Cette section propose des études de cas sur le sous-secteur des forêts et celui de la pêche et de l’aquaculture, les données limitées dont on dispose ne permettant pas de réaliser des évaluations systématiques des pertes dues aux phénomènes extrêmes telles que celles présentées pour les cultures et l’élevage à la section 2.3.1. Cette lacune d’informations s’explique par un manque de données de référence et par la complexité des liens entre les catastrophes et la productivité dans ces deux sous-secteurs, deux facteurs qui entravent l’élaboration d’un scénario contrefactuel sans catastrophe. Dans le cas de la pêche en mer, il est également difficile d’établir un lien entre les zones de production nationales et les endroits où des catastrophes surviennent. Les informations sur l’importance et l’incidence des pertes découlant de catastrophes dans le sous-secteur des forêts et celui de la pêche et de l’aquaculture ont par conséquent été tirées d’ouvrages publiés ainsi que d’analyses de cas concrets offrant des données empiriques.
À partir de l’estimation de la production agricole perdue à l’échelle mondiale en raison des catastrophes sur la période 1991-2021, on calcule les déficits nutritionnels s’agissant des calories et de neuf micronutriments, déficits qui correspondent à la réduction de leurs disponibilités dans l’approvisionnement alimentaire mondial. Les pertes de produits d’origine végétale et animale du fait des catastrophes sont transformées en valeurs nutritionnelles à partir du tableau mondial de conversion des nutriments pour ce qui est du calcium, du fer, du zinc, de la vitamine A, de la vitamine B1, de la vitamine B2, de la vitamine C, du magnésium et du phosphore, en tenant compte du coefficient de partie comestible. Les pertes totales de nutriments sur la période 1991-2021 sont divisées par la population mondiale et le nombre de jours de la période, afin de convertir les valeurs en quantité moyenne d’énergie et de nutriments perdus par personne et par jour du fait des catastrophes. Les données démographiques nationales utilisées proviennent de FAOSTAT. Pour exprimer les valeurs de ces nutriments en pourcentage des besoins humains, la perte quotidienne par personne de chaque nutriment est divisée par le BME correspondant pour les hommes et les femmes adultes.
La sous-section suivante donne une vue d’ensemble des deux principaux aléas qui menacent la santé et la gestion durable des forêts dans le monde, à savoir les incendies et les infestations d’insectes. Elle souligne les problèmes posés par la collecte de données dans ce sous-secteur et propose une méthode d’évaluation des pertes. La dernière sous-section, consacrée aux pertes dans le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture, présente les spécificités des impacts des catastrophes dans ce contexte.
Les forêts sont extrêmement vulnérables aux répercussions des catastrophes et du changement climatique, mais ont aussi un rôle central dans la réduction et l’atténuation des risques. L’arrêt de la déforestation et l’accroissement de la couverture forestière sont des moyens d’atténuer le changement climatique avec un bon rapport coût-efficacité puisqu’ils permettent de réduire les émissions de plus de 5 gigatonnes d’équivalent CO2 chaque année, soit environ 11 pour cent des émissions annuelles totales. Par ailleurs, ces solutions renforcent la biodiversité et apportent des services écosystémiques, ce qui améliore la capacité d’adaptation et la résilience des populations et des écosystèmes face aux phénomènes extrêmes5. Parallèlement, les forêts sont menacées dans le monde entier par de nombreux aléas naturels, notamment les incendies, les insectes ravageurs, les maladies, les sécheresses, les tempêtes, les inondations et les glissements de terrain. Les catastrophes, selon leur fréquence et leur gravité, peuvent entraîner la dégradation ou la destruction de forêts et réduire ainsi leur capacité à stocker du carbone, à s’adapter au changement climatique et à soutenir les moyens d’existence vulnérables.
La plupart des aléas qui touchent le sous-secteur des forêts découlent de facteurs météorologiques (régimes des températures et des précipitations, par exemple), de la variabilité du climat à long terme et de l’activité humaine (changements d’affectation des terres, pratiques en matière de gestion des terres et introduction d’espèces envahissantes dans le cadre des échanges internationaux, notamment). Il est essentiel d’évaluer et de réduire les risques pesant sur les forêts pour aider les pays à atteindre leurs objectifs en matière d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets, mais le suivi effectif de la dégradation des forêts n’en est qu’à ses débuts. Dans l’édition 2020 de l’Évaluation des ressources forestières mondiales, seuls 58 pays, représentant 38 pour cent de la superficie forestière mondiale, ont indiqué qu’ils assuraient un suivi des superficies de forêts dégradées79. La collecte de données sur les incidences des catastrophes touchant les forêts pose des difficultés en raison des incohérences entre les approches d’évaluation des pertes et des dommages, d’une application insuffisante des méthodes et d’une couverture parcellaire des impacts. Il est de toute évidence nécessaire d’améliorer les données et les approches de gestion intégrée des risques.
Les sections ci-après sont consacrées à deux des plus importants aléas qui touchent le sous-secteur forestier: les incendies et les infestations par des ravageurs. Les feux sont une composante essentielle de nombreux écosystèmes terrestres, et leurs effets peuvent être bénéfiques ou préjudiciables. Parallèlement aux conditions climatiques, les feux sont l’un des grands facteurs qui déterminent les schémas de végétation80,81, mais ils constituent aussi une sérieuse menace. Les feux non contrôlés d’espaces naturels ont des effets préjudiciables importants, s’agissant notamment des émissions de CO2, des pertes de produits forestiers et de productivité des forêts, de la dégradation des paysages, des pertes de vies humaines, de biens bâtis, de biodiversité et d’habitats, et de la perturbation des moyens d’existence82. Aucune zone couverte de végétation ni aucun pays ne sont à l’abri de ce risque81. La réduction du risque d’incendies et la gestion des effets destructeurs de ces derniers sont des problèmes qui prennent de plus en plus d’importance à l’échelle de la planète.
