Par action anticipatoire, on désigne le fait d’intervenir en amont des aléas prévus afin de prévenir les conséquences humanitaires graves ou de limiter celles-ci avant qu’elles ne prennent toute leur ampleur. L’action anticipatoire n’est possible qu’entre le déclenchement d’une alerte rapide, c’est-à-dire le moment où les prévisions montrent qu’un aléa va probablement se produire et le moment où les effets de cet aléa se font réellement sentir sur les vies humaines et les moyens d’existence. Un système de déclenchement est mis au point et des fonds spécifiques sont préalablement affectés, de façon à pouvoir être rapidement débloqués lorsque des seuils prédéfinis sont atteints. Ce système est élaboré sur la base de prévisions pertinentes (en ce qui concerne, par exemple, les précipitations, la température, l’humidité du sol, l’état de la végétation et d’autres critères dans le cas d’aléas climatiques), ainsi qu’à partir d’observations saisonnières et de renseignements sur la vulnérabilité.
L’action anticipatoire est une approche offrant un bon rapport coût-efficacité, qui a prouvé son utilité dans l’atténuation des effets des catastrophes, avec à la clé des avantages considérables en matière de résilience. En apportant un soutien en amont de la crise, les actions anticipatoires menées de manière efficace et opportune permettent de contenir l’insécurité alimentaire, de réduire les besoins humanitaires et d’alléger la pression sur des ressources humanitaires déjà très sollicitées. Ces actions, qui sont déclenchées par des systèmes spécifiques d’alerte rapide, sont des interventions de courte durée visant à protéger les gains obtenus en matière de développement face aux effets immédiats d’une crise prévue.
L’appui apporté aux moyens d’existence agricoles en amont des crises est un investissement direct dans la sécurité alimentaire des agriculteurs, des éleveurs pastoraux et des pêcheurs et, par extension, dans la résilience du secteur agricole. Il est démontré que lorsqu’un aléa survient, les actions anticipatoires aident les communautés à conserver une alimentation diversifiée et des apports caloriques élevés et leur évitent de recourir à des mécanismes d’adaptation préjudiciables. Par leurs effets d’entraînement, les actions anticipatoires peuvent également aider les ménages à développer et diversifier leurs débouchés économiques et leurs capacités financières.
Cette section se propose de quantifier concrètement les dommages et les pertes évités grâce à l’action anticipatoire et les avantages supplémentaires que celle-ci procure. Depuis 2016 et en coordination avec les gouvernements et les partenaires, la FAO a mis en œuvre plus de 50 actions anticipatoires dans différents contextes et différentes régions, notamment en Amérique latine et aux Caraïbes, en Afrique, au Proche-Orient et en Asie. Ces interventions visaient à anticiper et atténuer l’impact des sécheresses et des vagues de froid (connues sous le nom de dzud) prévues, de la pandémie de covid-19, des organismes nuisibles aux végétaux et des maladies des animaux, entre autres aléas et chocs. Les résultats présentés dans cette section concernent dix de ces interventions.
L’un des indicateurs utilisés pour mesurer les avantages économiques directs des actions anticipatoires est le retour sur investissement. La principale résultante du retour sur investissement est le rapport avantages-coûts, qui donne une vue synthétique de la rentabilité des ressources qui ont été engagées avant la survenue d’un aléa prévu pour prévenir ou atténuer ses répercussions sur les moyens d’existence des communautés touchées. Pour les dix interventions analysées, les données ont été recueillies au moyen d’entretiens structurés avec des ménages bénéficiaires et des ménages témoins. Les comparaisons contrefactuelles entre les deux échantillons sont utilisées comme base pour estimer les résultats de l’action anticipatoire, après calcul des avantages supplémentaires obtenus et des pertes évitées grâce à l’intervention.
Les rapports avantages-coûts de l’action anticipatoire pour les dix interventions analysées ont été majoritairement positifs, avec une valeur maximale de 7,1, comme l’indique le TABLEAU 6. Dans les cas de l’Éthiopie et de la Mongolie, qui affichent les rapports avantages-coûts les plus élevés, chaque dollar investi dans l’action anticipatoire a rapporté aux bénéficiaires plus de sept dollars en pertes évitées et en avantages supplémentaires. Plusieurs types d’avantage ont été calculés: avantages liés à la santé et à la mortalité du bétail, à la production végétale ainsi qu’aux produits d’origine animale tels que les produits laitiers. Si les rapports avantages-coûts donnent une idée de la rentabilité des actions anticipatoires, il est important d’analyser plus finement les conséquences de ces avantages pour les ménages.
