Introduction
Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (ONU, 2015) reconnaît le rôle essentiel que les systèmes agroalimentaires jouent dans la lutte contre la faim et l’insécurité alimentaire et dans la réduction de la pauvreté (FAO, 2024a). L’année 2022 a marqué l’arrivée à mi-parcours de ce programme avec une déclaration alarmante de l’Assemblée générale des Nations Unies selon laquelle, à ce stade, les progrès accomplis pour la plupart des ODD sont soit bien trop lents, soit en régression par rapport au niveau de référence de 2015x. Les avancées réalisées en ce qui concerne les systèmes agroalimentaires restent insuffisantes et il est urgent d’accélérer les transformations requises, si l’on veut relever les nombreux défis du Programme 2030 (ONU, 2020).
Les objectifs de développement durable (ODD) sont devenus un élément central du Cadre stratégique de la FAO pour 2022-2031 (FAO, 2024b) et de la Feuille de route sur la transformation bleue qui définit les objectifs clés, les résultats, les actions prioritaires à mener et les cibles à atteindre pour transformer les systèmes alimentaires aquatiques (voir Une Feuille de route sur la transformation bleue, p. 127). La transformation bleue engage pleinement la FAO à aider ses membres et d’autres acteurs à atteindre plusieurs cibles des ODD, en particulier celles de l’ODD 14 (Vie aquatique) relatives aux pêches et à l’aquaculture, mesurant les progrès et rendant compte de ces derniers au moyen du cadre des indicateurs des ODD (FAO, 2022b). La FAO est responsable de quatre indicateurs de l’ODD 14 (14.4.1, 14.6.1, 14.7.1, 14.b.1). Le tableau 12 résume la participation des pays aux appels de la FAO à communiquer des informations pour la période 2018-2024.
TABLEAU 12NOMBRE DE PAYS ET TERRITOIRES INVITÉS À COMMUNIQUER DES DONNÉES POUR LES INDICATEURS ODD 14.4.1, 14.6.1 ET 14.B.1 ET NOMBRE DE PAYS ET TERRITOIRES L’AYANT FAIT

* Les pays n’ayant pas validé leur note pour l’indicateur ou ayant été considérés comme «sans objet» n’ont pas été inclus dans le nombre total de pays ayant communiqué des données.
SOURCE: Nombre de pays ayant communiqué des données pour les indicateurs 14.4.1, 14.6.1 et 14.b.1: Division de statistique de l’ONU. 2024. Base de données des indicateurs des ODD. [Consulté le 1er juin 2024]. https://unstats.un.org/sdgs
Quantifier les stocks de poissons dont le niveau est biologiquement viable: indicateur 14.4.1
La cible 14.4 des ODD vise à ramener 100 pour cent des stocks halieutiques à des niveaux biologiquement viables d’ici à 2020. La dernière évaluation de l’état mondial et régional des ressources halieutiques (FAO, 2024c) (voir Situation des ressources halieutiques, p. 44) confirme que cette cible n’a pas été atteinte (ONU, 2020). Les résultats contenus dans les rapports nationaux sur l’indicateur 14.4.1 en témoignenty.
La FAO a lancé deux appels (en 2019-2020 et 2022-2023) sous forme de questionnaires devant permettre aux pays de communiquer des informations de manière harmonisée et cohérente au sujet de l’indicateur 14.4.1 (Division de statistique de l’ONU, 2024a). Sur les 157 pays membres de la FAO dotés d’un littoral et 23 de leurs territoires, 48 ont transmis des données une fois, 69 l’ont fait deux fois et 63 ne l’ont pas fait. Leur participation est passée de 87 en 2019-2020 à 99 en 2022-2023 (tableau 12). Ces 99 rapports nationaux ont été examinés par la FAO à des fins d'évaluation de la qualité et de validation (FAO, 2022b). Les rapports de 46 pays ont atteint le premier et le deuxième niveau d'évaluation de la qualité, ce qui représente une augmentation de 48,4 pour cent par rapport à 2019, où l’on recensait 31 rapports de haute qualité. Trente-trois pays n’ont atteint que le premier niveau, soit une baisse de 10,8 pour cent par rapport à 2019, et 20 n’ont pas atteint le premier niveau, contre 19 en 2019. Enfin, neuf pays ont admis être intéressés, mais n’ont pu pas fournir de rapport en raison d’un manque de données.
