) au cours des deux dernières décennies (Glencross et al., 2023).
Les aliments du commerce ont profité d’avancées technologiques importantes, la précision de la formulation garantissant des concentrations correctes d’acides aminés et de micronutriments, notamment de probiotiques et de prébiotiques, et ont permis d’améliorer la santé, le taux de survie et la croissance des espèces aquatiques d’élevage (Romano, 2020). Cependant, nombre de petits producteurs disposant de ressources limitées dépendent toujours d’aliments aquacoles qui sont produits à la ferme ou à une échelle semi-commerciale, sans directives suffisantes pour fabriquer des aliments durables et équilibrés sur le plan nutritionnel. La FAO élabore actuellement à l’intention des petits aquaculteurs un manuel de formation sur la production et la gestion des aliments aquacoles, l’objectif étant de favoriser une large application des bonnes pratiques de production d’aliments et de la gestion de l’alimentation sur le lieu d’exploitation.
Initiatives régionales relatives aux aliments aquacoles
Dans certaines régions, la formulation des aliments et la gestion de l’alimentation sur le lieu d’exploitation constituent des freins importants à l’expansion de l’aquaculture. La FAO a lancé des initiatives régionales pour évaluer les demandes des différents pays liées à l’aquaculture avec apport de nourriture et à l’amélioration de la gestion de l’alimentation. Elles visent notamment à accroître les connaissances dans les zones rurales sur l’utilisation optimale des ingrédients locaux (encadré 17). En décembre 2023, WorldFish et la FAO ont organisé un atelier d’experts sur les ingrédients locaux de substitution, l’approvisionnement en aliments aquacoles et la gestion de l’alimentation sur le lieu d’exploitation en Afrique. L’atelier a permis de mettre en évidence les problèmes propres aux différents pays et les besoins en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités. Il a en outre donné l’occasion d’encourager les échanges de connaissances et de présenter des innovations technologiques en matière d’aliments aquacoles. Au Turkménistan, le Ministère de l’agriculture et de la protection de l’environnement, le Ministère des finances et de l’économie et la FAO mènent un projet conjoint portant sur la chaîne de valeur des aliments aquacoles et la gestion de la santé des animaux aquatiques. Le projet vise à améliorer la qualité des aliments aquacoles dont disposent les exploitants, en mettant l’accent sur les aliments produits à la ferme.
ENCADRÉ 17ENSILAGE DE POISSON: UN INGRÉDIENT ALIMENTAIRE DE HAUTE QUALITÉ QUI SOUTIENT UNE ÉCONOMIE CIRCULAIRE À LA BARBADE
Le filetage de poisson génère des sous-produits, tels que des têtes, des viscères, des arêtes et des peaux, qui peuvent représenter jusqu’à 70 pour cent du poisson entier (en poids). Ces sous-produits sont très intéressants sur le plan nutritionnel et peuvent être transformés en ensilage de poisson – ingrédient alimentaire de grande valeur économique et nutritionnelle, qui est facilement digéré par les animaux terrestres et aquatiques – ou utilisés comme engrais pour la production végétale. Durant le processus d’ensilage, les enzymes digestives du poisson décomposent les protéines en acides aminés et en peptides. En général, un acide organique est ajouté directement ou indirectement aux fins de conservation du produit, ce qui permet de le stocker plus longtemps et a un effet bénéfique sur la santé intestinale et le système immunitaire des animaux d’élevage, en particulier dans des conditions microbiologiques défavorables (Olsen et Toppe, 2017). L’ensilage de poisson peut ainsi réduire l’utilisation d’antibiotiques tout en améliorant la croissance des animaux. Dans une alimentation à forte teneur en protéines végétales, les acides aminés libres et d’autres composés de l’ensilage de poisson ont révélé des propriétés d’attractif alimentaire fournissant une excellente source d’acides aminés essentiels (qui sont limités dans la plupart des ingrédients alimentaires d’origine végétale).
