FAO

La situation mondiale des peches et de l’aquaculture 2024

Partie 2 LA TRANSFORMATION BLEUE EN ACTION

Rendre les pêches plus durables

La présente section fait état des progrès accomplis récemment dans les domaines suivants: efficacité de la gestion des pêches dans le monde, établissement de cadres de gouvernance permettant de lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INDNR) et contribuant à la durabilité de la pêche artisanale, innovations technologiques émergentes en matière de pêche responsable, et renforcement du rôle des organes régionaux des pêches (ORP). Elle décrit également une initiative importante menée par la FAO, qui vise à mieux évaluer l’état des ressources halieutiques mondiales en mettant en œuvre une approche fondée sur la science.

État d’avancement de l’application de l’Accord de la FAO relatif aux mesures du ressort de l’État du port

La gestion responsable des pêches est mise à mal par la pêche INDNR. La cible 14.4 (Réglementer efficacement les prises et mettre un terme à la surpêche, à la pêche INDNR et aux pratiques de pêche destructrices) et la cible 14.6 (Interdire certains types de subventions à la pêche qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche et éliminer les subventions qui favorisent la pêche INDNR) de l’objectif de développement durable (ODD) 14 des Nations Unies reconnaissent que l’élimination de la pêche INDNR est importante pour préserver l’utilisation durable des ressources halieutiques.

L’Accord de la FAO relatif aux mesures du ressort de l’État du port (PSMA) est le premier instrument international contraignant qui cible spécifiquement la pêche INDNR, et l’on s’accorde largement à reconnaître qu’il constitue un moyen efficace et rentable d’éliminer ces pratiques. Le nombre de parties au PSMA a triplé depuis son entrée en vigueur en 2016, ce qui en fait l’instrument international relatif à la pêche et aux océans présentant le taux d’adhésion le plus élevé. En mai 2024, le PSMA comptait 78 parties, dont l’Union européenne, qui représente 27 États. L’Accord est actuellement en vigueur dans 54 pour cent des États dans le monde, et 63 pour cent des États côtiers. Sur le plan régional, c’est au Proche-Orient que l’on trouve la plus faible proportion d’États côtiers où il est en vigueur (29 pour cent), suivi du Pacifique Sud-Ouest (44 pour cent); la proportion est moyenne dans la région Amérique latine et Caraïbes (63 pour cent) et en Asie (58 pour cent); et c’est en Afrique (76 pour cent), en Europe (73 pour cent) et en Amérique du Nord (100 pour cent) qu’elle est la plus élevée.

La gouvernance des pêches internationales est complexe, car les océans sont délimités en différentes zones maritimes soumises à des régimes juridiques différents. Le PSMA complète la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et s’adapte en permanence pour répondre aux problématiques actuelles et naissantes liées à la pêche, en particulier le problème persistant qui tient à ce que certains États ne contrôlent pas de façon responsable les navires battant leur pavillon – pratique dite des «pavillons de non-conformité».

En fixant le cadre qui permet aux États du port de demander des informations spécifiques aux navires battant pavillon étranger qui souhaitent entrer dans les ports relevant de leur juridiction, le PSMA habilite les États du port à vérifier que ces navires respectent les mesures de conservation et de gestion en vigueur et à leur refuser l’entrée ou l’utilisation des services portuaires s’il existe des indications manifestes de pêche INDNR ou d’activités connexes. Ce faisant, il favorise le respect de l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, de l’Accord d’application de la FAO, des mesures régionales de conservation et de gestion, des instruments d’application volontaire tels que le Code de conduite pour une pêche responsable et des instruments connexes, ainsi que les efforts déployés pour mettre l’ensemble de ces instruments en œuvre. Qui plus est, en instituant des obligations d’échange d’informations entre l’État du port, l’État du pavillon, l’État côtier et les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), le PSMA contribue à la transparence du secteur de la pêche et renforce la coopération, la coordination et la consultation des instruments, cadres et organes internationaux concernés.

Avec l’appui de la FAO, les parties au PSMA ont rapidement pris des dispositions pour faire appliquer l’accord, notamment en établissant des groupes de travail, et une étape cruciale a été franchie à en juger par l’efficacité du PSMA, qui est à son niveau le plus élevé jamais enregistré. La FAO a facilité les discussions entre les États au niveau régional afin de recenser les obstacles opérationnels à la mise en œuvre des mesures du ressort de l’État du port et de trouver des moyens de les surmonter. Ces dialogues régionaux menés dans le cadre du Groupe de travail ad hoc sur la stratégie relative à l’Accord ont débouché sur l’adoption, lors de la quatrième réunion des parties, de la «Stratégie visant à améliorer l’efficacité de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée» (Stratégie de Bali)ak.

La diffusion des informations sur les refus d’entrée ou d’utilisation des installations portuaires et des rapports d’inspection est un facteur clé pour la mise en œuvre effective de l’Accord et la lutte contre la pêche INDNR. Le Système mondial d’échange d’information (GIES) que la FAO a mis au point à la demande des parties au PSMA permet de diffuser de telles informations aux niveaux régional et mondial. Devenu opérationnel vers la fin de l’année 2023, le GIES est doté de fonctionnalités qui permettent d’établir des connexions avec les systèmes analogues utilisés au niveau régional. Grâce à ces systèmes, des notifications peuvent être envoyées automatiquement à l’État du pavillon, à l’État dont le capitaine du navire est ressortissant, à tout État côtier, ORGP ou organisation internationale concerné, ainsi qu’à la FAO.

Le GIES est donc le premier système de ce type à gérer les informations relatives à la conformité au niveau mondial; en l’occurrence, ces informations portent sur le respect ou le non-respect des législations nationales, des mesures régionales de conservation et de gestion et des exigences fixées par d’autres instruments internationaux tels que l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, l’Accord d’application de la FAO et les Directives volontaires relatives au transbordement (encadré 22).

ENCADRÉ 22DIRECTIVES VOLONTAIRES DE LA FAO RELATIVES AU TRANSBORDEMENT

Le transbordement est l’une des activités essentielles qui, à l’heure actuelle, soutiennent légitimement le secteur mondial de la pêche. Néanmoins, comme l’a observé la FAO dans une étude approfondie réalisée en 2020, la réglementation insuffisante du suivi et du contrôle des opérations de transbordement contribue à accroître le risque que le poisson capturé lors d’activités de pêche illégale, non déclarée et non réglementée ne soit introduit dans la chaîne d’approvisionnement des produits de la mer, nuisant ainsi à l’instauration d’une pêche durable et socialement responsable. En 2021 et 2022, la FAO a organisé une consultation d’experts et une consultation technique dans le but d’élaborer des Directives volontaires relatives au transbordement, lesquelles ont été approuvées par le Comité des pêches de la FAO en 2022.

Ces directives* portent sur la réglementation, le suivi et le contrôle des opérations de transbordement du poisson, transformé ou non, qui n’a pas encore été débarqué. Elles réglementent également le débarquement du poisson au port, définissant les exigences à respecter en matière de déclaration. Ces directives ont pour vocation de faciliter le travail des États, des organisations ou arrangements régionaux de gestion des pêches (ORGP/ARGP), des organisations d’intégration économique régionale et d’autres organisations intergouvernementales lorsqu’ils élaborent de nouveaux règlements en matière de transbordement, révisent ceux qui sont déjà en application et assurent leur alignement sur le cadre réglementaire international plus large.

L’application de ces directives est cruciale dans la mesure où elles visent à combler une lacune concernant une activité importante qui soutient les flottes de pêche dans de nombreux endroits dépourvus de normes mondiales ou de normes internationales communes. Les Directives jouissent d’une grande légitimité, qui en fait des instruments de choix pour exercer cette fonction.

La responsabilité première de mettre en œuvre les règlements régissant le transbordement revient aux États du pavillon; les Directives volontaires relatives au transbordement reconnaissent le rôle et les obligations des États côtiers, des États du port et des ORGP et stipulent ce qui suit:

  • amélioration de la conduite de l’État du pavillon (essentielle pour l’application et la mise en œuvre des instruments internationaux) – les États du pavillon doivent établir les conditions dans lesquelles les navires battant leur pavillon sont autorisés à transborder, disposer de capacités de contrôle et d’inspection, être en liaison avec les ORGP et mettre en place des procédures de collecte et de recoupement de toutes les données de transbordement communiquées;
  • renforcement de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port – les États du port exercent un rôle essentiel de supervision des déclarations de débarquement et de transbordement;
  • renforcement du rôle des ORGP – le transbordement en haute mer doit être soumis aux règlements de l’ORGP compétente, y compris en ce qui concerne l’adhésion ou la participation, qui doivent être conformes aux normes minimales des Directives;
  • appui au droit des États côtiers de connaître et d’autoriser les transbordements dans leurs eaux territoriales, y compris leurs zones économiques exclusives (ZEE), et d’exercer un contrôle par des mesures de suivi, de contrôle et de surveillance.

De manière générale, les directives suppriment les ambiguïtés en stipulant que le transfert de poisson d’un navire à un autre ou vers un port doit être classé soit comme transbordement soit comme débarquement. Elles réglementent les opérations de débarquement par le biais des déclarations de débarquement, qui doivent être considérées comme une norme mondiale à respecter. Par conséquent, la mise en œuvre des Directives volontaires relatives au transbordement appuiera et améliorera la traçabilité et la transparence des pêches internationales, dans la mesure où elle impose que tous les transferts de poisson soient déclarés.

D’autres instruments internationaux renforcent la mise en œuvre du PSMA de différentes manières. Les Directives volontaires relatives au transbordemental classent les transferts de poisson soit comme des «transbordements» soit comme des «débarquements», chacune de ces catégories faisant l’objet d’une déclaration ad hoc, de façon à éliminer les failles qui ouvriraient la voie à des transferts de poisson non contrôlés et non déclarés. Ce point est important lorsque des décisions doivent être prises au sujet de demandes préalables d’entrée au port ou d’utilisation des installations portuaires, conformément aux indications de l’annexe A du PSMA.

Pour faciliter la mise en œuvre du PSMA et des instruments complémentaires de lutte contre la pêche INDNR, la FAO a lancé en 2017 un programme mondial de développement des capacités, qui continue de se développer. Ce programme est aligné sur la cible 4 de l’ODD 14 et répond également à la partie 6 du PSMAam. À ce titre, la FAO a été en mesure à ce jour d’aider plus de 50 pays à renforcer leurs capacités de lutte contre la pêche INDNR conformément aux exigences internationales, de faciliter et appuyer des processus de consultation mondiale et régionale relatifs à l’élaboration et à la mise en œuvre d’instruments internationaux connexesan, et d’élaborer des outils opérationnels et des ressources pour faciliter la mise en œuvre desdits instrumentsao.

État d’avancement de la mise en œuvre des Directives volontaires de la FAO visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté

Les Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté (Directives sur la pêche artisanale [FAO, 2015]) font partie intégrante de la mise en œuvre de la transformation bleue voulue par la FAO. Elles saisissent toute la complexité de ce sous-secteur, qui est extrêmement diversifié. La pêche artisanale ne se contente pas d’approvisionner les différents marchés en produits aquatiques: elle fournit également des moyens d’existence et des valeurs culturelles et assure la sécurité alimentaire et la nutrition de millions de personnes (FAO, Université Duke et WorldFish, 2023b). Par conséquent, la gouvernance de la pêche artisanale doit tenir compte des moyens d’existence, en adoptant une approche qui allie pêche responsable et développement socioéconomique équitable, notamment en ce qui concerne l’équité femmes-hommes (encadré 23).