Au Bangladesh et au Viet Nam, les rapports avantages-coûts des actions anticipatoires sont considérablement plus bas. Parmi les actions anticipatoires analysées par la FAO, celles menées dans ces deux pays étaient les seules qui étaient ciblées sur des aléas à déclenchement rapide – phénomènes dont les effets immédiats sont généralement plus difficiles à prévenir que ceux des aléas à évolution lente. Les différences entre les rapports avantages-coûts peuvent s’expliquer par le fait que les coûts opérationnels ont été plus élevés dans les cas où il a fallu faire parvenir rapidement des produits à des communautés difficiles à atteindre dans des zones reculées, ou encore par les types d’avantage qui ont été calculés. Par exemple, la distribution de bidons étanches en amont d’un aléa à déclenchement rapide peut produire des effets bénéfiques pendant plusieurs années, mais ces avantages futurs ne sont pas pris en compte dans les calculs. Par conséquent, les différences de retour sur investissement ne doivent pas être interprétées comme le signe d’un état de préparation plus ou moins bon.
Les actions anticipatoires visant à protéger les animaux d’élevage avant la survenue d’un aléa prévu se sont révélées particulièrement efficaces pour réduire la mortalité des animaux, préserver leur état physique et leur productivité et maintenir la capacité de reproduction des troupeaux. Dans le cas de la Colombie, du Kenya, de la Mongolie et du Soudan, les distributions d’aliments pour animaux et les campagnes de santé animale organisées en amont d’une sécheresse ou d’une vague de froid ont eu des effets majeurs sur la santé et la productivité du bétail, entraînant des effets positifs en cascade sur la nutrition.
En Mongolie, la distribution précoce de fourrage avant le dzud hivernal a permis d’éviter des pertes en réduisant la mortalité animale dans une mesure équivalente à quatre têtes de bétail par ménage. Dans le même temps, cette opération a favorisé une augmentation de la production de lait, essentielle pour l’alimentation des enfants. En Colombie, la réduction de la mortalité animale a représenté, en valeur quantitative, 11 moutons ou chèvres par ménage.
Les mesures prises en amont de la sécheresse au Soudan ont largement contribué à réduire les taux de mortalité du bétail, la mortalité des chèvres diminuant de 11 pour cent. Au Kenya, les actions anticipatoires entreprises pour protéger les ressources animales des communautés pastorales semi-nomades ont eu des retombées bénéfiques majeures en termes de santé animale et de production laitière. Les vaches ont produit près d’un litre de lait de plus par jour, dont 80 pour cent ont été affectés à la consommation des ménages, principalement celle des enfants de moins de 5 ans. En Afghanistan, les distributions d’aliments pour animaux et les campagnes de santé animale organisées en amont de la sécheresse causée par La Niña en 2021 ont contribué à améliorer la santé des animaux et à augmenter la production de lait. Le pourcentage des cheptels bovins, ovins et caprins présentant un état de santé détérioré s’est révélé inférieur, de même que les taux de mortalité des nouveau-nés. Par ailleurs, la production de lait par ménage a augmenté de près de 10 litres pour le lait de vache et de 3,3 litres pour le lait de brebis. Plusieurs bénéficiaires ont indiqué qu’ils avaient pu vendre leur bétail à des prix plus élevés du fait qu’il était en meilleure santé.
Des résultats positifs ont aussi été observés pour les actions anticipatoires axées sur les cultures. Ces interventions comprennent notamment, selon les contextes, l’utilisation de semences tolérantes à différentes contraintes, le démarrage précoce des récoltes, la protection phytosanitaire contre les ravageurs et les maladies dus à des aléas donnés, le recours à des semences de cultures à cycle court ou encore le déploiement de petits dispositifs d’irrigation.