Outre les bienfaits nutritionnels démontrés, qui contribuent à une meilleure croissance des animaux, l’ensilage favorise une économie circulaire dans le secteur du poisson, et réduit les coûts tout en améliorant l’empreinte environnementale des activités. À la Barbade, par exemple, 3 000 tonnes de déchets de poisson sont produites chaque année, soit 8 tonnes jetées chaque jour (King, Ouadi et Cox, à paraître). Après confirmation par l’Institut de recherche et de développement agricoles des Caraïbes de l’innocuité des aliments à base d’ensilage de poisson, une étude sur la croissance des animaux d’élevage a été réalisée: on a constaté une meilleure prise de poids des jeunes lapins, et les aliments se sont révélés d’une plus grande efficacité que les rations commerciales habituelles.
En 2019, l’initiative de promotion de l’ensilage de poisson a été lancée pour favoriser une économie circulaire dans les petits États insulaires en développement (PEID) tels que la Barbade, qui se caractérisent par une rareté relative des terres, et où ces dernières font l’objet de nombreuses utilisations concurrentes. Moins il y a de terres domaniales allouées aux décharges, plus il y a de terres disponibles pour d’autres usages et plus l’empreinte environnementale du secteur est faible. Les activités de sensibilisation et de renforcement des capacités ont débouché sur la création d’une communauté nationale de l’ensilage de poisson, l’intégration de l’utilisation des déchets de poisson dans la Politique de la pêche 2022-2030, l’investissement de fonds privés par un transformateur de poisson dans le secteur des engrais et un vif intérêt de la part des pêcheuses et des jeunes exploitants. Il s’est avéré possible de produire un large éventail d’aliments à base d’ensilage de poisson dans un écosystème d’appui, avec un renforcement des ressources institutionnelles. Il a donc été envisagé de reconvertir une installation publique, qui sera destinée à répondre aux besoins de l’ensemble des éleveurs et, à terme, des aquaculteurs, grâce à la production d’aliments à base d’ensilage de poisson, et à remplir la fonction de centre de formation d’agriculteurs à l’échelle nationale et régionale.
Olsen, R.L. et Toppe, J. 2017. Fish silage hydrolysates: Not only a feed nutrient, but also a useful feed additive. Trends in Food Science and Technology, 66: 93–97. https://doi.org/10.1016/j.tifs.2017.06.003
Avancées concernant l’utilisation d’ingrédients de substitution
Les recherches actuelles sont axées sur les ingrédients protéiques et énergétiques de substitution, notamment d’origine locale, qui permettront de stimuler une croissance durable de l’aquaculture. Parmi les récentes avancées figure l’utilisation de plus en plus répandue d’ingrédients à base de plantes comme sources de protéines (Naylor et al., 2021) pour réduire la dépendance vis-à-vis du poisson capturé dans la nature, parallèlement à des compléments apportant des acides aminés, des acides gras et des minéraux en trace.
La FAO et ses partenaires encouragent l’utilisation d’ingrédients de substitution durables tels que les algues, les farines d’insectes, Artemia spp. et l’ensilage de poisson. Ces solutions de remplacement ont permis d’améliorer la performance et le rapport coût-efficacité de l’aquaculture et de l’élevage à la Barbade (encadré 18) et dans divers pays africains (encadré 39, p. 196).
ENCADRÉ 18LE NUMÉRIQUE À L’APPUI DU DÉVELOPPEMENT DE L’AQUACULTURE DANS LA COMMUNAUTÉ DES CARAÏBES
En 2021, la FAO a inauguré un projet de bibliothèque numérique de l’aquaculture pour faciliter les échanges d’informations et le recensement des possibilités et moyens de développer une aquaculture durable dans les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Le projet contribue aux efforts déployés par les pays en réunissant dans un même pôle numérique régional les informations sur l’aquaculture disponibles dans le domaine financier, le domaine technologique, le milieu de la recherche et les milieux universitaires. En 2022, le secteur aquacole était encore peu développé dans la région, quatre des pays membres (Belize, Guyana, Haïti et Jamaïque) représentant la majeure partie de la production aquacole régionale de 5 047 tonnes évaluée à 21,1 millions d’USD (voir la figure).