Les échanges commerciaux, le transport et la mobilité humaine enregistrent une croissance exponentielle et s’accompagnent d’une menace grandissante pour les forêts, liée aux espèces envahissantes allochtones d’insectes ravageurs, d’agents pathogènes, de vertébrés et de plantes. Les espèces envahissantes sont désormais considérées comme l’une des principales causes d’appauvrissement de la biodiversité, en particulier dans certains États insulaires83. Quelque 35 millions d’hectares de forêt sont endommagés par des insectes ravageurs chaque année83. Les espèces envahissantes, et plus particulièrement les insectes ravageurs et les agents pathogènes, influent sur la croissance et la survie des arbres, réduisent la qualité du bois et ont des incidences sur d’autres services écosystémiques. Les espèces végétales envahissantes nuisent aux forêts en entrant en concurrence avec les espèces autochtones et en empêchant leur régénération. Les espèces endémiques, sous l’effet du changement climatique ou de l’affaiblissement des défenses des plantes hôtes, contribuent également à accroître les impacts. La composition et la structure de la flore s’en trouvent altérées. De nombreux pays font face à des infestations d’organismes nuisibles autochtones, tels que le dendroctone du pin, du fait du changement climatique et des mauvaises pratiques de gestion des forêts.
Les incendies de forêt, qui sont favorisés par la densité démographique croissante à l’interface des espaces naturels et des zones urbaines, occasionnent des dommages de plus en plus importants pour l’environnement, la faune et la flore sauvages, la santé humaine et les infrastructures84. Chaque année, quelque 340 à 370 millions d’hectares partent en fumée aux quatre coins du globe85,86. Les données indiquent que près de 391 millions d’hectares (dont 25 millions d’hectares de terres forestières) ont brûlé au cours de la seule année 202187. Les superficies réelles qui sont brûlées sont souvent sous-estimées, du fait de contraintes techniques comme la résolution des capteurs (les petits incendies pouvant passer inaperçus), la couverture temporelle et les nuages. À partir des données Sentinel-2 d’une résolution spatiale de 20 m, Chuvieco et al. ont établi que la superficie brûlée en Afrique subsaharienne était supérieure de 120 pour cent à celle estimée par le spectromètre imageur à résolution moyenne (MODIS) (résolution de 500 m)88. Cela signifie que les incendies qui ne sont pas cartographiés par MODIS ne sont pas encore pris en compte dans les analyses des surfaces brûlées à l’échelle mondiale.
L’évolution de la population, du climat et de l’utilisation des terres se traduit par une augmentation de la fréquence et de l’intensité des incendies. Des zones jusque-là épargnées par les incendies sont désormais également touchées89. On attend, par rapport aux niveaux enregistrés en 2000, une augmentation du nombre d’incendies extrêmes de 14 pour cent en 2030, de 30 pour cent en 2050 et de 50 pour cent d’ici à l’an 3000. Le changement climatique et la future météorologie des feux seront les principaux facteurs de multiplication des incendies, suivis des changements de couvert végétal, de la foudre et de l’utilisation des terres90.
Principalement dû aux gaz à effet de serre émis par la combustion des combustibles fossiles, le changement climatique a eu une incidence substantielle sur l’environnement des feux91. Les incendies peuvent accélérer la boucle de rétroaction positive du cycle du carbone, et rendre ainsi l’objectif d’un arrêt de la hausse des températures plus difficile à atteindre. Les observations satellitaires des feux actifs indiquent que les incendies ont entraîné l’émission de 6 450 mégatonnes de CO2 dans le monde en 2021, soit 148 pour cent de plus que les émissions totales de l’Union européenne liées à l’utilisation de combustibles fossiles en 2020. D’après les récentes constatations du GIEC, les conditions météorologiques plus chaudes, plus sèches et plus venteuses deviennent plus fréquentes dans certaines régions et cette tendance ira en s’intensifiant si les pays ne parviennent pas à respecter, voire dépasser les engagements qu’ils ont pris au titre de l’Accord de Paris5. De nombreux membres de la communauté internationale pour la lutte contre les incendies font état du problème croissant que représente la gestion des feux au vu des conditions météorologiques de plus en plus difficiles et des saisons des incendies qui se prolongent du fait du changement climatique83.
La FIGURE 31 indique les superficies brûlées, le nombre de feux et les émissions de CO2 sur la période 2000-2021. Elle ne fait pas apparaître de tendances claires, mais il convient de noter que l’ensemble de données du Système mondial d’information sur les feux de forêt (GWIS) repose sur les informations enregistrées par le capteur MODIS (résolution de 500 m), et que l’analyse de données mondiales ne permet pas de mettre en évidence les spécificités du terrain. Les graphiques montrent que les chiffres relatifs aux incendies sont beaucoup plus élevés pour l’Afrique que pour les autres continents: 70 pour cent environ de l’ensemble des feux au niveau mondial ont eu lieu en Afrique subsaharienne, et 21 pour cent en Australie et en Amérique du Sud85.
Les estimations précédentes des superficies forestières brûlées annuellement, communiquées par les pays pour la période 2002-2012, s’élevaient à environ 67 millions d’hectares, soit l’équivalent de 1,7 pour cent de l’ensemble des forêts du monde86. L’ensemble de données GWIS relatif aux incendies à l’échelle mondiale sur la période 2002-201992, quant à lui, indique une moyenne de 176,9 millions d’hectares de forêt brûlés, ce qui représente 3,6 pour cent du couvert forestier mondial et 42,9 pour cent de la superficie brûlée totale. Van Lierop et al.86 donnent la répartition suivante de la superficie forestière brûlée dans le monde, en indiquant pour chaque région le pourcentage de la surface forestière totale de cette dernière qui est parti en fumée:
Quelque 58,6 pour cent de l’ensemble des feux sur la période 2002-2019 (dernière période pour laquelle on dispose de statistiques nationales sur les incendies) se sont produits dans les 46 pays les moins avancés, mais ils ne correspondaient qu’à 14,2 pour cent du couvert végétal mondial (terres cultivées et végétation naturelle comprises). Cela semble indiquer qu’il existe un lien entre les risques d’incendie, les pays à faible revenu et les conditions de gestion des ressources. Avec 33 des pays les moins avancés, l’Afrique semble la région qui contribue le plus à ce lien entre pauvreté et incendies, mais on le retrouve aussi dans des pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud.