Bien que ces améliorations quantitatives et qualitatives des rapports de pays traduisent une évolution positive des pratiques de suivi (encadré 7, p. 109), nombre des difficultés rencontrées dans le cadre de l’appel 2019-2020 demeurent, les pays étant entravés par une capacité limitée à remédier efficacement aux lacunes observées dans la collecte et la gestion des données relatives aux pêches, en plus d’une mauvaise coordination des organismes participant au processus de communication d’informations. L’action menée par la FAO pour renforcer les capacités des pays (FAO, 2022b) a aidé à accroître le nombre de rapports et à améliorer la qualité des réponses (figure 51a). Bien que ces évolutions soient encourageantes, il faudrait que les indicateurs fassent l’objet de rapports plus fréquents de la part des pays pour qu’ils puissent se stabiliser. L’Organisation s’appuiera sur cette expérience pour renforcer son soutien aux pays, en particulier aux pays en développement, en assurant une convergence progressive entre les rapports nationaux relatifs aux ODD et l’indice FAO de l’état des stocks (voir Faire évoluer la méthode d’évaluation de l’état des stocks de poissons marins, p. 169).
ENCADRÉ 7ANALYSE RÉGIONALE DES COMMUNICATIONS RELATIVES À L'INDICATEUR 14.4.1 DES ODD
L’indicateur 14.4.1 des objectifs de développement durable mesure le pourcentage de stocks halieutiques qui se situent à des niveaux biologiquement viables. Entre les appels à rendre compte de l’indicateur 14.4.1 lancés en 2019 et en 2022, les données montrent un taux de déclaration égal ou en augmentation par région, avec l'Océanie (à la traîne) qui enregistre une importante augmentation de son taux suite à la participation en 2022 de quatre petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique. L’exception est l’Afrique subsaharienne, qui a enregistré un taux de déclaration plus bas en 2022 et une très faible récurrence des pays déclarants entre les deux appels (figure A). Le nombre de questionnaires de haute qualité (niveau 2) a augmenté dans la plupart des régions, les améliorations les plus importantes étant observées en Europe et en Amérique du Nord, en Amérique latine et aux Caraïbes, en Asie de l’Est et du Sud-Est, suivies par l’Afrique du Nord et l’Asie de l’Ouest, et enfin par l’Asie centrale et l’Asie du Sud. Le nombre de questionnaires de haute qualité est resté inchangé en Océanie et a légèrement baissé en Afrique subsaharienne (Figure B). La qualité générale des questionnaires communiqués (autrement dit les questionnaires qui ont obtenu le niveau 1 et 2) a augmenté entre 2019 et 2022 dans la plupart des régions; les hausses les plus importantes ont été enregistrées en Océanie, en Afrique du Nord et en Asie de l’Ouest, en Europe et en Amérique du Nord, suivies par l’Asie de l’Est et du Sud-Est, et de l’Amérique latine et les Caraïbes.
FIGURE AINDICATEUR 14.4.1 DES ODD – TAUX DE COMMUNICATION D’INFORMATIONS AU NIVEAU NATIONAL, PAR RÉGION DES ODD, DANS LE CADRE DES APPELS DE 2019 ET 2022

SOURCES: Pour le graphique en anneaux: Division de statistique de l’ONU. 2024. Base de données des indicateurs des ODD. [Consulté le 1er juin 2024]. https://unstats.un.org/sdgs/.
Pour la carte des régions ODD: Division de statistique de l’ONU. 2024. Indicateurs des ODD. Groupes régionaux utilisés dans l’annexe Rapports et statistiques. Dans: Nations Unies. New York (États-Unis). [Consulté le 19 avril 2024]. https://unstats.un.org/sdgs/indicators/regional-groups/.
FIGURE BINDICATEUR 14.4.1 DES ODD – NOTES ET NIVEAUX DE QUALITÉ DES INFORMATIONS COMMUNIQUÉES PAR LES PAYS DANS LE CADRE DES APPELS DE 2019 ET 2022

SOURCES: Pour le diagramme en barres: Division de statistique de l’ONU. (à paraître). Base de données des indicateurs des ODD. https://unstats.un.org/sdgs
Pour la carte des régions des ODD: Division de statistique de l’ONU. 2024. Indicateurs des ODD. Groupes régionaux utilisés dans l’annexe Rapports et statistiques. Dans: Nations Unies. New York (États-Unis). [Consulté le 19 avril 2024]. https://unstats.un.org/sdgs/indicators/regional-groups
L’analyse a également montré une légère amélioration dans les indicateurs nationaux en moyenne dans la plupart des régions entre 2019 et 2022, à l’exception de l’Afrique du Nord et de l’Asie de l’Ouest, ainsi que de l’Océanie.