Le projet de bibliothèque numérique de l’aquaculture vise à renforcer le réseautage et le partage de connaissances et de meilleures pratiques entre les pays des Caraïbes – un besoin mis en évidence par le Mécanisme régional des pêches des Caraïbes durant l’examen régional de l’aquaculture en Amérique latine et dans les Caraïbes mené par la FAO en 2020. La coopération et l’échange d’informations au niveau régional ont en effet été considérés comme essentiels pour le développement de l’aquaculture dans la région au regard des lacunes reconnues en compétences techniques (Wurmann, Soto et Norambuena, 2021). Les autres problèmes comprenaient le manque d’infrastructures, des technologies inadaptées, des compétences inadéquates et un investissement insuffisant, autant de facteurs qui entravent un approvisionnement durable et abordable en aliments aquacoles et en matériel de reproduction.
Achevée en février 2022, la bibliothèque numérique de l’aquaculture met en relation les pays membres de la CARICOM et facilite avec un succès qui n’est plus à démontrer la formation et les échanges techniques sur les systèmes et les espèces aquacoles dans la région. Elle propose également aux entrepreneurs et aux pouvoirs publics une boîte à outils pour diversifier et développer les activités commerciales. La bibliothèque a été constituée à partir des informations collectées auprès de responsables, spécialistes, chercheurs et bailleurs de fonds dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture dans les 15 pays de la CARICOM. Toutes les informations ont été validées par les pays membres respectifs, qui ont chacun autorisé la publication des données détaillées les concernant.
La bibliothèque comprend deux composantes: premièrement, un registre téléchargeable de personnes et de centres des secteurs public et privé (décideurs, autorités de réglementation, dirigeants, chefs d’entreprise, bailleurs de fonds et spécialistes), publié sur les sites web de la FAO, du Mécanisme régional des pêches des Caraïbes et des pays*; deuxièmement, une liste de publications (comprenant des plans nationaux, des guides techniques, des fiches d’information et des publications à comité de lecture) qui donne un accès en ligne à la bibliothèque de l’aquaculture de la CARICOM contenant des copies numériques des publications Résumés des sciences aquatiques et halieutiques**.
La bibliothèque numérique de l’aquaculture ne cesse de s’étoffer, et vient ainsi renforcer le réseau d’aquaculture des Caraïbes, améliorer l’accès à des informations fiables et actualisées et augmenter les possibilités d’appuyer l’expansion durable du secteur. La FAO et les pays membres du Mécanisme régional des pêches des Caraïbes sont convenus d’un processus d’actualisation et de maintenance annuel afin que la bibliothèque continue de fournir des informations pertinentes et utiles.
Production aquacole en volume et en valeur dans les pays de la Communauté des Caraïbes, 2016-2022

SOURCE: FAO. 2024. FishStat: Production mondiale de l’aquaculture 1950-2022. [Consulté le 02 avril 2024]. Dans: FishStatJ. Disponible au lien suivant: www.fao.org/fishery/fr/statistics/software/fishstatj. Licence: CC-BY-4.0.
** Disponible à l’adresse suivante: www.fao.org/fishery/en/openasfa?page=1&f=collections%3D%22CARICOM%22#search.
SOURCES: FAO. 2022. Digital Aquaculture Library for the CARICOM Report. Annexes 4 et 8. Bureau sous-régional de la FAO pour les Caraïbes, Bridgetown.
Wurmann, C., Soto, D. et Norambuena, R. 2021. Regional Review on Status and Trends in Aquaculture Development in Latin America and the Caribbean – 2020. Circulaire de la FAO sur les pêches et l’aquaculture, n° 1232/3. FAO, Rome. https://doi.org/10.4060/cb7811en
L’importance des partenariats pour le développement d’une aquaculture durable
Le développement d’une aquaculture durable ne se fait pas en vase clos: pour optimiser la contribution du secteur aquacole à la réalisation de Programme de développement durable à l’horizon 2030, il faut des actions plus rapides et coordonnées de la part des décideurs politiques, des aquaculteurs et des associations d’aquaculteurs, des transformateurs d’aliments, des négociants, des chercheurs, des institutions internationales dans le domaine technique et dans celui du développement, et des experts techniques.