ENCADRÉ 23ŒUVRER POUR UN CHANGEMENT PORTEUR DE TRANSFORMATION EN MATIÈRE DE GENRE DANS LE SECTEUR DE LA PÊCHE ET DE L’AQUACULTURE

L’égalité des genres est un principe fondamental qui sous-tend tous les aspects de la société. Ce principe vaut également dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, qui contribue directement à la sécurité alimentaire mondiale et fournit des moyens d’existence à plus de 600 millions de personnes dans le monde. Sur les chaînes de valeur des produits alimentaires d’origine aquatique, les contraintes liées au genre restent nombreuses, portant atteinte à l’égalité des droits et des chances entre femmes et hommes. Les contraintes les plus prégnantes sont liées à des normes inappropriées sur les questions de genre, qui déterminent les rôles et les responsabilités au sein des communautés. Elles sont à l’origine d’inégalités en termes d’accès aux ressources et services indispensables pour exercer des activités rémunératrices, et des obstacles qui empêchent les femmes d’accéder aux espaces de décision et au pouvoir, et elles sont aussi source de violences sexistes. Ces contraintes font frein à l’autonomisation des femmes et réduisent considérablement leur contribution à des systèmes alimentaires aquatiques sains. Par exemple, la division du travail entre les genres peut entraîner une répartition inégale des charges de travail, qui se traduit par un niveau de rentabilité plus faible et un pouvoir de décision insuffisant pour les femmes. En outre, leur indépendance économique et leur autonomisation sont souvent battues en brèche par les déséquilibres de l’accès aux marchés lucratifs ou par les présupposés injustes qui régissent la propriété du matériel de pêche ou de transformation, autant de facteurs qui empêchent les femmes d’investir dans leurs activités commerciales et réduisent par conséquent leurs revenus et leurs possibilités de création d’entreprise.

La violence fondée sur le genre est un problème généralisé qui touche un grand nombre de femmes dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture. Cependant, les formes qu’elle revêt et ses conséquences sont variables: les comportements abusifs, fréquents dans les ports, sur les marchés et sur les sites de débarquement, peuvent affecter les femmes physiquement, émotionnellement et sexuellement, les exposant à des environnements de travail hostiles et abusifs. Dans certaines pêcheries du Malawi, des femmes ont signalé que les agressions verbales étaient monnaie courante et qu’elles éprouvaient souvent des difficultés à accéder aux marchés (Rice et al., 2023) en raison de pratiques discriminatoires et du manque de sécurité et d’infrastructures adéquates sur les sites de débarquement (FAO, 2023a).

Le cycle de la dépendance économique à l’égard des hommes pour l’accès aux ressources halieutiques peut pousser les femmes à avoir des relations sexuelles monnayées, par exemple à échanger des faveurs sexuelles contre du poisson, situation qui les expose à des risques tels que les violences fondées sur le genre et le VIH/sida. Ce phénomène a été observé dans plusieurs pays et il apparaît que l’indépendance financière limitée des femmes réduit leur capacité à négocier les limites, d’où une augmentation de la transmission du VIH et des grossesses précoces au sein de la communauté (FAO, 2023a). Parmi les exemples de normes sociales impropres qui imputent aux femmes la responsabilité de la propagation du VIH dans les communautés de pêcheurs, des femmes des communautés riveraines du lac Tanganyika, en République-Unie de Tanzanie, ont signalé que de telles croyances avaient cours, en particulier pendant les périodes de faible capture, ce qui souligne le lien existant entre les normes et comportements inappropriés et le niveau important d’insécurité économique et sanitaire auquel sont confrontées les femmes qui négocient et transforment le poisson (FAO, 2023b).

Pour relever ces défis à multiples facettes, il est essentiel de poursuivre une approche globale, et notamment d’adopter des approches porteuses de transformation en matière de genre, soutenues par des formations telles que celles dispensées dans le cadre des projets de la FAO à l’appui de la pêche artisanale. Les approches porteuses de transformation en matière de genre cherchent des solutions plus abouties pour corriger les déséquilibres de pouvoir aux niveaux individuel et sociétal et encouragent les femmes à être des agents du changement. Elles remettent en cause les normes inappropriées liées au genre, valorisent les processus de prise de décision équitables et encouragent l’établissement d’environnements propices à l’épanouissement professionnel des femmes. Dans le cadre des travaux consacrés à la lutte contre les violences fondées sur le genre, les équipes du projet FISH4ACP (voir FISH4ACP: transformer les systèmes alimentaires aquatiques au moyen d’une approche par chaîne de valeur, p. 190) ont mis au point une enquête spécifique destinée à recueillir des éléments probants et des données sur le phénomène de l’échange de faveurs sexuelles contre du poisson, établissant ainsi les fondements pour examiner et mieux comprendre cette dynamique.

Par ailleurs, la FAO a suivi l’approche porteuse de transformation en matière de genre pour construire des systèmes alimentaires aquatiques plus résilients et plus équitables, en renforçant les capacités des parties prenantes aux niveau local et national – notamment lors des travaux menés dans plusieurs régions dans le cadre du projet «Mise en œuvre des directives sur la pêche à petite échelle pour des systèmes alimentaires et des moyens de subsistance équitables du point de vue du genre et résilients au changement climatique». La mise en œuvre d’approches porteuses de transformation en matière de genre et d’interventions tenant compte des questions de genre peut ouvrir la voie vers un avenir où les femmes et les hommes jouiront des mêmes droits, des mêmes possibilités et de la même autonomie au sein du secteur de la pêche et de l’aquaculture, ce qui favorisera in fine l’émergence de communautés durables et inclusives.

SOURCES: FAO. 2023a. The contribution of women in small-scale fisheries to healthy food systems and sustainable livelihoods in Malawi. Rome. https://doi.org/10.4060/cc7629en FAO. 2023b. The contribution of women in small-scale fisheries to healthy food systems and sustainable livelihoods in the United Republic of Tanzania. Rome. https://doi.org/10.4060/cc5368en
Rice, E.D., Bennett, A.E., Muhonda, P., Katengeza, S.P., Kawaye, P., Liverpool-Tasie, L.S.O., Infante, D.M. et Tschirely, D.L. 2023. Connecting gender norms and economic performance reveals gendered inequities in Malawian small-scale fish trade. Maritime Studies, 22: 46. https://doi.org/10.1007/s40152-023-00337-x

Dix ans après leur adoption par le Comité des pêches de la FAO, la mise en œuvre des Directives sur la pêche artisanale continue de renforcer le caractère inclusif qui a été la marque de leur élaboration. Ce processus exige des mesures d’appui aux organisations de pêche artisanale, aux gouvernements, aux partenaires de développement, aux organisations régionales, aux organisations non gouvernementales (ONG) et au secteur universitaire, et des collaborations avec l’ensemble de ces intervenants.

Voies d’impact porteuses de transformation

Gouvernance participative fondée sur des plans d’action nationaux pour la pêche artisanale

Les processus de politique générale et organisations de portées mondiale et régionale ont intégré les Directives sur la pêche artisanale dans leurs activités. Les efforts de mise en œuvre se concentrent désormais sur les échelons national et local. À cet égard, les plans d’action nationaux pour la pêche artisanale offrent un cadre systématique et global propice à une transformation accélérée.

La liste des pays qui élaborent ou mettent en œuvre actuellement un plan d’action national participatif pour la pêche artisanale s’allonge: Madagascar, le Malawi, la Namibie, l’Ouganda et la République-Unie de Tanzanie ont déjà approuvé de tels plans, et les Philippines se sont engagées dans la même voie. Par exemple, guidée par son plan d’action national, la République-Unie de Tanzanie a établi un bureau chargé des questions de genre au sein du Ministère de la pêche et de l’élevage et apporte un appui au renforcement des capacités des unités de gestion des plages afin d’améliorer la gestion participative durable de la pêche. En Namibie, les communautés de petits pêcheurs ont participé aux consultations sur l’élaboration des règles d’accès pour un nouveau barrage; à Madagascar, plus de 70 parties prenantes ont validé le plan d’action national pour la pêche artisanale, et des initiatives spécifiques sont en cours, parmi lesquelles des mesures de renforcement des capacités destinées à des groupes de femmes (avec la fourniture de petit matériel notamment). De leur côté, le Malawi et l’Ouganda ont approuvé leurs plans d’action nationaux à la fin de l’année 2023, et les Philippines ont enclenché le processus.

La mesure dans laquelle les lois, les politiques et les actions en justice des pays se réfèrent aux Directives sur la pêche artisanale revêt une importance majeure pour leur mise en œuvre (Nakamura, Chuenpagdee et El Halimi, 2021) et a fait l’objet d’une nouvelle publication du partenariat de recherche Too Big To Ignore (Nakamura, Chuenpagdee et Jentoft [sous la direction de], 2024). Le volet de la base de données de la FAO sur les politiques et la législation consacré à la pêche artisanale (SSF-LEX) indique qu’il existe déjà 18 pays dont les cadres législatifs ou politiques en matière de pêche se réfèrent aux Directives sur la pêche artisanale (FAO, 2023d). La gamme des outils d’appui à la mise en œuvre des Directives sur la pêche artisanale est de plus en plus fournie, comprenant notamment des publications et des cours de formation en ligne (sur la gouvernance et les évaluations juridiques de la pêche artisanale par exemple), ainsi que des programmes de formation sur le travail décent et la protection sociale, pilotés par des partenaires tels que l’Institut international des océans et l’Organisation internationale du Travail (OIT)ap. Par ailleurs, un cadre de suivi, d’évaluation et d’apprentissage a été mis au point selon une approche participative pour faciliter l’évaluation des progrès accomplis (FAO, 2023e).

Au-delà de la pêche: combler le déficit d’accès à la protection sociale et assurer des conditions de travail décentes

Pour mettre en œuvre les Directives sur la pêche artisanale, il importe d’adopter des approches globales qui améliorent la cohérence entre les politiques de protection sociale et les politiques de gestion de la pêche. Ce travail de cohérence a été accompli notamment en Colombie, au Paraguay et en Tunisie, ainsi qu’au niveau sous-régional en Amérique latine. En l’espèce, des dialogues sur les politiques ont été menés avec des parlementaires, des autorités nationales de la pêche et des organisations de pêcheurs. Au Brésil, une évaluation de l’impact des allocations de chômage versées aux pêcheurs pendant les périodes où la pêche est interdite a montré que ces prestations encourageaient les pêcheurs à mieux respecter les règles de gestion des pêches. La pandémie de covid-19 a permis de mieux comprendre le rôle essentiel des organisations communautaires en tant que pourvoyeuses d’aide sociale, en particulier en cas de chocs idiosyncratiques. En Colombie, par exemple, des prêts pour urgences familiales ont été alloués par le biais de mécanismes de fonds renouvelables. Au Mexique et en Tunisie, des associations se sont jointes aux programmes de protection sociale publics pour collecter des cotisations et proposer des taux de cotisation spéciaux aux pêcheurs.

L’organe consultatif régional des pêches du golfe du Bengale a récemment adopté un plan d’action axé sur l’amélioration de la sécurité, du travail décent et de la protection sociale dans le secteur de la pêche (FAO, 2023f). Ce plan définit un certain nombre d’engagements intersectoriels fondés sur des politiques et des actions visant à améliorer les moyens d’existence des pêcheurs, notamment par le biais de normes de sécurité, de conditions de travail décentes et de l’accès à la protection sociale.