Ces résultats montrent clairement les difficultés que rencontrent les régions en développement pour rendre compte de l’indicateur 14.4.1. Malgré ces difficultés, l’amélioration des réponses des pays témoigne de leur intérêt pour cet indicateur. Les progrès réalisés depuis 2019 reflètent également l’impact de l’action menée par la FAO en matière de renforcement des capacités (FAO, 2023; voir figure 51A). Entre la fin de 2019 et le début de 2022, huit ateliers régionaux bénéficiant à plus de 600 participants de 96 pays ont permis de mieux connaître le processus et les outils d’analyse et de communication de l’indicateur 14.4.1. Ces ateliers ont été complétés par des services d’appui et des ressources, y compris l’environnement de recherche en ligne, outil qui doit faciliter le soutien communautaire sur internet, un cours en ligne portant spécifiquement sur l’indicateur 14.4.1*, des boîtes à outils pour la formation à la collecte de données et à la surveillance des stocks, ainsi qu’une assistance directe aux pays en matière de communication de données.
SOURCE: FAO. 2023. Évaluation de la contribution de la FAO à la vie aquatique (ODD 14). Cent trente-septième session du Comité du Programme, Rome, 6-10 novembre 2023. Rome. https://openknowledge.fao.org/server/api/core/bitstreams/248e6c74-99cc-4581-ae7c-0aca44d2e405/content
FIGURE 51AACTIVITÉS DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE LA FAO ET NOTES D'ÉVALUATION DE LA QUALITÉ LES PLUS RÉCENTES (INDICATEUR 14.4.1 DES ODD)

* Le niveau de l'évaluation de la qualité le plus récent relatif au questionnaire sur l’indicateur 14.4.1 pour 2019-2022.
** Nombre d’activités de renforcement des capacités de la FAO relatives à l’indicateur 14.4.1 dont a bénéficié un même pays entre 2019 et 2022.
SOURCES: Pour les notes d'évaluation de la qualité: Division de statistique de l’ONU. (à paraître). Base de données des indicateurs des ODD. https://unstats.un.org/sdgs
Pour le nombre d’activités de renforcement des capacités: calculs de la FAO.
Évaluation du degré de mise en œuvre des instruments internationaux de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée: indicateur 14.6.1
L’indicateur 14.6.1 mesure le degré de mise en œuvre, par les États, de six instruments internationaux de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INDNR) (Division de statistique de l’ONU, 2024b) en notant leurs réponses au questionnaire de suivi de la mise en œuvre du Code de conduite pour une pêche responsable et des instruments connexes sur une échelle de 1 (note la plus faible) à 5 (note la plus élevée) (FAO, 2020). La note moyenne pour la mise en œuvre des six instruments par les États est passée de 3 en 2018 à 4 en 2022, et s’est maintenue tout au long de 2024 (figure 52, p. 113): le pourcentage d’États ayant obtenu la note de 5 est passé de 48 pour cent en 2018 à 56 pour cent en 2022 et 2024. Pour cet indicateur, 101 États ont communiqué des informations en 2024, contre 90 États en 2022, ce qui permet d’obtenir des chiffres plus représentatifs au niveau mondial et pour certaines régions (tableau 12) (FAO, 2024d).
Les principaux faits nouveaux relatifs à l’indicateur 14.6.1 ont découlé de l’adoption, en 2022, des Directives volontaires de la FAO sur le transbordement (encadré 22, p. 158), de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les subventions à la pêche (voir Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche, durabilité des stocks de poissons et rôle de la FAO, p. 180) et du lancement, en 2023, du Système mondial d’échange d’information (GIES), qui permet aux États de partager des renseignements sur la conformité des navires de pêche (voir État d’avancement de l’application de l’Accord de la FAO relatif aux mesures du ressort de l’État du port, p. 156). Ces instruments ont permis de renforcer l’action menée à l’échelle internationale contre la pêche INDNR. Le Programme mondial de renforcement des capacités mis en œuvre par la FAO (figure 51b) a étendu son assistance technique pour aider les États, y compris les petits États insulaires en développement (PEID), à améliorer leur communication d’informations relatives à l’indicateur 14.6.1 et à mettre en place des activités, des formations et des échanges électroniques de renseignements en matière de législation et de politiques, de suivi, de contrôle et de surveillance.
