Le nombre de conflits armés actifsag n’a jamais été aussi élevé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Chacune des années écoulées depuis 2015 a été le théâtre de plus de 50 conflits armés, leur nombre atteignant 54 en 2019193 et 56 en 2020ah. L’inclusion des conflits armés, en tant qu’aléa sociétal, dans la classification des dangers établie par le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes et le Conseil international des sciences constitue une réponse aux appels lancés en faveur d’une cohérence accrue entre les agendas de la réduction des risques de catastrophe, du changement climatique et de l’action humanitaire194. Si le risque de conflit armé n’entre pas dans le champ d’application du Cadre de Sendai 2015-2030, il convient toutefois d’examiner de plus près les interactions entre les conflits et les risques de catastrophe, particulièrement en ce qui concerne les dommages et les pertes. Ces crises dans lesquelles s’entremêlent conflits et risques de catastrophe constituent un exemple de ce qu’il est de plus en plus courant d’appeler les «polycrises»195. Toutes choses étant égales par ailleurs, ces crises peuvent avoir des retombées beaucoup plus larges que celles d’un phénomène dangereux isolé, leur impact allant en s’amplifiant et en se démultipliant en cascade sur l’agriculture et les secteurs dont celle-ci dépend196.
L’examen à mi-parcours de la mise en œuvre du Cadre de Sendai 2015-2030 réalisé en 2023 révèle que les États membres «considèrent souvent les conflits, la violence et l’instabilité comme étant indissociables d’autres types de risque lorsqu’ils réfléchissent aux moyens de renforcer la résilience, percevant ces facteurs à la fois comme des catalyseurs de vulnérabilité et comme des aléas en soi»197. Le rapport observe par ailleurs «des avancées dans la compréhension globale de la nature systémique du risque en situation de crise prolongée»198, ce qui contribue à la mise en œuvre de la priorité n° 1 du cadre.
De plus en plus de stratégies et de plans nationaux, régionaux et sectoriels de réduction des risques de catastropheai prennent en compte les aléas sociétaux. Par exemple, le projet de stratégie nationale de la République centrafricaine évoque explicitement les conflits armés, et la stratégie nationale de réduction des risques de catastrophe de l’Iraq aborde la gestion des risques liés aux vestiges toxiques et non toxiques de la guerre, en plus des risques associés aux inondations et aux sécheresses. La stratégie nationale de réduction des risques de catastrophe de l’Afghanistan présente les conflits comme des facteurs qui fragilisent les mécanismes d’adaptation et exercent un rôle moteur dans la dégradation des services publics et des infrastructures. La politique et la stratégie nationales de gestion des déplacements internes du Mozambique répondent à l’objectif B du Cadre de Sendai et couvrent les déplacements dus aux aléas climatiques et aux conflits, en accordant une attention cruciale au renforcement de la résilience, à la mise au jour de solutions durables et à la prévention des risques199.
Les travaux de recherche sur les relations entre les conflits armés et les catastrophes se répartissent globalement en deux catégories: certains étudient les effets des conflits armés sur les risques de catastrophe, et d’autres l’influence des catastrophes sur la dynamique des conflits armés. S’agissant de la première catégorie, les travaux de recherche montrent que de nouveaux risques de catastrophe peuvent se manifester par des canaux divers et cumulatifs qui ne sont ni linéaires ni homogènes et qui influencent l’exposition, la vulnérabilité et les capacités de réaction. À cet égard, les conflits peuvent rendre les sociétés plus vulnérables aux catastrophes, car les infrastructures sont détruites, la pauvreté s’accroît et les investissements à long terme dans la réduction des risques de catastrophe ne sont plus jugés importants, ou bien ne peuvent être financés. Ils peuvent également entraîner une situation de chaos et/ou une dégradation des moyens d’existence et ainsi créer un terrain favorable à l’adoption de pratiques agricoles non durables qui concourent à l’augmentation des risques de catastrophe. Inversement, des données attestent que les conflits peuvent renforcer les capacités de réaction locales200. À titre d’exemple, une étude récente sur les réfugiés Rohingya a examiné les modalités selon lesquelles des stratégies d’adaptation avaient été élaborées et adoptées, tant au niveau individuel que collectif, dans le camp de réfugiés Rohingya de Kutupalong (Bangladesh)201. Par ailleurs, dans la mesure où les conflits armés restreignent l’accès à la terre, occasionnent des déplacements de population et perturbent l’accès aux soins de santé et aux systèmes de protection sociale, il faut garder à l’esprit les implications plus vastes qu’ils peuvent avoir sur le plan des dommages et des pertes.