La FAO a conscience de la grande valeur des partenariats et invite les organisations intéressées qui souhaitent œuvrer ensemble à l’élimination de la faim et de toutes les formes de malnutrition à joindre leurs efforts et leurs ressources. De nombreux acteurs collaborent déjà au développement de l’aquaculture durable, tant directement qu’indirectement. Il existe un large consensus sur le fait qu’il conviendrait de renforcer les partenariats et les accords de coopération, de revitaliser les réseaux et de rationaliser les actions conjointes pour inverser la tendance en matière d’insécurité alimentaire et de malnutrition. Utilisant les objectifs de développement durable (ODD) comme cadre et vision commune pour la collaboration, la FAO travaille avec les pouvoirs publics, les universités, la société civile, le secteur privé, les centres de recherche, les coopératives aquacoles et d’autres partenaires pour accélérer l’innovation, favoriser les échanges de technologies et d’expériences et renforcer les capacités dans l’ensemble du secteur.
La FAO s’efforce d’apparier les besoins et les capacités des institutions partenaires et d’apporter des avantages à ses membres au moyen de divers mécanismes tels que la coopération Sud-Sud et la collaboration avec le secteur privé et la société civile. Le partenariat le plus évident est celui avec les membres de la FAO eux-mêmes, et l’Organisation collabore avec eux de multiples façons, notamment par l’intermédiaire du Comité des pêches et de ses sous-comités de l’aquaculture et du commerce du poisson. L’objet du Sous-Comité de l’aquaculture est d’offrir un lieu de concertation et d’orientation; il recommande, entre autres, des actions internationales pour répondre aux besoins de l’aquaculture en matière de développement et donne des conseils sur le renforcement de la collaboration internationale en vue d’aider les pays en développement à mettre en œuvre le Code de conduite pour une pêche responsable. À sa dernière session, en 2023, il a insisté sur le fait qu’il était important que la FAO s’intéresse à l’ensemble des plateformes et des partenariats susceptibles d’appuyer la mise en œuvre des Directives pour une aquaculture durable (FAO, 2023c).
La collaboration avec les organes régionaux des pêches (ORP) et les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) est l’un des autres grands piliers des partenariats (encadré 19). La FAO a activement soutenu la création de réseaux régionaux d’aquaculture tels que le Réseau de centres d’aquaculture pour la région Asie et Pacifique, le Réseau de centres d’aquaculture d’Europe centrale et orientale et le Réseau aquacole régional pour l’Afrique. Les réseaux régionaux d’aquaculture peuvent englober des établissements universitaires et des organisations de producteurs. Pour renforcer sa collaboration avec les premiers, la FAO a signé des protocoles d’accord avec de nombreuses institutions dans le monde, notamment le Centre pour l’aquaculture écologique de l’Université océanique de Shanghai, l’Université polytechnique de Valence, la Commission nationale mexicaine de l’aquaculture et de la pêche, l’Académie chinoise des sciences halieutiques et l’Université d’État du Mississippi. Ces collaborations mettent en relation les acteurs qui mènent des recherches dans l’aquaculture avec les producteurs et les agents de vulgarisation. Et, point important, elles permettent à la FAO de partager sa propre expérience du terrain avec les milieux universitaires. Pour plus d’informations sur les travaux menés par la FAO avec des établissements universitaires dans le cadre du Partenariat mondial en faveur de l’aquaculture durable, voir l’encadré 13, p. 142 et l’encadré 20.
ENCADRÉ 19DES CENTRES DE DÉMONSTRATION AQUACOLE POUR ACCÉLÉRER LA TRANSFORMATION BLEUE DANS LA RÉGION DE LA MÉDITERRANÉE ET DE LA MER NOIRE
L’aquaculture est un secteur dynamique et en pleine croissance dans la région de la Méditerranée et de la mer Noire. Avec plus de 35 000 fermes, qui ont produit en 2021 quelque 3,3 millions de tonnes* de produits alimentaires aquatiques et qui emploient directement près de 350 000 personnes dans la région, ce secteur apporte une contribution importante à la sécurité alimentaire, à l’emploi et au développement économique, concourant ainsi à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies, et ouvre des perspectives intéressantes d’accroissement de la production d’aliments d’origine aquatique et de réduction de la pression exercée sur les stocks de poissons sauvages.