Pour la période 2002-2019, l’ensemble de données GWIS indique 146 millions d’hectares de terres brûlées classées comme forêts (claires ou denses) dans les pays les moins avancés situés en Afrique, ce qui représente 82,6 pour cent des incendies de forêt à l’échelle mondiale. Cela pourrait être le résultat de la classification du couvert végétal (savane arborée classée comme forêt claire, par exemple). Cependant, ce chiffre comprend sans aucun doute une part de couvert forestier brûlé par des feux qui se propagent à partir des brûlages pratiqués dans les prairies/terrains broussailleux et les terres cultivées.
Les dommages et les pertes liés aux incendies comprennent des impacts écologiques néfastes (pertes de couverts végétaux, appauvrissement de la biodiversité, pertes de sols et diminution de la fertilité des sols) et des répercussions socioéconomiques (décès et atteintes aux moyens d’existence, à la productivité agricole, à la sécurité alimentaire, à la santé humaine, à la sécurité de l’approvisionnement en eau ainsi qu’aux infrastructures et aux biens)93. Il est malheureusement difficile d’évaluer les réponses à court, moyen et long terme des écosystèmes aux feux et de mesurer les valeurs écologiques. Aucune base de données mondiale harmonisée ne centralise les effets socioéconomiques des incendies ni même les coûts liés à l’extinction de ces derniers, et les États sont peu nombreux à évaluer et enregistrer ces informations de manière régulière et à les mettre à disposition94.
Les mesures de réduction des risques qui permettent de s’attaquer aux causes sous-jacentes des incendies peuvent contribuer à éviter des pertes considérables. La gestion intégrée des incendies vise à rendre les territoires et les moyens d’existence résilients et durables en tenant compte des aspects écologiques, socioéconomiques et techniques de la gestion des incendies. S’attacher à la réduction des risques d’incendie est la bonne manière de procéder, mais le feu doit également être un outil de gestion. Certains phénomènes considérés comme des incendies extrêmes aux États-Unis d’Amérique ont été décrits dans les rapports d’incendie comme étant liés à des forêts trop denses résultant de politiques de lutte contre les incendies dans des biomes adaptés au feu94. On observe le même processus dans d’autres pays. Il est possible de s’appuyer sur les connaissances autochtones et traditionnelles et sur l’expérience acquise dans la gestion des incendies pour mettre en place des régimes plus sains dans ce domaine.
Dans le cadre de sa stratégie en matière de gestion des feux de forêt, la FAO a fait évoluer un cadre de gestion intégrée des incendies qui aide à évaluer, planifier et gérer de manière systématique ces derniers95. Ce cadre repose sur cinq axes: examen et analyse, réduction des risques, préparation, intervention et redressement. L’approche de gestion intégrée des incendies et ces cinq axes, ainsi qu’un dialogue enrichi par l’expérience, les connaissances et les bonnes pratiques des chercheurs, des professionnels et des communautés autochtones et traditionnelles, peuvent aider à réduire la vulnérabilité des populations et des territoires.
Les dommages causés aux forêts par les espèces envahissantes peuvent être catastrophiques sur le plan économique, mais on manque d’informations pour quantifier leur impact économique à l’échelle mondiale96. L’une des principales raisons de ce manque de données est la difficulté à définir des seuils au-delà desquels une présence tolérable de ravageurs devient une infestation. Les autres paramètres comprennent le calcul de l’étendue des dommages causés aux forêts et l’estimation de la valeur monétaire des stocks d’arbres et de plantes perdus.
Les coûts économiques englobent les coûts liés aux pertes de bois d’œuvre, au remplacement des arbres, à la modification des services écosystémiques, à la rétention d’eau, à la gestion, ainsi qu’à l’atténuation du changement climatique et des pertes de carbone. On constate également des conséquences socioéconomiques, telles que des incidences sur la santé publique, la perte de recettes pour les communautés locales tributaires de forêts productives, et des répercussions liées à l’importance culturelle et sociale des forêts, lesquelles sont difficiles à quantifier sur le plan économique. Cependant, peu d’études ont été consacrées à la quantification des incidences des organismes nuisibles et des maladies sur les services écosystémiques forestiers et les communautés locales. Actuellement, les dégâts provoqués par les organismes nuisibles et les maladies sont établis à partir de données sur la superficie ravagée, le volume de mortalité des arbres ou les répercussions économiques: il n’existe pas de système harmonisé pour rendre compte des impacts. En cas d’infestation importante d’agents tels que le dendroctone du pin, il est relativement facile d’évaluer les dommages en fonction de la superficie touchée. Cependant, cette méthode ne convient pas pour des organismes nuisibles et des agents pathogènes qui entraînent la mort d’arbres individuels entourés de non-hôtes.
Dans l’ensemble, les données sur les foyers de maladies ou d’insectes ravageurs sont limitées, en particulier dans les pays en développement. Par ailleurs, les données disponibles concernent principalement les plantations et les arbres plantés. Bien que de nombreux pays aient signalé des cas de dépérissement de forêts et de mort en cime des arbres, on manque de données d’enquête précises. Certains pays d’Amérique centrale, l’Australie, la Chine, les États-Unis d’Amérique, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont déclaré des pertes récentes liées à des espèces envahissantes, des insectes ravageurs autochtones et des agents pathogènes.
Le rapport annuel du Service des forêts du Département de l’agriculture des États-Unis d’Amérique décrit les principaux insectes ravageurs et maladies des forêts que l’on trouve dans le pays. La mortalité des arbres causée par ces insectes et maladies varie d’une année sur l’autre, mais une mortalité correspondant à une superficie de plus de 4,8 millions d’hectares a été rapportée en 200997. En comparaison, 2,4 millions d’hectares ont été ravagés par des incendies la même année. En 2018, les insectes nuisibles et les maladies ont détruit plus de 2,4 millions d’hectares d’arbres aux États-Unis d’Amérique, un chiffre inférieur de plus de 1 million d’hectares à celui de 2017.
