Pour pouvoir élaborer des stratégies de réduction des risques de catastrophe et d’adaptation aux effets du changement climatique, il faut dans un premier temps comprendre l’ampleur des conséquences de ces anomalies météorologiques et de ces phénomènes extrêmes sur l’agriculture. Bien que plusieurs bases de données rendent compte des pertes et des dommages liés aux catastrophes, les pertes qui touchent l’agriculture et ses sous-secteurs sont à l’heure actuelle soit partiellement évaluées, soit comptabilisées dans les pertes économiques totales dans les bases de données mondiales existantes consacrées aux catastrophes d’origines diverses. Lorsque les pertes agricoles sont intégrées dans les estimations des pertes économiques, on ne dispose souvent que de peu d’informations, voire aucune, sur la ventilation des pertes monétaires correspondantes par rapport à celles des autres secteurs économiques ni sur les types de pertes agricoles subies après des phénomènes déterminés. L’impact des catastrophes sur l’agriculture est rarement désagrégé jusqu’au niveau infranational, et peu d’informations, si ce n’est aucune, sont fournies sur l’utilisation des terres et la superficie agricole totale touchée.
La pénurie de données et le manque de cohérence dans les définitions et les typologies des aléas et les indicateurs de données dans ces différents systèmes est un défi permanent, et constitue une limitation des référentiels internationaux tels que les bases de données EM-DATf et DesInventarg, celles de la Banque mondialeh et de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rougei, celles gérées par des groupes de réassurance mondiauxj ainsi que celles établies au niveau national50.
Pour suivre et mesurer les progrès accomplis au regard des objectifs et des cibles des ODD, du Cadre de Sendai et de l’Accord de Paris, il faudra remédier aux lacunes considérables de données aux niveaux mondial, régional, national et infranational. La FAO s’est employée à améliorer la couverture et à normaliser les techniques de collecte de données pour évaluer les impacts des phénomènes extrêmes sur l’agriculture, et à mettre en place un suivi et une communication d’informations réguliers aux niveaux national et infranational. Actuellement, on utilise deux types de méthodes pour recueillir des informations sur les pertes découlant de catastrophes dans le domaine de l’agriculture. Le premier correspond aux évaluations des besoins qui sont menées par les pouvoirs publics et les organismes internationaux après des catastrophes pour déterminer la valeur monétaire et les coûts de remplacement des pertes et des dommages dans tous les grands secteurs concernés. Le deuxième, qui a été élaboré par la FAO en coordination avec le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes, permet de mesurer les pertes économiques directes causées par les catastrophes dans le secteur agricole aux fins du calcul de l’indicateur C2 du système de suivi du Cadre de Sendai. Les données issues de ces deux sources ont été utilisées pour estimer les pertes de l’agriculture par rapport à celles des autres secteurs de production.
Les évaluations des besoins après des catastrophes comprennent généralement des informations relatives aux impacts des phénomènes sur les secteurs productifs (agriculture, commerce, industrie, échanges internationaux, tourisme et autres activités assurant des moyens d’existence); sur les secteurs sociaux (éducation, santé, logement, culture et nutrition); et sur les infrastructures (transports et télécommunications, eau et assainissement, et énergie et électricité). Les informations figurant dans ces évaluations sont détaillées, mais leur portée est limitée, étant donné que ce type d’enquête est mené après certaines catastrophes uniquement, et dans des pays qui sont relativement moins à même de faire face. Compte tenu de ces limitations, les données provenant de ces évaluations doivent être utilisées avec prudence.
On dispose actuellement de 88 évaluations de ce type, établies sur la période 2007-2022 dans 60 pays (voir l’annexe technique 1). Il en ressort que les pertes agricoles ont représenté en moyenne 23 pour cent de l’ensemble des impacts des catastrophes, tous secteurs confondus (FIGURE 4). Les données, toutefois, sont limitées compte tenu du petit nombre d’évaluations réalisées, lesquelles ont en outre été menées uniquement dans des pays à faible revenu et après les phénomènes extrêmes les plus dévastateurs. On ne dispose à ce jour d’aucune estimation plus générale et plus exhaustive fournissant une quantification fiable de l’étendue des pertes économiques mondiales dans tous les secteurs économiques.
