FAO

La situation mondiale des peches et de l’aquaculture 2024

Partie 2 LA TRANSFORMATION BLEUE EN ACTION

Innovations dans le domaine du commerce et des chaînes de valeur durables

La présente section porte sur les actions prioritaires entreprises pour mettre à niveau les chaînes de valeur des produits alimentaires d’origine aquatique et garantir leur viabilité sociale, économique et environnementale. Outre l’Accord sur les subventions à la pêche de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), elle s’intéresse aux directives sur la viabilité sociale, aux approches innovatrices et technologiquement inclusives de la traçabilité et de la certification, à la réduction des pertes et du gaspillage de poisson, et à la sécurité sanitaire des aliments d’origine aquatique. Ces différents aspects font l’objet d’encadrés (encadré 31, encadré 32, encadré 34, encadré 35 et encadré 37) qui exposent les possibilités de développer le commerce et d’accroître les retombées économiques dans le secteur de la pêche, de réduire les pertes et le gaspillage de poisson et de renforcer la durabilité des chaînes de valeur.

ENCADRÉ 31ACCÈS PRÉFÉRENTIEL DANS LE CADRE DU COMMERCE INTERNATIONAL ET DURABILITÉ

Un accès préférentiel peut considérablement faciliter l’accès aux marchés et les échanges commerciaux; la participation des pays à des accords commerciaux régionaux est un moyen utilisé de longue date pour octroyer un tel accès. L’accès préférentiel implique un abaissement des droits de douane sur les produits importés de pays qui sont partie à l’accord commercial régional et, dans de nombreux cas, une simplification par reconnaissance mutuelle des exigences à l’importation, lesquelles font l’objet de conditions négociées. Traditionnellement, la plupart de ces conditions découlent de règles économiques et commerciales, notamment celles relatives à l’origine des produits, établies sur la base de critères spécifiques.

Plusieurs accords commerciaux régionaux ont toutefois défini des conditions d’accès préférentiel supplémentaires qui vont au-delà des exigences économiques et commerciales classiques. Il s’agit notamment de conditions liées à l’environnement et à la durabilité, qui influent directement sur les produits halieutiques et aquacoles.

À la demande de ses membres, la FAO élabore une base de données d’accords commerciaux régionaux relatifs aux produits halieutiques et aquacoles. Cette base de données est destinée à accroître la transparence et les connaissances sur les «clauses modernes» des accords commerciaux régionaux (voir la figure), en tenant compte de leur complexité; elle vise également à faciliter l’accès préférentiel, en accordant une attention particulière aux pays en développement et aux petits acteurs. L’objectif est de remédier au déficit d’information actuel sur le sujet et d’encourager les discussions sur les accords commerciaux aux fins de l’augmentation des échanges internationaux responsables. L’inclusion de ces «clauses modernes» dans les accords commerciaux régionaux souligne combien il est important d’adopter les instruments internationaux connexes tels que l’Accord de la FAO relatif aux mesures du ressort de l’État du port (p. 156), le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable et l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche (p. 180).

Nouvelles conditions préférentielles dans les accords commerciaux régionaux

NOTE: Cette liste de conditions n’est pas exhaustive.
SOURCE: Auteurs du présent document.

ENCADRÉ 32COMPRENDRE LES DISPOSITIFS RELATIFS À L’ACCÈS AUX LIEUX DE PÊCHE POUR MAXIMISER LES AVANTAGES DURABLES

Les dispositifs relatifs à l’accès aux lieux de pêche sont un mécanisme reconnu dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer qui vise à optimiser l’utilisation durable des ressources halieutiques dans la zone économique exclusive (ZEE) des pays côtiers. Ces dispositifs permettent aux pays côtiers d’octroyer à d’autres pays un accès aux pêcheries situées dans leur ZEE, sous certaines conditions.

L’estimation économique des accords relatifs à l’accès aux zones de pêche permet d’envisager des stratégies prospectives pour améliorer le commerce des services liés à la pêche dans les pays côtiers qui donnent accès à leurs ZEE, en particulier les pays en développement. Les dispositifs relatifs à l’accès aux lieux de pêche peuvent ouvrir un large éventail de possibilités économiques axées sur différentes activités de pêche et activités après capture. Les entreprises des pays côtiers peuvent potentiellement générer des avantages économiques supplémentaires en participant aux activités associées aux autorisations de pêche de tiers, sous réserve que la structure générale, les conditions et les termes de ces arrangements soient globalement bien compris, l’objectif étant de s’assurer que leurs résultats améliorent la sécurité alimentaire et la nutrition, renforcent la durabilité des pêcheries et protègent les moyens d’existence des communautés côtières qui en dépendent. Il faudrait, pour que les pays côtiers maximisent leurs avantages sociaux, économiques et environnementaux, un fonctionnement des dispositifs relatifs à l’accès aux lieux de pêche qui respecte les limites en matière de conservation et de gestion, soit transparent et équitable, et favorise le débarquement et la transformation des prises dans ces pays.

Dans ce contexte, la FAO mène une série d’études en vue de produire une analyse économique et historique complète des dispositifs relatifs à l’accès aux lieux de pêche. Ces études visent à améliorer la compréhension globale des types de dispositifs actuels et de leurs conditions économiques, et à évaluer le potentiel de participation des entreprises nationales et internationales aux activités de pêche et activités après capture connexes.

La première partie de l’étude (FAO, 2022) est consacrée à une analyse des différentes structures de dispositif d’accès, portant sur les acteurs, le type de cadre et le caractère évolutif des buts et des objectifs. Le rapport précise les pays et les entreprises concernés par les dispositifs relatifs à l’accès aux lieux de pêche, et utilise l’existence d’une indemnisation financière et la participation d’entreprises nationales comme critères pour classer ces arrangements.

Ses conclusions indiquent que les dispositifs d’accès dépendent de différents facteurs, notamment de la pêcherie ciblée et de ses caractéristiques opérationnelles, du contexte régional, ainsi que des liens historiques, institutionnels et politiques. En outre, l’évolution constante des conditions réglementaires et commerciales et des conditions relatives à la durabilité a une incidence considérable sur la manière dont ils sont élaborés.

En 2024, la FAO a publié la deuxième partie de cette étude (FAO, à paraître), laquelle couvre les aspects institutionnels et économiques des dispositifs relatifs à l’accès aux lieux de pêche à partir d’études de cas portant sur un certain nombre de pays. Le rapport insiste sur le fait que les dispositifs d’accès évoluent en permanence pour répondre à des buts et des objectifs qui dépendent de dynamiques géopolitiques et économiques.

Ces études sur les dispositifs relatifs à l’accès aux lieux de pêche visent à enrichir le corpus de connaissances et à diffuser des informations sur l’ensemble diversifié et complexe d’arrangements à l’échelle mondiale. Elles expliquent le raisonnement économique qui sous-tend ces dispositifs et permettent aux pays côtiers de générer des avantages économiques supplémentaires en s’associant de manière durable aux activités connexes.

SOURCES: FAO. 2022. Mapping distant-water fisheries access arrangements. Circulaire de la FAO sur les pêches et l’aquaculture, n° 1252. Rome.
www.fao.org/3/cc2545en/cc2545en.pdf
FAO. (À paraître). Institutional and economic perspectives on distant-water fisheries access arrangements. Rome.

Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche, durabilité des stocks de poissons et rôle de la FAO

En juin 2022, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a adopté lors de sa 12e Conférence ministérielle un accord visant à réglementer les subventions à la pêche. Lorsqu’il entrera en vigueur, l’Accord sur les subventions à la pêche sera le premier instrument de l’OMC à traiter des questions environnementales dans le cadre de la mise en place d’un cadre réglementaire mondial pour l’octroi de subventions à la pêche, en reconnaissant que certains types de subventions peuvent avoir une incidence préjudiciable sur la durabilité à long terme des écosystèmes marins.

Outre des exigences commerciales et administratives, l’accord comprend trois principales prohibitions s’agissant des subventions octroyées ou maintenues par les pays, lesquelles concernent: i) les navires ou opérateurs qui pratiquent la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INDNR) ou des activités liées à cette pêche; ii) les activités de pêche visant des stocks surexploités; et iii) les activités de pêche pratiquées dans une zone ne relevant pas de la juridiction d’un pays côtier ni de la compétence d’une organisation régionale de gestion des pêches (ORGP) ou d’un arrangement régional de gestion des pêches (ARGP), ce qui comprend les zones ne relevant pas d’une juridiction nationale.

Avec l’adoption de cet accord, la gestion des pêches et le suivi des stocks ont pris une importance encore plus critique, compte tenu notamment de l’accent mis sur la durabilité et les obligations de notification. Dans le cadre de la gestion des pêches, une collecte de données élaborées et exhaustives permet d’évaluer l’état des ressources aquatiques vivantes afin d’assurer aux individus, aux communautés et aux pays un maximum d’avantages découlant de l’exploitation durable de ces ressources.

La mise en place de systèmes de gestion des pêches est essentielle pour s’assurer que les pays respectent le cadre de l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche, compte tenu notamment de l’interdiction de destiner des subventions liées à des stocks surexploités et à des activités de pêche INDNR.

La FAO évalue régulièrement les ressources halieutiques mondiales, et communique des données agrégées tous les deux ans depuis 1971. Cependant, compte tenu de la nature changeante des pêches maritimes et de l’évolution des techniques d’évaluation et de l’accessibilité des données, la FAO revoit régulièrement sa méthode d’estimation des stocks. La dernière révision a eu lieu en 2022 (voir Faire évoluer la méthode d’évaluation de l’état des stocks de poissons marins, p. 169).

L’objectif de la méthode actualisée est de réviser la liste des stocks halieutiques estimés afin de mieux refléter la dynamique des pêches à l’échelle mondiale et de mettre en œuvre une approche à plusieurs niveaux, plus transparente, en fonction de la qualité des informations disponibles, en privilégiant des relations plus directes avec la communauté croissante d’institutions et d’experts en matière d’estimation et de gestion dans de nombreux pays.

Parallèlement, la FAO continue de mettre en œuvre des programmes de renforcement des capacités pour aider les pays à rassembler, gérer et traiter les données et les informations nécessaires à l’évaluation et à la communication de l’état des pêches et des stocks halieutiques conformément à la méthodologie et au processus révisés.