FIGURE 51B ACTIVITÉS DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS MENÉES DANS LE CADRE DU PROGRAMME MONDIAL DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE LA FAO AU TITRE DE L’ACCORD RELATIF AUX MESURES DU RESSORT DE L’ÉTAT DU PORT ENTRE 2018 ET 2024

* Total des activités de renforcement des capacités menées dans les pays de chaque région des ODD, par type.
SOURCE: calculs de la FAO.
FIGURE 52PROGRÈS ACCOMPLIS DANS LE DEGRÉ DE MISE EN ŒUVRE DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX DE LUTTE CONTRE LA PÊCHE INDNR PAR RÉGION, 2018-2024 (INDICATEUR 14.6.1 DES ODD)

* Nombre d’États déclarants insuffisant pour créer une note agrégée relative à ce groupe régional en 2022.
SOURCE: Pour les données du diagramme en barres: Division de statistique de l’ONU. (à paraître). Base de données des indicateurs des ODD. https://unstats.un.org/sdgs
Suivi des pêches durables en tant que facteur de changement économique: indicateur 14.7.1
Les pêches et l’aquaculture peuvent être des facteurs de développement économique, de sécurité alimentaire et d’amélioration des moyens d’existence. Ce secteur a connu une croissance constante ces dix dernières années, avec une augmentation de 38 pour cent de sa valeur ajoutée entre 2011 et 2021 (Division de statistique de l’ONU, 2024c).
Pendant cette période, l’indicateur 14.7.1, qui mesure la valeur des pêches durables en pourcentage du PIB national (Division de statistique de l’ONU, 2024d), a connu un recul progressif. Les chiffres indiquent que cette valeur représentait 0,092 pour cent du PIB mondial en 2021, contre 0,097 pour cent en 2019 et 0,11 pour cent en 2011 (FAO, 2024e). Certains facteurs de ce changement sont exogènes, comme la croissance d’autres secteurs de l’économie entraînant une réduction de l’importance relative des secteurs primaires, y compris la pêche, dans les économies nationales. D’autres sont endogènes, comme la diminution de la durabilité des stocks dans certaines des principales zones de pêche de la FAO qui contribue à réduire les multiplicateurs de durabilité pour un certain nombre de pêcheries.
Les pêches mondiales se distinguent par leur contexte spécifique et sont étroitement liées puisque, de fait, le commerce, les écosystèmes partagés et la nature transfrontière de nombreux stocks forment un réseau complexe. Il importe donc de tenir compte non seulement de l’évolution mondiale de l’indicateur, mais aussi des contextes nationaux et régionaux dans lesquels s’inscrivent ces chiffres. Malgré un recul marginal observé au niveau mondial, les pêches et l’aquaculture restent essentielles pour de nombreuses économies du monde, en particulier pour celles des pays les moins avancés (PMA), où leur contribution au PIB est nettement supérieure à la moyenne mondiale (figure 53). En Afrique subsaharienne, la contribution des pêches durables au PIB régional a augmenté, passant de 0,27 pour cent en 2011 à 0,42 pour cent en 2021. De même, dans les PEID, cette contribution est passée de 0,46 pour cent en 2019 à 0,51 pour cent en 2021. Dans les PEID du Pacifique, qui figurent parmi les pays qui dépendent le plus de la pêche dans le monde, le pourcentage des pêches durables dans leur PIB passer de 1,54 pour cent en 2019 à 1,63 pour cent en 2021. Cette croissance met en évidence le potentiel de ce secteur pour favoriser le développement économique, notamment dans les PMA, malgré les problèmes de rendements décroissants qu’il rencontre dans d’autres régions du monde.
FIGURE 53VALEUR DES PÊCHES DURABLES EN POURCENTAGE DU PIB DES PAYS, PAR RÉGION OU GROUPE DES ODD (INDICATEUR 14.7.1 DES ODD)

SOURCE: Pour les données du diagramme en barres: Division de statistique de l’ONU. 2024. Base de données des indicateurs des ODD. [Consulté le 1er juin 2024]. https://unstats.un.org/sdgs
Le cadre existant d’évaluation de l’indicateur 14.7.1 (FAO, 2020) constitue une référence mondiale pour l’analyse du secteur, tout en visant une amélioration progressive de la méthodologie et l’élaboration d’indicateurs parallèles, selon les besoins. L’encadré 8 présente un exemple d’amélioration de la communication d’informations relatives à la durabilité et des liens qui existent entre les indicateurs 14.4.1 et 14.7.1.