Amélioration des données et des éléments probants

Comme le dit l’adage, «ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément». La pêche artisanale relève plutôt de la première catégorie. L’étude mondiale intitulée «Illuminating Hidden Harvests» (Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles, IHH) (FAO, Université Duke et WorldFish, 2023b) prend le contre-pied de cette formule, en fournissant aux décideurs des informations de référence non seulement sur la pêche artisanale mais aussi sur les systèmes alimentaires aquatiques, le développement durable et les moyens d’existence plus généralement. L’étude indique que la pêche artisanale compte pour au moins 40 pour cent des captures de la pêche continentale et de la pêche en mer à l’échelle mondiale et qu’elle emploie 90 pour cent de l’ensemble des personnes qui interviennent dans les chaînes de valeur de la pêche de capture. En prenant en compte les activités de subsistance et les personnes à charge des ménages, l’étude IHH estime que près de 500 millions de personnes dépendent au moins en partie de la pêche artisanale pour leur subsistance. L’étude apporte de nouvelles connaissances et pointe les lacunes et les faiblesses des systèmes d’information, contribuant ainsi à ce que la pêche artisanale ne reste pas dans un angle mort. Des pays tels que Madagascar et la République-Unie de Tanzanie ont adopté l’approche de l’étude IHH pour analyser les contributions de leur sous-secteur de la pêche artisanale et mettre en évidence les lacunes et les possibilités d’améliorer le corpus multidimensionnel de données factuelles à l’appui de la gestion, des politiques et de la gouvernance. En outre, la base de connaissances sur les pêches continentales, jusqu’ici morcelée, s’est vue renforcée par les apports d’études consacrées à la Chine (FAO, 2023g), à la Guinée (Dia, 2023), à l’Inde (FAO, à paraître) et à la région Amérique latine et Caraïbes (Baigún et Valbo-Jørgensen [dir. pub.], 2023).

Renforcement des organisations de petits pêcheurs

Les organisations de petits pêcheurs jouent un rôle clé dans la promotion et l’application des Directives sur la pêche artisanale. Dans une volonté de mettre en exergue le rôle des femmes, qui représentent quatre dixièmes de la main-d’œuvre de la pêche artisanale, la FAO a élaboré une méthodologie pour cartographier les organisations de femmes dans le secteur de la pêche et l’a appliquée dans sept pays (Smith, 2022). Le rôle de la pêche artisanale dans la gérance de l’environnement est une autre dimension qui reçoit une reconnaissance croissante (Charles, Macnaughton et Hicks, 2024).

À l’aide de sa méthodologie centrée sur les personnes, le Groupe de travail sur les pêches du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire a évalué la mise en œuvre des Directives sur la pêche artisanale en Afrique, Asie et en Amérique latine.

Lors de la Conférence des Nations Unies sur l’océan de 2022, désignée Année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales (AIPAA 2022, encadré 24), les pêcheurs artisanaux de toutes les régions du monde ont lancé un appel à l’action pour soutenir la mise en œuvre des Directives sur la pêche artisanaleaq.

ENCADRÉ 24L’HÉRITAGE DE L’ANNÉE INTERNATIONALE DE LA PÊCHE ET DE L’AQUACULTURE ARTISANALES 2022

Malgré les effets persistants de la pandémie de covid-19, 61 partenaires se sont engagés à soutenir officiellement l’Année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales (AIPAA, 2022)*, et de nombreux autres ont profité de cette occasion pour attirer l’attention du monde entier sur la contribution de la pêche et de l’aquaculture artisanales au développement durable et renforcer le dialogue, les initiatives et les mesures se rapportant à ces questions. Cet événement a donné lieu à l’organisation de plus de 266 manifestations dans 68 pays, à la publication d’au moins 312 ouvrages dans 22 langues, ainsi qu’à de nombreuses autres initiatives créatives et à l’élaboration de produits promotionnels tels que des timbres officiels, des podcasts et des vidéos. Le rapport final publié par la FAO (FAO, 2023a) donne un aperçu des objectifs visés par cette année internationale, des activités auxquelles elle a donné lieu et des recommandations qui en sont issues.

Les recommandations de l’AIPAA 2022 font écho aux messages clés de son plan d’action mondial, qui ont été validés, mis en exergue et élargis tout au long des célébrations. Une autre recommandation qui s’est imposée avec force au cours de l’Année internationale concerne le rôle des jeunes dans la concrétisation des objectifs de la transformation bleue et la réalisation des actions prioritaires associées; dans ce contexte, des appels ont été lancés en faveur du dialogue entre les générations, du partage des connaissances et du mentorat, ainsi que de l’intégration du changement générationnel dans les processus de planification, nécessaire pour préserver la continuité de la pêche traditionnelle tout en encourageant l’innovation. D’autres recommandations portant spécifiquement sur l’Amérique du Sud ont été élaborées avec le soutien du comité régional de l’AIPAA 2022 et compilées sous la forme d’un recueil de recommandations de politique publique (FAO, 2023b).

L’Année internationale s’est achevée sur un vibrant appel à maintenir l’élan créé et à prolonger l’AIPAA 2022 par une ère nouvelle de soutien à la pêche et à l’aquaculture artisanales et à leur développement. L’un des principaux legs de l’AIPAA 2022 est l’appel lancé par le Comité des pêches de la FAO en faveur de la création d’un sommet sur la pêche artisanale** qui se tiendrait tous les deux ans avant la session biennale du Comité des pêches, et qui offrirait aux acteurs de la pêche artisanale une plateforme participative leur permettant de se réunir et d’œuvrer collectivement à l’avancement de la mise en œuvre des Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté (Directives sur la pêche artisanale) publiées par la FAO en 2014. Le premier Sommet de la pêche artisanale a été organisé du 2 au 4 septembre 2022 à Rome par le Groupe de travail sur les pêches du Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire, la Commission générale des pêches pour la Méditerranée et le pôle de collaboration et de ressources sur la pêche artisanale, avec l’appui de la FAO. Cette édition, qui a réuni plus de 140 participants de plus de 40 pays, visait à encourager la collaboration et le dialogue entre les petits pêcheurs et travailleurs du secteur de la pêche artisanale, les principaux défenseurs, les partenaires et les décideurs. Les participants ont exposé leurs difficultés et travaillé de concert pour définir une vision commune autour des principaux enjeux de la pêche artisanale. Ils ont également proposé des solutions concrètes pour ouvrir une nouvelle ère de soutien à la pêche artisanale et aux communautés qui en dépendent.

NOTES: * Voir le site web de l’Année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales 2022: www.fao.org/artisanal-fisheries-aquaculture-2022/home/fr.
** Voir le site web du Sommet de la pêche artisanale: www.fao.org/artisanal-fisheries-aquaculture-2022/events/events-detail/en/c/1601136 (en anglais).
SOURCES: FAO. 2023a. International Year of Artisanal Fisheries and Aquaculture 2022 – Final report. Rome. https://doi.org/10.4060/cc5034en FAO. 2023b. Recomendaciones de políticas públicas para el desarrollo sostenible de la pesca y la acuicultura artesanales en pequeña escala en América del Sur – Lineamientos de políticas para las autoridades. Santiago. https://doi.org/10.4060/cc4105es

L’AIPAA 2022 a été l’occasion d’établir un nouveau réseau de pêche artisanale (le Réseau ibéro-américain pour la pêche artisanale à petite échelle), qui rassemble les communautés de petits pêcheurs d’Amérique latine et de la péninsule ibérique, ainsi qu’un réseau de coordination panafricain (AFRIFISH-Net), qui réunit les cinq plateformes infrarégionales africaines dédiées aux acteurs non étatiques de la pêche et de l’aquaculture. La plateforme de l’Afrique de l’Est a procédé à une analyse des lacunes à combler sur le plan des politiques aux fins de la mise en œuvre des Directives et l’a présentée à la Communauté de développement de l’Afrique australe.

En Asie, le groupe consultatif régional du Cadre stratégique mondial à l’appui de la mise en œuvre des Directives sur la pêche artisanale a organisé des webinaires et évalué l’application des Directives à l’échelle de la région.

Dans la région de la Méditerranée et de la mer Noire, la valorisation et la gouvernance de la pêche artisanale sont guidées par le Plan d’action régional sur la pêche artisanale (FAO, 2023h). Dans ce contexte, le Forum de la pêche artisanale aide les petits pêcheurs à renforcer leurs capacités à l’aide de webinaires et d’ateliers interactifs sur des sujets sélectionnés par les représentants du secteur.

La voie à suivre: l’ouverture d’une ère nouvelle de soutien à la pêche et à l’aquaculture artisanales

Les Directives sur la pêche artisanale ont réaffirmé leur rôle d’accélérateur, en attirant l’attention sur ce sous-secteur de la pêche et en incitant à prendre des mesures en sa faveur. Leur contribution transparaît également dans la hausse significative des recherches sur la pêche artisanale et dans la mobilisation de nouveaux partenaires de développement, ainsi qu’en témoignent le programme de la Fondation Oak sur la pêche artisanalear et le pôle de collaboration et de ressources sur la pêche artisanaleas, qui contribue à la mise en œuvre des Directives. L’expérience acquise au terme d’une décennie de mise en œuvre a confirmé que les processus participatifs, tels que ceux appliqués lors de l’élaboration des plans d’action nationaux pour la pêche artisanale ou au travers des réseaux régionaux sur la pêche artisanale, étaient importants et pouvaient donner l’impulsion d’un changement durable, en montrant l’intérêt de fédérer les différents partenaires autour d’une vision commune.

La mise en œuvre reste un processus non linéaire. L’apprentissage collectif, la diffusion des cas de réussite et le partage des bonnes pratiques créent ou renforcent la confiance entre les parties prenantes. Ainsi, des partenaires exerçant des rôles et disposant d’atouts complémentaires peuvent collaborer, ce qui permet de tirer parti de plus d’action collective.

Gestion des ressources halieutiques partagées: le rôle grandissant des organes régionaux des pêches

Les ressources naturelles partagées sont particulièrement exposées à la surexploitation (Liu et Molina, 2021), et l’on s’accorde à reconnaître que la coopération internationale entre les pays qui partagent des ressources halieutiques est une condition fondamentale de la bonne gestion de celles-ci.

À travers la notion de zone économique exclusive (ZEE), la partie V de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 a étendu les limites des mers territoriales à 200 milles nautiques des lignes de base, afin de donner aux États côtiers des droits souverains pour exploiter durablement les ressources marines. Toutefois, les limites des ZEE traversent les aires de répartition de nombreuses espèces, transformant en ressources partagées des stocks qui ne sont pas limités par les frontières humaines. De même, la gestion des stocks halieutiques répartis entre les eaux continentales de plusieurs pays nécessite une coopération internationale et l’adoption d’approches facilitant la collaboration entre les utilisateurs.

Les aspects transfrontaliers de la pêche devraient revêtir une importance croissante dans les années à venir. Le nombre de pays pratiquant la pêche et le nombre total de pêcheries partagées ont régulièrement augmenté depuis les années 1950, contribuant à l’intensification de la concurrence (Teh et Sumaila, 2015). Qui plus est, le changement climatique modifie la répartition naturelle des espèces (Pinsky et al., 2013), renforçant ultérieurement la nécessité de parvenir à des accords de gestion internationaux efficaces (Cheung et al., 2012; Pinsky et al., 2018).

Les ressources aquatiques vivantes constituent un bien commun mondial, géré dans le cadre des juridictions nationales (par exemple, les eaux territoriales) et par divers ORP et organisations internationalesat. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer encourage les États à coopérer entre eux pour la conservation et la gestion des ressources marines vivantes, via des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP).

La transformation bleue encourage la mise en place de politiques, d’une gouvernance et d’institutions qui soutiennent la pêche de façon efficace au moyen d’actions conduisant à l’adoption et à la mise en œuvre d’instruments internationaux, de mécanismes de coordination régionale, de plans d’action et de directives dont certains sont nouveaux et d’autres déjà existants.

Dans un souci d’efficacité, il conviendrait de traduire les instruments et processus normatifs mondiaux en instruments juridiques et politiques et en actions de portée nationale ou régionale. De ce point de vue, la régionalisation de la gouvernance des pêches offre un moyen de répondre aux préoccupations communes tout en créant des synergies qui faciliteront la réalisation des objectifs mondiaux des organes concernés des Nations Unies (Løbach et al., 2020).

Depuis sa création, la FAO n’a de cesse d’encourager et soutenir les ORGP et les ORP, facilitant leur coopération par l’entremise du Réseau des secrétariats des ORPau. La question des rôles actuel et futur des ORP se pose avec une acuité particulière aujourd’hui, dans la mesure où les pays sont confrontés à des défis, tant anciens que nouveaux, qui nécessitent l’adoption de mesures porteuses de transformation en vue de l’application concrète des instruments internationaux de gestion des pêches et de gouvernance des océans.