L’autre pierre angulaire de l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche est la prohibition des subventions aux activités de pêche INDNR. La pêche illicite, non déclarée et non réglementée désigne les activités de pêche menées en violation des lois et règlements en vigueur et des procédures de déclaration applicables, ou sans cadre de gouvernance des pêches. Ces activités contribuent de manière notable à l’épuisement des ressources naturelles; elles mettent ainsi à mal l’intégrité écologique qui sous-tend les stocks halieutiques et menacent le capital naturel. Elles nuisent en outre aux pratiques de pêche durables et responsables, et sapent l’efficacité des programmes de gestion de la pêche.

De manière générale, les pertes totales liées à la pêche INDNR sont sous-estimées, sachant notamment que de nombreuses études ont été uniquement axées sur l’estimation des captures illégales et non déclarées et n’ont pas pris en compte les pêches non réglementées. L’estimation initiale de Agnew et al. (2009) indiquait une perte annuelle causée par la pêche illicite et non déclarée à l’échelle mondiale comprise entre 11 millions et 26 millions de tonnes de prises de 2000 à 2003, évaluée à un montant compris entre 10 milliards et 23,5 milliards d’USD. Un examen récent de cette étude et de sa méthode pour la période 2005-2014 donne une estimation de la valeur des captures illicites et non déclarées comprise entre 9 milliards et 17 milliards d’USD. À ce montant peuvent venir s’ajouter des conséquences financières allant de 34 milliards d’USD à 67 milliards d’USD du fait d’effets économiques secondaires, de répercussions sur les revenus et de pertes de recettes fiscales (Sumalia et al., 2020).

Les dispositions de l’Accord de l’OMC qui prohibent les subventions à la pêche INDNR peuvent réduire ces pratiques dommageables et illicites. L’accord doit s’accompagner au niveau national d’une mise en œuvre efficace des autres instruments existants de lutte contre la pêche INDNR et contre les pratiques illicites à tous les stades des chaînes de valeur. La section intitulée État d’avancement de l’application de l’Accord de la FAO relatif aux mesures du ressort de l’État du port (p. 156) décrit l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, conclu sous la houlette de la FAO, et des Directives volontaires relatives au transbordement, élaborées par l’Organisation. La section intitulée Activités de la FAO en matière d’établissement de normes sur la traçabilité et la certification (p. 189) présente quant à elle les progrès accomplis dans la mise en œuvre des Directives d’application volontaire de la FAO relatives aux programmes de documentation des prisesaz.

Enfin, l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche vise les subventions concernant des zones ne relevant pas d’une juridiction nationale. Ces zones situées en haute mer s’étendent au-delà de 200 miles nautiques d’une côte, et ne relèvent pas de la juridiction d’un pays ou d’une ORGP en particulier. Elles sont souvent gérées par des instruments spécifiques ou des arrangements mondiaux ou régionaux, associés chacun à des objectifs et des buts clairement définis, et notamment par des organes régionaux des pêches (ORP). À cet égard, les ORP, qui jouent un rôle essentiel dans la préservation et la gouvernance des stocks halieutiques dans différentes zones maritimes, peuvent offrir un moyen d’appliquer en pratique la prohibition prévue dans l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche concernant des zones non réglementées ne relevant pas d’une juridiction nationale.

Viabilité sociale dans la pêche et l’aquaculture

La pêche est l’un des métiers les plus dangereux du monde. Assurer des conditions de travail sûres et décentes pour tous reste un défi majeur du secteur de la pêche et de l’aquaculture. L’absence de protection sociale ou de soins de santé adéquats, les relations de travail informelles et les conditions de travail inadéquates, par exemple, sont des problèmes structurels qui persistent dans les chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture, en particulier dans les pays en développement, qui ont encore beaucoup de mal à faire appliquer la législation du travail dans le secteur.

Par ailleurs, des atteintes aux droits humains et aux droits des travailleurs sont toujours observées dans l’ensemble des chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture, principalement dans les activités de capture, d’élevage et de transformation. Ces pratiques ont des incidences sociales, notamment pour les populations les plus vulnérables, comme les travailleurs migrants, les femmes et les enfants. Les enfants participent à diverses activités dans le secteur de la pêche de capture et de l’aquaculture, ainsi qu’à des activités connexes en aval et en amont, telles que la transformation, la commercialisation, la fabrication de filets et la construction de bateaux (FAO et OIT, 2013). Les travailleurs migrants sont particulièrement exposés aux risques d’esclavage moderne, de servitude pour cause de dette, de travail forcé et d’autres formes de maltraitance, risques qui ont été corrélés à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

Le rôle des femmes est essentiel dans le secteur, mais souvent mal reconnu. Les femmes représentent une part importante de la main-d’œuvre informelle et occupent des emplois moins rémunérés, moins stables et moins qualifiés; elles sont en outre fréquemment confrontées à des contraintes fondées sur le genre. Elles sont souvent employées de manière informelle, et n’ont donc pas accès aux régimes de protection sociale. La reconnaissance du rôle essentiel des femmes, en particulier dans la pêche et l’aquaculture artisanales, est une condition indispensable pour promouvoir leur autonomisation et assurer un développement durable et une protection sociale (encadré 33).

ENCADRÉ 33FAIRE DES DÉCHETS DE LA PÊCHE ARTISANALE UNE RICHESSE AU TOGO

Au Togo, la coopérative de femmes ALOWODO* a réussi à élargir ses activités de transformation des produits halieutiques dans le port de pêche de Lomé. Lors d’un entretien organisé à l’occasion de l’Année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales 2022**, la présidente d’ALOWODO a fièrement décrit comment le groupement, après un cours de formation, a réduit les pertes et le gaspillage alimentaires en récupérant les déchets de la transformation (qui étaient auparavant jetés) pour fabriquer un nouveau produit commercialisable: de la farine de poisson pour les animaux d’élevage.

À l’origine de la réussite d’ALOWODO, il y a l’appui apporté par la FAO à 166 femmes qui assuraient des activités de transformation au Togo durant la pandémie de covid-19. Le développement ciblé des capacités et les connaissances dont ont bénéficié les groupes de femmes a permis d’améliorer les normes d’hygiène et de renforcer les bonnes pratiques en matière de fabrication et de traçabilité des produits afin de faire face aux restrictions imposées par la pandémie. Des consultations et des sessions de formation ont permis d’établir une carte de référence des organisations, coopératives, syndicats et groupes informels constitués de femmes travaillant dans le secteur après capture. De nouveaux groupes et collectifs ont été créés par des femmes, et certaines organisations qui avaient cessé leurs activités les ont reprises. Les problèmes courants ont également été répertoriés, tels que celui des prêts assortis de taux d’intérêt prohibitifs.

Des groupes de femmes sélectionnés à partir de cette carte de référence ont ensuite été intégrés dans le projet de partenariats GloLitter***. Les communautés côtières du monde entier sont confrontées à la prolifération des déchets plastiques marins, qui dégradent les écosystèmes, contribuent à la pollution des océans et à l’appauvrissement de la biodiversité, et constituent une menace pour la santé publique (encadré 42, p. 201). L’exposition des hommes et des femmes aux déchets plastiques et leur rôle dans la réduction de ces derniers reflètent la répartition du travail selon le genre. En général, les femmes ramassent des crustacés et des mollusques, pêchent de petits poissons ou s’occupent d’activités après capture, tandis que les hommes travaillent plutôt sur les bateaux de pêche. Les femmes peuvent intégrer les déchets plastiques marins dans leurs activités de capture et leurs activités après capture; les hommes, de leur côté, peuvent contribuer à réduire les déchets plastiques liés aux engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés à la mer.

Au Togo, le projet de partenariats GloLitter collabore avec des coopératives de femmes dans les communautés de pêcheurs afin de permettre aux femmes de gagner davantage en collectant et en recyclant des déchets plastiques marins. Le groupe précurseur, ALOWODO, avait déjà une activité de collecte et de vente de déchets plastiques, mais qui était peu rémunérée, et ne contribuait donc pas de manière substantielle aux revenus des femmes. ALOWODO et d’autres coopératives de femmes participent désormais à des sessions de formation de la FAO sur le recyclage de déchets plastiques pour fabriquer d’autres produits, tels que des sacs ou des chaussures, et élargir ainsi les perspectives économiques du secteur. Elles sont bien organisées et convaincues qu’avec la formation et l’appui apportés par le projet de partenariats GloLitter, elles pourront trouver des débouchés rentables pour leurs produits recyclés.

Membres de la coopérative recyclant du plastique, Togo
© Agridigitale
NOTES: * ALOWODO est un collectif de femmes qui compte quelque 20 membres travaillant depuis le port de Lomé (Togo); ce groupe, qui a été formé pour les femmes travaillant dans le secteur après capture, s’occupe également des déchets plastiques marins (collecte, transformation et vente des produits).
** Voir: https://wildaf-ao.org/2022/12/22/au-port-de-peche-de-lome-les-mareyeuses-donnent-une-seconde-vie-aux-dechets-de-poissons.
*** Pour plus d’informations, voir: www.fao.org/responsible-fishing/marking-of-fishing-gear/glolitter-partnerships-programme/fr.

ENCADRÉ 34PESCATOURISME À JINSHANZUI: FAIRE LE LIEN ENTRE LE PASSÉ ET LE PRÉSENT

Le pescatourisme est une stratégie innovatrice qui assure des revenus complémentaires aux communautés de pêcheurs. Elle peut apporter de nombreux avantages et réduire la pression exercée sur l’environnement tout en permettant aux communautés de générer des gains supplémentaires, et avoir une incidence favorable sur l’équilibre entre les genres, l’emploi des jeunes, la culture et la conservation du patrimoine. Le cadre du pescatourisme dépasse largement celui de la pêche de loisir, comme on peut le constater à Jinshanzui.