Les États-Unis d’Amérique estiment à 4,2 milliards de dollars les pertes économiques annuelles liées aux différents ravageurs forestiers présents sur leur territoire98. Des études plus récentes sur des ensembles précis d’espèces indiquent des coûts encore plus élevés. En 2019, le pays a estimé la perte de biomasse attribuée à l’augmentation des taux de mortalité causée par les 15 ravageurs forestiers allochtones les plus dévastateurs. L’étude a permis d’établir un taux combiné de mortalité des arbres de 5,53 téragrammes de carbone (TgC) par an99.
Dans une autre étude menée en Nouvelle-Zélande, Turner et al. ont calculé que la valeur nette des répercussions économiques liées à un nouveau ravageur forestier s’élevait à 3,8 milliards de dollars néo-zélandais et devrait atteindre, d’après les projections, 20,3 milliards en 2070100. Au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, les dommages provoqués par les espèces envahissantes ont un impact économique annuel qui est estimé à 1,7 milliard de livres sterling (plus de 2,2 milliards de dollars des États-Unis)101. En République islamique d’Iran, la pyrale du buis (Cydalima perdpectalis) et le dépérissement du buis causé par Calonectria pseudonaviculata ont touché quelque 80 000 hectares de peuplements naturels de buis (Buxus hyrcana)79. En Australie, en 2015, le dépérissement terminal de mangroves le long de la côte sud du Golfe de Carpentarie a été observé sur une superficie comprise entre 7 000 et 10 000 hectares sur une étendue de côte de 700 km. Cette mortalité massive d’écosystèmes de mangroves, qui fait partie des plus importantes jamais signalées, est liée à des anomalies climatiques102.
Parmi d’autres exemples notables, on peut citer l’infestation massive de mineuses des feuilles de gomme (Uraba lugens), qui ont sévèrement défolié quelque 250 000 hectares de forêts de jarrah (E. marginata) en Australie-Occidentale sur la période 2010-2011, forêts qui se sont rétablies depuis103. Dans le nord-est de l’État de Victoria, jusqu’à 3 000 hectares de plantations ont été traités chaque année depuis 2011 contre la maladie des bandes rouges (causée par Dothistroma septosporum). Fin 2016, la superficie totale cumulée de forêts naturelles publiques présentant un dépérissement dû à Phytophthora a atteint 274 000 hectares en Australie-Occidentale102. D’après les estimations, les sirex ont entraîné dans les plantations australiennes de résineux des pertes et des dépenses (pour leur éradication) de quelque 35 millions de dollars australiens104. Une somme similaire a été dépensée pour tenter d’éradiquer le capricorne des maisons, ou du moins d’enrayer sa propagation, depuis sa détection en 2004105. En Afrique du Sud, 12 301 hectares d’arbres plantés sont la proie de ravageurs et/ou de pathogènes chaque année.
Le dendroctone méridional du pin (Dendroctonus frontalis) est l’insecte ravageur autochtone le plus destructeur des forêts de pins dans le sud-est des États-Unis d’Amérique, au Mexique et en Amérique centrale109. Sa propagation est restée faible dans les régions du sud et du nord-est des États-Unis d’Amérique depuis 2002, année pendant laquelle il s’est attaqué à 5,26 millions d’hectares de forêts de pins. Au Mexique et en Amérique centrale, l’infestation la plus récente de dendroctone méridional du pin – avec l’implication possible du dendroctone mésoaméricain du pin – s’est produite au Honduras et a entraîné une mortalité représentant 500 000 hectares sur la période 2014-2015110. En 2019, la République dominicaine a connu une infestation sans précédent d’Ips calligraphus111, qui a causé des dommages dans plus de 8 000 hectares de forêts de pins indigènes et exotiques112.
Cependant, l’espèce de dendroctone du pin responsable des pertes les plus massives dans les forêts de pins en Amérique du Nord depuis 2000 est le dendroctone du pin ponderosa. D’après les chiffres du Gouvernement canadien, une infestation en cours, qui a commencé au début des années 1990, a touché plus de 18 millions d’hectares de forêts de pins en Colombie britannique. Fin 2012, le ravageur avait entraîné la perte de 53 pour cent du volume de pin commercialisable (approximativement 723 millions de mètres cubes)108. En 2010, des études ont indiqué une mortalité due au dendroctone du pin ponderosa de plus de 2,75 millions d’hectares dans les États de l’ouest des États-Unis d’Amérique97.
Comme dans tout programme, on note des lacunes et des points à améliorer. L’une des principales lacunes, que nous avons mentionnée plus haut, est le manque de données cohérentes, non seulement sur les pertes causées par les espèces envahissantes et autochtones, mais aussi sur les mesures prises par les pays pour atténuer les pertes et les dommages. Pour mieux évaluer les impacts des espèces envahissantes et autochtones sur les forêts, mieux les hiérarchiser et mieux y faire face, il est nécessaire de recueillir des informations harmonisées aux niveaux mondial, national et local, au moyen d’enquêtes sur le terrain, de questionnaires ainsi que de technologies comme les systèmes d’imagerie par satellite ou télédétection.
Les catastrophes ont de multiples effets sur les forêts, qui nécessitent de collecter un ensemble divers de données et d’indicateurs pour évaluer les pertes et les dommages dans les différentes dimensions (TABLEAU 3). Les impacts directs sur les moyens de production (le matériel, par exemple) sont les plus simples à mesurer, ce qui n’est pas le cas des effets sur la production de bois, étant donné qu’il faut tenir compte de la maturité et de la valeur des arbres touchés. Dans différents contextes nationaux, les petits exploitants peuvent voir leurs moyens d’existence diminuer en raison d’une baisse des revenus tirés des ressources forestières (production de bois, mais aussi produits forestiers non ligneux, notamment le bois de feu, les fruits, les champignons, les fleurs et les activités récréatives)117.