À cet égard, l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port, adopté par la FAO en 2009 pour lutter contre la pêche INDNR, revêt la plus haute importance. Le rôle des ORGP est mis en avant dans les dispositions du PSMA qui imposent aux parties de coopérer pleinement à l’application efficace de l’accord, y compris par l’intermédiaire des ORGP.

De même, le rôle des ORGP est crucial pour l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de 2022 sur les subventions à la pêche, 80 pour cent des 164 membres de l’OMC étant parties à au moins une ORGP, et 74 membres à plus d’une ORGP. Cet accord, qui marque une étape importante vers la durabilité des océans, vise à interdire l’octroi de subventions à la pêche dommageables, notamment aux parties qui se livrent par exemple à la pêche INDNR, à la pêche de stocks surexploités ou à des opérations menées dans des zones de haute mer non gérées par des ORGP. Il interdit également toute subvention à la pêche ou aux activités liées à la pêche en dehors de la juridiction d’un État côtier et en dehors de la compétence d’une ORGP (voir Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche, durabilité des stocks de poissons et rôle de la FAO, p. 180).

La gestion durable des pêches continentales se heurte à la concurrence d’autres usages de l’eau, tels que l’irrigation, l’élevage et l’hydroélectricité, exacerbée par la raréfaction et la pollution des ressources hydriques. Pour surmonter ces difficultés, la FAO encourage la collaboration et les synergies entre les ORP compétentes sur les eaux intérieures et les organismes de gestion des bassins qui chapeautent des activités telles que la production d’hydroélectricité, l’agriculture et l’exploitation minière (encadré 25).

ENCADRÉ 25GESTION INTÉGRÉE DES RESSOURCES EN EAU – LE CAS DU BASSIN DE LA RIVIÈRE KOMADOUGOU YOBÉ EN AMONT DU LAC TCHAD

La gestion intégrée des ressources en eau, telle que l’a définie le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en 2002, est une approche globale qui coordonne la gestion de l’eau, des terres et des ressources apparentées. Son objectif est d’optimiser le bien-être économique et social de manière équitable tout en préservant les écosystèmes vitaux. La pêche continentale, qui revêt une importance cruciale pour la nutrition, la sécurité alimentaire et les moyens d’existence de nombreuses communautés, reste souvent le parent pauvre dans les plans de gestion intégrée des ressources en eau.

Dans le cas du bassin de la rivière Komadougou Yobé, situé en amont du lac Tchad dans le nord du Nigéria, la mise en œuvre de la gestion intégrée des ressources en eau a montré que cette approche pouvait contribuer au bien-être économique et social de façon équitable tout en préservant des écosystèmes essentiels. Une conjonction de facteurs – à savoir la construction de deux grands barrages dans les années 1970, des captages d’eau massifs pour l’irrigation et les effets du changement climatique régional – a profondément modifié le débit saisonnier de la rivière, entraînant une grave dégradation de l’environnement. Ces changements, encore exacerbés par le morcellement des réglementations et le chevauchement des compétences institutionnelles, ont eu des répercussions négatives sur les moyens d’existence des pêcheurs, des agriculteurs et des éleveurs et provoqué des conflits d’usage des ressources.

L’adoption d’une stratégie de gestion intégrée des ressources en eau fondée sur un plan de gestion du bassin versant a permis de surmonter ces difficultés. Cette stratégie attache une grande importance à la collaboration et à la participation active de toutes les parties prenantes, y compris les groupes sous-représentés tels que les femmes. Les membres influents de la communauté, à l’image d’Alhaji M. Ibrahim Chedi, chef de village et pêcheur, ont montré qu’ils étaient disposés à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé de la rivière, qui a des répercussions directes sur leurs moyens d’existence (Barchiesi et al., 2012).

La mise en place du plan de gestion du bassin versant et l’adoption d’une charte de l’eau ont débouché sur la création de nouvelles institutions, qui investissent les parties prenantes d’un rôle accru dans le processus de planification. Cette initiative a permis aux parties concernées de s’exprimer sur la planification des ressources en eau et leur a fourni des outils pour gérer les problèmes potentiels. Depuis lors, ces structures de gouvernance ont été reproduites dans d’autres régions du Nigéria et développées à plus grande échelle par la Commission du bassin du lac Tchad.

La refonte de la structure de gouvernance de l’eau a favorisé une coordination plus transparente des ressources en eau, qui vise à remédier à la dégradation des écosystèmes et à rétablir les régimes fluviaux traditionnels. L’instauration de dialogues ouverts a grandement contribué à réduire les conflits, reflétant le regain d’optimisme et de confiance de la communauté vis-à-vis du potentiel du bassin. De leur côté, les gouvernements des États et le Gouvernement fédéral du Nigéria ont engagé des fonds importants dans la rénovation du bassin.

L’initiative du bassin de la rivière Komadougou Yobé illustre les avantages environnementaux et sociaux que peut procurer une approche intégrée et multisectorielle de la gestion des ressources en eau partagées. Elle montre qu’il est important d’associer toutes les parties prenantes à la solution pour encourager l’adoption de pratiques durables à même de renforcer la résilience des communautés dans les secteurs de la pêche, de l’agriculture, de l’aquaculture et de la sylviculture. Cette étude de cas démontre que la gestion globale et inclusive des ressources est une condition clé du développement durable et met en évidence le rôle de la gestion intégrée des ressources en eau dans la concrétisation de ces résultats.

SOURCE: Barchiesi, S., Cartin, M., Welling, R. et Yawson, D. 2011. Komadugu Yobe Basin, upstream of Lake Chad, Nigeria: Multi-stakeholder participation to create new institutions and legal frameworks to manage water resources. Water and Nature Initiative (WANI) Étude de cas pilote n° 1, UICN, Gland (Suisse). [Consulté le 11 janvier 2024]. www.fao.org/fishery/fr/openasfa/a476e1b5-890d-4245-9f08-ea0cf8f7f514

Une étape importante a été franchie en 2023 avec l’adoption d’un nouvel instrument international juridiquement contraignant qui porte sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale (l’Accord BBNJ). Plusieurs dispositions de cet accord soulignent la nécessité d’établir une cohérence et une coordination avec les instruments internationaux et les organismes sectoriels pertinents, ainsi que de renforcer les organisations existantes. Toutefois, on n’a pas suffisamment insisté sur les liens importants qui existent entre l’Accord BBNJ et les services écosystémiques fournis dans les eaux relevant de la juridiction nationale. Le fait est que la gestion de l’environnement marin dans les zones hors la juridiction nationale est liée à la productivité de la pêche et à la biodiversité dans les eaux territoriales (Popova et al., 2019; Ramesh et al., 2019). Ce lien nécessite d’établir, s’il y a lieu, des cadres de coopération entre les ORP. L’encadré 26 présente un exemple des travaux menés par la FAO pour renforcer les partenariats à l’appui de la gestion des ressources en haute mer.

ENCADRÉ 26PARTENARIATS POUR LA GESTION DES RESSOURCES HAUTURIÈRES

La stratégie de transformation bleue de la FAO appelle à ce que 100 pour cent des pêches soient gérées de façon efficace, afin de pouvoir réaliser les objectifs écologiques, économiques et sociaux. Elle accorde une importance prioritaire aux mesures qui peuvent faciliter l’élaboration de systèmes de données et d’information novateurs appuyant la formulation, l’évaluation et la gestion des politiques relatives à la pêche au travers de partenariats solides et reconnus, en particulier en ce qui concerne les ressources hauturières.

Programme Common Oceans (Programme mondial pour la gestion durable des pêches et la conservation de la biodiversité dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale). Le Programme Common Oceans (2022-2027) est un partenariat mondial financé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), qui réunit des ORGP, des organisations intergouvernementales, des organisations de la société civile et des entités du secteur privé dans le but de renforcer l’utilisation durable des ressources marines et la conservation de la biodiversité dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Il est mis en œuvre conjointement par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Il vise à opérer des transformations en profondeur en capitalisant sur les meilleures connaissances scientifiques et l’expertise de plus de 65 partenaires, ainsi que d’encourager les actions mondiales coordonnées, l’innovation et l’amélioration des résultats dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Les principales activités du programme sont décrites ci-dessous:

  • Le projet sur les thons suit les développements en cours au sein de cinq ORGP thonières. Il comprend notamment un appui à la mise en œuvre de l’approche écosystémique des pêches et à l’adoption de stratégies de capture pour les 23 principaux stocks de thon. Dans quatre pays insulaires en développement du Pacifique, la pêche durable est encouragée au moyen d’incitations commerciales. Les groupes de travail conjoints des ORGP thonières sur les sujets d’intérêt commun permettent de renforcer la collaboration et le partage des données d’expérience et des enseignements tirés et de cerner les possibilités d’actions harmonisées. Les partenaires s’emploient à renforcer le suivi, le contrôle et la surveillance et le niveau de conformité par des mesures de développement des capacités, des formations et des missions d’assistance en matière de conformité. S’agissant de la réduction de l’impact environnemental de la pêche au thon, le projet met en avant six outils novateurs destinés à améliorer le suivi, la réduction des captures accessoires et la traçabilité, ainsi qu’à réduire la pollution marine.
  • Le projet sur la pêche en eaux profondes s’appuie sur des approches participatives pour remédier aux difficultés techniques, scientifiques et de procédure que pose la gestion des ressources dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Il vise à renforcer la gestion de la pêche en eaux profondes par des formations et un renforcement des capacités, notamment en ce qui concerne l’évaluation des stocks, l’élaboration d’outils, de directives et de cadres pour la mise en œuvre de l’approche écosystémique des pêches dans huit ORGP, ainsi qu’en encourageant le dialogue entre les différents secteurs. Il s’attache à réduire l’impact de la pêche en eaux profondes sur les écosystèmes marins vulnérables, en cartographiant les écosystèmes marins vulnérables identifiés et en formulant des recommandations pour leur protection; il se propose également de réduire les répercussions sur les requins d’eau profonde à travers l’élaboration de guides d’identification et de protocoles de collecte de données.
  • À la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies (résolution 61/105), la FAO a constitué une base de données mondiale sur les écosystèmes marins vulnérables des zones ne relevant pas de la juridiction nationale afin d’aider les ORGP, les arrangements régionaux de gestion des pêches (ARGP) et les États à diffuser des informations et à sensibiliser les décideurs, les gestionnaires, les scientifiques et le grand public à la pêche en eaux profondes et à ses interactions avec les écosystèmes marins vulnérables. Fruit du travail conjoint de huit ORGP et de la FAO, cette base de données constitue un bon exemple de partenariat à l’appui de la gestion des ressources hauturières*.

Le partenariat FIRMS: le partenariat FIRMS (Système de suivi des ressources halieutiques et des pêcheries) établi par la FAO** vise à faciliter l’accès aux informations de qualité disponibles en ligne concernant les ressources halieutiques marines mondiales et leur gestion. Son objectif est de fournir aux décideurs des informations qui leur permettent d’élaborer des politiques de pêche efficaces, conformes au Code de conduite pour une pêche responsable. Établi en 2004, il réunit 22 institutions, dont 18 organisations intergouvernementales représentant 23 ORP, qui sont la source de plus de 1 000 des 2 400 enregistrements figurant dans l’inventaire FIRMS des unités d’évaluation des stocks et des quelque 300 pêcheries surveillées, guidées ou gérées par ces organisations.

Entre autres informations sur les ressources hauturières, on trouve dans FIRMS des données sur les captures de thons et d’espèces apparentées par zone déclarées par les cinq ORGP thonières, publiées dans l’Atlas mondial du thon de FIRMS lancé en mai 2022; de leur côté, les ORGP partenaires spécialisées dans la pêche profonde en haute mer font régulièrement rapport sur l’état de la gestion des pêches dans le cadre de leur mandat.