Jinshanzui est un village de pêche moderne dépendant de la municipalité de Shanghai, situé à 69 km du centre de la ville. Devant l’épuisement des ressources halieutiques dans les eaux côtières, et ses répercussions sur le développement local et les revenus des pêcheurs, le village a connu une progression rapide du pescatourisme. Cette réussite est attribuée à l’appui solide des autorités nationales et locales, à un environnement favorable à l’investissement et à l’amélioration des infrastructures, ainsi qu’à la proximité d’un important marché et à la facilité d’accès par les transports publics.

En 2010, des fonds ont été consacrés à l’amélioration des infrastructures dans le village et aux alentours ainsi qu’à la restauration de l’ancien centre de pêche. En avril 2011, les autorités municipales ont créé la société Jinshanzui Investment Management Ltd, en prévoyant dans son mandat de nombreuses activités visant à promouvoir le tourisme: développement du centre historique, création d’un parc de développement de projets innovateurs autour de la culture océanique, et ouverture du salon de thé des pêcheurs, du centre culturel sur la pêche maritime, de la maison des engins de pêche et du musée des bateaux de pêche.

Un festival culturel autour de la pêche a également été créé pour attirer les touristes. Un environnement commercial favorable s’est constitué, et Jinshanzui Investment Management Ltd joue le rôle de médiateur en cas de différend entre les pêcheurs et les exploitants des installations. Le programme de développement comprend la fourniture de services de qualité, les investissements obtenus du secteur privé ayant permis de créer des hébergements haut de gamme dans le village de pêcheurs, en complément des hôtels classiques.

Le village de pêcheurs de Jinshanzui allie traditions, culture et civilisation moderne; en outre, grâce à ses excellentes connexions avec le marché de Shanghai, il associe avec succès le pescatourisme à la pêche durable.

Centre culturel sur la pêche maritime
© Wei Yang
Maison des engins de pêche
© Wei Yang

ENCADRÉ 35INITIATIVE SUR LES PORTS BLEUS

L’Initiative de la FAO sur les ports bleus est une plateforme créée en 2019 pour promouvoir la durabilité environnementale, sociale et économique dans tous les aspects de l’exploitation et de la gestion des ports de pêche. Depuis mai 2024, elle vante un réseau de 26 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, dont huit sont représentés par le Système d’intégration centraméricain. Elle encourage une diversité d’activités et de partenariats intersectoriels qui renforcent le développement durable, améliorent le rapport coût-efficacité et favorisent les échanges de connaissances et de pratiques optimales entre les ports de pêche participants.

Les objectifs de l’Initiative sont multiples:

  • Objectifs environnementaux: encourager l’utilisation des énergies renouvelables et des outils numériques pour renforcer l’efficacité opérationnelle et réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi que la pollution due aux déchets produits dans le cadre des activités des ports de pêche.
  • Objectifs économiques: renforcer les chaînes de valeur de la pêche, en tenant compte du fait que les activités et les services des ports de pêche sont des points d’entrée essentiels pour améliorer la qualité des produits et réduire les pertes et le gaspillage de poisson. L’équipe de l’Initiative s’attache à aider les ports à répondre efficacement aux demandes du marché, et mène des études en vue d’intégrer les normes de traçabilité dans les activités et services portuaires.
  • Objectifs sociaux: perfectionner les compétences et les capacités professionnelles des travailleurs portuaires et accroître le bien-être des communautés, en partenariat étroit avec des organisations telles que l’Organisation internationale du Travail.

Ces activités et ces efforts sont soutenus par des groupes de travail spécialisés, qui élaborent des plans d’action pour relever les défis du développement durable. L’équipe de l’Initiative sur les ports bleus collabore avec diverses institutions, comme la Commission océanographique intergouvernementale, pour faciliter la planification spatiale marine, par exemple, ou encore la Banque africaine de développement, pour intégrer les ports dans les plans sectoriels de développement. Elle travaille également aux côtés de l’Organisation maritime internationale (OMI) pour contribuer aux efforts de réduction des déchets marins, en étroite collaboration avec les collègues du projet de partenariats GloLitter.

Avec les activités de l’Initiative sur les ports bleus, la FAO souhaite voir les pratiques durables après capture appliquées dès l’arrivée des produits de la mer sur les sites de débarquement et tout au long de la chaîne de valeur.

La pandémie de covid-19 a considérablement perturbé les activités de pêche et d’aquaculture, générant de nouveaux risques dans des conditions d’emploi déjà précaires. De nombreuses entreprises n’avaient pas les ressources nécessaires pour mettre à disposition des équipements individuels de protection et des installations sanitaires ou n’avaient pas la possibilité de réorganiser l’espace de travail pour assurer une distanciation physique efficace. Les perturbations dans les échanges ont également entraîné une baisse des ventes et des revenus, qui a touché les travailleurs comme les employeurs, conduisant parfois à des faillites, avec leurs conséquences sociales connexes.

On dispose de différents instruments internationaux pour faire valoir les droits humains et les droits des travailleurs et pour promouvoir des conditions de travail décentes et des pratiques sociales équitables. Toutefois, leur diversité, leur fragmentation et leur complexité représentent un défi pour les parties concernées, et rendent leur mise en œuvre et leur application très difficiles.

Directives de la FAO sur la responsabilité sociale dans la filière de la pêche et de l’aquaculture

Face aux difficultés rencontrées pour faire appliquer les instruments internationaux existants, les membres de la FAO ont confié en 2017 à l’Organisation un mandat portant sur les droits des travailleurs, les conditions de travail décentes et la protection sociale, ainsi que les droits humainsba. La FAO élabore depuis lors des documents d’orientation sur la responsabilité sociale dans la filière de la pêche et de l’aquaculture. Dans ce cadre, plusieurs consultations multipartites ont été menées dans le monde pour cerner les lacunes et les besoins du secteur. La participation de représentants du secteur, des pouvoirs publics, des organismes des Nations Unies, des organisations non gouvernementales (ONG), des syndicats, des organisations internationales et des milieux universitaires permet à la FAO de mieux comprendre ce dont le secteur a besoin et les mesures qui sont nécessaires.

Les membres ont demandé à la FAO des directives utiles mais non contraignantes, rédigées dans un langage simple et basées sur le large éventail de normes, de conventions et d’accords internationaux qui sont déjà en vigueur. Ces directives s’appliqueront à l’ensemble de la filière de la pêche et de l’aquaculture, et tiendront compte des capacités et contextes nationaux, tout en attachant une attention particulière aux pays en développement et à la pêche et à l’aquaculture artisanales. Bien que le public cible soit le secteur, les directives de la FAO pourraient également être une référence précieuse sur laquelle les décideurs publics, les ORGP et la société civile pourraient s’appuyer pour veiller à la viabilité sociale du secteur, et notamment protéger les droits des travailleurs, assurer des conditions de travail décentes et améliorer l’accès aux systèmes de protection sociale dans les chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture.

Élaborées à partir d’un processus transparent et inclusif, les orientations de la FAO comprendront une section générale présentant leur nature et leur portée, qui mettra l’accent sur le rôle du secteur privé, les principes convenus au plan international et les questions transversales (genre, travail des enfants) intéressant la filière de la pêche et de l’aquaculture, ainsi que six sections consacrées à différents segments: i) pêche industrielle; ii) pêche artisanale; iii) production aquacole; iv) transformation; v) distribution; et vi) vente au détail.

GLOBEFISH: 40 années de suivi des marchés et d’information commerciale

À propos de GLOBEFISH

GLOBEFISH est un projet multidonateurs géré de longue date par la Division des pêches et de l’aquaculture de la FAO. Depuis sa création en 1984, sa mission principale est de fournir des données objectives sur les prix et les marchés et de proposer une analyse fiable des échanges et des marchés internationaux de produits alimentaires d’origine aquatiquebb.

GLOBEFISH collecte, analyse, produit et diffuse des données et des informations sur les marchés et les échanges commerciaux provenant de sources privées et publiques du monde entier. À l’échelle mondiale, le projet contribue également à l’organisation de manifestations, de conférences et d’initiatives de renforcement des capacités sur des questions techniques et sur le commerce, destinées à faciliter les échanges, à améliorer l’accès aux marchés, à promouvoir la communication entre les principales parties prenantes de la filière de la pêche et de l’aquaculture et à favoriser la coopération entre les pays, les organisations internationales et les entreprises privées.

GLOBEFISH produit et met à disposition sur son site web des publications, des rapports et des données statistiques sur le secteur de la pêche et de l’aquaculture, tels que:

  • GLOBEFISH Highlights: publication phare du projet, elle propose une analyse approfondie couvrant 13 produits alimentaires d’origine aquatique importants. Cette source d’information, reconnue comme l’une des plus fiables sur le marché mondial des produits alimentaires aquatiques, sous-tend la section consacrée au poisson et aux produits de la pêche de la publication Perspectives de l’alimentation de la FAObc.
  • European Price Report (EPR) et Chinese Fish Price Report (CFPR): ces rapports fournissent des informations détaillées sur les prix des principales espèces et principaux types de produits en Europe et en Chine.
  • Des statistiques commerciales axées sur les flux commerciaux entre les marchés et fournisseurs les plus importants pour plusieurs grands groupes de produits (poissons-chats, poissons de fond, saumon, petits pélagiques, crevettes, tilapias et thons, notamment).
  • European Price Dashboard: lancé en juin 2021, ce tableau de bord présente les cours actuels du marché pour environ 350 produits dans une interface facilement accessible sur le site web GLOBEFISH. Les cours sont actualisés automatiquement tous les lundis, à partir des informations provenant des grands marchés de gros et de première vente européens.
  • Des rapports réguliers, destinés aux membres de la FAO composant le Sous-Comité du commerce du poisson, qui font le point sur les activités du projet GLOBEFISH.

Les informations et publications sur les produits aquatiques qui sont régulièrement ajoutées continuent d’étendre le rayon d’action du projet GLOBEFISH; une attention particulière est prêtée aux nouveaux enjeux et aux domaines sur lesquels trop peu de données sont communiquées. Il s’agit notamment:

  • d’aperçus des échanges commerciaux et de la production par pays (profils de marché);
  • d’informations sur la réglementation, données sur les tarifs douaniers et le commerce (accès aux marchés);
  • des rejets à la frontière de produits aquatiques par les autorités chargées des contrôles alimentaires dans les grands pays importateurs (notifications d’importation);
  • des exigences réglementaires actuelles qui ont une incidence sur le commerce de produits aquatiques, par pays (réglementation en matière de sécurité sanitaire des aliments pour les produits de la pêche et de l’aquaculture);
  • des données sur les prix et les échanges de produits aquatiques.