Les données des évaluations des besoins après des catastrophes peuvent également être utilisées pour déterminer l’ampleur des impacts de différents aléas sur l’agriculture. Cependant, ces informations doivent être analysées avec prudence, car les pertes agricoles peuvent varier selon le type d’aléa, son ampleur, la localisation géographique et les écosystèmes. Le moment où l’aléa survient par rapport aux calendriers culturaux, le type d’activité concerné et d’autres aspects des processus de production entrent également en ligne de compte. Globalement, les évaluations des besoins après des catastrophes indiquent que plus de 65 pour cent des pertes causées par les sécheresses ont eu lieu dans le secteur agricole. Ce pourcentage est d’environ 20 pour cent pour chacune des catégories de catastrophes que sont les inondations, les tempêtes, les cyclones et les activités volcaniques, ce qui souligne l’impact disproportionné des sécheresses sur le secteur (FIGURE 5).
Malgré leurs échantillons de taille modeste, les évaluations des besoins après des catastrophes fournissent des informations sur les pertes dans les différents sous-secteurs agricoles. Ces informations sont disponibles dans 50 des 80 évaluations (FIGURE 6). Ce sont les cultures et l’élevage qui subissent le plus de pertes (près de 50 pour cent pour chacun de ces sous-secteurs). Cette part considérable des pertes s’explique aussi par le fait que la pêche et l’aquaculture ne font pas l’objet d’une attention suffisante dans ces évaluations.
Le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) est le premier accord majeur du programme de développement des Nations Unies pour l’après-2015; il permet de suivre les mesures prises par les États membres de l’ONU pour préserver les acquis du développement face au risque de catastrophes. L’objectif général du cadre est de prévenir les risques nouveaux et de réduire les risques existants, tout en renforçant la résilience. Quatre actions prioritaires et sept objectifs mondiaux, désignés par les lettres A à G, permettent d’évaluer les progrès accomplis à l’échelle mondiale dans la réalisation du Cadre de Sendai. Après l’adoption du cadre, l’Assemblée générale des Nations Unies a créé un groupe de travail intergouvernemental d’experts à composition non limitée chargé d’élaborer un ensemble d’indicateurs pour mesurer les progrès au regard des sept objectifs mondiaux et de convenir d’une terminologie relative à la réduction des risques de catastrophe51. Dans son rapport, ce groupe de travail a recommandé 38 indicateurs pour évaluer les progrès accomplis par rapport aux sept objectifs du Cadre de Sendai, lesquels ont ensuite été entérinés par l’Assemblée générale des Nations Uniesk.
Le sous-indicateur C2 de l’objectif C du Cadre de Sendai correspond aux pertes agricoles directes dues aux catastrophes. Il couvre les pertes dans les sous-secteurs des cultures, de l’élevage, de la pêche, de l’apiculture, de l’aquaculture et des forêts, ainsi que dans les installations et infrastructures connexes. Faisant suite à une demande de l’Assemblée générale des Nations Unies, la FAO a aidé à élaborer une méthode de mesure pour le sous-indicateur C2. Comme pour tous les autres indicateurs du cadre, la communication d’informations se fait sur une base volontaire, et les États membres peuvent décider d’adapter la méthode recommandée en fonction de leurs systèmes de mesure et de calcul nationaux ou autres. Les données sont réunies dans le système de suivi en ligne du Cadre de Sendai, lequel permet de tenir compte de l’ensemble des sous-secteurs agricoles et de désagréger les informations par type de produit.