Les décisions stratégiques de FIRMS pour la prochaine décennie prévoient notamment les actions suivantes: diffusion en temps voulu de données sur l’état des stocks à l’appui de l’indicateur 4.1 de l’ODD ١٤ (Proportion de stocks de poissons exploités dans des limites biologiquement durables), en vue de l’établissement de rapports sur la gestion des pêches dans le contexte du nouveau Sous-Comité de la gestion des pêches du Comité des pêches; contribution à la collecte de données sur la pêche artisanale; et développement de l’interopérabilité entre les systèmes de données.

NOTES: * Voir: FAO. s.d. Vulnerable marine ecosystems. Dans: FAO. [Consulté le 28 septembre 2023]. www.fao.org/in-action/vulnerable-marine-ecosystems/fr
** Voir: FAO. 2023. Fisheries and Resources Monitoring System (FIRMS). Dans: FAO. [Consulté le 28 novembre 2023]. https://firms.fao.org

Plus de 50 ORP dans le monde s’occupent des questions de pêche maritime et continentale, ce qui soulève inévitablement des problèmes de chevauchement et de fragmentation des mandats. Depuis de nombreuses années, l’Assemblée générale des Nations Unies et ses résolutions en matière de pêche durable attachent une grande importance au renforcement de la coopération et de la coordination entre les ORP. Près de 50 pour cent des ORP coopèrent concrètement pour élaborer des normes statistiques sur la pêche (voir La technologie et l’innovation au service d’une pêche durable, p. 175). En 2021, la FAO a demandé aux ORP d’adopter des approches communes sur diverses problématiques transversales. En 2023, elle a organisé deux consultations régionales à l’appui de l’élaboration d’un cadre permettant de définir les priorités en matière de coordination et de coopération entre les ORF pour parvenir à une gouvernance efficace des pêches. Dans ce contexte, les organisations d’une même région se sont réunies pour partager leurs points de vue et acquérir des connaissances précieuses sur les questions, préoccupations et sujets d’intérêt communs, trouver des solutions et repérer les outils et services d’appui disponibles (FAO, 2023i). La FAO et ses partenaires continueront à élaborer des mécanismes de coopération pour la gestion des ressources partagées, de façon à ce que l’ensemble des ressources halieutiques fassent l’objet d’une gestion efficace.

Gérer les pêches marines dans une optique de durabilité – coup de projecteur sur le Code de conduite pour une pêche responsable

La gestion des pêches est définie comme suit:

«processus intégré de rassemblement de l’information, d’analyse, de planification, de consultation, de prise de décisions, de répartition des ressources et de formulation et d’application des règlements ou des règles qui régissent les activités halieutiques – s’appuyant s’il y a lieu sur des mesures d’exécution – visant à maintenir la productivité des ressources et à assurer la réalisation des autres objectifs de la pêche» (FAO, 1997).

L’article 7 du Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable (ci-après, le «Code») traite des exigences, des modalités et des moyens qui sous-tendent la gestion efficace des pêches. La première étape du processus de conception et de mise en œuvre d’une gestion efficace des pêches consiste à définir les objectifs, de préférence en les intégrant de façon formelle dans des plans de gestion. L’article 7.2 souligne la nécessité d’établir des objectifs de gestion à long terme, objectifs dont la réalisation ne devrait pas être compromise par des considérations de court terme. Ce point est particulièrement important, mais il soulève son lot de difficultés dans le contexte d’arrangements institutionnels fragiles ou instables. Il est essentiel à cet égard de donner aux parties prenantes et aux institutions les moyens d’élaborer, mettre en œuvre et contrôler les décisions en lien avec la gestion des pêches et de veiller au respect des réglementations, de façon à rendre les pêches résilientes, à améliorer les moyens d’existence et à assurer la durabilité des ressources à long terme. Les cadres institutionnels et réglementaires, ainsi que le capital social, culturel et humain, jouent un rôle essentiel dans cette optique.

La transformation bleue voulue par la FAO (FAO, 2022a) insiste sur la nécessité d’accélérer la mise en place de politiques, de structures de gouvernance et d’institutions efficaces à l’appui de la gestion des pêches. Il s’agit en l’occurrence d’adopter les instruments nationaux et internationaux existants, de renforcer les mécanismes de coordination régionale et de mettre en œuvre les plans d’action nationaux. L’objectif de l’initiative est que 100 pour cent des pêches soient gérées de manière efficace et que toutes les femmes et tous les hommes du secteur aient accès au plein emploi productif et au travail décent d’ici à 2030.

Dans de nombreux pays en développement, les capacités de gestion des pêches sont limitées. En règle générale, les régimes de gouvernance participative ont développé des réponses délibérées et collectives, qui renforcent la gestion des pêches. Les enseignements tirés des différentes formes de gestion traditionnelle et communautaire peuvent donner des orientations utiles pour poursuivre la mise en œuvre de ces pratiques (Galappaththi et al., 2021). Il est essentiel que le personnel du secteur et les membres des administrations publiques bénéficient de formations et d’un renforcement des capacités adéquats pour contribuer à une gestion et une gouvernance efficaces et participatives des pêches, en particulier de la pêche artisanale. La section 5 de la partie 2 des Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté (Directives sur la pêche artisanale) propose un plan d’action complet pour encourager le développement de systèmes de cogestion adaptatifs qui fassent jouer aux communautés locales autonomisées un rôle actif dans la gouvernance des régimes fonciers dans le secteur de la pêche artisanale et dans la gestion des ressources (FAO, 2015).

Le Code reconnaît la nécessité d’aller au-delà des objectifs de durabilité à long terme des ressources halieutiques et de promotion de leur utilisation optimale, pour faire en sorte que les objectifs sociaux et économiques soient atteints (article 7.4.5). Pendant presque tout le XXe siècle, les objectifs de gestion des pêches ont été largement axés sur l’optimisation des rendements de la pêche de capture. Dans les pays développés disposant de capacités techniques et de ressources importantes, les méthodes d’évaluation des stocks se sont souvent concentrées sur les moyens d’estimer le rendement optimal d’espèces particulières dans des pêcheries particulières. Au XXIe siècle, les objectifs de gestion des pêches se sont progressivement élargis pour prendre en compte le risque de surexploitation des stocks cibles ainsi que la protection de la biodiversité de ces stocks et, plus généralement, des écosystèmes marins (Caddy, 1999; Cochrane, 2000; FAO, 1995a; Mace, 2001). Ces changements se sont traduits par un renforcement de la reconnaissance, du développement et de la mise en œuvre des approches de précaution en matière de gestion des pêches (article 7.5). Les objectifs de gestion se sont progressivement étendus aux systèmes sociaux et écologiques plus larges dans lesquels s’inscrivent les activités halieutiques. Cela a conduit à l’adoption généralisée de l’approche écosystémique des pêches, qui englobe un éventail plus large d’objectifs écologiques, économiques et sociauxav.

En fonction de la situation de chaque pêcherie, plusieurs de ces objectifs – mais pas nécessairement la totalité – peuvent être poursuivis. Un objectif peut être propre à une pêcherie spécifique, et certains objectifs peuvent avoir plus de poids que d’autres. Dans le cas de certaines pêcheries, les objectifs sont énoncés explicitement – par exemple dans un plan de gestion des pêches; dans d’autres contextes, les objectifs peuvent être seulement implicites, étant englobés dans des objectifs de gestion plus larges.

À mesure que la gestion des pêches poursuit des objectifs de plus en plus étendus, les gestionnaires prennent conscience de la nécessité de tenir compte des arbitrages qui en découlent. Un arbitrage entre objectifs fréquent est celui qu’il faut opérer entre le volume de captures (objectif de production alimentaire) et le niveau acceptable d’épuisement des stocks. Par ailleurs, l’objectif social de création d’emplois peut aller à l’encontre de l’accroissement de l’efficience ou de la rentabilité économique. De même, le fait de réduire autant que possible les répercussions sur l’environnement aquatique – en réduisant considérablement ou supprimant la pêche – peut exacerber l’insécurité alimentaire, le chômage ou les avantages économiques. La résolution de l’arbitrage entre exportation des prises vers des marchés internationaux lucratifs et vente sur le marché intérieur exige généralement d’évaluer et comparer les avantages économiques et l’impact social sur la sécurité alimentaire et la nutrition. L’équilibre approprié à trouver entre des objectifs concurrents dépend dans une large mesure des politiques nationales et des objectifs spécifiques à la pêche, différents pays (ou gestionnaires de pêcheries au sein d’un même pays) pouvant affecter différentes pondérations à chacun des objectifs. L’article 10 du Code recommande d’asseoir la prise de décision (concernant les pondérations à attribuer aux différents objectifs de gestion) sur des recherches multidisciplinaires afin d’évaluer les avantages économiques, sociaux et culturels des ressources halieutiques. Dans cette optique, la FAO, l’Université Duke et WorldFish ont récemment élaboré et publié une étude visant à illustrer et expliquer les contributions environnementales, sociales, économiques et nutritionnelles de la pêche artisanale (FAO, Université Duke et WorldFish, 2023). En 2020, les membres de la FAO ont indiqué qu’en moyenne, 92 pour cent environ des pêcheries faisaient l’objet de plans de gestion dans les pays développés, contre seulement 60 pour cent dans les pays en développement. L’écart se creuse encore si l’on considère la proportion de plans de gestion des pêches qui sont effectivement mis en œuvre: 92 et 56 pour cent, respectivementaw. L’un des principaux problèmes mis avant est la faible aptitude des pays en développement à concevoir et mettre en œuvre des plans de gestion, en particulier pour la pêche artisanale.

La Feuille de route de la FAO sur la transformation bleue réitère l’engagement de l’Organisation à soutenir le renforcement des capacités aux fins de l’adoption et de la mise en œuvre de plans et de stratégies de gestion des pêches qui prennent en compte les arbitrages et répondent aux objectifs écologiques, sociaux et économiques. Elle exige que la conception, la mise en œuvre et le suivi des plans et stratégies de gestion soient fondés sur les meilleures données et connaissances scientifiques disponibles, ce qui inclut les savoirs traditionnels, afin d’éclairer les décisions en matière de gestion.

La mauvaise qualité des données est souvent liée au manque de ressources financières et humaines, qui ne permet pas de mettre en œuvre des systèmes de collecte de données rigoureux, ou à des capacités techniques insuffisantes pour analyser et interpréter les données disponibles. Diverses approches ont été appliquées pour combler les lacunes en matière de données et d’informations: création de partenariats avec le secteur pour diffuser les informations recueillies pendant les opérations de pêche (Mackinson et al., 2023), institutionnalisation de programmes communautaires de collecte de données en consultation avec les pêcheurs et les scientifiques (Schroeter et al., 2009; Haridhi et al., 2021), maximisation de l’utilisation des savoirs traditionnels (Al Mamun et al., 2023) et amélioration des aptitudes techniques à concevoir des systèmes de collecte de données efficaces par rapport à leur coût, ainsi qu’à gérer, conserver, interpréter et analyser les données et les informations (Gutierrez et al., 2023). Si la mise en œuvre de ces solutions gagne du terrain, de nombreuses pêcheries restent limitées sur le plan des données, raison pour laquelle une approche de précaution devrait être envisagée dans leur cas. Comme l’indique le Code, «[l]’insuffisance d’informations scientifiques appropriées ne devrait pas être une raison de remettre à plus tard ou de s’abstenir de prendre des mesures de conservation et de gestion».

Ensemble, le Code, les Directives sur la pêche artisanale, l’approche écosystémique des pêches et la transformation bleue défendent une gestion des pêches respectueuse de l’environnement et socialement responsable, nécessaire pour garantir la vitalité des écosystèmes aquatiques et le partage équitable des bénéfices. Ces instruments offrent en outre une base pour élaborer des cadres de gouvernance de la gestion des pêches pertinents, qui respectent les savoirs et les pratiques traditionnels et les intègrent aux approches de gestion environnementale, économique et sociale plus générales (encadré 27).