ENCADRÉ 8AMÉLIORER LA COMMUNICATION D’INFORMATIONS SUR LA DURABILITÉ ET RENFORCER LES LIENS ENTRE LES ODD: INTÉGRATION DE L’INDICATEUR 14.4.1 À L’INDICATEUR 14.7.1
Du fait de leur caractère interdépendant, les ODD sont indivisibles, les progrès réalisés dans un domaine ayant une incidence sur ceux réalisés dans d’autres. On y met aussi fortement l’accent sur l’adoption d’approches intégrées, les résultats d’indicateurs connexes étant évalués conjointement dans la mesure du possible pour que l’on puisse analyser complètement les effets et les arbitrages à prévoir entre différentes modalités de développement.
En ce qui concerne l’ODD 14 (Vie aquatique), la dépendance mutuelle entre les pêches, la durabilité biologique des stocks et la viabilité économique du secteur est reconnue depuis longtemps dans les cadres de développement. Les progrès réalisés dans le renforcement des capacités en matière de communication d’informations sur des indicateurs de durabilité tels que l’indicateur 14.4.1 permettent d’examiner plus avant l’intégration de ces indicateurs dans d’autres mesures internationales, en particulier dans des indicateurs tels que l’indicateur 14.7.1, qui visent déjà l’adoption d’une approche intégrée tenant compte de la durabilité économique et biologique.
La méthode utilisée actuellement pour estimer l’indicateur 14.7.1 permet d’évaluer, à l’échelle internationale, la valeur économique de la pêche durable, en ajustant les dividendes du secteur en fonction de la durabilité biologique des stocks halieutiques à l’aide d’un multiplicateur. Cet ajustement se fonde actuellement sur l’état des stocks régionaux par grande zone de pêche de la FAO, qui fournit une évaluation représentative des stocks halieutiques. Les travaux en cours dans le cadre de l’indicateur 14.4.1 permettent d’améliorer l’évaluation périodique des stocks halieutiques non seulement en accroissant la qualité des données, mais aussi en permettant une surveillance internationale harmonisée au niveau national. Cette évolution, qui permet d’obtenir une plus grande granularité des données sur l’état des stocks, pourrait aider à estimer la durabilité de la pêche de capture marine et le multiplicateur de viabilité des stocks utilisé dans l’indicateur 14.7.1.
Il faudrait, pour rationaliser l’interaction entre la durabilité des stocks et les dividendes économiques de la pêche, intégrer un indicateur national de haute qualité concernant l’état des stocks afin d’améliorer la présentation de contextes nationaux qui diffèrent au sein d’une même zone de la FAO. À cette fin, des projets pilotes seront entrepris afin d’intégrer les chiffres disponibles pour l’indicateur 14.4.1 dans le multiplicateur de viabilité utilisé pour l’indicateur 14.7.1, ce qui permettra de comparer les deux approches et d’analyser les tendances qui en résultent.
Évaluer le degré de reconnaissance et de protection des droits d’accès des artisans pêcheurs: indicateur 14.b.1
L’indicateur 14.b.1 mesure les progrès réalisés par les pays dans l’application d’un cadre juridique/réglementaire/stratégique/institutionnel qui reconnaît et protège les droits d’accès dans le secteur de la pêche artisanale (Division de statistique de l’ONU, 2024e). Les notes des indicateurs sont fournies par les membres de la FAO lorsqu’ils répondent à trois questions du questionnaire en ligne sur le Code de conduite pour une pêche responsable (FAO, 2020). La première composante de la note a trait à la législation ou aux politiques en place qui ciblent ou concernent spécifiquement la pêche artisanale. La deuxième évalue les mesures concrètes prises en faveur de la pêche artisanale, conformément aux Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale (Directives sur la pêche artisanale). La troisième mesure la participation des acteurs de la pêche artisanale au processus décisionnel.