Traditionnellement, le phénomène El Niño a des effets dévastateurs sur la production agricole des Philippines. Par exemple, lors de l’épisode El Niño de 2015-2016, les agriculteurs philippins ont perdu 1,5 million de tonnes de récoltes et plus de 400 000 personnes ont eu besoin d’aide. L’expérience ayant livré ses leçons, des actions anticipatoires ont été mises en œuvre en 2019 en amont de la sécheresse que laissait présager El Niño à Mindanao. En conséquence, les familles ont enregistré moins de mauvaises récoltes et ont pu cultiver de plus grandes parcelles et produire des légumes diversifiésaq. Les agriculteurs ont ainsi conservé une alimentation acceptable, ont été en mesure de vendre leurs légumes sur les marchés locaux pour subvenir à leurs besoins pendant la période de sécheresse et ont été moins enclins à se replier sur des stratégies d’adaptation préjudiciables.
En Colombie, les mesures prises en amont de la sécheresse ont permis aux bénéficiaires d’étendre leurs surfaces de culture et d’accroître leurs rendements agricoles. Ces mesures ont consisté dans la création de champs communautaires adaptés à une production agricole rapide, la distribution de semences et d’outils, l’octroi d’aides en matière de santé animale et la remise en état des infrastructures hydriques. Sans ces actions anticipatoires, l’insécurité alimentaire et les difficultés économiques se seraient probablement aggravées sous l’influence des migrations en provenance de la République bolivarienne du Venezuela voisine, qui créaient des pressions supplémentaires sur les ménages et contribuaient à la raréfaction des ressources231.
À Madagascar, des actions anticipatoires telles que la distribution de semences de légumes et de matériel de micro-irrigation ont été mises en œuvre en prévision de la sécheresse. Ces interventions ont grandement contribué à accroître la production de légumes et à réduire les pertes de récoltes. La production de certains légumes a été multipliée par six.
Les actions anticipatoires ont également généré des avantages supplémentaires en permettant à certains ménages d’échapper au cercle vicieux de l’endettement. Aux Philippines, par exemple, la distribution de semences résistantes à la sécheresse a évité aux bénéficiaires de devoir acheter des semences à crédit, à des taux d’intérêt élevés pouvant atteindre 15 pour cent. Grâce aux économies réalisées sur les semences, les agriculteurs ont pu laisser leurs enfants à l’école et éviter d’autres répercussions négatives.
L’amélioration de la sécurité alimentaire est un autre effet positif de l’action anticipatoire qui a été signalé dans de nombreux projets et zones géographiques. Ce type d’intervention aide les familles et les communautés à conserver une alimentation diversifiée et des apports caloriques élevés lorsqu’un aléa survient, et leur évite de recourir à des mécanismes d’adaptation préjudiciables, qui pourraient par exemple les amener à sauter des repas. Si l’on observe des résultats positifs, la situation est néanmoins variable d’une intervention à une autre.
À Madagascar, les actions anticipatoires mises en place pour soutenir la production de légumes ont permis de stimuler la production alimentaire locale et de protéger les agriculteurs contre les effets des sécheresses234. Environ 16 pour cent des bénéficiaires ont signalé une consommation alimentaire médiocre, contre plus de 40 pour cent des ménages non bénéficiaires234. Au Bangladesh, où des actions anticipatoires ont été menées en amont des inondations, les personnes faisant état d’une consommation alimentaire acceptable ont été 10 pour cent plus nombreuses parmi les bénéficiaires de ces mesures que dans les groupes témoins; cependant, aucune différence majeure n’a été constatée en ce qui concerne l’adoption de stratégies d’adaptation préjudiciables.
En Afghanistan, les actions anticipatoires menées en 2021 ont pris la forme de transferts en espèces, d’aides à l’élevage et à l’agriculture et de formations. La consommation alimentaire des familles bénéficiaires a fortement progressé: la proportion de familles déclarant des niveaux de consommation alimentaire acceptables est passée de 6 pour cent dans la situation de référence à plus de 50 pour cent après l’intervention.
Des résultats similaires, imputables à l’action anticipatoire, ont été observés au Soudan en 2017-2018 après une sécheresse. Les distributions d’aliments pour animaux et les campagnes de santé animale ont eu un effet majeur sur la production laitière des ménages. En moyenne, chaque ménage a consommé 0,8 litre de lait de plus par jour, ce qui représente un apport calorique supplémentaire quotidien de 528 kcal. Un demi-litre de lait par jour suffit pour fournir à un enfant de 5 ans 25 pour cent des calories et 65 pour cent des protéines dont il a besoin pour bien grandir et se développer. Dans l’ensemble, les ménages bénéficiaires étaient moins susceptibles, dans une proportion de 12 pour cent, de réduire la taille de leurs repas ou le nombre de repas consommés quotidiennement. De même, en Mongolie, les vaches laitières des bénéficiaires ont produit six fois plus de lait par jour que les vaches des non-bénéficiaires pendant le dzud230.