GLOBEFISH et le réseau FISHINFO

Le projet GLOBEFISH favorise la coopération internationale et le développement du secteur au moyen du réseau mondial FISHINFO, qui relie six réseaux régionaux: INFOPESCA (Centre pour les services d’information et de consultation sur la commercialisation des produits de la pêche en Amérique latine et dans les Caraïbes), INFOFISH (Organisation intergouvernementale de renseignements et de conseils techniques pour la commercialisation des produits de la pêche en Asie et dans le Pacifique), INFOPÊCHE (Organisation intergouvernementale d’information et de coopération pour la commercialisation des produits de la pêche en Afrique), INFOSAMAK (Centre d’information et de conseil sur la commercialisation des produits de la pêche dans les pays arabes), EUROFISH (Organisation internationale pour le développement des pêches et de l’aquaculture en Europe) et INFOYU (Centre d’information sur la commercialisation du poisson en Chine et de services consultatifs commerciaux) (figure 57). GLOBEFISH coordonne les activités générales de ces organisations intergouvernementales indépendantes formant le réseau FISHINFO, et les appuie en leur fournissant des informations sur les marchés et des services techniques. Le réseau représente la principale source d’informations actualisées sur les marchés et le commerce; ses rapports d’analyse périodiques en cinq langues portent sur tous les niveaux de la filière de la pêche et de l’aquaculture.

FIGURE 57LE RÉSEAU FISHINFO

Le pointillé représente approximativement la ligne de contrôle au Jammu-et-Cachemire convenue par l’Inde et le Pakistan. Le statut définitif du Jammu-et-Cachemire n’a pas encore été arrêté par les parties. Le tracé définitif de la frontière entre la République du Soudan et la République du Soudan du Sud n’a pas encore été fixé.
NOTES: EUROFISH – Organisation internationale pour le développement des pêches et de l’aquaculture en Europe; INFOFISH – Organisation intergouvernementale de renseignements et de conseils techniques pour la commercialisation des produits de la pêche en Asie et dans le Pacifique; INFOPÊCHE – Organisation intergouvernementale d’information et de coopération pour la commercialisation des produits de la pêche en Afrique; INFOPESCA – Centre pour les services d’information et de consultation sur la commercialisation des produits de la pêche en Amérique latine et dans les Caraïbes; INFOSAMAK – Centre d’information et de conseil sur la commercialisation des produits de la pêche dans les pays arabes; INFOYU – Centre d’information sur la commercialisation du poisson en Chine et de services consultatifs commerciaux.
SOURCE: D’après United Nations Geospatial. 2020. Map geodata [fichiers de formes]. ONU, New York (États-Unis d’Amérique).

La FAO et GLOBEFISH ont un rôle de coordination des activités du réseau FISHINFO, et le Directeur général de la FAO est en outre le dépositaire de l’ensemble des documents relatifs aux adhésions aux réseaux régionaux.

Partenaires et correspondants de GLOBEFISH

Les partenaires de GLOBEFISH (administrations nationales, organismes spécialisés, établissements universitaires et autres parties qui s’intéressent aux marchés et aux échanges de produits alimentaires aquatiques) contribuent de manière notable aux bons résultats du projet. Outre un appui financier, ils apportent leur collaboration à la collecte et à la diffusion de données, ainsi qu’à l’analyse et à la transmission des informations sur les marchés. Par l’intermédiaire de ces partenariats, GLOBEFISH renforce sa portée, sa crédibilité et son impact à l’échelle mondiale, et peut ainsi appuyer le développement durable du commerce international des produits aquatiques.

Le réseau de correspondants GLOBEFISH se compose de personnes et d’organisations situées dans différents pays du monde; l’information commerciale résultant des données de grande valeur qu’ils fournissent appuie les objectifs du projet.

Le monde de l’information au cours des 40 dernières années

Au cours des 40 dernières années, le monde de l’information sur le commerce et les marchés a radicalement changé, des volumes de données de plus en plus massifs étant disponibles, et communiqués en temps réel. Cependant, les nouvelles règles et réglementations, notamment les mesures réglementaires ou d’application volontaire fondées sur le marché, ont entraîné des difficultés inédites pour les producteurs, les exportateurs et les importateurs. Il reste par conséquent extrêmement important, pour les acteurs du secteur en général, et les exportateurs des pays en développement en particulier, de pouvoir disposer d’informations neutres et actualisées sur les prix, les tendances des marchés et les conditions d’accès, ainsi qu’à des analyses des marchés.

Avec ses partenaires du réseau FISHINFO, GLOBEFISH poursuit ses activités de renforcement des capacités dans les grands domaines liés au commerce international des produits alimentaires aquatiques. Il appuie le développement durable des échanges mondiaux de produits aquatiques, facilite l’accès aux marchés, promeut la responsabilité sociale et contribue à la réalisation des ODD relatifs à la pêche et à l’aquaculture.

Activités de la FAO en matière d’établissement de normes sur la traçabilité et la certification

On constate divers problèmes en matière de traçabilité des produits alimentaires aquatiques, dus pour certains à la fragmentation et à la complexité des chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture. Malgré l’utilisation accrue des outils numériques, de nombreuses chaînes de valeur ne peuvent toujours pas assurer une traçabilité fiable pour garantir pleinement la qualité, la sécurité sanitaire, la légalité et la durabilité des produits (Tripoli, 2020). Les principales lacunes et incohérences relevées s’agissant des produits aquatiques se répartissent en six grandes catégories (FAO, 2016; Blaha, Vincent et Piedrahita, 2023):

  1. Normes. On observe un manque d’exigences spécifiques ou de normes publiées dans le secteur; pour assurer une traçabilité efficace, il est donc nécessaire de réunir et de partager des informations.
  2. Sensibilisation. On peut parfois constater un manque de compréhension de ce qu’est la traçabilité, de ce qu’elle apporte et de ce en quoi elle diffère des autres principes relatifs à la sécurité sanitaire, à la qualité, à la légalité et aux normes de durabilité.
  3. Adhésion. Certaines entreprises voient principalement dans la traçabilité une obligation légale, et font abstraction des avantages globaux et des gains financiers qu’elle apporte. Ce manque d’adhésion peut être lié au manque de sensibilisation.
  4. Mise en œuvre. Souvent, les activités mises en œuvre dans le secteur ne répondent pas aux obligations légales ou aux exigences du marché. Cette situation peut être due à la complexité du processus de production. Il peut être difficile de préserver l’intégrité d’un lot lorsqu’on assemble de nombreux produits provenant de fournisseurs différents dans un contexte caractérisé par une sécurité insuffisante des documents et, le plus souvent, l’absence de contrôle de gestion.
  5. Technologies. Les pratiques en matière de traçabilité manquent généralement de rigueur, au vu de l’importance accordée par les entreprises à leur stratégie commerciale et aux intérêts économiques en jeu. Malgré le large éventail d’innovations technologiques utilisables pour mettre en place une traçabilité fiable, on constate encore un manque de technologies abordables, fonctionnelles et robustes de capture et de partage automatiques de données. La saisie manuelle des données, notamment en amont de la chaîne de valeur, et en particulier lorsqu’elle est effectuée par de petits acteurs, nécessite beaucoup de temps, de ressources et de capacités.
  6. Avantages économiques. De nombreuses études attestent qu’une bonne traçabilité permet non seulement de répondre aux exigences législatives et à celle des marchés, mais aussi de réduire les dépenses de fonctionnement, et qu’elle sous-tend les stratégies de marque et de commercialisation des entreprises. Cependant, les acteurs à qui il est demandé de conserver davantage d’informations ou de changer leurs habitudes de travail remettent souvent en question la nature des avantages qu’ils en retireront. Une analyse coûts-avantages de l’investissement dans une meilleure traçabilité peut apporter les éléments probants nécessaires.

Pour remédier à ces problèmes, la FAO a mené pendant plus de deux ans des consultations en ligne et des consultations régionales (FAO, 2022d) afin de mettre la dernière main à un document d’orientation (Blaha, Vincent et Piedrahita, 2023) sur la traçabilité de bout en bout dans les pêches de capture et l’aquaculture. Ce document fournit des détails sur la détermination des opérations critiques aux fins du suivi (CTE) et des éléments de données clés (KDE) à toutes les étapes des chaînes de valeur, ainsi que leurs sources de données respectives (tableau 13). Chaque fois qu’il y a lieu, il se réfère également à la liste de KDE du Dialogue mondial sur la traçabilité des produits de la mer (GDST). Des directives spécifiques sont prévues pour les bivalves afin de tenir compte des exigences sanitaires concernant ces produits. L’encadré 36 illustre un système de traçabilité mis en place en Arabie saoudite.

TABLEAU 13EXEMPLES DE CTE ET DE KDE QUE DOIT CONTRÔLER UN ÉTAT DU PAVILLON POUR LUTTER CONTRE LA PÊCHE INDNR

NOTE: CTE = opération critique aux fins du suivi; GDST = Dialogue mondial sur la traçabilité des produits de la mer; IUN = identifiant unique du navire; KDE = élément de données clé; OMI = Organisation maritime internationale; ORGP = organisation régionale de gestion des pêches; pêche INDNR = pêche illicite, non déclarée et non réglementée.
SOURCE: D’après Blaha, F., Vincent, A. et Piedrahita, Y. 2023. Guidance document: Advancing end-to-end traceability – Critical tracking events and key data elements along capture fisheries and aquaculture value chains. FAO, Rome. https://doi.org/10.4060/cc5484en

ENCADRÉ 36TRAÇABILITÉ DES PRODUITS COMESTIBLES DE LA MER SAOUDIENS AU MOYEN D’UN SYSTÈME D’ENCHÈRES NUMÉRIQUE REPOSANT SUR LA TECHNOLOGIE DE LA CHAÎNE DE BLOCS

Un système de mise aux enchères de produits comestibles de la mer élaboré par la FAO et l’Arabie saoudite a commencé à transformer les échanges et la commercialisation de produits halieutiques et aquacoles dans le pays.