Selon certains analystes202, il y a davantage de chances qu’un conflit armé civil débouche sur un cessez-le-feu et des négociations à la suite d’une catastrophe, laissant penser que les catastrophes pourraient exercer un effet de désescalade, fût-il temporaire. Cet effet pourrait s’expliquer par l’élan de solidarité locale et nationale engendré par la catastrophe, par le souhait des combattants de projeter une image positive ou par l’impact déstabilisateur de la catastrophe sur le fonctionnement des groupes armés, y compris la limitation de leurs déplacements. On suppose que tel a été le cas lorsque le Gouvernement indonésien et les guérilleros indépendantistes d’Aceh ont signé un accord de paix global et durable quelques mois seulement après le tsunami de 2004203.
Cependant, les catastrophes peuvent également déclencher un conflit ou prolonger un conflit existant, notamment lorsqu’elles entraînent une pénurie de ressources204. Par exemple, le tsunami de 2004 a aussi eu des répercussions à Sri Lanka. Dans ce cas précis, le conflit armé s’est intensifié, peut-être en raison de l’augmentation des apports d’aide. D’un point de vue général, il ressort d’un examen de la littérature sur les liens entre le climat et les conflits effectué en 2019205 que même si la variabilité, les aléas et les tendances climatiques ont un impact sur les conflits armés dans les pays, cette relation est relativement faible en comparaison du rôle d’autres facteurs de conflit.
Soulignant l’importance des différences contextuelles et locales dans l’influence que les catastrophes peuvent exercer sur la dynamique des conflits, von Uexkull et al. observent, dans une étude approfondie portant sur l’Afrique et l’Asie206, que dans les pays très pauvres, la sécheresse locale augmente la probabilité que la violence sévisse durablement parmi les groupes tributaires de l’agriculture et les groupes politiquement exclus. Par ailleurs, des études de cas indiquent que les inondations de 2010 au Pakistan ont permis aux groupes islamistes de recruter plus facilement en raison de leur promptitude à fournir une assistance humanitaire et au manque perçu d’appui de la part du gouvernement, situation qui leur a permis d’intensifier le conflit armé207, même si cette conclusion est contestée par d’autres auteurs.
Une analyse comparative qualitative récente portant sur 36 catastrophes majeuresaj constate que celles-ci ont eu un impact sur la dynamique des conflits armés dans 50 pour cent des cas, leurs effets se répartissant à parts égales entre escalade et désescalade. Le degré de vulnérabilité aux catastrophes et le fait que la catastrophe ait eu un profond impact sur au moins un des protagonistes du conflit armé sont les deux facteurs contextuels déterminants. Tobias note ceci: «Il y a escalade des conflits armés dans les cas suivants: soit lorsque le groupe rebelle renforce son pouvoir vis-à-vis du gouvernement au cours de la catastrophe, soit lorsque le groupe rebelle intensifie ses activités en réaction aux doléances exprimées par la population touchée par la catastrophe, et que le gouvernement, suffisamment fort, riposte. Les catastrophes facilitent la désescalade des conflits armés lorsqu’elles affaiblissent au moins l’un des protagonistes du conflit, et que l’autre n’est pas en mesure de tirer parti de cet affaiblissement.»208
Le contexte géopolitique général a une incidence sur le fonctionnement des systèmes alimentaires, en ce sens qu’il influe fréquemment sur la configuration des conflits armés au niveau local, en parallèle aux effets de nature plus macroéconomique qu’il exerce sur les flux commerciaux en raison de l’interconnectivité du commerce mondial et de la manipulation qui peut en être faite à des fins politiques. De prévisibles, les systèmes alimentaires ont tendance à devenir instables et volatiles lorsque les conflits les soumettent à des tensions répétées. Les chaînes d’approvisionnement alimentaire sont capables de fonctionner pendant des conflits de longue durée, comme au Yémen, où les importateurs de denrées alimentaires de chaque bord ont adopté des méthodes opérationnelles dynamiques dans un environnement complexe et politisé. Ce mode de fonctionnement a néanmoins un coût. Ainsi, les prix des denrées alimentaires au Yémen ont-ils doublé entre 2015 et 2019, et poursuivi leur hausse depuis209.