ENCADRÉ 27PROGRAMME AEP-NANSEN: RÉALISATIONS EN MATIÈRE DE GESTION ET D’ÉVALUATION DES PÊCHES

Partenariat établi de longue date entre l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la Norvège, le programme AEP-Nansen vise à renforcer la contribution des systèmes alimentaires aquatiques à la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans les pays partenaires.

En 2017, l’Agence norvégienne de coopération pour le développement, la FAO et l’Institut de recherche marine de Norvège ont signé le lancement d’une nouvelle phase de l’accord relatif au Programme AEP-Nansen. En vertu de ce nouvel accord, le programme a étendu son soutien à la mise en œuvre de l’approche écosystémique des pêches (AEP) et intensifié ses efforts en direction des nouvelles menaces qui pèsent sur la durabilité des océans, notamment le changement climatique, conformément à la vision de la FAO pour une transformation bleue.

En produisant des connaissances sur les ressources et les écosystèmes marins, en promouvant la mise en œuvre du cadre de l’AEP et en développant les capacités des partenaires en matière de recherche sur la pêche et de gestion des pêches, le programme a permis de nombreuses réalisations importantes.

De 2017 à 2023, le navire de recherche Dr Fridtjof Nansen a accueilli à son bord 672 chercheurs (216 femmes et 456 hommes) de 42 pays, qui ont collecté et analysé des connaissances, des données et des informations utiles pour guider la gestion des pêches. Le programme a donné lieu à plus de 100 publications scientifiques couvrant un large éventail de sujets scientifiques tels que l’écologie, la biologie, la valeur nutritionnelle, les habitats et le changement climatique. Vingt-quatre nouvelles espèces marines ont été découvertes, ce qui porte à 88 le nombre total d’espèces découvertes depuis le début du programme.

Le programme a contribué aux processus d’émission d’avis scientifiques d’organisations régionales telles que le Comité des pêches pour l’Atlantique Centre-Est (COPACE), la Commission des pêches pour le Sud-Ouest de l’océan Indien (CPSOOI), la Convention du courant de Benguela et l’Organisation des pêches de l’Atlantique du Sud-Est (OPASE), en réalisant des campagnes en mer, en appuyant les analyses et les évaluations des groupes de travail scientifiques régionaux et en diffusant les avis, connaissances et informations produits lors des réunions statutaires de ces organisations.

Le programme a mis au point un outil de diagnostic pour la mise en œuvre de l’AEP à partir des cadres politiques et juridiques, afin d’aider les partenaires à évaluer l’alignement de leurs cadres sur cette approche (FAO, 2021a). Au total, 144 personnes (31 pour cent de femmes) ont été formées à l’utilisation de cet outil, 31 rapports nationaux d’évaluation de l’alignement sur l’AEP ont été produits, et six pays ont reçu une aide pour améliorer l’alignement de leur législation et de leurs politiques en matière de pêche sur l’AEP. Neuf pays et deux régions ont bénéficié d’une aide pour la mise en place de plans de gestion des pêcheries et des stocks nationaux et partagés conformes à l’AEP. Le programme a mis au point un autre outil de suivi de la mise en œuvre de l’AEP et formé à son utilisation plus de 250 acteurs de la pêche, afin qu’ils définissent les valeurs de référence et suivent les progrès accomplis dans 40 pêcheries de sept pays africains. Des formations ciblées ont permis de renforcer les capacités de 794 personnes (38 pour cent de femmes) membres d’institutions partenaires dans les domaines suivants: AEP, gestion des stocks partagés, intégration des questions de genre, analyse des données de campagnes, méthodes et outils d’évaluation des stocks et pratiques de collecte des données.

En 2024, le programme AEP-Nansen va entamer une nouvelle phase quinquennale, en s’appuyant sur les enseignements et les réalisations des années précédentes. Le programme mettra encore plus l’accent sur le rapport entre la gestion des pêches et la science, tout en renforçant les liens avec le cadre plus large de la gouvernance des océans, contribuant ainsi à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies et aux objectifs de la Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030).

Navire de recherche Dr Fridtjof Nansen
© FAO/Mariano Silva
Chercheuse à bord du navire de recherche Dr Fridtjof Nansen
© FAO/Mariano Silva
SOURCES: FAO. 2021a. Un outil de diagnostic pour la mise en œuvre d’une approche écosystémique des pêches à partir des cadres politiques et juridiques. Rome. https://doi.org/10.4060/cb2945fr FAO. 2021b. Outil de suivi de la mise en œuvre de l’approche écosystémique des pêches – Un outil de suivi de la mise en œuvre de l’approche écosystémique appliquée à la gestion des pêches (AEP). Manuel de l’utilisateur. Rome. https://doi.org/10.4060/cb3669fr

Faire évoluer la méthode d’évaluation de l’état des stocks de poissons marins

Depuis qu’elle a publié pour la première fois en 1971 une étude mondiale des stocks halieutiques marins (Gulland, 1971), la FAO évalue régulièrement la situation mondiale des ressources halieutiques marines et, depuis 1997, ces résultats sont présentés dans les rapports sur La Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture. L’objectif des évaluations de la FAO est de donner une vue d’ensemble de la situation régionale et mondiale des ressources halieutiques marines, afin d’appuyer l’élaboration de politiques et de mesures de gestion qui garantissent la durabilité à long terme de ces ressources. La méthode utilisée actuellement a été adoptée en 2011 (FAO, 2011a) et appliquée à une liste des stocks halieutiques régionaux et mondiaux qui est restée inchangée afin de préserver l’intégrité des séries chronologiques. La FAO pense qu’il est désormais temps de mettre à jour à la fois la méthode d’évaluation et la liste des stocks halieutiques, pour qu’elles reflètent les changements intervenus dans l’évaluation et la gestion des ressources halieutiques et des espèces halieutiques ciblées, et ce, sans compromettre l’intégrité des séries chronologiques.

La méthode mise à jour sera appliquée de manière transparente, utilisera de nouveaux formats de rapport et établira des contacts directs avec la communauté nationale, régionale et mondiale de plus en plus nombreuse des experts de l’évaluation et de la gestion. Ce processus commencera par la mise à jour de la liste des stocks pris en compte dans les analyses pour chaque région de la FAO, qui reflétera plus fidèlement les activités de pêche qui y ont cours. Cette tâche sera menée en collaboration avec des centres et des experts locaux, essentiellement dans le cadre d’ateliers régionaux mais aussi à travers d’autres formes de consultation comme dans le cadre du Sous-Comité de la gestion des pêches du Comité des pêches de la FAO, notamment pour les rapports nationaux sur les progrès de l’indicateur 4.1 de l’ODD 14 «Proportion de stocks de poissons dont le niveau est biologiquement viable» (voir État et évolution des indicateurs de l’ODD 14 sous la responsabilité de la FAO, p. 107). En fonction de la qualité des données et des informations complémentaires disponibles pour chaque région, on mettra en œuvre une méthode d’évaluation par niveaux:

  1. Niveau 1 – Stocks pour lesquels on dispose d’évaluations classiques considérées comme fiables. La FAO utilise dans ce cas les résultats officiels tels que communiqués par les organes régionaux des pêches et/ou les autorités nationales.
  2. Niveau 2 – Stocks pour lesquels il n’existe aucune évaluation officielle, mais qui se prêtent à l’emploi d’autres méthodes (telles que l’analyse de réduction des stocks plus [ARS+]ax). Ce cas de figure suppose que l’on dispose d’informations supplémentaires, par exemple des données externes sur les débarquements assorties d’indices d’abondance (ou de taux de capture par unité d’effort normalisés par pêcherie), ou des probabilités d’épuisement estimées a priori par des experts (en l’absence de taux de capture par unité d’effort/indices d’abondance), qui permettent de déduire l’état d’un stock particulier.
  3. Niveau 3 – Si l’on ne dispose pas de données suffisantes pour adopter une approche de niveau 1 ou 2, on utilisera une approche de type «poids de la preuve» («weight-of-evidence»)ay pour catégoriser l’état du stock à partir d’informations qualitatives ou semi-quantitatives (Souza et Barros, à paraître).

L’encadré 28 présente les indices FAO de l’état des stocks obtenus selon la méthode actuelle et selon la méthode mise à jour, au terme de la première série de consultations régionales menées dans six zones statistiques de la FAO. Les conclusions de ces consultations, qui ont été présentées lors de la première session du Sous-Comité de la gestion des pêches du Comité des pêches de la FAO, en janvier 2024, établissent aussi une comparaison entre les résultats obtenus selon la méthode actuelle et ceux obtenus selon la méthode mise à jour. La prochaine édition du document technique de la FAO Review of the state of world marine fishery resources (Examen de l’état des ressources halieutiques dans le monde) décrira la nouvelle méthode en détail.

ENCADRÉ 28CONSULTATIONS RÉGIONALES SUR L’ÉVALUATION DES STOCKS DE POISSONS MARINS

En 2022 et 2023, la FAO a mené des consultations régionales en ligne sur la méthode mise à jour d’évaluation des stocks pour les zones suivantes: i) zone 31 (Atlantique Centre-Ouest); ii) zone 34 (Atlantique Centre-Est); iii) zone 37 (Méditerranée et mer Noire); iv) zone 41 (Atlantique Sud-Ouest); v) zone 51 (océan Indien Ouest); vi) zone 57 (océan Indien Est). La participation des experts locaux et régionaux a été renforcée et les analyses étendues: 200 personnes ont été formées en présentiel et 65 autres en ligne; 63 pays ont été consultés au sujet du nouvel indice FAO de l’état des stocks; et le nombre de stocks examinés est passé de 189 stocks agrégés à 1 093 stocks ventilés (voir le tableau).

COMPARAISON DES INDICES FAO DE l’état des stocks : MÉTHODES ACTUELLE ET MISE À JOUR POUR SIX PRINCIPALES ZONES DE PÊCHE DE LA FAO (ANNÉE DE RÉFÉRENCE 2021)

NOTES: Principales zones de pêche de la FAO: zone 31 (Atlantique Centre-Ouest), zone 34 (Atlantique Centre-Est), zone 37 (Méditerranée et mer Noire), zone 41 (Atlantique Sud-Ouest), zone 51 (océan Indien Ouest) et zone 57 (océan Indien Est). *Les données concernant les zones 37 et 51 sont provisoires.
SOURCE: Les auteurs du présent document.

Résultats de la phase pilote
Si les résultats concernant les zones 51 et 37 sont encore provisoires, on enregistre des pourcentages de stocks surexploités relativement semblables pour les zones 41 et 34 (41,2 pour cent contre 39,3 pour cent de surpêche pour la zone 41, et 51,3 pour cent contre 48,8 pour cent de surpêche pour la zone 34). En revanche, on constate une diminution substantielle dans la zone 31, où le taux passe de 42 pour cent à 31,8 pour cent et dans la zone 57 où le taux passe de 37,3 pour cent à 28,9 pour cent (voir la figure). La diminution constatée dans ces deux zones est probablement due à l’incorporation d’un grand nombre d’unités plus petites et importantes au niveau régional, qui a pour effet d’accroître les stocks importants exploités de manière durable et de réduire la proportion de stocks surexploités.

COMPARAISON DES indices FAO de l’état des stocks : MÉTHODES ACTUELLE ET MISE À JOUR POUR SIX PRINCIPALES ZONES DE PÊCHE DE LA FAO (ANNÉE DE RÉFÉRENCE 2021)

NOTES: Principales zones de pêche de la FAO: zone 31 (Atlantique Centre-Ouest), zone 34 (Atlantique Centre-Est), zone 41 (Atlantique Sud-Ouest) et zone 57 (océan Indien Est).
SOURCE: Auteurs du présent document.