La Direction générale des pêches du Ministère saoudien de l’environnement, de l’eau et de l’agriculture a collaboré avec la FAO à l’élaboration d’un système d’enchères numérique, adossé à un matériel opérationnel approprié, pour améliorer la sécurité sanitaire et la qualité des produits alimentaires aquatiques dans le pays. Ce système, qui applique les directives relatives au fonctionnement et à la gestion des criées (élaborées conjointement par le Ministère et la FAO en 2022), permet aux autorités de suivre les produits alimentaires aquatiques à tous les stades de la chaîne d’approvisionnement. Grâce à une application mobile et à des écrans installés dans les criées, les inspecteurs, les négociants et les consommateurs peuvent accéder facilement, en scannant un code QR, à des informations détaillées sur un produit alimentaire aquatique donné. Le système numérique de mise aux enchères reposant sur la technologie de la chaîne de blocs ouvre les produits alimentaires aquatiques à un large éventail de négociants et de consommateurs.

Ce nouveau système de mise aux enchères va également améliorer le programme de biosécurité et de sécurité sanitaire des produits alimentaires d’origine aquatique de l’Arabie saoudite, et faire progresser ainsi le secteur des pêches. En effet, en suivant les protocoles stricts en matière de biosécurité et de sécurité sanitaire, la commercialisation et les échanges des produits aquatiques issus de la pêche de capture connaîtront les mêmes progrès que ceux déjà enregistrés dans le secteur de l’aquaculture.

En 2021, l’Arabie saoudite a utilisé 402 385 tonnes de poisson, dont 220 436 tonnes importées; la consommation locale a représenté 88 pour cent du total, et les exportations, 12 pour cent. Le secteur après capture employait plus de 120 000 personnes. Il a connu une expansion rapide ces dernières années, porté par un secteur privé dynamique dans un contexte de marché vigoureux et de forte demande chez les jeunes.

Avant 2023 et la mise en place du système numérique, les pêcheurs, les opérateurs et les négociants géraient et conduisaient les enchères manuellement – un processus inefficace qui entraînait des insuffisances au regard de la conservation et de la qualité, et limitait la participation des acheteurs. L’arrivée du système de mise aux enchères reposant sur la technologie de la chaîne de blocs en 2023 a permis d’instaurer un processus plus efficient et d’augmenter la qualité. Un scannage rapide du code QR d’une caisse permet d’obtenir l’historique du produit aquatique – du lieu de capture ou de récolte jusqu’à l’acheteur final. Le système est complété par un matériel moderne et innovateur, qui comprend des tapis roulants, des caisses et des chariots appropriés, ainsi que des écrans affichant les marchandises pendant les enchères.

Le projet a pour but d’améliorer la sécurité sanitaire et la biosécurité des produits aquatiques, et d’élargir l’accès aux marchés et produits de la pêche.

Des produits alimentaires aquatiques sûrs et de grande qualité peuvent contribuer à la lutte contre la malnutrition et les maladies tout en procurant des revenus aux communautés qui dépendent de la pêche et de l’aquaculture dans le pays.

NUMÉRISATION DU SYSTÈME DE MISE AUX ENCHÈRES DE PRODUITS AQUATIQUES

SOURCE: Auteurs du présent document.

CRIÉE DES PRODUITS AQUATIQUES EN ARABIE SAOUDITE

SOURCE: Auteurs du présent document.

ENCADRÉ 37DIXIÈME ANNIVERSAIRE DE L’INITIATIVE INTERNATIONALE POUR LES PRODUITS DE LA MER DURABLES

Depuis sa création en 2013 en tant que partenariat public-privé englobant 30 grandes entreprises du secteur des produits de la mer, plusieurs organisations non gouvernementales, la FAO ainsi que l’Agence allemande de coopération internationale, l’Initiative internationale pour les produits de la mer durables est devenue l’un des plus grands partenariats multipartites œuvrant pour la durabilité des produits alimentaires aquatiques dans le monde. Au moment de la rédaction du présent document, l’Initiative comptait 77 partenaires de financement et 18 partenaires affiliés issus de plus de 20 pays.

L’objet de l’Initiative était de proposer un mécanisme pour évaluer de manière objective et transparente la performance et la reconnaissance de systèmes de certification fiables et responsables de produits aquatiques. Lors de la célébration du 20e anniversaire du Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable en 2015, l’Initiative a présenté son outil d’évaluation comparative au niveau mondial des systèmes de certification de produits comestibles de la mer. Cet outil a été revu en 2021, après une série de consultations d’experts et de consultations publiques.

Les directives de la FAO en matière d’étiquetage écologique et de certification forment, avec le Code de conduite pour une pêche responsable et d’autres instruments convenus au niveau international, l’épine dorsale des efforts déployés par l’Initiative pour élaborer une approche visant à garantir la transparence de l’écoétiquetage et de la certification des produits aquatiques et à donner confiance aux consommateurs et aux entreprises dans les produits aquatiques certifiés qui leur sont proposés. À ce jour, neuf systèmes fiables relatifs à des produits halieutiques et aquacoles ont été reconnus par l’Initiative*, et d’autres sont en cours d’examen.

NOTE: * Pour plus d’informations, voir: www.ourgssi.org/gssi-recognized-certifcation (en anglais).

ENCADRÉ 38UNE ACTION COLLECTIVE AU SERVICE DE CHANGEMENTS EN PROFONDEUR: PARTENARIAT MULTIPARTITE FISH4ACP EN CÔTE D’IVOIRE

La chaîne de valeur de l’élevage de tilapia en Côte d’Ivoire affiche depuis des décennies des résultats inférieurs à ceux des autres pays. La production annuelle actuelle (estimée à 8 000 tonnes) ne répond pas à la demande intérieure (estimée à 50 000 tonnes) malgré des conditions environnementales appropriées et la disponibilité de technologies et d’un savoir-faire.

La revitalisation de la chaîne de valeur nécessite donc une approche innovatrice. Pour créer une nouvelle dynamique dans le secteur, FISH4ACP a aidé à établir un partenariat multipartite qui rassemble des acteurs publics et privés essentiels de l’ensemble de la chaîne de valeur du tilapia, avec l’objectif de répertorier et de supprimer les goulets d’étranglement qui freinent le développement du secteur.

Cette collaboration entre producteurs, poissonniers, fournisseurs d’intrants et pouvoirs publics a débouché sur l’élaboration d’une stratégie commune de mise à niveau de la chaîne de valeur visant à multiplier par neuf la production nationale de tilapia sur dix ans. Pour ce faire, quatre domaines stratégiques seront visés en priorité:

  • création de nouvelles fermes aquacoles et développement des modèles commerciaux des fermes existantes;
  • renforcement de la qualité et de la disponibilité des aliments pour poissons et du matériel de reproduction;
  • amélioration du suivi et de la gestion globale du secteur;
  • amélioration de la commercialisation de la production de tilapia intérieure.

Pour atteindre cet objectif ambitieux, le partenariat s’appuie sur l’expertise et les ressources financières d’un large éventail de parties prenantes, de projets et d’initiatives en cours dans le secteur. Avec l’appui du projet FISH4ACP (2020-2025), il entend être un catalyseur de développement de la chaîne de valeur du tilapia en Côte d’Ivoire.

Éleveur nourrissant des tilapias, Côte d'Ivoire
© FAO/Sia Kambou
Travailleuses du secteur de la transformation procédant au fumage de tilapias, Côte d'Ivoire
© FAO/Sia Kambou

Par ailleurs, pour proposer des solutions face à ces lacunes en matière d’établissement de normes et de technologies, la FAO mène une initiative pilote de développement du Registre mondial des stocks et des pêches. Ce registre est un système web qui permet d’attribuer des identifiants uniques aux stocks halieutiques et aux pêches. Il a pour objet d’aider au suivi de l’état et de l’évolution des ressources halieutiques, et pourrait à terme être utilisé pour renforcer les systèmes de traçabilité et d’écoétiquetage en les reliant aux données scientifiques sur l’état des stocks et des pêches.

Registre mondial de stocks et de pêches identifiés par un numéro unique selon des codifications normalisées, il permet de compiler, de normaliser et de partager des informations sur les ressources marines et les pêches. Ces identifiants normalisés sont les pierres angulaires de cette initiative visant à renforcer la connexion des connaissances sur les stocks et les pêches. À l’heure actuelle, le Registre est probablement le plus grand ensemble de données sur les stocks et les pêches issues de sources nationales, régionales et mondiales.

FISH4ACP: transformer les systèmes alimentaires aquatiques au moyen d’une approche par chaîne de valeur

L’expansion des activités halieutiques et aquacoles se poursuit dans de nombreux pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Leur croissance est cependant inégale et lente, et ne profite pas toujours aux populations qui dépendent des produits aquatiques pour leur sécurité alimentaire et leurs moyens d’existence. Lorsque les pratiques de gestion des pêches et de l’aquaculture sont déficientes, cette expansion peut battre en brèche la viabilité écologique des ressources aquatiques.

La complexité des systèmes alimentaires aquatiques exige des approches innovatrices pour s’attaquer aux causes profondes qui empêchent ces systèmes de donner leur pleine mesure.

Conformément à la Feuille de route de la FAO sur la transformation bleue et à son troisième pilier axé sur l’amélioration des chaînes de valeur, FISH4ACP – programme sur cinq ans élaboré par la FAO en collaboration avec l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) – propose une nouvelle méthode pour renforcer la productivité et la compétitivité des chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture, tout en veillant à ce que les progrès économiques aillent de pair avec la durabilité environnementale et l’inclusion sociale. Le programme FISH4ACP est mis en œuvre par la FAO et financé par l’Union européenne et le Ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développementbd.

Qu’est-ce qui distingue FISH4ACP des autres initiatives?