Les travaux de recherche donnent des résultats disparates, tant en ce qui concerne l’influence des conflits armés sur le risque de catastrophe que l’influence des catastrophes sur la dynamique des conflits armés. Sur ce dernier point, il semble que les catastrophes puissent avoir une influence sur la dynamique des conflits dans certaines circonstances particulières, cette influence pouvant être positive ou négative.
Les évaluations de l’impact des conflits armés sur l’agriculture intègrent les dégâts liés à l’endommagement et à la destruction du matériel et des infrastructures, ainsi que la perte de moyens de production, par exemple la perte de bétail. Il y a cependant d’autres conséquences sur l’agriculture qui ont des effets à plus long terme, liés notamment aux déplacements forcés et à la disponibilité de la main-d’œuvre agricole. Des outils et des orientations ont été élaborés afin d’adapter les évaluations des besoins après des catastrophes à des environnements opérationnels complexes, notamment en cas de conflit armé. Dans le cadre d’une initiative conjointe menée sous la direction du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Banque mondiale, les Nations Unies et l’Union européenne ont élaboré un guide sur la conduite d’évaluations des besoins après des catastrophes dans les situations de conflit (Guidance for PDNA in Conflict Situations211), qui montre comment intégrer les conflits dans les évaluations des besoins après des catastrophes, sur fond de prise de conscience croissante des liens existant entre les conflits et les catastrophes. Ce guide explique comment s’assurer que les activités et les interventions mises en place à la suite d’une catastrophe ne viennent pas alimenter la dynamique d’un conflit210. S’il n’a pas pour objet d’analyser en détail les liens entre les conflits et les catastrophes, ce guide montre en quoi la réflexion sur ces questions évolue et gagne en maturité.
En fait, il n’existe pas, pour l’instant, de cadre conceptuel et analytique global qui permette de formuler et analyser toutes les interactions pertinentes. Au-delà des éléments qui figurent dans le document Guidance for PDNA in Conflict Situations211, il reste encore beaucoup d’aspects à aborder. Il est recommandé de s’atteler à l’élaboration d’un tel cadre, qui sera l’une des prochaines étapes dans l’amélioration de la réflexion sur les évaluations après catastrophe et la réduction des risques de catastrophe dans les contextes de conflit armé. L’évaluation des dommages et des pertes sur le terrain se heurte à des problèmes d’accessibilité de plus en plus aigus. Les progrès réalisés dans le domaine de la télédétection, notamment l’amélioration de la fréquence d’acquisition des images, la forte augmentation de la quantité d’images à haute résolution disponibles et les avancées majeures en termes de rapidité de traitement et d’interprétation, peuvent faciliter la quantification des dommages et des pertes infligés au secteur agricole dans les situations de conflit armé. Désormais, il existe des techniques qui permettent non seulement de comprendre l’impact des conflits sur l’accès aux terres et les modes d’utilisation des terres, mais aussi d’obtenir des informations sur les différents types de culture et des estimations précises sur le bétail.
Il est essentiel d’investir davantage dans la lutte contre les risques de catastrophe sous-jacents pour renforcer la résilience, et ces investissements devraient être intégrés dans les interventions humanitaires et l’action en faveur du développement. Les activités de préparation à l’intervention et à la «reconstruction en mieux» doivent prendre en compte les aléas multiples auxquels une localité peut être confrontée, notamment les aléas superposés ou cumulatifs, tels que les conflits armés et les aléas naturels, dont l’impact global peut être plus important que les effets produits par des aléas isolés212.