Nématode du pin
Considéré comme l’un des pires ravageurs des pins106, le nématode du pin a causé des dommages très importants dans les plantations au Portugal et les forêts naturelles en Chine, au Japon et en République de Corée. Le service coréen des forêts a fait état d’une perte de 12 millions de pins à cause de ce ravageur entre 1988 et 2022. L’agence japonaise des forêts a indiqué une perte annuelle de l’ordre de 0,3 million de mètres cubes de pins en raison de la maladie du dépérissement du pin107.
En Chine, ce sont les régions de l’est et du sud qui ont été les plus touchées par la maladie causée par le nématode du pin. Les pertes économiques de ces régions ont représenté 79,9 pour cent des pertes économiques totales à l’échelle nationale (TABLEAU 2).
Dendroctone du pin
Le dendroctone du pin est naturellement présent dans toutes les régions forestières du monde, mais peut devenir un perturbateur majeur, en particulier dans les forêts de conifères présentant une faible diversité d’espèces, une forte densité et des contraintes environnementales. En Amérique centrale et du Nord et en Europe, la mortalité d’arbres entraînée par le dendroctone du pin a été estimée à des millions d’hectares sur les dernières décennies. Au Bélarus, le ravageur a causé la perte de 36 millions de mètres cubes de pin sur la période 2016-2021. Au Canada, la superficie forestière touchée par le dendroctone du pin ponderosa (Dendoctronus ponderosae) a continué de diminuer, passant d’un sommet de presque 9 millions d’hectares en 2009 à seulement 357 000 hectares en 2019108.
Pour déterminer les incidences secondaires sur les moyens d’existence, il faut examiner les documents et les données provenant de questionnaires soumis aux ménages. Comme cela a été souligné plus haut, on manque de méthodes normalisées pour évaluer les effets des catastrophes sur les services écosystémiques. Dans certaines évaluations des besoins après des catastrophes, les équipes ont cherché à remédier à ce problème en créant des indicateurs et en attribuant des valeurs monétaires aux pertes de services écosystémiques118. Les impacts de certains aléas, comme les perturbations des échanges commerciaux entraînées par des infestations de ravageurs, ne se limitent pas au sous-secteur forestier, mais ont une incidence directe sur les recettes tirées des forêts.
Lorsqu’on évalue les pertes après une catastrophe de grande ampleur dans le sous-secteur forestier, il est important de tenir compte du fait que l’on peut généralement récupérer une partie importante du bois d’œuvre endommagé. La production de bois d’œuvre ne recule pas toujours à proportion du nombre d’arbres détruits après une catastrophe et on observe plutôt une hausse des ventes de bois d’œuvre au lendemain de ces phénomènes, les volumes mis sur le marché étant plus importants que d’ordinaire.
Le fait que les pertes soient décalées dans le temps complique l’analyse par régression à grande échelle des catastrophes et de la production de bois pour plusieurs pays et années. Des pertes de production de bois d’œuvre liées à une catastrophe peuvent être observées pendant une longue période après la vente du bois récupéré, tant que le niveau de production normal n’a pas été retrouvé. Pour évaluer cet effet à long terme sur la productivité des forêts, il faudrait analyser la production à partir des caractéristiques de l’offre et de la demande propres à chaque contexte. Cette approche n’est pas envisageable à l’échelle mondiale, raison pour laquelle la plupart des évaluations des impacts des catastrophes sur le sous-secteur forestier qui existent actuellement portent sur des phénomènes particuliers après lesquels on a procédé à une collecte de données précises, en s’appuyant sur la disponibilité de données locales (TABLEAU 3).
Des infestations sans précédent de dendroctone méridional du pin ont entraîné la mort d’arbres représentant plus de 580 000 hectares au Honduras au cours des 20 dernières années109. Sur une superficie totale de quelque 11 millions d’hectares, le Honduras compte 4,5 millions d’hectares de forêts (soit 41 pour cent du territoire). L’espèce Pinus est présente sur quelque 60 pour cent de la superficie forestière. Plus de 2 millions d’hectares ont été touchés par le dendroctone du pin du fait de peuplements trop denses, d’incendies et d’une sécheresse prolongée entre 1962 et 1965. En 1964, d’après les estimations, le ravageur s’est propagé à un rythme de 150 000 hectares par mois113. Cette infestation de dendroctone méridional du pin est à ce jour la plus dévastatrice que le Honduras ait connue.
Un foyer important de dendroctone méridional du pin s’est déclaré dans des peuplements secondaires de P. oocarpa entre 1982 et 1983, principalement dans la région de Yoro114, où plus de 8 000 hectares de jeunes pins ont été attaqués et tués. Le Honduras avait mis en place un programme efficace de lutte contre le dendroctone du pin depuis l’invasion de 1982. Les pertes ont été réduites au minimum au cours de la période 1984-1998 grâce à une détection précoce et à la mise en œuvre rapide de mesures de lutte (consistant notamment à abattre les arbres et à les laisser sur place)115.
Cependant, une autre infestation s’est produite entre 1998 et 2003, entraînant des pertes estimées à 45 885 hectares de forêts de pins116. Seulement 17 pour cent (403 000 mètres cubes) des 2,4 millions de mètres cubes d’arbres morts ont pu être récupérés. Un autre foyer important de dendroctone méridional du pin s’est déclaré en 2014; 500 000 hectares de forêts de P. oocarpa ont été touchés en raison de mesures de lutte tardives110, avant que le ravageur ne finisse par reculer en 2017. Il faut s’attendre, périodiquement, à des infestations de dendroctones autochtones en Amérique du Nord et en Amérique centrale et à des introductions du ravageur dans les Caraïbes, notamment dans les forêts et plantations de pins anciennes et non gérées.