FISH4ACP promeut une approche globale et participative du développement des chaînes de valeur. Il met un accent égal sur les trois dimensions de la durabilité – économique, environnementale et sociale. L’équipe FISH4ACP commence par évaluer chaque chaîne de valeur au moyen d’une analyse fonctionnelle et d’une évaluation de la durabilité. L’analyse fonctionnelle porte sur tous les stades de la chaîne de valeur, ce qui suppose de répertorier les produits actuels et potentiels, les nouveaux débouchés commerciaux, les incitations, les comportements et les dynamiques, ainsi que des défauts d’efficience existants. L’évaluation de la durabilité fait appel à des méthodes qualitatives et quantitatives pour déterminer les points à améliorer dans les chaînes de valeur sélectionnées.

L’équipe veille à la participation des parties prenantes à chaque étape du processus, de la collecte des informations pour l’analyse sectorielle à l’élaboration de stratégies de mise à niveau des chaînes de valeur. Chaque stratégie définit des moyens de remédier aux défauts d’efficience tout au long de la chaîne de valeur en vue de parvenir à une vision commune, approuvée par les parties intéressées, pour la chaîne.

Pour ancrer encore davantage la participation des parties prenantes, la méthode prévoit la création d’un partenariat multipartite – une approche collective qui rassemble les acteurs clés de la chaîne de valeur, des secteurs public et privé, aux fins d’une coordination régulière, d’échanges d’informations et de connaissances, et d’un processus décisionnel qui contribueront au développement stratégique de la chaîne de valeur (encadré 38).

La mise à niveau d’une chaîne de valeur nécessite en effet que les différents acteurs collaborent pour atteindre les améliorations souhaitées. Ces acteurs sont liés par les relations professionnelles et, dans certains cas, sociales qu’ils entretiennent (relations commerciales, relations réglementaires, conseil, etc.). Cependant, l’ampleur et l’étendue de ces liens varient d’une chaîne de valeur à l’autre. Des liens concrets entre les acteurs et une gouvernance globale sont essentiels pour renforcer la compétitivité de la chaîne de valeur. La méthode FISH4ACP propose d’accompagner et d’encourager le renforcement des liens, de la structure et des mécanismes de gouvernance dans l’ensemble de la chaîne de valeur en vue d’améliorer l’agencéité collective. Les partenariats multipartites sont un outil indispensable à cet égard.

Après quelques retards dus à la pandémie de covid-19, FISH4ACP a désormais atteint sa vitesse de croisière; le déploiement des stratégies de mise à niveau est bien avancé, et plusieurs constatations préliminaires prometteuses ont été dégagées:

  • Premièrement, une analyse en temps opportun de la chaîne de valeur est essentielle pour s’assurer que la stratégie de mise à niveau porte sur les goulets d’étranglement critiques qui empêchent la chaîne de développer toutes ses potentialités. Elle aide à conserver la dynamique créée par la mobilisation des acteurs motivés de la chaîne de valeur. De plus, les conditions et les relations au sein des chaînes de valeur évoluent en permanence. Des mesures prises sans délai pour remédier aux déficiences ou exploiter les leviers d’action répertoriés peuvent avoir des effets très efficaces et positifs.
  • Deuxièmement, la participation des parties prenantes est essentielle pour obtenir un développement durable des chaînes de valeur. Ce processus peut toutefois être progressif: à partir d’un petit groupe d’acteurs motivés, il est possible d’amorcer une dynamique participative qui pourra graduellement évoluer vers un partenariat multipartite à part entière.
  • Troisièmement, la mise à niveau d’une chaîne de valeur ne s’opère pas en vase clos. On note souvent un grand nombre d’autres initiatives, projets et activités des secteurs public et privé à l’intérieur ou autour de la chaîne de valeur, et peu ou pas de coordination entre eux. La création de liens entre ces diverses initiatives est une entreprise nécessaire, mais ardue. Par ailleurs, il est essentiel de mobiliser et de relier différents efforts pour assurer un développement cohérent de la chaîne de valeur; le partenariat multipartite, en tant que plateforme d’interaction, est un formidable atout à cet égard.

Outre des directives méthodologiques, le programme FISH4ACP produit une profusion d’informations sur les 12 chaînes de valeur qu’il appuie (lesquelles ont été sélectionnées à partir de 79 dossiers soumis par les pays coopérants), et révèle ainsi une partie du potentiel caché de la pêche et de l’aquaculture dans les pays de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (encadré 39). Les constatations de chaque analyse de chaîne de valeur et les stratégies de mise à niveau connexes sont présentées dans des rapports mis à disposition pour les 12 pays. L’élaboration de produits axés sur les connaissances se poursuivra au cours des prochaines années afin de partager aussi largement que possible les connaissances générées par le programme. Ces produits porteront sur les pratiques les plus efficaces en matière de mise à niveau des chaînes de valeur et couvriront des thèmes tels que l’amélioration des environnements commerciaux, la qualité et la sécurité sanitaire de la production, la productivité, l’action collective, les conditions de travail, et l’efficacité énergétique.

ENCADRÉ 39POTENTIEL D’UTILISATION DE LA MOUCHE SOLDAT NOIRE POUR LA PRODUCTION D’ALIMENTS AQUACOLES AU ZIMBABWE

Au Zimbabwe, la consommation de tilapia a gagné en popularité, mais ce poisson est plus onéreux que les sardines de lac produites localement et le poisson importé. Les coûts de production élevés sont principalement dus à la dépendance à l’égard des aliments pour poisson et des ingrédients importés, lesquels sont soumis à des facteurs macroéconomiques tels que les taux de change, l’inflation et la demande concurrente d’autres secteurs.

Les larves de mouche soldat noire représentent une solution de substitution prometteuse et nutritive – réduction à la fois des coûts des aliments et de la dépendance à l’égard de la farine de poisson importée – pour les petits exploitants au Zimbabwe, tandis que l’initiative FISH4ACP contribue à renforcer l’élevage de tilapia et à donner des moyens d’existence aux femmes, aux jeunes et aux groupes marginalisés sans produire d’effets néfastes sur l’environnement.

La mouche soldat noire est largement reconnue pour son rendement de conversion des déchets, sa grande valeur nutritionnelle et son système immunitaire robuste qui évite la propagation de maladies. En outre, l’initiative pilote d’utilisation de la mouche soldat noire au Zimbabwe a une faible empreinte carbone, est favorable aux pauvres et contribue à l’autonomie des pisciculteurs locaux, les larves pouvant être produites à l’aide des déchets locaux à petite, moyenne ou grande échelle.

Le programme FISH4ACP s’est associé à l’Université de technologie de Chinhoyi pour mener avec de petites et moyennes entreprises au Zimbabwe un projet pilote de production de mouches soldats noires, ainsi que d’aliments pour poissons à partir de ces dernières. L’université a formé dix agents publics de vulgarisation et plusieurs fournisseurs d’aliments et aquaculteurs pour expérimenter la production de mouches soldats noires, la formulation d’aliments et des régimes alimentaires. Les résultats de ces essais seront évalués dans le cadre d’une analyse coûts-avantages, et les retours des parties prenantes permettront de déterminer le potentiel de reproduction à plus grande échelle au Zimbabwe.

Essais de formulation d’aliment associant des larves de mouche soldat noire (à gauche) à divers ingrédients (à droite)
© FAO/Zingyange Auntony

Avant son achèvement, fin 2025, le programme FISH4ACP entend amorcer une réaction en chaîne dans les chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture qu’il soutient dans les pays de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Ces pays pourront ainsi engager une transition vers une pêche et une aquaculture plus durables, productives et inclusives, et contribuer à une transformation bleue qui fera des chaînes de valeur aquatiques des facteurs de développement économique, environnemental et social à long terme.

Solutions multidimensionnelles au problème des pertes et du gaspillage alimentaires

Les pertes et le gaspillage de denrées alimentaires dans les chaînes de valeur des produits alimentaires d’origine aquatique constituent un problème majeur à l’échelle mondiale, inscrit dans l’ODD 12 (Consommation et production responsables) et dans la cible 12.3 visant à «d’ici à 2030, réduire de moitié à l’échelle mondiale le volume de déchets alimentaires par habitant, au niveau de la distribution comme de la consommation, et diminuer les pertes de produits alimentaires tout au long des chaînes de production et d’approvisionnement, y compris les pertes après récolte». La réduction des pertes et du gaspillage de denrées alimentaires et l’accroissement de la consommation de produits alimentaires aquatiques durables sont également des cibles majeures de la Feuille de route de la FAO sur la transformation bleue (FAO, 2022a). La réduction des pertes de produits alimentaires aquatiques nécessite que diverses mesures complexes soient prises par de nombreux acteurs de la chaîne d’approvisionnement, du stade de la production à celui de la consommation (Love et al., 2015). On peut se tourner vers la recherche pour suivre et évaluer ces efforts, mais les interventions destinées à éviter les pertes après récolte/capture doivent être adaptées au contexte socioéconomique, commercial et politique d’un pays (Fahrenkamp-Uppenbrink, 2016).

Cependant, les mesures efficaces de réduction des pertes de poisson après récolte/capture ne peuvent pas reposer sur un seul facteur ou une seule variable, comme l’introduction d’une nouvelle technologie. En effet, une législation, un renforcement des capacités, des services et des infrastructures, ainsi que des technologies appropriées sont essentiels pour veiller à ce que les solutions de réduction des pertes et du gaspillage soient non seulement utilisées, mais durables.

Une approche multidimensionnelle et multipartite est encouragée dans le Code de conduite volontaire de la FAO pour la réduction des pertes et du gaspillage alimentaires, lequel donne des idées et des exemples de solutions générales qui peuvent être transposées dans le contexte des pêches (FAO, 2022e).

L’approche des solutions multidimensionnellesbe appuyée par la FAO repose sur l’élaboration d’une stratégie qui relie les différents aspects des solutions. L’un des éléments clés de cette stratégie est la création et la mobilisation d’une plateforme multipartite de réduction des pertes et du gaspillage de denrées alimentaires. Les membres de la plateforme sont issus des secteurs public et privé, d’ONG, de la société civile, d’institutions de recherche-développement dans le domaine alimentaire, d’institutions d’investissement et de financement, de grands distributeurs et des médias. La plateforme supervise le déploiement d’une stratégie axée sur des solutions multidimensionnelles; ses membres sont largement mobilisés lors de son élaboration et de sa validation, ainsi que pour le suivi et la mise en œuvre.