Le renforcement du secteur et des avantages qu’il procure sont l’une des priorités de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM) de la FAO, une organisation régionale de gestion des pêches créée en vertu de l’article XIV de l’Acte constitutif de la FAO avec pour mandat le développement durable des pêches et de l’aquaculture. Dans le cadre de sa Stratégie 2030 pour une pêche et une aquaculture durables en Méditerranée et en mer Noire**, la CGPM s’attache à mettre en œuvre la transformation bleue dans la région en développant un secteur aquacole durable qui soit productif, rentable, respectueux de l’environnement et compétitif sur les marchés mondiaux.
Les centres de démonstration aquacole jouent le rôle de pôles d’accélération de la transformation bleue en facilitant l’innovation, le partage des connaissances, l’adoption de pratiques optimales, la coopération technique et le renforcement des capacités des parties prenantes. Plus précisément, ils s’emploient à:
- encourager la recherche scientifique et l’innovation;
- assurer un appui technique et technologique sur le terrain;
- démontrer les meilleures pratiques de production d’aliments d’origine aquatique;
- développer la formation et accroître les compétences des parties prenantes, en attachant une attention prioritaire aux femmes, aux jeunes et aux petits exploitants;
- favoriser une collaboration et des partenariats plus étroits.
Les centres de démonstration aquacole sont ouverts à l’ensemble des parties prenantes du secteur; répartis dans différents endroits en Méditerranée et en mer Noire, ces unités techniques sont adaptées aux caractéristiques de chaque sous-région. Trois centres de démonstration aquacole sont actuellement actifs, en Égypte, en Roumanie et en Türkiye, respectivement, et un quatrième devrait ouvrir prochainement en Tunisie.
Deux de ces centres ont été créés en mer Noire: l’Institut national pour la recherche et le développement marin «Grigore Antipa» à Constanta (Roumanie), pour les mollusques et crustacés, et l’Institut central de recherche sur la pêche, à Trébizonde (Türkiye), pour les poissons. Constatant leurs bons résultats (formation de plus de 4 000 personnes et mise sur pied de projets innovateurs), et en réponse aux demandes formulées par ses pays membres, la CGPM a créé en 2023 le premier centre de démonstration aquacole méditerranéen à Alexandrie (Égypte), consacré à l’aquaculture en eau saumâtre, avec l’appui du projet de développement de l’aquaculture marine en Égypte (Marine Aquaculture Development in Egypt – MADE II) du Ministère de l’agriculture et de la bonification des terres. Le quatrième centre de démonstration aquacole qui est actuellement mis en place en Tunisie sera consacré à l’élevage en cages en mer ouverte et à la surveillance de l’environnement.
** Voir: www.fao.org/3/cb7562fr/cb7562fr.pdf.
ENCADRÉ 20PARTENARIAT MONDIAL EN FAVEUR DE L’AQUACULTURE DURABLE
Le Partenariat mondial en faveur de l’aquaculture durable est une plateforme fondée sur le volontariat qui réunit un large éventail d’acteurs du secteur de l’aquaculture. Il a été créé pour renforcer la base scientifique qui étaye l’aquaculture, encourager une innovation permanente et exploiter pleinement le potentiel de l’aquaculture afin de contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable. Il a notamment pour fonctions: 1) d’offrir une plateforme mondiale d’échange sur les questions clés et les enjeux, les innovations et les résultats s’agissant du développement du secteur de l’aquaculture, aux fins de l’élaboration de solutions pour répondre aux problèmes et aux défis liés à la durabilité à long terme; 2) de favoriser l’innovation aquacole et les progrès dans les domaines de la science, de la technologie, des systèmes de production et des pratiques grâce à une vaste collaboration et des échanges intensifs; 3) de fournir des conseils stratégiques, d’assurer une assistance technique et d’offrir des prestations de groupe de réflexion à la demande des bénéficiaires, y compris, mais sans s’y limiter, des gouvernements nationaux, des entreprises et d’autres entités, pour œuvrer en faveur de la durabilité de l’aquaculture; 4) de promouvoir et de diffuser les pratiques durables et les approches fructueuses de développement de systèmes et de technologies aquacoles diversifiés à travers les pays et les continents; 5) de servir de plateforme multipartite pour promouvoir l’aquaculture au niveau mondial et renforcer le dialogue avec le public; et 6) de favoriser un partenariat inclusif et des mécanismes de coopération avec la communauté internationale.