La note moyenne mondiale établie à partir des réponses des pays qui ont communiqué des informations en 2024 a fait apparaître une baisse du degré d’application de 5 en 2022 à 4 en 2024, année pour laquelle 54 pour cent des États ayant transmis des données ont obtenu une note de 5 (FAO, 2024f). Il se peut que ce chiffre soit davantage conforme à la moyenne mondiale étant donné la légère augmentation du nombre total de pays déclarants enregistrée en 2024 par rapport à 2022 (tableau 12). Au niveau régional, les taux de communication d’informations pour l’Afrique subsaharienne, ainsi que pour l’Afrique du Nord et l’Asie de l’Ouest ont presque doublé en 2024 par rapport à 2022. La note inférieure de la région Afrique du Nord et Asie de l’Ouest a peut-être influencé la note globale. Seules l’Europe et l’Amérique du Nord ont fait état d’une pleine application en 2024 (figure 54).
FIGURE 54PROGRÈS ACCOMPLIS DANS LE DEGRÉ D’APPLICATION D’UN CADRE JURIDIQUE/RÉGLEMENTAIRE/STRATÉGIQUE/INSTITUTIONNEL QUI RECONNAÎT ET PROTÈGE LES DROITS D’ACCÈS POUR LA PÊCHE ARTISANALE PAR RÉGION, 2018-2024 (INDICATEUR 14.B.1 DES ODD)

* Nombre d’États déclarants insuffisant pour créer une note agrégée relative à ce groupe régional en 2022.
SOURCE: Pour les données du diagramme en barres: Division de statistique de l’ONU. (à paraître). Base de données des indicateurs des ODD. https://unstats.un.org/sdgs
Alors que l’indicateur 14.b.1 se rapproche de sa cible, les pays souhaitent la poursuite de l’appui dont ils bénéficient. Une base de données en ligne consacrée à la législation et aux politiques, SSF-LEX, fournit des profils de pays assortis d’informations sur la pêche artisanale. Treize profils sont déjà disponiblesz, et d’autres devraient être publiés dans le courant de 2024.
L’appui à une mise en œuvre concrète des Directives sur la pêche artisanale au niveau national progresse bien, puisque depuis 2021, cinq paysaa ont déjà élaboré des plans d’action nationaux pour la pêche artisanale et qu’en 2024, deux autresab sont en train d’élaborer ou de parachever le leur.
La troisième composante de l’indicateur étant déterminée par la mesure de la participation des acteurs de la pêche artisanale à la prise de décision, la cogestion est l’une des expressions de cette participation et certaines données y relatives ont été compilées et analysées pour l’étude mondiale «Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles»ac. Cette étude a révélé que, sur 10 tonnes de prises artisanales, 4 sont officiellement cogérées, mais que cette cogestion n’est réellement appliquée que pour 2 d’entre elles. Les pays dotés de plans d’action nationaux pour la pêche artisanale ont privilégié l’autonomisation des pêcheurs et l’amélioration de la gouvernance, en mettant notamment en place des cadres de cogestion efficaces et applicables. De nouvelles organisations telles que les sections nationales du Réseau des femmes africaines engagées dans la transformation et le commerce du poisson et du Réseau ibéro-américain de pêche artisanale illustrent la volonté de mobilisation des acteurs de ce secteur.
Pour renforcer de manière plus générale la capacité des pays à atteindre la cible 14.b, on les a soutenus dans le perfectionnement de leurs pratiques post-capture pour améliorer la sécurité sanitaire des aliments, les normes de qualité et la commercialisation des produits, ainsi que l’organisation des artisans pêcheurs en matière de gouvernancead, de leadership, d’approches porteuses de transformation en matière de genre et de gestion d’entreprise. On dispose de cartographies des capacités – reprenant les défis et les potentialités –des organisations de femmes travaillant dans le secteur de la pêche artisanale de sept paysae et ces informations permettront d’œuvrer au renforcement des capacités et à la réalisation de la cible 14.b et de l’indicateur 14.b.1.
Conclusion
Globalement, les pays ont bien progressé dans l’adoption du cadre de suivi et de communication d’informations sur l’ODD 14 portant sur les dimensions biologique, sociale et économique de la durabilité, reprises dans les quatre indicateurs relatifs aux pêches gérés sous la responsabilité de la FAO. L’Organisation a appuyé avec succès l’élaboration des indicateurs, la définition des méthodes de suivi et de compte rendu y afférentes, et la mise en place des capacités correspondantes. L’évaluation, par le Comité du Programme de la FAO, du rôle que joue l’Organisation dans la réalisation de l’ODD 14 est en effet positive (FAO, 2023a).