Avec l’appui de l’Agence norvégienne de coopération pour le développement, la FAO encourage activement l’approche des solutions multidimensionnelles pour lutter contre les pertes et le gaspillage de poisson. Il faut pour cela faire participer les multiples parties prenantes à la définition d’une solution multidimensionnelle et à l’élaboration de stratégies de réduction des pertes et du gaspillage de produits alimentaires; celles-ci peuvent être complexes et couvrir non seulement les politiques et la législation, mais aussi le renforcement des capacités et les aspects technologiques et socioéconomiques. L’approche des solutions multidimensionnelles est reprise sur la page web Pertes et gaspillages de nourriture dans les chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture, qui propose des informations supplémentaires sur ces solutionsbf.

Des stratégies reposant sur des solutions multidimensionnelles ont été mises au point avec des partenaires en Colombie, à Sri Lanka et en République-Unie de Tanzanie pour lutter contre les pertes et le gaspillage de produits alimentaires liés, respectivement, à une situation géographique particulière, à une pêche spécifique et aux espèces de petits poissons pélagiques. Une stratégie axée sur des solutions multidimensionnelles s’appuie sur une évaluation des pertes et du gaspillage de denrées alimentaires qui fournit les éléments nécessaires sur: i) l’endroit et le moment où les pertes et le gaspillage se produisent; ii) les causes; iii) l’ampleur (volume et incidence économique); et iv) les principales parties prenantes concernées (et les bénéficiaires potentiels des solutions multidimensionnelles).

L’élaboration d’une stratégie fondée sur des solutions multidimensionnelles suppose qu’une équipe pluridisciplinaire engage systématiquement un processus – utilisé avec succès par le projet FISH4AC – axé sur une «théorie du changement» daptée aux pertes et au gaspillage de poisson. Les étapes de ce processus sont illustrées à la figure 58. Les stratégies fondées sur des solutions multidimensionnelles qui résultent de ce processus sont validées auprès de la plateforme de réduction des pertes et du gaspillage de denrées alimentaires avant leur déploiement. L’encadré 40 illustre certains aspects d’une stratégie axée sur des solutions multidimensionnelles mise au point avec des parties prenantes à Sri Lanka, tandis que l’encadré 41 montre comment l’énergie solaire peut contribuer à la réduction des pertes et du gaspillage dans la pêche artisanale.

FIGURE 58PROCESSUS D’ÉLABORATION DE STRATÉGIES FONDÉES SUR DES SOLUTIONS MULTIDIMENSIONNELLES DE RÉDUCTION DES PERTES ET DU GASPILLAGE DE POISSON

NOTES: Pour lutter contre les pertes et le gaspillage dans les chaînes de valeur des produits alimentaires aquatiques, il faut adopter une approche multi-acteurs axée sur la combinaison d’un certain nombre ou de l’ensemble des points d’entrée.
SOURCE: Auteurs du présent document.

ENCADRÉ 40SOLUTIONS MULTIDIMENSIONNELLES DE RÉDUCTION DES PERTES SUR LES BATEAUX DE PÊCHE EFFECTUANT DES SORTIES DE PLUSIEURS JOURS À SRI LANKA

À Sri Lanka, les longues expéditions de pêche et les manipulations inadéquates des prises en mer entraînent des pertes excessives de poisson. Grâce à l’appui de la FAO, des parties prenantes publiques et privées ont élaboré et adopté un vision commune selon laquelle, d’ici à 2033, les pertes de qualité lors des expéditions de pêche sur plusieurs jours à Sri Lanka seront réduites de 30 pour cent grâce à la mise en place de mesures et à l’introduction de nouvelles technologies perfectionnées, à un cadre réglementaire plus solide, à l’amélioration des compétences et des connaissances, des systèmes et des pratiques ainsi qu’au développement des infrastructures, ce qui contribuera au renforcement du secteur national et du secteur des exportations et, au bout du compte, de l’économie nationale et de la sécurité alimentaire et de la nutrition. Sri Lanka sera l’un des pays fer de lance de la réduction des pertes et du gaspillage de poisson en Asie du Sud (FAO, à paraître).

Cette vision suppose une approche fondée sur des solutions multidimensionnelles, selon laquelle:

  • les propriétaires de bateau, les capitaines et les pêcheurs recourent à des technologies améliorées et à des pratiques optimales;
  • les consommateurs demandent du poisson de meilleure qualité;
  • les producteurs de glace fournissent de la glace de meilleure qualité;
  • les organes de réglementation et les pouvoirs publics sont plus à même d’appliquer la législation;
  • les acteurs de la chaîne d’approvisionnement (transporteurs, grossistes, détaillants) améliorent leurs pratiques de manutention;
  • les transformateurs et les acheteurs qui approvisionnent le marché intérieur demandent du poisson de meilleure qualité;
  • les autorités locales sont habilitées à investir dans des solutions de réduction des pertes et du gaspillage de poisson et à les appliquer;
  • les instituts de recherche diffusent les résultats et assurent une sensibilisation sur le terrain.

Pour atteindre chacune de ces résultantes, les acteurs axeront leurs efforts sur les produits et activités suivants:

  • plans et évaluations;
  • transfert de technologies, innovation et conception;
  • financement et investissement;
  • renforcement des capacités;
  • examen et réforme des cadres d’action et de réglementation;
  • autonomisation des parties prenantes.
SOURCE: FAO. (À paraître). Multi-Dimensional Solutions Strategy for Reduction of the Food Loss and Waste in the Multiday Fisheries Sector in Sri Lanka. Rome.

ENCADRÉ 41PÊCHE ARTISANALE ET PERSPECTIVES OUVERTES PAR LES ÉNERGIES RENOUVELABLES

L’ODD 7 – Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable – est très pertinent pour la pêche artisanale. L’accès à des services énergétiques fiables et durables à un coût abordable est essentiel pour l’utilisation, la transformation et la conservation des produits alimentaires aquatiques et la protection des moyens d’existence qui en dépendent. En revanche, un accès insuffisant à l’énergie freine le développement social, économique et humain; et c’est tout particulièrement le cas de la pêche artisanale, qui a besoin d’énergie pour de nombreuses activités, telles que la fabrication de glace et le stockage réfrigéré, mais qui n’a souvent pas accès à l’approvisionnement en électricité nécessaire, ou dispose d’un accès peu fiable ou à un coût prohibitif.

La FAO encourage l’adoption de solutions fondées sur les énergies renouvelables dans la pêche artisanale par des activités de sensibilisation aux bonnes pratiques et des conseils techniques. Les énergies renouvelables contribuent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et peuvent donner aux pêcheurs, transformateurs et négociants un accès à une énergie durable. L’énergie solaire, par exemple, est de plus en plus utilisée en pratique en remplacement des sources d’électricité classiques. Les systèmes solaires photovoltaïques peuvent constituer une réponse propre, renouvelable et d’un bon rapport coût-efficacité aux besoins en énergie de la pêche artisanale, en particulier dans les régions qui bénéficient d’un ensoleillement abondant toute l’année. L’énergie solaire peut faire fonctionner des machines à glace, des congélateurs, des entrepôts frigorifiques, des distributeurs d’aliments, des pompes, des aérateurs, des machines d’emballage et de conditionnement et des éclairages. Les coûts initiaux des installations solaires sont parfois élevés, mais peuvent être compensés au fil du temps par les faibles dépenses d’exploitation, notamment dans les endroits non raccordés au réseau et lorsque les plans d’activités s’avèrent viables sur le plan économique. Appuyées par une indispensable planification minutieuse et des mesures incitatives, les interventions dans le domaine de l’énergie solaire peuvent non seulement apporter des avantages environnementaux et sociaux, mais également contribuer à réduire les pertes et le gaspillage de poisson et à offrir de nouvelles possibilités de revenus et d’emploi aux communautés d’artisans pêcheurs.

Pour plus d’informations sur les activités de la FAO relatives aux énergies renouvelables et à la pêche artisanale, voir:

SOURCE: Rincon, L., Ward, A., Vaskalis, I., Milani, M., Gallego, J. et Morese, M. 2024. Solar energy and the cold chain: A guide for small-scale fisheries interventions. FAO, Rome.

Il faut d’importantes ressources pour mettre en œuvre une stratégie axée sur des solutions multidimensionnelles, et des financements des secteurs public et privé parallèlement au soutien des donateurs. Certaines résultantes, telles que le développement des infrastructures et la mise à niveau du matériel, pourront nécessiter des investissements massifs. Les évaluations, la planification et la réforme des cadres d’action et de réglementation, en revanche, seront probablement plus faciles à réaliser, et moins coûteuses. Les solutions centrées sur les technologies et les énergies renouvelables gagnent du terrain, et sont activement promues par la FAO.

Une approche fondée sur des solutions multidimensionnelles, telle que celle adoptée à Sri Lanka, s’appuie sur la consultation et le consensus pour réduire durablement les pertes et le gaspillage alimentaires, et suppose de définir des stratégies à long terme. Pour obtenir des résultats, il est important de suivre la mise en œuvre des stratégies axées sur des solutions multidimensionnelles et d’en rendre compte, et de procéder à des examens et des adaptations en tant que de besoin. Enfin, les organisations œuvrant dans le domaine du développement doivent être à même de travailler aux côtés des autorités nationales pour faciliter l’élaboration et l’adoption de ces stratégies.

Sécurité sanitaire des produits alimentaires aquatiques

Les produits alimentaires aquatiques sont très appréciés pour leur valeur nutritionnelle, ainsi que pour leur contribution aux moyens d’existence et à la sécurité alimentaire. Leurs production et consommation par habitant ont considérablement augmenté au cours des dernières décennies, et ils sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans l’alimentation et la nutrition à l’échelle mondiale.

Comme dans le cas de nombreux autres aliments, leur production et leur distribution comportent des risques. Il est indispensable de comprendre les dangers liés à leur consommation pour gérer les risques relatifs en matière de sécurité sanitaire des aliments. Alors que la plupart des risques microbiologiques peuvent être limités par des pratiques telles qu’une bonne hygiène, un traitement thermique ou une cuisson, il existe des risques chimiques qui proviennent de l’environnement aquatique ou qui dépendent de l’aire d’alimentation, de l’âge ou du niveau trophique. Les dioxines, les polychlorobiphényles du type dioxine (PCB du type dioxine) et le méthylmercure sont des sources de préoccupation grandissantes en matière de sécurité sanitaire des aliments d’origine aquatique.