La FAO s’emploie à faire mieux connaître une méthode spécifique de collecte de données et d’évaluation des pertes et dommages afin d’améliorer et de normaliser l’estimation des pertes dues aux catastrophes dans le sous-secteur forestier. Cette méthode permet de réaliser une évaluation de l’état des ressources forestières dans le cadre de laquelle une distinction est établie entre la valeur du bois sur pied parvenu à maturité et commercialisable et celle du bois sur pied qui n’a pas encore atteint l’âge de rotation lorsque le dommage survient.
La valeur marchande du bois sur pied à l’unité est utilisée pour calculer les pertes de bois sur pied commercialisable, et quatre techniques d’évaluation peuvent être employées pour estimer la valeur du bois d’œuvre perdu alors qu’il n’était pas encore commercialisable (approches fondées sur une vente comparable, sur le coût de remplacement, sur le taux de rentabilité interne et sur les revenus). Les revenus générés par les produits forestiers non ligneux constituent la troisième catégorie de ressources forestières. Celle-ci comprend toutes les activités liées au tourisme, à la chasse et aux autres produits forestiers. À partir des revenus annuels générés par cette catégorie, on estime les pertes en évaluant la proportion de la superficie forestière qui a été endommagée et l’âge de rotation du bois sur pied. Étant donné qu’une partie des ressources forestières peut être récupérée après une catastrophe, sa valeur estimée est déduite de l’estimation des pertes de revenus.
La durabilité de la pêche et de l’aquaculture dans le monde est menacée par la fréquence et l’intensité croissantes des catastrophes. La pêche et l’aquaculture jouent un rôle très important en assurant la sécurité alimentaire, la nutrition et des moyens d’existence à certaines des communautés les plus vulnérables et les plus défavorisées du monde. En 2020, 58,5 millions de personnes dans le monde travaillaient dans la pêche de capture (38 millions de personnes) et l’aquaculture (20,5 millions de personnes)119. Sur ce total à l’échelle mondiale, 84 pour cent des personnes se trouvaient en Asie et 21 pour cent étaient des femmes119. Les moyens d’existence de quelque 600 millions de personnes (soit 7,5 pour cent environ de la population mondiale), notamment des personnes pratiquant des activités de subsistance ou travaillant dans le secteur secondaire et les personnes à leur charge, dépendent au moins partiellement des pêches et de l’aquaculture.
La pêche de capture sauvage et l’aquaculture sont vulnérables à de nombreuses catastrophes soudaines ou à évolution lente, y compris aux tempêtes, aux tsunamis, aux inondations, aux sécheresses, aux vagues de chaleur, au réchauffement, à l’acidification et à la désoxygénation des océans, à la variabilité des précipitations et des disponibilités en eau douce, et à l’intrusion d’eau salée dans les zones côtières120. L’un des principaux facteurs de risque écosystémique pour la pêche de capture est l’intensité et la fréquence croissantes des vagues de chaleur marines, qui menacent la biodiversité et les écosystèmes du milieu, rendent plus probables les phénomènes météorologiques extrêmes et nuisent à la pêche et à l’aquaculture. Dans l’aquaculture, les impacts à court terme peuvent se traduire par des pertes qui touchent la production et les infrastructures, ainsi que par des risques accrus de développement de maladies, de parasites et d’efflorescences algales nuisibles. Les effets à long terme peuvent notamment comprendre une réduction de la disponibilité d’alevins sauvages ainsi qu’une diminution des précipitations qui entraîne une concurrence croissante autour de l’eau douce. On observe en outre une augmentation des risques en matière de santé animale, comme une évolution de la présence d’agents pathogènes et de leur virulence ou la sensibilité des organismes élevés ou cultivés aux agents pathogènes et aux infections.
Les phénomènes extrêmes et le changement climatique ont des incidences directes sur la répartition, l’abondance et la santé des poissons sauvages, ainsi que sur la viabilité des processus et des stocks aquacoles. Ils se cumulent à d’autres pressions exercées par les activités humaines, comme la surpêche, et viennent aggraver les répercussions sur la durabilité environnementale et économique des pêches. Parallèlement aux aléas naturels, les catastrophes technologiques (déversements de produits chimiques ou marées noires, par exemple), les conflits et les situations d’urgence complexes peuvent aussi avoir des incidences sur la viabilité des pêches et des communautés de pêcheurs. Le sous-secteur de la pêche est également exposé à un large éventail d’impacts directs et indirects de catastrophes, notamment les déplacements et migrations de populations humaines, les conséquences pour les communautés et infrastructures côtières de l’élévation du niveau de la mer, et l’évolution de la fréquence, de la distribution et de l’intensité des tempêtes tropicales.
Toutes ces situations d’urgence représentent de sérieux défis pour la production halieutique, et entraînent dans les chaînes de valeur des perturbations qui nuisent au bien-être et aux moyens d’existence des populations. Le sous-secteur de la pêche subit de plein fouet les hausses de prix des intrants (carburants, par exemple), l’augmentation du coût des denrées alimentaires, les mouvements de population et les restrictions au commerce telles que celles qui ont été imposées durant la pandémie de covid-19. Situées à l’interface entre la terre et l’eau, les catastrophes qui ont des incidences sur la pêche peuvent survenir de manière isolée, être déclenchées par un autre événement (tsunami après l’éruption volcanique aux Tonga en 2021, par exemple) ou se combiner à un autre événement, en ayant souvent des effets qui s’amplifient mutuellement.
Les communautés de pêcheurs, les ports, les lieux d’ancrage, les infrastructures commerciales et les installations aquacoles sont souvent situés en bord de mer, ainsi que le long des rivières et des lacs, c’est-à-dire dans des zones exposées à diverses menaces hydrologiques et météorologiques. Le changement et la variabilité climatiques ainsi que les phénomènes météorologiques extrêmes constituent des menaces concomitantes qui compromettent le développement durable de la pêche de capture et de l’aquaculture en milieu marin ou dulcicole.