Infographie illustrant l’importance de la pêche en termes de valeur économique, d’emploi, d’effort de pêche et d’état des stocks dans la Région

Par ailleurs, certaines consultations ont produit des infographies utiles dans lesquelles les informations sont présentées sous une forme synthétique, comme c’est le cas pour la zone 57. L’infographie illustre les principales données sur la pêche pour chaque région, y compris l’état des stocks et l’importance des pêcheries en termes de navires de pêche et de pêcheurs.

Les consultations menées au niveau régional ont permis de confirmer les informations tirées des ouvrages de la FAO qui sont synthétisées dans cette infographie, et ainsi de transmettre les messages à l’ensemble de la région. Cette démarche peut être utile pour élaborer des documents d’orientation de portée régionale ou nationale.

Le Sous-Comité a examiné un programme de travail détaillé en soutien à la réalisation des objectifs associés à la mise à jour de l’indicateur d’état des ressources marines. Ce programme fournit des exemples des approches d’analyse par niveaux et de communication (infographie à l’encadré 28) qui figureront dans l’édition 2026 du présent rapport, après le déploiement complet de la méthode dans la plupart des zones statistiques de la FAO. Le processus méthodologique actualisé mettra à profit les efforts des ORP et d’autres partenaires du Système de suivi des ressources halieutiques et des pêcheries (FIRMS) (encadré 26, p. 166) pour rassembler, partager et diffuser en temps utile les évaluations publiées et gérer une liste unique des stocks évalués, à l’aide d’une base de données dédiée dans laquelle seront archivées les analyses de l’état des stocks. Ce processus vise également à renforcer la capacité des organismes nationaux et régionaux des pêches à évaluer l’état des stocks, grâce à l’emploi d’outils novateurs et de plateformes virtuelles telles que l’environnement de recherche virtuel i-marine. Le programme encouragera une plus grande participation aux analyses mondiales. Il prévoit notamment une participation plus active des institutions nationales, qui auront la possibilité de présenter régulièrement leurs analyses en tant que contributions à la publication phare de la FAO, en parallèle de leurs rapports sur les progrès accomplis par le pays concernant l’indicateur 4.1 de l’ODD 14. Cela pourrait favoriser une convergence progressive entre les procédures relatives à l’élaboration des rapports et permettre une utilisation plus vaste de cet indicateur en vue de répondre à de nombreux autres objectifs.

Priorités concernant la gestion des pêches continentales

La pêche continentale est presque toujours une activité à petite échelle, souvent menée sur des sites éloignés, de façon saisonnière ou occasionnelle. Elle est généralement plurispécifique, et de nombreuses espèces sont migratrices, parcourant souvent de grandes distances. En outre, les pêches continentales sont touchées à la fois par la pression de pêche et par les facteurs environnementaux, qui peuvent être eux-mêmes affectés par des facteurs externes tels que le changement climatique, le développement de la production d’hydroélectricité et de l’irrigation, la pollution et les prélèvements d’eau. Compte tenu de leur diversité et de leur dispersion, les pêches continentales sont souvent gérées par des groupes locaux et des populations autochtones qui utilisent les savoirs et les pratiques de gestion traditionnels. En général, ces pratiques s’adaptent facilement aux changements, y compris aux nouvelles possibilités de moyens d’existence. La mise en lumière des connaissances et des expériences inhérentes à ces pratiques, on encouragera une participation accrue et une plus grande transdisciplinarité dans les évaluations, ce qui permettra d’en apprendre davantage sur les contributions souvent méconnues de la pêche continentale à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté (encadré 25, p. 165).

Les données sur les captures, en elles-mêmes, donnent peu d’informations sur l’état des pêches continentales. Il importe de prendre en compte les liens et les relations qu’entretiennent de nombreuses pêcheries avec l’environnement aquatique plus large ainsi qu’avec les communautés et les systèmes alimentaires. Cela nécessite d’adopter des approches méthodologiques qui élargissent le champ de l’évaluation et qui soient adaptées aux réalités pratiques.

Évaluations participatives et intégrées

L’approche écosystémique des pêches répond à ces besoins, en élargissant la portée des évaluations aux aspects écologiques, sociaux, économiques, juridiques et institutionnels. Elle reconnaît en outre l’importance des savoirs des peuples autochtones et des savoirs locaux pour la planification et la cogestion. Les approches et les méthodes doivent tenir compte de cette connectivité et répondre aux besoins d’évaluation des pêcheries dynamiques et dispersées qui disposent de données et de ressources limitées. C’est le cas des approches de modélisation empiriques et fondées sur la longueur, qui peuvent être extrapolées pour prendre en considération les rôles et les valeurs des pêches continentales et leurs relations avec d’autres lieux et activités de subsistance. Ces approches doivent rendre compte des pratiques économiques diverses qui ont cours dans les pêches continentales, y compris des pratiques de coopération, de don, de réciprocité et d’investissement collectif dans la gestion qui sont susceptibles d’atténuer les conflits et de faciliter la protection sociale.

Évaluation à l’échelle des bassins

En règle générale, les gestionnaires des pêches continentales ont peu d’influence ou n’exercent qu’un rôle limité dans les décisions liées à l’utilisation de l’eau et des terres à l’échelle du bassin versant ou du bassin hydrographique. La marginalisation des intérêts du secteur de la pêche peut avoir des conséquences importantes pour les habitats aquatiques et les communautés qui en dépendent, raison pour laquelle il est important de mettre au point des formes d’évaluation intégrées et inclusives à l’échelle du bassin. L’une de ces approches appliquées à l’échelle du bassin détermine et évalue les différents types de menace et leur niveau (voir Situation des ressources halieutiques, p. 44); elle peut aider à hiérarchiser les interventions et isoler les contributions des différents secteurs d’un bassin au niveau de menace global, montrant ainsi quelles doivent être les priorités en matière de gestion, de conservation et de restauration des écosystèmes.

Pêcheries continentales indicatrices

À partir de l’évaluation des menaces à l’échelle des bassins, une autre priorité consiste à développer des méthodes permettant de suivre l’évolution d’un ensemble de pêcheries d’importance mondiale au travers d’un réseau de pêcheries continentales indicatrices. Chaque pêcherie du réseau fournirait des informations sur l’état et les tendances des environnements aquatiques dans le bassin concerné. L’application d’un cadre commun à ce réseau de pêcheries continentales indicatrices ouvrirait la voie à des évaluations de portée mondiale et permettrait aux organisations locales, nationales et de bassin d’apporter une contribution active. Parmi les critères utilisés pour choisir les pêcheries continentales indicatrices aptes à constituer ce réseau, on pourra choisir les pêcheries qui font déjà l’objet d’un suivi et celles dont le suivi est susceptible de générer des informations sur l’état et les tendances, en incluant des pêcheries dont on prévoit qu’elles seront affectées par des changements. Les critères de sélection devraient également inclure les contributions à la sécurité alimentaire, à l’économie et aux moyens d’existence. Il conviendra de privilégier des protocoles de collecte de données fiables et simples, comme le suivi de la composition des captures par espèce ou par guilde écologique (par exemple les espèces migratrices, les espèces ayant une espérance de vie longue, les espèces non indigènes).

La technologie et l’innovation au service d’une pêche durable

La dernière décennie a été marquée par un grand nombre d’avancées technologiques dans le domaine de la pêche durable. Les innovations dans les technologies de pêche, par exemple celles touchant aux engins de pêche, aux navires, aux systèmes de propulsion et aux équipements embarqués servant à la manutention et à la conservation des prises, ont amélioré l’efficience des pêches au niveau mondial, ainsi que la capturabilité et la qualité du poisson. Les processus relevant de la gestion et du droit des pêches ne peuvent pas toujours suivre le rythme de ces changements. Les incitations économiques et les gains d’efficience font partie des principaux moteurs de l’innovation en matière d’engins de pêche. Par exemple, les dispositifs de concentration de poissons peuvent être équipés de détecteurs de poissons et de transpondeurs qui renseignent les pêcheurs par satellite sur l’abondance de poissons dans la zone environnante. L’amélioration des engins est à appréhender à la lumière des règlements qui visent à réduire l’impact des activités de pêche sur les habitats aquatiques et la biodiversité. Les innovations en matière d’engins de chalutage sont généralement axées sur la réduction des prises accessoires et l’amélioration de l’efficience économique. Voir par exemple le document technique de la FAO sur la classification des engins de pêche (He et al., 2021) et les Directives internationales de la FAO sur la gestion des prises accessoires et la réduction des rejets en mer (FAO, 2011c).

Chaque année, les scientifiques du Groupe de travail sur la technologie des pêches et le comportement du poisson, qui bénéficie du soutien conjoint du Conseil international pour l’exploration de la mer (ICES) et de la FAO, font connaître les innovations en matière d’engins de pêche produites dans le monde entier (FAO, 2024g). Par ailleurs, les experts européens organisent régulièrement, sous les auspices de l’ICES, des ateliers sur les engins de pêche novateurs qui donnent lieu à l’élaboration de fiches d’information sur les nouveaux engins et méthodes de pêche.

Des innovations en phase avec les Directives volontaires de la FAO sur le marquage des engins de pêche (FAO, 2019) et les manuels connexes sont actuellement diffusées à l’échelle mondiale pour faciliter l’identification de la propriété des engins et lutter contre la pollution provoquée par la pêche, notamment par les engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés (voir La pêche et l’aquaculture dans le contexte des accords mondiaux sur la biodiversité, p. 220). Le manuel de la FAO sur le marquage des engins de pêche (Einarsson, He et Lansley, 2023) donne des indications pratiques sur la mise en conformité avec les exigences de marquage des engins énoncées dans ces instruments et accords internationaux.

Les innovations touchant aux navires de pêche sont souvent guidées par des incitations économiques, qui conduisent généralement à la construction de navires plus grands, dotés d’une capacité de pêche plus élevée en termes de jauge, de longueur et de puissance des moteurs. La FAO a récemment mis à jour sa classification des navires de pêche industriels (Thermes et al., 2023), recensant les tendances en matière de conception et contribuant à l’amélioration de la collecte de données statistiques sur les navires de pêche. De plus en plus de petits navires de pêche sont construits non pas en bois mais en plastique renforcé de fibres de verre. En outre, des petits navires de pêche à coque en plastique (polyéthylène/polyéthylène haute densité) ont récemment fait leur apparition. Ils offrent une sécurité et une durabilité accrues, et leurs matériaux peuvent être recyclés. Il existe également des innovations technologiques qui renforcent la sécurité en mer, tel qu’expliqué dans l’encadré 29.

ENCADRÉ 29INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ EN MER

La pêche commerciale est l’une des activités les plus dangereuses au monde. En 2019, la FAO estimait à 32 000 le nombre annuel de décès liés à la pêche dans le monde. Mais d’après de nouveaux travaux de recherche, le taux de mortalité dans le secteur pourrait être de trois à quatre fois plus élevé (Willis et Holliday, 2022). Les blessures non mortelles (telles que les fractures du bras ou de la jambe, les blessures à la tête et au cou et les amputations de doigt, main, bras ou jambe) sont également très fréquentes chez les pêcheurs, les aquaculteurs et les travailleurs de la pêche, mais sont largement sous-déclarées.

La plupart des accidents et des décès surviennent dans les pêcheries artisanales, qui sont le plus grand pourvoyeur d’emploi dans le secteur mondial de la pêche de capture. Le mauvais temps, les pannes de moteur, les collisions, les incendies, les défauts de construction des navires, la surcharge, la fatigue et le manque de sécurité et de formation font partie des nombreux risques auxquels sont confrontés les pêcheurs. Compte tenu de l’augmentation de la demande de produits alimentaires d’origine aquatique partout dans le monde et des répercussions des changements climatiques sur les conditions de pêche, il se pourrait que la pêche et les activités connexes deviennent plus dangereuses à l’avenir.