Au Viet Nam, des bidons étanches ont été distribués en amont du passage du typhon Noru en septembre 2022. Les ménages s’en sont servi pour mettre leurs biens de valeur à l’abri. Plus précisément, 57 pour cent des bénéficiaires ont indiqué qu’ils avaient utilisé ces bidons pour conserver des produits alimentaires dont la valeur marchande s’élevait à environ 9 dollars en moyenne par ménage.
Si l’on ne dispose que de mesures quantitatives limitées concernant l’effet des actions anticipatoires sur la résilience, des données de nature qualitative indiquent que la résilience des ménages a été renforcée à la suite de ces actions. Les interventions anticipatoires contribuent à renforcer la résilience par différents biais, par exemple en évitant aux ménages de vendre leurs troupeaux en catastrophe s’ils n’ont plus les moyens de les nourrir ou si la situation économique est instable, en leur évitant de devoir contracter des prêts, en leur permettant de conserver des semences pour les récoltes futures et en améliorant leurs revenus, qui peuvent dès lors financer des achats d’actifs ou des investissements dans la productivité.
Aux Philippines, les actions anticipatoires menées avant la sécheresse de 2019 ont évité aux familles de devoir vendre des biens de valeur, et à leurs enfants de rester à la maison au lieu d’aller à l’écolear. Lors de la sécheresse qui a touché la Corne de l’Afrique en 2016-2017, les bénéficiaires des actions anticipatoires ont pu consacrer des fonds supplémentaires – rendus disponibles notamment par l’augmentation de la production laitière – à l’éducation, aux soins de santé et à l’alimentation humaine et animale, et certains ménages ont indiqué qu’ils avaient réussi à épargner une partie de leurs revenus.
Les actions anticipatoires peuvent aussi réduire les risques existants et protéger les moyens d’existence longtemps après que les effets de la catastrophe initiale se sont manifestés. Par exemple, les bidons étanches tels que ceux distribués avant les inondations au Bangladesh ou avant les typhons au Viet Nam peuvent être utilisés pendant plus de dix ans et resservir lors d’inondations futures. En Colombie, les bénéficiaires ont fait observer que les systèmes et techniques d’irrigation au goutte-à-goutte leur permettaient d’obtenir plusieurs récoltes par an, et ainsi d’accroître fortement leur volume de production alimentaire.
Les formations dispensées dans le cadre des actions anticipatoires ont permis de sensibiliser le public et de renforcer les compétences en matière de réduction des risques de catastrophe. En Colombie, une formation à la gestion des ressources en eau organisée dans le cadre des actions anticipatoires a contribué à renforcer la capacité d’adaptation des communautés aux sécheresses. Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour déterminer comment les communautés ont développé et utilisé leurs nouvelles compétences et leurs nouveaux actifs.
Dans l’idéal, il faudrait réexaminer à l’avenir la situation des zones qui ont bénéficié d’actions anticipatoires et déterminer comment les communautés ont développé et mis à profit leurs nouvelles compétences et leurs nouveaux actifs, de façon à mieux comprendre en quoi ces programmes ont renforcé la résilience communautaire. Il conviendra d’étoffer les connaissances et les analyses sur ce point, afin de mieux cerner les effets des actions anticipatoires à long terme.
Des systèmes d’alerte rapide efficaces peuvent permettre d’agir à temps, et si l’on s’efforce d’intégrer davantage l’action anticipatoire dans les politiques, plans et cadres financiers axés sur la réduction des risques de catastrophe, ainsi que dans les cadres humanitaires et de développement, les pays seront à même de renforcer leur résilience tout en limitant les risques de catastrophe auxquels ils sont exposés. L’intégration de l’action anticipatoire dans la législation relative à la gestion des risques de catastrophe et sa systématisation dans l’ensemble des secteurs sont un autre moyen de consolider les capacités institutionnelles.