Dans le même temps, la reprise rapide de la pêche après une catastrophe peut assurer un approvisionnement en aliments nutritifs et créer des emplois, tout en aidant la population locale à retrouver plus vite un niveau d’activité économique normal. Les navires de pêche sont souvent utilisés après une catastrophe pour acheminer des produits alimentaires et des matériaux et transporter des personnes, et aident ainsi à assurer la sécurité alimentaire et des moyens d’existence. En cas de conflit ou de situation d’urgence complexe, lorsque les mouvements de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ou de réfugiés s’intensifient, les pêches peuvent jouer un rôle important en apportant une sécurité alimentaire et des moyens d’existence à ces personnes ainsi qu’à la population locale.
L’adaptation des activités de pêche aux impacts des phénomènes extrêmes et du changement climatique se heurte au manque d’évaluations ciblées de la vulnérabilité et à l’incertitude quant aux répercussions sur la pêche commerciale, notamment dans les pays des régions tropicales. On s’attend à un profond impact du changement climatique sur des secteurs essentiels de la production alimentaire, et à des pertes dans les régions tropicales, notamment dans les activités de pêche. Par exemple, d’ici à 2100, la biomasse pouvant être pêchée dans les océans pourrait diminuer de pas moins de 40 pour cent dans certaines zones tropicales. Les simulations indiquent que le changement climatique a déjà entraîné une diminution des stocks dans presque la moitié des régions marines étudiées. Les effets d’un réchauffement de 1,8 °C seraient notamment l’incapacité de certains stocks de poissons à se reconstituer; conjugués à une pêche au-delà des niveaux viables, ils entraîneraient une diminution de plus de 35 pour cent des stocks mondiaux.
La section ci-après examine les impacts des catastrophes sur le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture, en présentant des études de cas pour différents pays.
En Afrique du Sud, le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture fait face à des effets considérables du changement climatique et des catastrophes qui l’accompagnent, lesquels pèsent sur les moyens d’existence de nombreuses personnes, notamment celles qui sont exposées à l’insécurité alimentaire et qui vivent dans la pauvreté ou qui dépendent de ces activités pour leur subsistance121,122.
Les efflorescences algales nuisibles sont des phénomènes de prolifération d’algues – organismes photosynthétiques simples se développant en milieu marin et en eau douce – qui ont des effets toxiques et préjudiciables pour l’être humain, les poissons, les mollusques et crustacés, les mammifères marins et les oiseaux. On observe de nombreux types d’efflorescences algales nuisibles dans le monde, causés par différents groupes d’algues produisant diverses toxines. L’anoxie observée dans les eaux côtières d’Afrique du Sud est liée à la multiplication des marées rouges, ou efflorescences algales nuisibles, et constitue une menace sérieuse pour le secteur de la pêche et de l’aquaculture. Les efflorescences algales nuisibles sont liées à l’accumulation et à la décomposition d’un groupe de phytoplancton connu sous le nom de dinoflagellés. La décomposition engendre un phénomène d’hypoxie qui peut causer la mortalité de certaines espèces marines123. Les marées rouges sont des phénomènes courants sur la côte ouest de l’Afrique du Sud, mais elles sont moins prévisibles sur la côte est124.
En mars 2021, des langoustes du Cap se sont échouées sur la côte ouest de l’Afrique du Sud (500 tonnes au total)125. Ce type d’échouage se produit de manière récurrente: les langoustes quittent l’océan à cause du phénomène d’hypoxie résultant de marées rouges locales et meurent sur la plage126. L’échouage de langoustes qui s’est produit en 1997 a été estimé à 2 000 tonnes127, mais celui de 2021 doit être considéré comme très important au vu de l’état du stock de l’espèce (estimé à 1,9 pour cent du niveau originel)128 et d’autant plus préoccupant que les petits pêcheurs locaux se sont inquiétés de la taille modeste de la plupart des spécimens décimés. Outre ces échouages de langoustes dus aux marées rouges, on a trouvé plusieurs autres espèces de poissons sur les plages et dans les eaux peu profondes, hors de leur habitat habituel. Par ailleurs, la plupart des pêcheurs de langoustes et des pêcheurs à la ligne traditionnels et commerciaux n’ont pas été en mesure d’accéder à leurs lieux de pêche dans les eaux côtières. Certains pêcheurs ont réussi à récupérer des langoustes échouées, atteignant ainsi leur quota total autorisé de captures, ce qui n’a pas été le cas pour de nombreux autres d’ici à la fin de la saison, du fait des jours de pêche perdus à cause de la marée rouge. Cette dernière a ainsi entraîné une perte de revenus pour de nombreux ménages, et peut être considérée comme une catastrophe économique pour les petits pêcheurs.
Depuis 1990, les Philippines ont été le théâtre de 565 catastrophes, qui ont causé des dommages estimés à 23 milliards de dollars. Environ 85 pour cent des sources de production du pays sont considérées comme étant vulnérables face aux catastrophes, et 50 pour cent du territoire est exposé à un risque sur le plan économique. On a pu constater que les populations côtières, en particulier les populations démunies qui exercent une activité artisanale, comme les pêcheurs de poissons, de mollusques ou de crustacés, étaient les plus vulnérables aux inondations, à l’érosion côtière et aux intrusions d’eau salée.
Le Bureau des pêches et des ressources aquatiques (BFAR) collecte des informations précises sur les impacts des catastrophes sur la pêche, mais l’importance du sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture dans l’économie nationale et le fait qu’il représente une source essentielle de moyens d’existence pour de nombreuses personnes ne transparaissent pas de manière satisfaisante dans les allocations gouvernementales, surtout au regard de celles qui vont à d’autres sous-secteurs agricoles. Par exemple, dans les quatre régions touchées par le typhon Odette (décembre 2021), le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture s’est vu allouer un quart de la somme consacrée aux aides apportées aux riziculteurs d’une seule région. C’est pour cette raison qu’il est souvent fait appel au BFAR pour combler le déficit d’aide financière dans le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture.