Le Partenariat mondial en faveur de l’aquaculture durable a été créé en 2022, et ses membres ont déjà mis en route des travaux concrets. On peut citer comme exemples une étude de faisabilité menée dans le cadre d’une collaboration entre des pisciculteurs et l’Université d’Ibadan sur l’utilisation de larves de mouche soldat noire comme aliment de substitution pour le poisson-chat au Nigéria, en réponse à la nécessité pour les exploitants de réduire les coûts liés à l’alimentation; la production de crevettes de salines (Artemia spp.), en tant que biomasse destinée à une consommation humaine directe, pour améliorer la nutrition des familles rurales en République démocratique populaire lao; et une collaboration universitaire interrégionale en Afrique du Sud qui a permis aux institutions locales de collecter des données en vue d’évaluer, de manière transparente et à partir d’éléments factuels, l’adéquation de l’aquaponie. Enfin, des dialogues sur les politiques en matière d’algoculture organisés avec 44 pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie ont réuni les principaux acteurs du secteur afin de favoriser la coopération internationale et les initiatives de renforcement des capacités visant à combler les lacunes dans les politiques et à élaborer ou renforcer des stratégies nationales.
La FAO a en outre déployé des stratégies spécifiques de renforcement de la collaboration avec le secteur privé et les organisations de la société civile pour favoriser un développement durable de l’aquaculture à l’appui de la réalisation des ODD. Ces partenariats ont vu le jour en 2021 lors de la Conférence mondiale sur l’aquaculture – Millénaire+20 de la FAO et du Réseau de centres d’aquaculture pour la région Asie et Pacifique, qui a réuni de nombreuses parties prenantes venues du monde entier. La Conférence a permis de recueillir une grande quantité d’informations auprès de l’ensemble des parties prenantes et d’en faire la synthèse pour élaborer des examens régionaux et thématiques de l’aquaculture. La Conférence et ses résultats ont procuré les informations scientifiques et techniques les plus récentes et les plus pertinentes, lesquelles ont alimenté les débats des membres de la FAO, notamment dans le cadre de l’élaboration des Directives de la FAO pour une aquaculture durable, approuvées sur le plan technique lors de la 12e session du Sous-Comité de l’aquaculture (FAO, 2023c) (voir Progrès accomplis dans l’élaboration des Directives de la FAO pour une aquaculture durable, p. 130. Cet exemple montre comment la FAO, dans le cadre de sa collaboration avec ses partenaires, favorise un processus mondial de consultation et renforce la collaboration internationale à l’appui d’un développement durable de l’aquaculture, en particulier dans les pays en développement (encadré 21).
ENCADRÉ 21TAWI-TAWI EN ROUTE VERS L’ALGOCULTURE DURABLE
Les nomades marins Sama Dilaut vivent sur les îles de la mer de Sulu, au large de la côte sud-ouest des Philippines. Imilita Mawaldani Hikanti appartient à cette communauté autochtone reconnue à travers l’histoire pour ses exceptionnelles compétences en matière de navigation, de pêche et de plongée à la perle. La communauté contribuait autrefois de manière cruciale aux économies côtières et au commerce régional. Cependant, elle est confrontée aujourd’hui à des défis majeurs – déplacements, dégradation de l’environnement et mise en péril de son patrimoine culturel, notamment – qui accentuent la pauvreté et la marginalisation de nombre de ses membres.
Imilita, mère de 12 enfants (dont deux décédés très jeunes), vit à Barangay Balimbing, dans la capitale Panglima Sugala de la province de Tawi-Tawi. Elle et son mari ont cultivé des algues marines pendant toute leur existence, et vivent dans une maison sur pilotis dans la communauté de Pondohan. Ils n’ont eu que peu accès à l’éducation du fait des contraintes financières et de l’éloignement des écoles.