Depuis le début de la production de rapports au titre du Cadre de Sendai, 82 des 195 pays qui soumettent des données au système de suivi en ont communiqué au moins une fois pour l’indicateur C2. C’est en 2019 que les pertes les plus importantes ont été signalées (FIGURE 7). Sur ces 82 pays, 38 ont fourni des données sur les sous-secteurs: 31 ont communiqué des pertes par type de culture et 24 par type d’élevage. Il est important de noter que la baisse observée en 2020 et en 2021 est due au fait que les États membres ont soumis moins de données, et ne doit pas être interprétée comme une diminution du nombre de phénomènes les deux années en question. On attend un tableau plus complet des pertes agricoles à mesure que les pays fourniront davantage d’informations, y compris en les ventilant par sous-secteur agricole aux niveaux national et infranational. La communication de données par sous-secteur et par type de produit étant facultative, on continue de manquer d’informations détaillées pour déterminer plus précisément les impacts des catastrophes sur l’agriculture, les moyens d’existence et la sécurité alimentaire.
Les pertes agricoles totales transmises au système de suivi du Cadre de Sendai se chiffrent en moyenne à 13 milliards de dollars par an. Les types de catastrophe les plus courants signalés par les 31 pays ayant communiqué des informations sur les pertes agricoles ventilées par aléa sont les inondations (16 pour cent), les feux et incendies de forêt (13 pour cent) et les sécheresses (12 pour cent). En revanche, près de la moitié des pertes agricoles figurant dans ce sous-ensemble de données est due à des sécheresses, ce qui met encore une fois en relief l’incidence considérable de cet aléa sur l’agriculture (FIGURE 8).
Ces pertes agricoles sont sans doute grandement sous-estimées étant donné le nombre limité de pays qui communiquent des données et les retards dans les déclarations du fait de la pandémie de covid-19. Des données plus à jour seront nécessaires pour prévoir et atténuer les catastrophes susceptibles de nuire à l’agriculture et pour définir des pratiques optimales tenant compte des risques.
Des informations de meilleure qualité sur les pertes dues aux catastrophes pourront aider à mieux comprendre les incidences sur le secteur agricole et à y remédier. Elles serviront en outre de base à l’élaboration et à l’adoption de politiques, de programmes et de mécanismes financiers qui permettront au secteur de poursuivre son développement malgré les chocs et les crises, et renforceront ainsi sa résilience. Afin de combler le manque de données suffisamment pertinentes et détaillées pour décrire les impacts des catastrophes sur l’agriculture et la sécurité alimentaire, les auteurs du présent rapport ont opté pour une estimation des pertes agricoles au niveau macro, à l’aide des données nationales sur la production agricole et la fréquence des catastrophes. La section ci-après présente une nouvelle méthode innovante d’estimation des pertes agricoles à l’échelle mondiale causées par les phénomènes extrêmes intervenus sur la période 1991-2021. Il s’agit de la première estimation fournissant une vue d’ensemble des pertes agricoles de tous les pays qui ont subi des catastrophes de petite, moyenne ou grande ampleur au cours des 31 dernières années.
Référence bibliographique à citer:
FAO. 2024. L’Impact des catastrophes sur l’agriculture et la sécurité alimentaire 2023 – Prévenir et réduire les pertes en investissant dans la résilience. Rome. https://doi.org/10.4060/cc7900fr
Les appellations employées dans ce produit d’information et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) aucune prise de position quant au statut juridique ou au stade de développement des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Les lignes pointillées sur les cartes représentent des frontières approximatives dont le tracé peut ne pas avoir fait l’objet d’un accord définitif. Le fait qu’une société ou qu’un produit manufacturé, breveté ou non, soit mentionné ne signifie pas que la FAO approuve ou recommande ladite société ou ledit produit de préférence à d’autres sociétés ou produits analogues qui ne sont pas cités.
ISBN 978-92-5-138668-2
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ROYAUME DES PAYS-BAS. En moyenne, 12 000 hectares de cultures, notamment de coton, de maïs et de noix, ont été endommagés par les précipitations et les crues.