Pour répondre à l’inquiétude croissante du public quant à la présence de ces produits chimiques dans les produits alimentaires aquatiques, la Commission du Codex Alimentarius a demandé en 2006 à la FAO et à l’OMS d’élaborer des avis scientifiques sur les risques et les bénéfices liés à la consommation de poissonbg. La FAO et l’OMS ont commandé une analyse sur les bienfaits pour la santé de la consommation de poisson comparés aux risques sanitaires liés à la présence potentielle de méthylmercure et de dioxines (notamment de dibenzodioxines polychlorées, de dibenzofurannes polychlorés et de PCB du type dioxine) dans les produits aquatiques. Deux consultations mixtes d’experts FAO/OMS sur les risques et bénéfices de la consommation de poisson ont été tenues en 2009 et en 2023 en vue d’élaborer des recommandations et des directives en matière de sécurité sanitaire des aliments à partir des preuves scientifiques les plus récentes.

Le groupe d’experts a examiné les bénéfices pour la santé humaine de la consommation de poissons gras et maigres, notamment, mais sans s’y limiter, en ce qui concerne les allergies et les troubles immunologiques, les cancers, les maladies cardiovasculaires, les troubles du développement neurologique et les troubles neurologiques, ainsi que le surpoids et l’obésité. Les effets préjudiciables potentiels des dioxines qui ont été étudiés sont ceux concernant la chloracné et d’autres affections dermatologiques, la reproduction masculine et féminine, l’état de santé des nouveau-nés, les maladies thyroïdiennes et les hormones thyroïdiennes, le diabète de type 2 et l’obésité, les maladies cardiovasculaires, les troubles hépatiques, les cancers et les conséquences sur les dents, les os et les systèmes digestif, immunitaire et nerveux. Le groupe d’experts s’est également penché sur les effets sur la croissance et les risques neurologiques et cardiovasculaires et autres problèmes de santé liés à l’exposition au méthylmercure résultant de la consommation de poisson. Il a en outre étudié le potentiel rôle protecteur du sélénium face aux effets néfastes sur la santé du méthylmercure (risques cardiovasculaires, stress oxydatif, système immunitaire, reproduction, hormones hyroïdiennes, état de santé des nouveau-nés, développement neurologique, et fonctions cognitives, visuelles et motrices).

Les conclusions de la consultation d’experts de 2023 indiquent clairement des bénéfices sanitaires et nutritionnels considérables liés à la consommation de poisson, et des éléments probants fiables mettent en avant les bienfaits de la consommation de poissons entiers à tous les stades de la vie. Ainsi, la consommation de poisson par les femmes durant leur grossesse a été associée à un meilleur état de santé des nouveau-nés; et des liens ont été trouvés pour les adultes entre la consommation de poisson et la réduction des risques de maladies cardiovasculaires et neurologiques. L’exposition au méthylmercure liée à la consommation de poisson dès le plus jeune âge a été corrélée à une diminution des bénéfices pour le développement neurologique; et il existe des éléments divergents s’agissant des potentiels effets protecteurs du sélénium contre les conséquences néfastes pour la santé du méthylmercure.

Les résultats de la consultation d’experts définissent un cadre pour l’évaluation des bienfaits et des risques pour la santé associés à la consommation de poisson, et permettront d’orienter les travaux de la Commission du Codex Alimentarius sur la gestion des risques à partir des données existantes. Le rapport de la consultation présente des conclusions détaillées, indique les besoins en matière de recherche et les lacunes dans les données, et recommande une série de mesures qui permettront aux membres de mieux évaluer et gérer les risques et les bienfaits liés à la consommation de poisson. Le rapport succinct de la Consultation mixte d’experts FAO/OMS ad hoc sur les risques et bénéfices de la consommation de poisson expose les principales conclusions et recommandationsbh. L’encadré 42 et l’encadré 43 donnent des exemples de nouvelles sources de préoccupations s’agissant de la sécurité sanitaire des produits alimentaires aquatiques.

ENCADRÉ 42INCIDENCES DES MICROPLASTIQUES SUR LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES PRODUITS ALIMENTAIRES AQUATIQUES

Les microplastiques (de 0,1 µm à 5 mm de diamètre) et les nanoplastiques (< 0,1 µm de diamètre) proviennent de la dégradation des déchets plastiques et peuvent représenter une menace pour les organismes aquatiques, la sécurité sanitaire des aliments et la santé publique. Les produits alimentaires sont une voie d’exposition importante des êtres humains aux microplastiques. L’exposition aux polymères plastiques est une source de préoccupation car, bien qu’ils soient considérés comme des substances biologiquement inertes, des composés réactifs peuvent rester intégrés dans leur structure; par ailleurs, les microplastiques peuvent également absorber des contaminants dans leur environnement.

Il a été démontré que les microplastiques étaient très répandus dans une variété d’aliments, et leur présence dans les produits aquatiques a fait l’objet de plusieurs études. Les études rapportées dans les revues scientifiques font état de divers effets nocifs sur la santé, et citent la neurotoxicité, le stress oxydatif et l’immunotoxicité comme principales conséquences de l’exposition aux microplastiques.

Bien que les risques indiqués et les niveaux d’exposition correspondants soient considérés comme faibles dans les produits alimentaires aquatiques actuellement, des problèmes importants – données limitées pour d’autres produits alimentaires, lacunes dans les connaissances sur la toxicité des microplastiques et nanoplastiques, et manque de méthodes analytiques normalisées – empêchent de tirer des conclusions définitives sur l’incidence de ces particules sur la santé publique. Un rapport de la FAO (Garrido Gamarro et Costanzo, 2022) portant sur ces questions a montré la nécessité d’élaborer et d’harmoniser des techniques fiables d’analyse des microplastiques et nanoplastiques dans les produits alimentaires; de mener des recherches supplémentaires sur la présence de ces substances dans les chaînes de valeur alimentaires et leur toxicité; et d’évaluer l’exposition aiguë et chronique aux microplastiques dans divers aliments afin de comprendre l’impact global et de proposer des mesures préventives efficaces.

Les microplastiques dans les poissons: ingestion et présence
SOURCE: D’après Barboza, L.G.A., Lopes, C., Oliveira, P., Bessa, F., Otero, V., Henriques, B., Raimundo, J., Caetano, M., Vale, C. et Guilhermino, L. 2020. Microplastics in wild fish from North East Atlantic Ocean and its potential for causing neurotoxic effects, lipid oxidative damage, and human health risks associated with ingestion exposure. Science of the Total Environment, 717: 134625. http://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2019.134625
SOURCE: Garrido Gamarro, E. et Costanzo, V. 2022. Microplastics in food commodities – A food safety review on human exposure through dietary sources. Série sécurité sanitaire et qualité des aliments de la FAO, n° 18. FAO, Rome. https://doi.org/10.4060/cc2392en

ENCADRÉ 43SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS À BASE D’ALGUES MARINES

La production mondiale d’algues marines a plus que triplé depuis 2000 (atteignant près de 38 millions de tonnes en 2022) et provient principalement de l’aquaculture. Entre 30 pour cent et 38 pour cent de la production sont destinés à la consommation humaine; l’algoculture offre d’importantes possibilités d’emploi aux communautés côtières, en particulier pour les femmes et les jeunes (Cai et al., 2021).

Au cours des dernières décennies, les algues marines ont suscité un intérêt croissant dans le monde entier en raison de leur grand potentiel eu égard à l’amélioration de la nutrition, à leurs utilisations pharmaceutiques et cosmétiques, au piégeage du carbone et aux services écosystémiques. Il est donc nécessaire d’étudier avec soin les incidences sur la sécurité sanitaire des aliments de la production et de l’utilisation des algues marines et d’élaborer une législation, des codes et des directives adéquats pour gérer les risques connexes.

Les risques potentiels dépendent, entre autres, du type d’algue, de sa physiologie, des eaux dans lesquelles elle se développe, et pendant quelle saison, ainsi que des méthodes de récolte et de transformation. Des risques liés à des micro-organismes et à des niveaux toxiques de métaux lourds et de biotoxines marines ont été associés aux algues marines, mais on dispose de peu de données à ce sujet pour la grande variété d’espèces d’algues.

Un rapport FAO-OMS (2022) indique que les métaux lourds (arsenic inorganique et cadmium, principalement), les dangers microbiens (Salmonella spp., par exemple) et les niveaux d’iode élevés pourraient être à l’origine de problèmes de sécurité sanitaire dans les produits à base d’algues marines. Cependant, compte tenu des données limitées dont on dispose aux niveaux national et régional sur la consommation d’algues, il est difficile d’évaluer l’exposition des populations à ces composants potentiellement toxiques. Davantage de données seront nécessaires pour procéder à une évaluation des risques potentiels, déterminer leur incidence sur la santé publique et procurer des éléments probants pour l’élaboration et l’application ultérieure d’une législation sur ces produits alimentaires. Le rapport fournit des informations et des orientations de base destinées à permettre au Codex Alimentarius d’élaborer une norme du Codex ou des directives spécifiquement consacrées à la sécurité sanitaire lors de la production, de la transformation ou de l’utilisation d’algues marines. De telles directives seront essentielles pour exploiter tout le potentiel – économique, nutritionnel et environnemental – des algues marines.

Ingrédients pour la préparation d’algues marines en saumure
© FAO/David Hogsholt
SOURCES: FAO et OMS. 2022. Report of the expert meeting on food safety for seaweed – Current status and future perspectives. Rome, 28-29 octobre 2021. Série sécurité sanitaire et qualité des aliments de la FAO, n° 13. Rome. https://doi.org/10.4060/cc0846en Cai, J., Lovatelli, A., Aguilar-Manjarrez, J., Cornish, L., Dabbadie, L., Desrochers, A., Diffey, S. et al. 2021. Seaweeds and microalgae: an overview for unlocking their potential in global aquaculture development. Circulaire de la FAO sur les pêches et l’aquaculture, n° 1229. FAO, Rome. https://doi.org/10.4060/cb5670en
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