L’île de Tawi-Tawi est un pilier du secteur de l’algoculture à l’échelle nationale et mondiale. La municipalité de Sitangkai contribue de manière essentielle à la promotion de la culture d’Eucheuma depuis les années 1970, période où un premier système de production familial a été mis en place dans le cadre d’un partenariat entre les Philippines et l’Université d’Hawaii.
La culture d’Eucheuma a prospéré à Sitangkai, stimulant l’économie locale. En 1987, la municipalité était le principal pôle de production d’Eucheuma aux Philippines; jouant un rôle crucial dans l’accroissement des exportations d’algues marines, elle est devenue la plus importante source de recettes en devises de l’aquaculture.
À Tawi-Tawi, l’algoculture est plus qu’un secteur d’activité – c’est un mode de vie qui rassemble quelque 80 pour cent de la population. Chaque année, elle est célébrée dans le cadre du festival Agal-Agal, qui témoigne de l’importance culturelle et économique des algues marines pour la société.
Comme beaucoup d’autres, Imilita et son mari ont acquis des compétences dans l’algoculture sans avoir suivi de formation structurée, en utilisant des méthodes désormais considérées comme traditionnelles sur l’île. C’est leur principale source de revenus, qui leur permet de satisfaire leurs besoins vitaux, mais pas de financer l’éducation de leurs enfants. De plus, le secteur fait face à de nombreuses difficultés: la maladie «ice-ice», des pratiques aquacoles inadéquates, un manque de soutien financier, l’absence de débouchés, la diminution de la qualité de la carraghénane extraite des algues marines, et même des menaces liées aux animaux marins.
Devant ces difficultés, la FAO, l’Organisation internationale pour les migrations et le Centre du commerce international ont lancé un projet collaboratif financé par l’Union européenne à Tawi-Tawi – le projet pour les entreprises agroalimentaires de Bangsamoro – dans le but d’améliorer la production, les chaînes de valeur et les possibilités de commercialisation des algues marines. Le projet assure un renforcement des capacités et une assistance technique, crée des entreprises à vocation sociale pour améliorer les conditions socioéconomiques et accroître la résilience face au changement climatique et aux conflits, et contribue au développement durable de la région autonome de Bangsamoro en Mindanao musulmane. Il appuie en outre la formation à la culture et au traitement post-récolte durables d’algues marines par l’intermédiaire d’écoles pratiques d’agriculture, en mettant en place des pépinières d’algues marines et des installations de traitement, en facilitant l’établissement de liens avec les marchés, en promouvant des méthodes durables et en associant la communauté aux activités pour renforcer les avantages sociaux et économiques.
Ce projet ouvre à Imilita et à sa communauté de nouvelles possibilités d’améliorer leurs moyens d’existence et de relever les défis de l’algoculture moderne, en contribuant à offrir un avenir plus durable et économiquement viable pour la population de Tawi-Tawi.

© FAO/Rhadem Musawah Morados

© FAO/Rhadem Musawah Morados
Les partenariats sont une nécessité pour réaliser les ODD et développer l’aquaculture durable dans le cadre d’une coopération mondiale et régionale efficace – l’une des principales cibles de la Feuille de route de la FAO sur la transformation bleue (FAO, 2022a). La FAO s’emploie à rassembler les parties prenantes disparates de l’ensemble du secteur et des domaines connexes, car ce n’est qu’en étant unie autour d’une vision commune de son développement que l’aquaculture pourra apporter sa pleine contribution au Programme 2030 et opérer la transformation bleue au rythme et à l’échelle nécessaires.
- ag Voir: www.fao.org/3/ca7972en/ca7972en.pdf (en anglais).
- ah Il convient de considérer au moins trois aspects s’agissant de la qualité du matériel de reproduction: dimension génétique (intégrité des organismes d’élevage et niveau d’amélioration génétique); absence de maladie; et taux de survie (Shikuku, Ochenje et Muthini, 2021).
- ai Pour plus d’informations, voir: www.fao.org/antimicrobial-resistance/resources/tools/fao-pmp-amr/fr
- aj Pour plus d’informations, voir: www.fao.org/3/cc5771en/cc5771en.pdf (en anglais).