La mise en œuvre complète et la communication d’informations par les membres progressent, mais des difficultés subsistent, en particulier pour les pays en développement. Les indicateurs 14.6.1 et 14.b.1, qui sont sur le point d’atteindre leur cible, témoignent d’une adoption générale des politiques et directives internationales par les pays, mais beaucoup reste à faire pour ce qui est de la mise en œuvre sur le terrain. En outre, le fait que certains pays transmettent des données comme il se doit ne saurait détourner l’attention de ceux qui ne sont toujours pas en mesure d’en présenter, dont un grand nombre de PMA et de PEID. L’amélioration du taux de communication d’informations en 2024 pour ces deux groupes peut néanmoins envoyer un signal positif (figure 55). S’agissant de l’indicateur 14.4.1, si des progrès notables sont généralement observés en ce qui concerne le taux de communication d’informations et la qualité de celles-ci, plusieurs pays – en particulier des PEID – peinent à satisfaire aux exigences de collecte et d’analyse de données en raison de capacités techniques insuffisantes.
FIGURE 55TAUX DE COMMUNICATION D’INFORMATIONS POUR LES INDICATEURS 14.4.1, 14.6.1 ET 14.B.1 DES ODD ENTRE 2018 ET 2024, SELON LES GROUPES ÉTABLIS PAR LA DIVISION DE STATISTIQUE DE L’ONU

SOURCES: Pour les données du diagramme en anneaux: Division de statistique de l’ONU. (À paraître). Base de données des indicateurs des ODD. https://unstats.un.org/sdgs
Pour les groupes établis par la Division de statistique: Division de statistique de l’ONU. 2024. Indicateurs des ODD. Groupes régionaux utilisés dans le rapport et l’annexe statistique. Dans: Organisation des Nations Unies. New York (États-Unis). [Consulté le 19 avril 2024]. https://unstats.un.org/sdgs/indicators/regional-groups
Les données de l’indicateur 14.7.1 montrent que les PEID dépendent fortement de pêches durables, d’où le rôle de catalyseur du développement économique que ce secteur revêt. Leur faible taux de communication d’informations devrait vivement inquiéter la communauté internationale, qui doit veiller à ce que personne ne soit laissé de côté.
Cette situation appelle à se mobiliser et à appuyer d’urgence le programme de la FAO relatif à la cible 14.4 des ODD pour renforcer les capacités des pays qui en ont le plus besoin et adapter des méthodes fiables à chaque contexte.
- x La déclaration complète du Forum politique de haut niveau sur le développement durable convoqué en 2023 sous l’égide de l’Assemblée générale des Nations Unies est disponible à l’adresse https://hlpf.un.org/sites/default/files/2023-09/A%20HLPF%202023%20L1.pdf?_gl=1*krm5r*_ga*Mjc5NDQ5NDA4LjE2MDMxNDUzNDU.*_ga_TK9BQL5X7Z*MTY5NjM0NTIzNi4xMjEuMS4xNjk2MzQ3Nzk1LjAuMC4w.
- y En 2022 (et 2019 respectivement), à partir des rapports de 46 (31) pays ayant atteint le deuxième niveau d'évaluation de la qualité, il a été estimé qu’en moyenne 61,6 (53,4) pour cent des stocks se situaient à des niveaux biologiques viables; ces estimations sont préliminaires dans l’attente d’une augmentation du nombre de pays et d’ajustements supplémentaires de la méthode d'évaluation de la qualité.
- z En avril 2024, on disposait de profils pour l’Afrique du Sud, l’Albanie, Cabo Verde, la Gambie, le Ghana, les Îles Salomon, le Maroc, la Namibie, Oman, le Sénégal, le Togo, la Tunisie et la Türkiye, qui peuvent être consultés à l’adresse https://ssflex.fao.org.
- aa République-Unie de Tanzanie (2021), Namibie (2022), Madagascar, Malawi et Ouganda (2023).
- ab Indonésie et Philippines.
- ac Voir www.fao.org/voluntary-guidelines-small-scale-fisheries/ihh/fr.
- ad Voir, par exemple, le cours de l’Académie d’apprentissage en ligne de la FAO sur la gouvernance des pêches artisanales, disponible à l’adresse https://elearning.fao.org/course/view.php?id=907.
- ae Ghana, Indonésie, Madagascar, Malawi, Ouganda, Philippines et Sierra Leone.