Par ailleurs, les rapports d’évaluation des besoins ne semblent pas tenir suffisamment compte des données disponibles. Ceux établis après les trois typhons majeurs qui ont frappé les Philippines au cours des cinq dernières années, à savoir Kammuri (Tisoy) en 2019129, Goni en 2020130 et Rai (Odette) en 2021131, montraient bien la nécessité de mettre davantage en lumière les impacts sur les communautés de pêcheurs et d’aquaculteurs, notamment les besoins et les priorités de ce sous-secteur. Les évaluations fournissent des estimations des pertes et dommages subis s’agissant des récoltes, mais peu de chiffres sont communiqués pour les pêches et l’aquaculture, voire aucun. Un certain nombre d’informations sur la pêche ont été données pour le typhon Rai (Odette), ce qui indique peut-être une volonté de mettre davantage l’accent sur les incidences pour ce domaine d’activité. Pour ce qui est de l’aquaculture, 63 pour cent des dommages concernaient les cages d’élevage, tandis que pour la pêche, ce sont dans la plupart des cas les navires qui ont souffert (FIGURE 32). Une perte totale de 3,5 millions de dollars a été subie par 2 126 pêcheurs produisant des algues marines, du chano, du tilapia et des crevettes (en cage et en bassin) dans trois régions. Les pêcheurs n’ont pas pu poursuivre leurs activités après le typhon, ayant perdu leur matériel et leurs engins132. La FAO a constaté des dommages encore plus importants dans le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture dans son ensemble, les pertes s’étant chiffrées à 3,97 milliards de pesos philippins (79,4 millions de dollars)131.
L’explosion qui s’est produite lorsque le volcan sous-marin Hunga Tonga–Hunga Ha’apai est entré en éruption le 15 janvier 2022 aux Tonga a été ressentie dans le monde entier. Les deux phénomènes observés (les retombées d’un nuage de cendres volcaniques et un tsunami) ont eu des incidences potentielles sur la production halieutique et les moyens d’existence reposant sur la pêche.
Dans son rapport initial d’évaluation post-catastrophe produit en février 2022, le Ministère des pêches des Tonga a mis l’accent sur les dommages causés aux moyens de production du secteur halieutique (embarcations de pêche artisanale, navires de pêche au thon et au vivaneau, moteurs, engins de pêche). D’après les estimations, le montant total des dégâts dans le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture s’est élevé à 4,6 millions de dollars. Le rapport portant uniquement sur les dommages, une deuxième évaluation a été menée conjointement par le Ministère des pêches et la FAO pour examiner plus avant les pertes subies, les diminutions des flux économiques et les moyens nécessaires au redressement.
Si l’on tient compte des pertes de flux économiques, l’éruption du volcan et le tsunami de janvier 2022 ont entraîné une perte estimée à 7,3 millions de dollars dans le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture aux Tonga (TABLEAU 4). Les répercussions des retombées de cendres n’ont pas été prises en compte dans cette évaluation, ayant été considérées comme étant relativement mineures.
La pêche représentait 2,1 pour cent du PIB des Tonga en 2020-2021133, soit 10,3 millions de dollars environ (PIB total de 488,83 millions de dollars en 2020 d’après les données de la Banque mondiale134). La perte estimée à 7,3 millions de dollars liée aux pertes et dommages subis par le secteur de la pêche et de l’aquaculture représente environ 71 pour cent de la part la pêche dans le PIB, ce qui montre l’ampleur de cette catastrophe pour ce sous-secteur.
Ce sont les activités de pêche aux petits métiers/pêche artisanale qui ont été les plus touchées, ayant essuyé des dommages et des pertes estimés à 3,5 millions de dollars, soit 48 pour cent du total. D’après le recensement agricole de 2015135, seuls 15 pour cent des ménages interrogés exerçaient des activités de pêche. Sur ces ménages, 54 pour cent pratiquaient une pêche de subsistance (pour leur propre consommation), 42 pour cent environ une pêche de semi-subsistance (principalement pour leur propre consommation, et vente d’une partie de la production), et seulement 4 pour cent une pêche commerciale. Pour ces ménages, la pêche était la principale source de revenus ou de moyens d’existence. Le fait qu’ils aient enregistré les pertes les plus importantes alors qu’ils ne représentaient qu’une faible part des ménages aux Tonga indique qu’ils ont été fortement touchés. De plus, du point de vue de la sécurité alimentaire, le poisson et les autres produits comestibles de la mer représentent respectivement 10 pour cent, 11 pour cent et 13 pour cent des dépenses alimentaires globales dans les divisions de ‘Eua, de Tongatapu et de Ha’apai, d’après l’enquête sur les revenus et les dépenses des ménages de 2015-2016136. Quelque 10 pour cent des dépenses totales en poisson et autres produits comestibles de la mer sont couvertes par des activités de subsistance, c’est-à-dire les activités de pêche des ménages. De manière générale, la disponibilité et la consommation de poisson et d’autres produits comestibles de la mer revêtent une importance cruciale pour la sécurité alimentaire et la nutrition de la plupart des ménages aux Tonga.
L’aquaculture et la mariculture ont enregistré des pertes estimées à 1,3 million de dollars, soit environ 18,2 pour cent des pertes totales. Pour ces activités, les pertes économiques étaient les plus importantes, du fait de la perte de stocks exploitables. Les plus grandes pertes économiques ont été constatées dans la pêche commerciale nationale. Heureusement, le stock de géniteurs n’a subi que très peu de dommages, car les Tonga ont opté pour une approche de capture avec remise à l’eau pour les intrants et moyens de reproduction. Cependant, on ne dispose pas d’informations sur les incidences sur l’environnement marin dans lequel les géniteurs sont capturés en vue de la récolte de frai pour les fermes aquacoles. Si l’on exclut la production de poissons d’ornement tropicaux, toutes les pertes ont été enregistrées dans des fermes et des projets pilotes. Les pertes économiques importantes dans les élevages d’holothuries sont dues à la perte de 6 000 holothuries de sable matures, prêtes à être récoltées, en raison du tsunami.