Ces dernières décennies, les sécheresses récurrentes, l’insécurité alimentaire et le risque de famine qui en découle ont formé un cycle dévastateur et de plus en plus intenable en Somalie. Et depuis que la guerre civile a éclaté en 1991, ces problèmes sont encore plus ravageurs qu’auparavant. Entre la famine de 2011 et la grande sécheresse de 2016-2017, on estime que 4,5 milliards de dollars environ ont été consacrés à des interventions d’urgence vitalesak. La confluence de facteurs qui fait subir à la Somalie des situations d’urgence récurrentes – notamment les conflits à plusieurs niveaux, la pauvreté et les déplacements de population – rend le calcul des dommages et des pertes extrêmement complexe. Une évaluation multisectorielle des dommages et des pertes a été réalisée en 2017 sous la coordination générale du PNUD, de la Banque mondiale, de l’Union européenne et du Gouvernement somalien. Cette évaluation de l’impact et des besoins liés à la sécheresse en Somalie (Somalia Drought Impact and Needs Assessment ou «DINA») a permis d’estimer les dommages et les pertes causés par la sécheresse ainsi que les besoins en termes de remise en état et de résilience. Son objectif était de fournir au gouvernement les informations essentielles dont il avait besoin pour s’acquitter de l’obligation qui lui incombait de conduire le pays vers le redressement après la sécheresse. L’évaluation DINA devait également permettre de formuler des recommandations sur les mesures requises pour que la Somalie puisse sortir de la perpétuelle logique de réaction à l’urgence pour entrer dans une phase de redressement et, in fine, s’engager sur la voie d’un développement résilient.
Les résultats d’ensemble de l’évaluation DINA indiquent que les dommages et les pertes subis par le secteur agricole (cultures pluviales et irriguées, élevage et pêche) s’élèvent au total à un tout petit peu moins de 2 milliards de dollars. Comme dans d’autres contextes de sécheresse, l’impact le plus important a été le volume de pertes agricoles, qui a atteint 1,5 milliard de dollars, soit 68 pour cent des pertes totales tous secteurs confondus. Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure la situation d’instabilité prolongée que connaissait le pays a joué un rôle dans le niveau des pertes et des dommages agricoles observé. Ce facteur n’a jamais été quantifié dans l’évaluation DINA. On a toutefois constaté que la situation en matière de sécurité avait joué un rôle déterminant dans la dégradation des terrains de parcours, la déforestation massive et la détérioration des infrastructures agricoles, en particulier des systèmes d’irrigation, d’où son impact sur le niveau global des dommages et des pertes dans ce secteur.
Avant le début de la crise en 2011, la République arabe syrienne était le seul pays de la région à être autosuffisant en matière de production alimentaire, notamment pour les produits agricoles de base tels que le blé et l’orge. Le pays était devenu un exportateur régional, avant qu’une grande sécheresse, en 2008-2009, ne l’oblige à importer pour la première fois depuis de nombreuses années de grandes quantités de blé. Dans les années avant 2011, la République arabe syrienne avait enregistré de meilleurs rendements à la faveur d’une amélioration des pratiques de gestion des terres et des cultures, ce qui lui avait permis de conquérir d’importants marchés dans les pays voisins et dans le Golfe. Le pays disposait en outre d’énormes réserves stratégiques de blé, qui constituaient la pierre angulaire de la politique du parti Baas en matière de sécurité alimentaire, axée sur l’autosuffisance.
Peu de temps après le début des soulèvements en 2011, le pays s’est enfoncé dans un bourbier de conflits complexes. Cinq années plus tard, la FAO a réalisé une évaluation détaillée des dommages et des pertes pour comprendre les conséquences qu’avait eues une demi-décennie de conflit armé sur le secteur agricole. Cette évaluation des dommages, des pertes et des besoins en République arabe syrienne (Syrian Arab Republic Damage, Loss and Needs Assessment ou «DLNA») a été réalisée en 2016-2017 dans le but de quantifier l’impact du conflit, d’examiner ses effets sur les moyens d’existence et de déterminer les priorités en termes de redressement.
L’évaluation a conclu que les cinq premières années de crise avaient causé 16 milliards de dollars de dommages dans le secteur agricole, soit un tiers du PIB syrien en 2016. Comme en Somalie, les conséquences financières les plus importantes ont été celles liées aux pertes (9,21 milliards de dollars), même si les dommages subis par le pays se sont chiffrés à hauteur de 6,83 milliards de dollars, soit 75 pour cent du montant des pertes – contre 33 pour cent dans le cas de la Somalie. Cela s’explique par le fait que les actifs et infrastructures agricoles ont subi des dommages et des destructions considérables, directement imputables au conflit armé. L’impact du conflit sur l’agriculture a donc été très direct en République arabe syrienne, alors qu’il était indirect en Somalie.