De la même manière, il pourrait être utile de rassembler davantage de données probantes sur les avantages de la programmation d’actions anticipatoires, par exemple des données sur le rapport coût-efficacité des actions anticipatoires et sur les pertes qui peuvent être évitées grâce à des interventions mises en œuvre sur le terrain en temps voulu, afin de renforcer l’adhésion des gouvernements et de montrer les effets potentiels à long terme de ces avantages sur les individus et les communautés. Il est important que les organisations internationales et les principales parties prenantes collaborent avec les gouvernements pour mettre en place ces institutions et politiques internes, qui jetteront les bases d’une institutionnalisation renforcée de l’action anticipatoire, gérée et dirigée par les organes locaux.
Compte tenu de l’efficacité de l’action anticipatoire, cette approche devrait être déployée à plus grande échelle, d’autant que la fréquence et l’intensité des aléas vont augmenter sous l’effet du changement climatique. Jusqu’à présent, la majorité des actions anticipatoires ont été réalisées à titre de protection contre des aléas naturels. Toutefois, l’insécurité alimentaire aiguë est souvent le résultat de crises cumulées auxquelles participent, entre autres, les conflits, les chocs économiques, les aléas naturels et les crises touchant la filière alimentaire. L’action anticipatoire offre une excellente occasion de gérer de manière proactive les risques résiduels et, dans certains cas, de réduire les risques existants.
Pour étendre durablement l’échelle et la portée de l’approche anticipatoire de gestion des crises, on ne doit pas concevoir l’action anticipatoire comme une forme d’intervention qui relèverait exclusivement de la compétence des acteurs humanitaires. Il faut plutôt voir dans cette approche une occasion de renforcer la coordination avec d’autres acteurs opérant dans les domaines de l’aide humanitaire, du développement, de la paix, du climat et des programmes et cadres de financement connexes. L’adoption d’une approche de financement stratifiée associant différents instruments au service des mêmes objectifs serait une chance inédite de protéger un grand nombre de personnes vulnérables contre les chocs. Les partenariats avec le secteur privé peuvent renforcer la capacité à agir promptement et de façon efficace avant qu’un choc ne se matérialise.
L’intérêt croissant porté aux liens entre la protection sociale, en particulier les systèmes de protection sociale adaptatifs ou réactifs face aux chocs, et les approches d’action anticipatoire ouvre des pistes d’avancées particulièrement prometteuses en matière d’action anticipatoire, qui pourraient contribuer à combler le fossé entre l’action humanitaire et le développement. Les exemples à grande échelle recueillis au Kenya, en Somalie, en Éthiopie et, récemment, au Malawi viennent enrichir le corpus grandissant de données indiquant comment les systèmes de protection sociale peuvent aider à canaliser l’aide à l’action anticipatoire vers de larges pans d’une population déterminée en amont d’un choc prévu. Du reste, il est fait valoir que les progrès réalisés dans ce domaine peuvent changer la donne sur la façon dont le secteur traite les risques auxquels sont confrontées les populations vulnérables au changement climatique.
Avant toute chose, la pérennisation des actions anticipatoires passe par la création d’un sentiment d’appropriation et le développement des capacités au niveau national. Il s’agit d’aider les gouvernements à intégrer l’action anticipatoire dans les politiques, processus et instruments financiers nationaux axés sur la gestion des risques de catastrophe, ainsi que de donner aux partenaires locaux, aux communautés et à toutes les personnes qui interviennent en première ligne les moyens d’engager des actions anticipatoires en veillant à ce qu’ils disposent des ressources et des mécanismes nécessaires. Plusieurs pays ne disposent d’aucune politique ni d’aucun cadre juridique ou protocole sur l’accès au financement pour l’action anticipatoire. Il est essentiel de produire des éléments probants sur l’impact et les avantages de l’action anticipatoire pour améliorer la qualité de la programmation et apporter des arguments à l’appui de l’institutionnalisation de cette approche. C’est pourquoi l’ensemble des éléments probants recueillis devront être précis, transparents et fondés sur des méthodologies rigoureuses. De manière générale, il est primordial d’améliorer les connaissances sur les contre-incitations et les obstacles politiques à la mobilisation des pouvoirs publics en faveur de l’action anticipatoire.
Il y a matière à renforcer la collaboration et à mieux prendre en compte les interpénétrations entre les acteurs et les activités liés au développement, à l’aide humanitaire, au climat et à la paix, qui se renforcent mutuellement. Pour changer d’échelle, l’action anticipatoire doit être systématiquement intégrée à la mise en place de systèmes de gestion des risques liés au climat et aux catastrophes qui assurent la résilience des populations et des pays face aux crises.