La FAO collabore avec les organisations régionales, les membres, les pêcheurs et les communautés vivant de la pêche dans le cadre de projets menés sur le terrain, afin d’améliorer la conception, la construction et l’équipement des navires de pêche, y compris sur le plan des matériaux et des méthodes, de la stabilité et de la sécurité. Elle préconise que les petits navires de pêche soient équipés de matériel et d’outils de sécurité comprenant, au minimum, des gilets de sauvetage, des bouées de sauvetage, un compas, un système de communication radio, un GPS pour la navigation, une trousse de premiers secours, un extincteur, des fusées de détresse, une radiobalise de localisation des sinistres (EPIRB), une ancre, des pagaies et des feux de navigation pour la sécurité de nuit.

Pour que les technologies destinées à la sécurité soient utiles, il faut que le matériel soit fiable et que l’équipage sache s’en servir correctement. Les navires de pêche au large doivent être équipés d’un moteur robuste et leur équipage doit connaître le maniement des instruments et matériels de navigation, de communication et d’extinction d’incendie. Des gilets de sauvetage doivent être disponibles et des formations ciblées mises en place pour sensibiliser les parties concernées aux questions de sécurité et renforcer la capacité à réduire les risques en mer. La coopération entre les autorités, les constructeurs de bateaux, les propriétaires de bateaux et les équipages, ainsi que la participation des assureurs et des communautés sont indispensables si l’on veut instaurer une culture de la sécurité dans le secteur de la pêche. Les plateformes numériques communautaires et les technologies de l’information et de la communication sont de plus en plus utilisées pour améliorer la sécurité en mer, contribuant à sauver des vies et à réduire le nombre de blessés.

Au nombre des innovations technologiques récentes qui améliorent la sécurité dans le secteur de la pêche et les conditions de travail à bord, figurent de nouveaux systèmes de halage des filets et des pièges, des caméras sous-marines pour chalut, des navires à redressement automatique et insubmersibles, des gilets de sauvetage à sécurité renforcée et des systèmes de navigation aux capacités étendues (avec intégration de données par satellite et cartes montrant la hauteur des vagues et les courants océaniques, services météorologiques, systèmes de visualisation des cartes électroniques et d’information et sonars multifaisceaux).

La sixième Conférence internationale sur la santé et la sécurité dans l’industrie de la pêche organisée par la FAO en janvier 2024 s’est penchée sur les innovations technologiques récentes en matière de sécurité des pêches industrielles. Dans de nombreuses régions du monde, les organismes de réglementation de la sécurité en mer, les gestionnaires des pêches, les pêcheurs et les experts en sécurité des pêches travaillent de concert pour s’assurer que les innovations technologiques visant à améliorer la sécurité et les conditions de travail à bord profitent également aux petits pêcheurs du monde entier.

Le bateau de pêche résistant aux aléas climatiques conçu par la FAO, Sri Lanka
© FAO/Kolitha Bandara
Gilets de sauvetage et équipement de sécurité
© FAO/Kolitha Bandara
SOURCE: Willis, S. et Holliday, E. 2022. Triggering Death – Quantifying the True Human Cost of Global Fishing. Rapport de recherche, novembre 2022. FISH Safety Foundation. [Consulté le 28 novembre 2023]. https://fishsafety.org/wp-content/uploads/2024/02/White-Paper-Triggering-Death-November-2022.pdf

À la faveur du développement des technologies numériques, les navires, les engins et les dispositifs de concentration de poissons sont devenus de véritables plateformes de données, utilisées à des fins très diverses: systèmes de surveillance des navires, journaux de bord, capteurs pour la détection du poisson, enregistrements vidéo, gestion des pêches (encadré 30) et données de télédétection telles que celles des systèmes d’identification automatique (AIS). Ces technologies et d’autres comme le profilage génétique sur l’ADN ou l’imagerie par satellite génèrent de nouveaux flux de données, souvent volumineux, qui offrent de nouvelles possibilités d’améliorer les connaissances scientifiques et techniques sur les pêches et leurs interactions avec leurs écosystèmes.

ENCADRÉ 30L’ARABIE SAOUDITE MET L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE AU SERVICE DE LA GESTION DES PÊCHES

Grâce à un système de surveillance électronique des pêches mis au point par la FAO et l’Arabie Saoudite, ce pays est passé de la collecte de données analogiques à un système de gestion des pêches entièrement numérique.

La Direction générale des pêches du Ministère saoudien de l’environnement, de l’eau et de l’agriculture a collaboré avec la FAO pour développer cette nouvelle technologie, qui a permis aux autorités publiques d’automatiser la collecte des données et statistiques dans les différents secteurs liés à la pêche. Les caméras installées à bord des bateaux de pêche, sur les sites de débarquement et dans les criées permettent aux responsables des pêcheries de recevoir les données et les informations en ligne; ces données sont ensuite traitées par des algorithmes d’apprentissage en profondeur, et les résultats analysés automatiquement par un logiciel de statistique. Selon la Division des statistiques sur la pêche du Ministère saoudien de l’environnement, de l’eau et de l’agriculture, cela représente une avancée importante dans le système national des statistiques sur les pêches car, en plus d’améliorer la quantité et la qualité des données collectées par les compteurs placés sur les sites de débarquement, cela permet aussi d’éviter les problèmes posés par les conditions météorologiques extrêmes, l’éloignement géographique des zones concernées et les difficultés pour identifier les espèces.

Les pêcheries d’Arabie saoudite ont vu leurs volumes de captures grimper de 49 000 tonnes en 2000 à 79 500 tonnes en 2022. Plus de 30 000 pêcheurs participent directement aux activités de pêche de capture et le secteur dans son ensemble emploie environ 150 000 personnes. La pêche de capture saoudienne a connu une expansion rapide ces dernières années, stimulée par les aides publiques, les mesures incitatives et la forte demande du marché.

Avant le passage à la technologie numérique en 2021, les responsables des pêcheries se rendaient régulièrement sur le terrain pour collecter manuellement statistiques et informations – une procédure coûteuse qui retardait l’établissement des rapports, les analyses et la planification des politiques. Ce processus fastidieux a été considérablement simplifié à la fin de l’année 2021, grâce à l’adoption d’un nouveau système numérique combiné à des applications mobiles, qui fournit aux utilisateurs des mises à jour immédiates sur le secteur, présentées au moyen de cartes, de graphiques et de tableaux interactifs. Une nouvelle étape a été franchie en 2023 avec l’introduction de caméras et d’algorithmes d’apprentissage en profondeur qui automatisent la collecte des données, permettant ainsi à l’ensemble du système de fonctionner en autonomie.

Le nouveau système fournira au gouvernement des informations rapides et précises, contribuera à la croissance durable du secteur, et aidera les décideurs au moment de choisir les stratégies et les investissements destinés au secteur.

Le nouveau système numérique – une des innovations phare du projet actuellement mené par la FAO, «Renforcer la capacité du Ministère saoudien de l’environnement, de l’eau et de l’agriculture à mettre en œuvre son Programme de développement rural agricole durable (2019-2025)» – améliorera la gestion durable de la pêche et de l’aquaculture et facilitera le respect des normes internationales en matière de gestion des écosystèmes marins.

Les produits alimentaires d’origine aquatique durables peuvent apporter une contribution utile contre la faim et la malnutrition et réduire l’empreinte environnementale des systèmes agroalimentaires en Arabie saoudite, tout en procurant des revenus aux communautés qui dépendent de la pêche et de l’aquaculture.

Caméra alimentée par panneau solaire à bord d'un navire de pêche en mer Rouge
© FAO/Pedro Guemes

Plus que jamais, la gestion durable des pêches doit pouvoir s’appuyer sur des systèmes de collecte de données fiables, qui requièrent des données opérationnelles et statistiques de qualité et à résolution élevée (FAO, 2016). Face au déluge de données actuel, il importe d’intégrer les concepts des mégadonnées dans la conception et l’analyse, ce qui nécessite également d’intégrer correctement les données se rapportant à différents domaines. Pour répondre aux exigences de qualité des données, la FAO a récemment élaboré une norme de métadonnées pour les mégadonnées associées aux statistiques de la pêche. Pour encourager les innovations adaptables fondées sur les données, l’Organisation collabore avec d’autres parties prenantes sur la normalisation et l’harmonisation des systèmes statistiques et opérationnels (FAO, 2018b). Par exemple, le Groupe de travail chargé de coordonner les statistiques des pêches étudie comment intégrer, sous la forme d’une norme statistique, les indicateurs obtenus auprès des navires qui transmettent des (méga)données, tels que l’activité de pêche déterminée par AIS. Dans le cadre de sa politique en matière de gestion de l’information, le système FIRMS compile les normes, définitions et meilleures pratiques qui sous-tendent les données collectées, stockées et diffusées par le système et qui permettent que ces données soient correctement utilisées par les systèmes d’information sur les pêches.

La FAO fournit également des outils utiles pour les statistiques nationales sur la pêche et les systèmes d’information sur la gestion (tels que Calipseo) (FAO, 2020), et prend en charge les bases de données des ORP, qui se servent de la norme du Groupe de travail chargé de coordonner les statistiques des pêches pour l’harmonisation des références. Ces outils offrent des exemples de la façon dont les systèmes nationaux de collecte de données sur la pêche peuvent être rendus plus efficaces, et les systèmes régionaux de partage des données renforcés. Parmi les innovations notables, citons le partage de données et la publication de données ouvertes fondés sur des plateformes ouvertes, telles que la Plateforme de données géospatiales de l’initiative Main dans la main de la FAO, l’Atlas mondial du thon de FIRMS, le Système d’information sur les pêches de l’Atlantique Centre-Ouest et le Registre mondial des stocks et des pêches. Les progrès en matière de normalisation facilitent les consultations des parties prenantes sur les questions de qualité et de validité des données, ouvrant la voie à des analyses collaboratives de données sur la pêche de qualité améliorée.

Avec l’avènement récent d’outils d’intelligence artificielle (IA) utilisant de grandes quantités de données, les données détenues par les organisations de pêche peuvent être réutilisées dans des contextes entièrement nouveaux. Parmi les outils proposés récemment, citons les modèles d’IA générative tels que ChatGPT, les modèles de classification par IA appliqués à l’imagerie par satellite et l’apprentissage automatique appliqué à la prévision de la distribution et à la traçabilité des espèces envahissantes. Les innovations des services de données soulèvent néanmoins de nombreux défis et questions concernant l’équité sociale, l’accessibilité des données et le partage des bénéfices issus des produits; c’est pourquoi il faut mettre en place des orientations et des politiques adaptées pour que ces services contribuent positivement à la réalisation des ODD. La FAO participe activement à plusieurs partenariats, parmi lesquels l’Appel de Rome pour une éthique de l’intelligence artificielle (FAO, 2021c), qui milite en faveur d’une utilisation sûre et équitable de l’IA dans un environnement inclusif et mutuellement enrichissant.

Il existe actuellement plus de 7 milliards d’utilisateurs de téléphones mobiles et d’innombrables capteurs et instruments utilisent les technologies de l’information et l’intelligence artificielle pour générer des mégadonnées. Ces données peuvent améliorer la gestion des pêches, à condition que les directives ad hoc en matière d’accès et d’utilisation responsables et équitables soient respectées tout au long du continuum de l’information. Par exemple, les indicateurs de qualité, de fiabilité et d’exhaustivité des données sont essentiels pour instaurer la confiance entre les parties prenantes. Le développement de la science citoyenne, qui confère aux acteurs du secteur de la pêche un rôle de fournisseurs de données, impose également de se pencher sur la question de leur accès et du partage des bénéfices. La FAO adapte continuellement ses politiques de gestion des données, en collaboration avec ses partenaires, pour rester au fait de ces évolutions et donner des orientations sur l’utilisation responsable des nouvelles technologies.

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