L’étude de cas sur l’Ukraine illustre l’ampleur des répercussions du conflit armé sur la production agricole et la sécurité alimentaire dans le pays, ainsi que ses ramifications mondiales. L’Ukraine est l’un des principaux producteurs et exportateurs de denrées agricoles au monde et joue un rôle essentiel dans l’approvisionnement des marchés mondiaux en graines oléagineuses et en céréales. Toutefois, la guerre en Ukraine a eu de lourdes conséquences sur la production. Avant la guerre, l’agriculture était l’un des principaux piliers de l’économie ukrainienne, contribuant à 10 pour cent du PIB, employant 14 pour cent de la population active et générant 24 pour cent des exportations totales du pays213,214,215.
Les données présentées ci-après concernant l’impact du conflit armé sont le fruit d’évaluations menées entre septembre et octobre 2022 dans 22 oblasts216, qui estiment à près de 2,3 milliards de dollars le montant des dommages et des pertes infligés aux ménages ruraux, aux éleveurs de bétail, aux pêcheurs et aux aquaculteurs par la guerre.
En moyenne, 25 pour cent de la population rurale a interrompu ou réduit sa production agricole. Cela dit, le long de la ligne de front, ce sont plus de 38 pour cent des personnes interrogées qui ont déclaré avoir cessé leur activité agricole. Au nombre des facteurs qui ont limité ou interrompu la production agricole figurent les dommages causés aux équipements et infrastructures de production (cités par 5 pour cent des ménages interrogés), une augmentation moyenne de 25 pour cent des coûts de production nationaux, un accès limité aux services financiers nécessaires pour acheter des intrants, et la contamination des terres par des mines et des engins non explosésal. Par ailleurs, une installation de stockage des récoltes sur six (15,7 pour cent) a été touchée par le conflit armé depuis le début des hostilités en février 2022217. Les chiffres ci-dessous donnent une ventilation des dommages et des pertes dans les sous-secteurs des cultures et de l’élevage. Durant les huit premiers mois de la guerre en 2022, le secteur de la pêche et de l’aquaculture en Ukraine a subi des dommages à hauteur de 4,97 millions de dollars, tandis que le montant des pertes (modifications des flux financiers) s’est élevé à 16,6 millions de dollars, soit 63 pour cent de la production annuelle totale du secteur aquacole ukrainien (34 millions de dollars).
Dans la mesure où elle ne couvre que les huit premiers mois de la guerre en Ukraine, l’analyse ne prend pas en compte les dommages provoqués par la destruction du barrage de Kakhovka. Le réservoir de Kakhovka et le système fluvial du Dnipro dans son ensemble sont la première source d’eau à usage agricole de la région. Au moment de la rédaction du présent document, l’évaluation des besoins post-catastrophe n’était pas terminée. Ces estimations des dommages et des pertes sont susceptibles d’augmenter de manière significative en fonction de l’évolution du conflit armé et du montant des aides au redressement qui seront versées au secteur agricole et aux sous-secteurs connexes en réponse à la guerre.
L’Ukraine est exposée à toute une série d’aléas qui peuvent retentir sur le secteur agricole, notamment des aléas naturels tels que les inondations, les sécheresses, les glissements de terrain et les tempêtes, ainsi que des aléas technologiques et biologiques. Si l’un de ces aléas venait à se manifester en même temps que le conflit armé, l’agriculture mondiale pourrait subir de nouveaux chocs, ce qui aggraverait le risque de catastrophe systémique. L’impact environnemental de la guerre elle-même engendre également d’importants risques de catastrophe à long terme, notamment en raison des dommages causés aux sites industriels chimiques, qui peuvent entraîner des dangers écologiques immédiats et à plus long terme218. Pour renforcer la résilience du secteur agricole ukrainien, les opérations de redressement devront tenir compte des risques, et la stratégie consistant à «reconstruire en mieux» pourrait induire des coûts supplémentaires qui ne sont pas pris en considération dans l’évaluation des besoins post-catastrophe.